Le 2e Sexe PDF
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Simone de Beauvoir
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Ce document est un extrait du livre "Le Deuxième Sexe" par Simone de Beauvoir. L'extrait explore l'impact de la société et l'éducation dans la construction de l'identité de genre. L'auteure souligne l'importance de l'influence sociale sur le développement de la féminité et de la masculinité.
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On ne naît pas femme : on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que r au sein de la société la femelle humaine ; c'est l'ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire e le mâle et le castrat qu'on qualifie de féminin. Seule la médiation d'...
On ne naît pas femme : on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que r au sein de la société la femelle humaine ; c'est l'ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire e le mâle et le castrat qu'on qualifie de féminin. Seule la médiation d'autrui peut constituer un individu comme un Autre. En tant qu'il existe pour soi, l'enfant ne saurait se saisir comme sexuellement différencié. Chez les filles et garçons, le corps est d'abord le rayonnement d'une subjectivité, l'instrument qui effectue la compréhension du m c'est à travers les yeux, les mains, non par les parties sexuelles qu'ils appréhendent l'univers. Le drame de la naissance, celui du sevrage se déroulent de la même manière pour les nourrissons des deux sexes ; ils ont les mê intérêts et les mêmes plaisirs ; la succion est d'abord la source de leurs sensations les plus agréables ; puis ils pas par une phase anale où ils tirent leurs plus grandes satisfactions des fonctions excrétoires qui leur sont commune leur développement génital est analogue ; ils explorent leur corps avec la même curiosité et la même indifférence clitoris et du pénis ils tirent un même plaisir incertain ; dans la mesure où déjà leur sensibilité s'objective, elle se tourne vers la mère : c'est la chair féminine douce, lisse élastique qui suscite des désirs sexuels et ces désirs sont préhensifs ; c'est d'une manière agressive que la fille, comme le garçon, embrasse sa mère, la palpe, la caresse ; i la même jalousie s'il naît un nouvel enfant ; ils la manifestent par les mêmes conduites : colères, bouderie, troubl urinaires ; ils recourent aux mêmes coquetteries pour capter l'amour des adultes. Jusqu'à douze ans la fillette est robuste que ses frères, elle manifeste les mêmes capacités intellectuelles ; il n'y a aucun domaine où il lui soit int de rivaliser avec eux. Si, bien avant la puberté, et parfois même dès sa toute petite enfance, elle nous apparaît dé comme sexuellement spécifiée, ce n'est pas que de mystérieux instincts immédiatement la vouent à la passivité, coquetterie, à la maternité : c'est que l'intervention d'autrui dans la vie de l'enfant est presque originelle et que dè premières années sa vocation lui est impérieusement insufflée. Fille ou garçon C'est ici que les petites filles vont d'abord apparaître comme privilégiées. Un second sevrage, moins brutal, plus que le premier, soustrait le corps de la mère aux étreintes de l'enfant ; mais c'est aux garçons surtout qu'on refuse à peu baisers et caresses ; quant à la fillette, on continue à la cajoler, on lui permet de vivre dans les jupes de sa m le père la prend sur ses genoux et flatte ses cheveux ; on l'habille avec des robes douces comme des baisers, on e indulgent à ses larmes et à ses caprices, on la coiffe avec soin, on s'amuse de ses mines et de ses coquetteries : de contacts charnels et des regards complaisants la protègent contre l'angoisse de la solitude. Au petit garçon, au contraire, on va interdire même la coquetterie, ses manoeuvres de séduction, ses comédies agacent. « Un homme demande pas qu'on l'embrasse... Un homme ne se regarde pas dans les glaces... Un homme ne pleure pas », lui d On veut qu'il soit « un petit homme » ; c'est en s'affranchissant des adultes qu'il obtiendra leur suffrage. Il plaira e paraissant pas chercher à plaire. Beaucoup de garçons, effrayés de la dure indépendance à laquelle on les condamne, souhaitent alors être des