Histoire et Civilisation Coréenne PDF
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Ce document traite de l'histoire et de la civilisation coréenne, abordant des sujets tels que l'influence culturelle de la Corée du Sud, le miracle économique, la transition démocratique et le chamanisme. Il explore les évolutions historiques et culturelles du pays, en particulier dans les années 1990, et présente des informations sur les K-Dramas et la K-pop.
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- Histoire et civilisation coréenne - - Introduction - La 한류 (Hallyu, ou "vague coréenne") désigne l'expansion rapide de l'influence culturelle de la Corée du Sud, portée par des éléments tels que la K-Pop, les K-Dramas, ou encore la K-Food....
- Histoire et civilisation coréenne - - Introduction - La 한류 (Hallyu, ou "vague coréenne") désigne l'expansion rapide de l'influence culturelle de la Corée du Sud, portée par des éléments tels que la K-Pop, les K-Dramas, ou encore la K-Food. Ce phénomène a contribué à transformer l'image de la Corée à l'étranger, en présentant une version idéalisée et harmonieuse de sa culture. Cette approche, combinant soft power et valorisation esthétique, peut également être qualifiée de "sweet power". Dans un premier temps, la 한류 a aussi servi de moyen pour les Coréens de renouer avec leur propre histoire et leurs traditions. Revenir aux origines de ce mouvement est essentiel pour mieux comprendre et promouvoir la richesse de la culture coréenne. La vague de la 한류 (Hallyu) a émergé dans les années 1990, dans un contexte marqué par les crises financières frappant plusieurs pays asiatiques. Jusqu'à cette période, la Corée du Sud avait été sous régime dictatorial, mais un tournant démocratique s’est opéré à l’occasion des Jeux olympiques de 1988. Ce moment historique a coïncidé avec les premières élections présidentielles démocratiques du pays. Le 29 juin 1987, 노태우 (Roh Tae-woo), candidat à la présidence du parti au pouvoir, a annoncé qu'il répondrait à la demande populaire de démocratisation et instaurerait l'élection directe du président. En décembre de la même année, il a été élu pour un mandat de cinq ans, prenant officiellement ses fonctions en février 1988. Cette transition démocratique s'est poursuivie avec l'élection de 김영삼 (Kim Young-sam), un démocrate, en 1992, qui est devenu le deuxième président démocratiquement élu de la Corée du Sud. À cette époque, la Corée du Sud émerge du "miracle économique" réalisé après la guerre de Corée (1950-1953). Au Nord, le pays est complètement ravagé. Les bombardements américains au napalm ont causé d’immenses destructions et des souffrances humaines considérables : on estime qu'il y a eu autant de bombes larguées sur la Corée du Nord que pendant toute la durée de la guerre du Pacifique. Au Sud, sous la dictature de 박정희 (Park Chung-hee), une reconstruction massive a été entamée. En 1977, la Corée du Sud restait encore largement rurale, avec des chemins de terre et des rizières, mais grâce à une génération de travailleurs acharnés, le pays a pu se relever économiquement. Ce sont ces efforts qui ont permis à la Corée de réaliser son "miracle économique", transformant un pays en développement en une économie émergente prospère. Cependant, cette génération, qui a tant contribué à la reconstruction, fait aujourd'hui face aux conséquences des changements rapides de la société. Les transformations économiques et sociales, combinées à une montée du chômage, ont profondément affecté ces individus qui avaient sacrifié beaucoup pour l’avenir du pays. Au lendemain de la guerre de Corée, les présidents sud-coréens 김영삼 (Kim Young-sam) et 김대중 (Kim Dae-jung) ont eu pour ambition d'exporter la culture coréenne à l'échelle internationale. Cette stratégie culturelle ne se limitait pas à un simple rayonnement extérieur ; elle a également permis aux Coréens de mener une réflexion sur leur propre histoire et de mieux accepter leur culture. À cette époque, la Corée du Sud se trouvait parmi les pays les plus pauvres du monde. Aujourd'hui, cependant, elle figure parmi les grandes puissances économiques mondiales. Dans les années 1990, la Corée a connu une période de prospérité marquée par le développement du secteur du divertissement. Par exemple, les PC 팡 (cafés internet), largement fréquentés par les hommes, ont gagné en popularité, devenant un élément central des loisirs. Parallèlement, des figures emblématiques comme 박세리 (Park Se-ri), star montante du golf, ont permis à des activités jusque-là marginales de s’imposer sur la scène nationale et internationale. On observe que les efforts investis dans l’expansion culturelle coréenne, qui ont porté des fruits comme la 한류, reposent sur des stratégies similaires à celles qui ont été déployées pour des secteurs industriels majeurs tels que l’automobile. Ces stratégies allient innovation, promotion agressive et mise en avant d'un savoir-faire unique, contribuant à la montée en puissance globale du pays. - I – Peuple unique, langue/écriture et chamanisme - 1- Peuple unique Les K-Dramas, ou dramas coréens, occupent une place de choix sur la scène audiovisuelle mondiale. La Corée du Sud est aujourd'hui l'un des plus grands producteurs de séries télévisées, se plaçant juste derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et la Turquie. Un exemple marquant de ce succès international est Squid Game, qui détient le record du meilleur démarrage de l’histoire de Netflix. Ce drama a non seulement attiré une audience massive à travers le monde, mais a également renforcé la position des K-Dramas comme un élément clé de la 한류 (Hallyu). A l’étranger, c’est un véritable succès. Les dramas coréens reflètent une vision idéalistes et des relations et de l’histoire de Corée. Ils s’adressent à tous, avec très peu de scènes violentes, ce qui permet leurs diffusions dans le monde entier. C’est aussi un succès grâce au fait qu’ils sont en mesure de toucher le public international avec des sujets tabous comme l’armée, l’autisme, le harcèlement, le suicide ou encore les problèmes psychiatriques. En effet, tous ces concepts sont familiers avec la culture coréenne. En Corée, il est important de s’associer au groupe et de suivre les mêmes tendances que les autres. Si vous ne correspondez pas au critère du groupe, vous serez très rapidement exclu de la société coréenne. En coréen, l’expression « 우리(Uri), signifiant « nous » est très fréquemment utilisée pour parler de ses biens. Quand on parle de sa maison, on dit généralement « 우리 집 ». On associe donc cette expression à l’idée de regroupement et de collectivité. La K-Pop, véritable moteur de la 한류 (Hallyu), joue un rôle central dans l'expansion de la culture coréenne à l'échelle mondiale. Les paroles des chansons de K-Pop abordent souvent des thématiques sensibles et profondément enracinées dans la société coréenne, ce qui leur confère une résonance particulière auprès du public local et international. Sous la dictature de 박정희 (Park Chung-hee), les priorités étaient bien différentes : il n'y avait ni temps ni espace pour la musique ou les loisirs. Après les cours, les étudiants étaient majoritairement focalisés sur leurs examens, reflet d'une société orientée vers l'excellence académique. Cependant, avec l'arrivée de la démocratie et sous l’impulsion de figures comme 김대중 (Kim Dae-jung), l’idée d’élever la Corée du Sud sur la scène culturelle mondiale est née, notamment à travers la création de groupes de K-Pop destinés à devenir les meilleurs au monde. Pour concrétiser cet objectif, des écoles spécialisées ont été mises en place. Les établissements scolaires devaient repérer les élèves qui montraient un sens artistique et répondaient aux critères physiques, car l'apparence jouait un rôle essentiel. Ces jeunes étaient ensuite inscrits dans les premières écoles de K-Pop, où une sélection extrêmement rigoureuse s’opérait. Les futurs groupes étaient formés en sélectionnant méthodiquement des individus talentueux et adaptés à une dynamique de groupe harmonieuse. Ce système rappelle celui des 기생 (gi saeng), les courtisanes lettrées de l'époque Joseon. Ces femmes, qui étaient éduquées dans les arts, étaient choisies pour leurs talents et leur apparence. Tout comme les gi saeng, la K-Pop repose sur une recherche méticuleuse des talents, parfois jusque dans les régions rurales, pour former des artistes destinés à briller sur la scène nationale et internationale. Enfin, en Corée, la punition, qu'elle soit sociale ou éducative, est souvent liée à une forme d'humiliation publique, un mécanisme profondément ancré dans la culture. Ce phénomène est particulièrement visible dans des situations de harcèlement scolaire ou professionnel. L'humiliation