fill au temps où on les habillait d'abord comme elles, c'est souvent avec des larmes qu'ils abandonnaient la robe pou pantalon, qu'ils voyaient couper leurs boucles. Certains choisissent obstinément la féminité, ce qui est une des manières de s'orienter vers l'homosexualité : « Je souhaitai passionnément d'être fille et je poussai l'inconscience grandeur d'être homme jusqu'à prétendre pisser assis », raconte Maurice Sachs. Cependant si le garçon appar d'abord comme moins favorisé que ses soeurs, c'est qu'on a sur lui de plus grands desseins. Les exigences auxqu on le soumet impliquent immédiatement une valorisation. Dans ses souvenirs Maurras raconte qu'il était jaloux d cadet que sa mère et sa grand-mère cajolaient : son père le saisit par la main et l'emmena hors de la chambre : « N sommes des hommes ; laissons ces femmes », lui dit-il. On persuade l'enfant que c'est à cause de la supériorité d garçons qu'il leur est demandé davantage ; pour l'encourager dans le chemin difficile qui est le sien, on lui insuff l'orgueil de sa virilité ; [...] L'influence de l'éducation [...] En vérité, l'influence de l'éducation et de l'entourage est ici immense. Tous les enfants essaient de compense séparation du sevrage par des conduites de séduction et de parade ; on oblige le garçon à dépasser ce stade, on le délivre de son narcissisme en le fixant sur son pénis ; tandis que la fillette est confirmée dans cette tendance à se objet qui est commune à tous les enfants. La poupée l'y aide, mais elle n'a pas non plus un rôle déterminant ; le g aussi peut chérir un ours, un polichinelle en qui il se projette ; c'est dans la forme globale de leur vie que chaque facteur : pénis, poupée, prend son poids. Ainsi, la passivité qui caractérisera essentiellement la femme « féminine » est un trait qui se développe en elle dè premières années. Mais il est faux de prétendre que c'est là une donnée biologique ; en vérité, c'est un destin qui est imposé par ses éducateurs et par la société. L'immense chance du garçon, c'est que sa manière d'exister pour l'encourage à se poser pour soi. Il fait l'apprentissage de son existence comme libre mouvement vers le monde ; i rivalise de dureté et d'indépendance avec les autres garçons, il méprise les filles. Grimpant aux arbres, se battant des camarades, les affrontant dans des jeux violents, il saisit son corps comme un moyen de dominer la nature et instrument de combat ; il s'enorgueillit de ses muscles comme de son sexe ; à travers jeux, sports, luttes, défis, épreuves, il trouve un emploi équilibré de ses forces ; en même temps, il connaît les leçons sévères de la violenc apprend à encaisser les coups, à mépriser la douleur, à refuser les larmes du premier âge. Il entreprend, il invente ose. Certes, il s'éprouve aussi comme « pour autrui », il met en question sa virilité et il s'ensuit par rapport aux ad et aux camarades bien des problèmes. Mais ce qui est très important, c'est qu'il n'y a pas d'opposition fondament entre le souci de cette figure objective qui est sienne et sa volonté de s'affirmer dans des projets concrets. C'est e faisant qu'il se fait être, d'un seul mouvement. Au contraire, chez la femme il y a, au départ, un conflit entre son existence autonome et son « être-autre » ; on lui apprend que pour plaire il faut chercher à plaire, il faut se faire o elle doit donc renoncer à son autonomie. On la traite comme une poupée vivante et on lui refuse la liberté ; ainsi noue un cercle vicieux ; car moins elle exercera sa liberté pour comprendre, saisir et découvrir le monde qui l'en moins elle trouvera en lui de ressources, moins elle osera s'affirmer comme sujet ; si on l'y encourageait, elle pou manifester la même exubérance vivante, la même curiosité, le même esprit d'initiative, la même hardiesse qu'un garçon. C'est ce qui arrive parfois quand on lui donne une formation virile ; beaucoup de problèmes lui sont alor épargnés. Il est intéressant de noter que c'est là le genre d'éducation qu'un père dispense volontiers à sa fille ; femmes élevées par un homme échappent en grande partie aux tares de la féminité. Mais les moeurs s'opposent à qu'on traite les filles tout à fait comme des garçons.