agit comme un moyen de sanction qui vise à corriger un comportement en renforçant le poids de la honte collective. Cependant, cette pratique n’est pas sans conséquences. Elle contribue à entretenir un cycle où le harcèlement et la pression sociale se perpétuent à travers les générations. Les individus ayant subi ce type de punition reproduisent parfois ces comportements, perpétuant un climat de pression intense dans les écoles, les entreprises et même au sein des dynamiques familiales. Ce cycle récurrent reflète les tensions sociales et culturelles d’une société où la réussite collective prime souvent sur le bien-être individuel. La K-Food est un autre pilier de la 한류, avec des plats emblématiques comme le kimchi et la street food, qui séduisent un public mondial. La cuisine coréenne s'adapte cependant aux goûts occidentaux pour mieux s'exporter, perdant parfois un peu de son authenticité dans ce processus. L’évolution de la société coréenne influence également les pratiques alimentaires. Le mokbang, où des individus se filment en train de manger seuls devant une caméra, reflète le sentiment de solitude croissant au sein d'une société hyper-compétitive. Paradoxalement, ce phénomène s'oppose à la culture traditionnelle coréenne, axée sur les repas partagés. Par ailleurs, les idéaux de minceur et de beauté, omniprésents, modifient les habitudes alimentaires, les régimes et même la perception de la cuisine. De plus, la K-Beauty, en partie fondée sur la chirurgie esthétique, incarne les standards de beauté en Corée. Les mêmes stéréotypes — visage en forme de V, peau parfaite, grands yeux — sont omniprésents et encouragés par les médias et la publicité. Ces standards, profondément ancrés dans la culture contemporaine, ont des répercussions sociales. Par exemple, dans certains couples, il arrive que la beauté soit source de tensions, avec des craintes que des enfants n’héritent pas de traits jugés « peu attrayants ». Cette obsession pour l’apparence est liée au confucianisme, qui associe l’harmonie extérieure à une beauté intérieure, renforçant ainsi la pression sociale autour de l’esthétique. La vision de la beauté varie aussi entre le Nord et le Sud de la Corée. Dans le Sud, les standards sont souvent façonnés par la mondialisation et les médias, tandis qu’au Nord, la beauté est teintée de propagande, montrant des visages idéalisés qui symbolisent la pureté et la fierté nationale. Les K-Dramas participent à renforcer ces idéaux de beauté, en jouant un rôle de propagande subtile. Ils présentent une image lissée et souvent irréaliste de la société, créant un mythe qui masque les complexités de la vie réelle. Ce contraste entre fiction et réalité révèle les tensions entre le besoin de modernité et les attentes traditionnelles dans la société coréenne contemporaine. Le hanbok, au Sud, et le chosŏ n-ot, au Nord, incarnent le costume traditionnel coréen. Longtemps relégués aux occasions spéciales, ces vêtements sont aujourd’hui valorisés par l’industrie touristique et culturelle, souvent adaptés pour séduire un public occidental. Les versions modernes du hanbok sont souvent réinventées pour être plus élégantes et épurées, répondant ainsi à une esthétique « gracieuse et fine » qui attire tant les touristes que les Coréens eux-mêmes. Cette réinterprétation a entraîné un regain d’intérêt parmi les jeunes générations coréennes, pour qui le port de ce costume est devenu une tendance séduisante, voire une mode. Cependant, cette popularisation s’éloigne de la véritable essence et de l’authenticité du costume coréen traditionnel. Les styles modernisés reflètent davantage une vision idéalisée qu’une représentation fidèle des hanboks portés autrefois. Ce décalage met en lumière une transformation culturelle où les traditions sont revalorisées à travers le prisme du marketing et de la mondialisation. Si ce phénomène rapproche les Coréens de leur héritage, il le fait dans une version remaniée qui s’éloigne de la réalité historique. Notre perception des distances en Corée est souvent faussée. Par exemple, la Corée du Nord, avec une superficie équivalente à celle de l'Écosse plus de 80 % de montagnes, donne l’impression que tout est très proche en raison de la densité et de la configuration géographique de la péninsule. Pyongyang ne situe que à 300 km de Séoul, la plupart des distances sont relativement courtes. La Corée du Nord est souvent décrite comme une forteresse, avec toutes ses installations stratégiques enterrées pour se protéger. Elle compte environ 24 millions d’habitants, tandis que la Corée du Sud, beaucoup plus ouverte et densément peuplée, abrite 52 millions de personnes. Ces différences illustrent les contrastes majeurs entre les deux nations de la péninsule. Derrière le trône des rois de Corée, on trouve un panneau peint, symbole de la monarchie et de l’ordre cosmique. Ce panneau représente souvent les cinq éléments fondamentaux : Soleil (Yang) et lune (Yin), symbolisant l’harmonie et l’équilibre entre les forces opposées. Montagne et pins, incarnant la longévité et la stabilité du royaume. Eau, évoquant la vitalité et la prospérité. Ce décor servait à rappeler la légitimité divine du roi et son rôle de médiateur entre le ciel et la terre. En Corée, l’idée d’une "race" unique et supérieure est profondément ancrée dans la culture et l’histoire. Le Nord comme le Sud relient l’origine des Coréens à 단군(Dangun), une figure mythologique. Il y a des milliers d’années, le ciel était gouverné par Hwan-in, une divinité céleste. Son fils, Hwan-ung, se sentait nostalgique et fatigué de vivre dans le ciel. Il souhaitait descendre sur terre pour y régner. Hwan- in, touché par la demande de son fils, lui permit de descendre dans le monde des hommes. Hwan-ung se rendit donc sur la terre avec trois mille sujets et se fixa dans un montagne située au nord de la péninsule coréenne, aujourd'hui connue sous le nom de Mont Baekdu, qui est situé à la frontière entre la Corée du Nord et la Chine. Lorsqu'il arriva sur cette montagne, il rencontra un ours et un tigre qui y vivaient. Ces deux animaux, en quête de transformation, vinrent le voir et exprimèrent leur désir de devenir humains. Hwan-ung leur expliqua qu’ils devraient accomplir une tâche très difficile pour y parvenir : ils devaient rester dans une grotte, en ne mangeant que de l’ail et de l'armoise, sans consommer d’autres aliments ni voir le soleil. L’ours, avec une grande persévérance et foi, respecta la condition et, après 21 jours, se transforma en une femme humaine. Le tigre, incapable de supporter l’épreuve, abandonna la tâche. L'ours devenu femme épousa Hwan-ung, et ensemble, ils eurent un fils : Dangun Wanggeom, qui devint le premier roi légendaire de la Corée. La Corée nourrit une vision forte de son identité raciale, qui se reflète dans la notion de « sang coréen », perçu comme pur malgré les siècles de colonisation et les influences extérieures. Cette conviction en une lignée homogène fait que les Coréens, tant au Nord qu’au Sud, se considèrent comme étant d'une « race » supérieure, particulièrement vis-à-vis des autres peuples d'Asie du Sud-Est. Cette idée de pureté raciale et d'unité entre les Coréens du Nord et du Sud est renforcée par le mythe de Dangun, considéré comme l'un des fondateurs mythologiques de la Corée. Au Nord, Dangun occupe une place centrale dans l’histoire nationale. Ses ossements ont été retrouvés et un mausolée a été construit en son honneur à Pyeongyang, ce qui symbolise l’importance de cette figure mythologique dans l'unité et l’identité coréenne, perçue comme un lien sacré entre les deux Corées. Dans la mythologie coréenne, en plus de la figure de Dangun, le culte de San Sin occupe une place importante. San Sin désigne les esprits des montagnes, vénérés pour leur capacité à protéger les territoires et les habitants. Ces divinités sont considérées comme des gardiens de la nature et sont souvent invoquées pour assurer la prospérité, la santé et la sécurité des communautés vivant près des montagnes. Les Coréens croient que chaque montagne possède son propre San Sin, et des sanctuaires sont dédiés à ces esprits. Le culte de San Sin reflète le lien profond entre la nature et la culture coréenne, symbolisant l'harmonie entre l'homme et son environnement. Pendant l'occupation japonaise (1910-1945), la Corée subit une assimilation forcée, et l'identité coréenne fut remise en question par le pouvoir impérial japonais. Dans ce contexte, le mouvement religieux du Daejongyo a été fondé pour « corriger l’esprit national » et réaffirmer l’identité coréenne. Ce mouvement met en avant la théorie de Dangun, un mythe fondateur de la Corée, pour établir un lien entre la Corée et les racines divines de son peuple. Cette idée fut particulièrement mise en avant pendant l'occupation japonaise, car elle contrastait avec le shintoïsme, religion d'État du Japon, et visait à redéfinir l'identité coréenne face à l'influence japonaise. Durant cette période, la Corée fut intégrée comme une province du Japon, devenant un réservoir de ressources pour l'empire japonais, notamment en matière de production alimentaire. Les femmes coréennes furent contraintes de servir de « femmes de réconfort » pour les soldats japonais, et les Coréens durent apprendre et se conformer à l'histoire du Japon, effaçant ainsi leur propre patrimoine culturel. Le mythe de Dangun a profondément influencé la société coréenne, notamment à travers la politique et les valeurs culturelles. Dans cette mythologie, Dangun est considéré comme l'ancêtre commun de tous les Coréens, et son histoire a été utilisée pour renforcer le sentiment d'unité nationale, notamment sous la forme du Gukga, un concept d'État ou de nation en Corée. Ce lien entre tous les Coréens trouve son origine dans le mythe de Dangun, où il est dit que les Coréens descendent d'un héros mythologique, le fils de Hwan-ung et de l'ours devenu femme. Dans la société coréenne, la figure masculine a été particulièrement valorisée, en partie à cause de l'influence du confucianisme, mais aussi en raison du rôle attribué à Dangun dans le mythe, où l'homme est au centre de la fondation de la nation. En revanche, la figure maternelle, représentée par l'ours, a été progressivement marginalisée dans la légende et dans les représentations culturelles. Cette hiérarchie des sexes se reflète dans le dicton coréen : « 남자는 하늘 여자는 땅 » (L'homme est le ciel, la femme est la terre), qui traduit une vision traditionnelle de la complémentarité mais aussi de l'infériorité des femmes par rapport aux hommes dans la société. 2 - Langue et écriture La langue coréenne appartient à la famille des langues ouralo-altaïques, une hypothèse qui suggère un lien avec des langues comme le turc et les langues mongoles. Ces langues sont dites agglutinantes, ce qui signifie que des affixes sont ajoutés à la racine des mots pour modifier leur sens. Cette structure linguistique a été introduite en Corée, probablement à travers des migrations anciennes, et s'est développée principalement dans la péninsule coréenne et la région du Liaodong, située aujourd'hui dans le nord-est de la Chine. La langue coréenne, bien qu’unique dans ses caractéristiques, partage des similitudes structurelles avec ces langues voisines, ce qui témoigne de ses origines anciennes dans un contexte plus large eurasiatique. Le roi Sejong, au XVe siècle, en 1443, a mis en place le Hangeul, l'alphabet coréen, afin de rendre l'écriture plus accessible aux Coréens, qui utilisaient auparavant trois systèmes différents pour retranscrire leur langue. Le chinois classique était enseigné dans les écoles confucéennes, et il y avait aussi des transcriptions phonétiques. Le Hangeul a été conçu pour être simple à apprendre, même pour les personnes considérées comme ayant des capacités intellectuelles limitées, comme les femmes et les personnes de faible statut. Cette décision a d'abord été critiquée par la cour royale et les hommes de l'élite, qui préféraient utiliser le chinois classique. Sejong a travaillé en secret avec sa famille pour élaborer l’alphabet, qui pouvait être appris en une matinée. Chaque lettre du Hangeul correspond à un son précis, ce qui le rend particulièrement logique et facile à maîtriser. Selon la théorie, Sejong se serait inspiré des claustras tibétains et mongols pour la graphie et des organes phonatoires humains pour la conception des lettres. Le Hangeul fut officiellement promu en 1446. Cet alphabet est désormais une fierté nationale, tant en Corée du Sud qu’en Corée du Nord. Bien que le chinois classique ait été utilisé dans les écrits littéraires et formels, une écriture mixte a aussi existé à l’époque, combinant les caractères chinois avec la langue coréenne. Aujourd’hui, des traces de l'influence chinoise subsistent, par exemple dans certains proverbes et dans les titres de journaux à sensation. Pendant l'occupation japonaise de la Corée, la langue coréenne est devenue un symbole de résistance contre l'imposition de la culture japonaise. Les autorités japonaises ont tenté de supprimer l'utilisation du coréen et d'imposer le japonais comme langue officielle. En réponse, l'usage de la langue coréenne a été renforcé comme moyen de préserver l'identité nationale et de résister à l'occupation. En Corée du Nord, après la séparation du pays, un autodafé a eu lieu où tous les documents écrits avant cette période ont été brûlés afin de contrôler l'information et effacer les traces de l'influence étrangère. Par la suite, l'apprentissage des caractères chinois a été abandonné et a été remplacé par l'usage exclusif du Hangeul dans la vie quotidienne et l'éducation. Cette politique visait à renforcer l'unité et l'identité nationale en excluant les influences étrangères, notamment la Chine, et en consolidant la langue coréenne comme un pilier de la culture nationale. Les Instituts Sejong sont des centres culturels coréens établis dans le monde entier pour promouvoir la culture coréenne, y compris la langue. Ils ont contribué à la diffusion du Hangeul, même dans des régions éloignées, comme en Indonésie, où les Ciacia, une communauté locale, ont adopté l’alphabet coréen. L’alphabet romain ne permettant pas de retranscrire correctement leur langue, ils ont utilisé le Hangeul comme alternative. Le Hangeul a également joué un rôle important dans l'émancipation des femmes en Corée. Avant sa création, l'alphabétisation était réservée à une élite lettrée, principalement masculine, qui utilisait des caractères chinois complexes. Le Hangeul, étant facile à apprendre, a permis une plus grande participation des femmes dans la culture et l'éducation. De plus, les catholiques coréens ont traduit la Bible en Hangeul, permettant une compréhension plus large et facilitant l’expansion rapide du catholicisme en Corée. Le catholicisme, avec son message d'égalité des sexes, a offert une alternative aux structures patriarcales dominantes dans les mythes et les légendes coréennes. 3 – Chamanisme La culture et la langue coréennes se distinguent de celles des blocs chinois et japonais, bien qu'il existe des ressemblances avec le chinois, notamment dans le fait que 80 % des mots peuvent être écrits en caractères chinois. Cependant, la langue coréenne a pris une forme unique avec l'invention du Hangeul sous le règne du roi 세종(Sejong). Ce système d'écriture a permis d'affirmer l'identité linguistique coréenne, en rendant la langue accessible à tous, tout en renforçant un sentiment d'unité nationale. En parallèle, le gouvernement met en avant le chamanisme, souvent présenté sous un aspect folklorique et divertissant. Cependant, cette pratique reste profondément ancrée dans la société coréenne, influençant les croyances et les rituels populaires, et conservant une place importante dans la culture coréenne contemporaine. 조선(Joseon), ou « pays du matin clair », désigne la période historique de la Corée de 1392 à 1910. Avant cela, la Corée était appelée Goryeo, un nom d'origine mongole. À cette époque, le bouddhisme était la religion d'État, et la Corée a connu des guerres avec les Mongoles, mais aussi une prospérité relative. En 1392, le général Yi Seong-Ye se révolta contre l'État de Goryeo et fonda la dynastie Joseon, avec Séoul (anciennement Hanyang) comme capitale. Sous son nom de règne, Yi Taejo (이태조), il introduisit le néoconfucianisme, qui allait structurer profondément la société coréenne. À la fin de l'époque de Goryeo, la situation était marquée par la corruption, notamment au sein des temples bouddhistes, où les moines étaient perçus comme cupides et immoraux. Le confucianisme fut donc instauré pour réformer la société et renforcer les valeurs morales. À l'époque de Joseon (조선), le rôle des femmes était très subordonné et limité à des tâches domestiques. Elles étaient complètement effacées de la sphère publique et souvent réduites à des titres tels que « fille de », « sœur de », ou « femme de », sans véritable identité propre. Dans l'arbre généalogique, les femmes n'apparaissaient même pas. Le confucianisme, qui a profondément influencé la société de Joseon, a renforcé la position subordonnée des femmes, leur imposant une vie marquée par la soumission et l'obéissance. Elles restaient confinées à la maison, responsables des tâches ménagères et de l'éducation des enfants, et leurs vies étaient souvent très difficiles, privées de droits ou de liberté individuelle. Yi Taejo (이태조), le fondateur de la dynastie Joseon (조선), a structuré la société coréenne selon une hiérarchie stricte. Cette structure sociale se divisait en plusieurs catégories : 1. Les lettrés et militaires (양반, yangban) : Ils constituaient la classe supérieure et dirigeante, et étaient responsables des fonctions administratives et militaires. Leur statut était lié à leur capacité à maîtriser les caractères chinois, qui étaient essentiels pour accéder aux positions de pouvoir. 2. La masse du peuple : Comprenant les artisans, les commerçants et la majorité de la population, cette classe occupait des rôles importants mais était souvent reléguée à des positions sociales inférieures par rapport aux yangban. 3. Les métiers liés au corps : Cette catégorie englobait des professions telles que les bouchers, les tanneurs, et les courtisanes, ainsi que les baekjeong (백정), souvent considérés comme des personnes de statut très bas. Les baekjeong étaient souvent perçus comme ayant une peau plus sombre, et selon certaines traditions, on croyait qu'ils venaient des pays du Nord pendant les invasions, et qu'ils étaient restés dans ces régions, exerçant des métiers jugés impurs. 4. Les artistes et ouvriers : Ils faisaient partie de la classe inférieure, mais jouaient un rôle essentiel dans la production culturelle et matérielle. 5. Les 무당, ou chamanes, étaient également présents dans cette hiérarchie. Bien qu'ils occupaient une position de marginalité dans la société, leur rôle spirituel et leur lien avec les croyances chamaniques leur conférait un statut particulier, souvent respecté dans certains contextes sociaux. Cette organisation sociale a été fortement influencée par le néoconfucianisme, qui plaçait l'accent sur l'ordre hiérarchique, la discipline et la séparation des rôles entre les différentes classes sociales. Le chamanisme reste profondément ancré dans la culture coréenne et est pratiqué par une grande majorité de la population. Ses racines remontent à la ville de Bouriate, proche de la Mongolie, et il présente des caractéristiques distinctes de celles des traditions chinoises et japonaises. Ce chamanisme est issu de la civilisation des Scythes, et lorsqu'on compare les couronnes des chamanes coréens à celles d'autres cultures, on remarque des similitudes frappantes. La langue coréenne et le chamanisme ajoutent ainsi une dimension identitaire forte à la culture coréenne, marquée par une indépendance culturelle notable. Le chamanisme coréen est également lié à Dangun (단군), fondateur mythique de la Corée, qui est devenu le premier esprit des montagnes, ou San Sin (산신). Les chamanes jouent un rôle clé dans le lien entre la Terre et le Ciel, et pour cela, les rites chamaniques se déroulent principalement dans les montagnes. Ces lieux sont symboliquement élevés, car il est nécessaire de se rapprocher du ciel. Les arbres et les cerfs sont utilisés comme symboles dans ces rites. De plus, dans les premières dynasties, comme celle de Silla (신라), les rois eux-mêmes étaient souvent des chamanes, intégrant ces croyances dans la structure politique et spirituelle du royaume. Le chamanisme, donc, ne se limite pas à un aspect folklorique mais joue un rôle essentiel dans l'identité et la culture spirituelle de la Corée. À Gyeongju, ancienne capitale du royaume de Silla, on retrouve plusieurs tombes royales, y compris celles des rois chamans. Ces tombes sont des témoignages de l'importance du chamanisme dans la politique et la spiritualité du royaume de Silla. Parmi ces tombes remarquables, on peut citer la tombe du "cheval ailé" (Hwabaek, 화백). Cette tombe est célèbre pour sa représentation d'un cheval avec des ailes, un symbole qui reflète les croyances chamaniques de l'époque, où les esprits étaient censés voyager entre la Terre et le Ciel. Les tombes royales de Gyeongju témoignent ainsi de l'importance du chamanisme dans la structuration de la société et de la spiritualité coréenne ancienne, où les rois jouaient souvent un rôle spirituel en plus de leur pouvoir politique. Le chamanisme coréen, un aspect important de la culture traditionnelle, se distingue par la présence notable de femmes chamaniques. Les termes utilisés pour désigner le chamanisme et les praticiens sont Musok (무속) pour le chamanisme, Mudang (무당) pour la chamane, et Mansin (만신), qui se réfère aux "dix mille esprits" vénérés dans le cadre des rites chamaniques. Les chamanes peuvent devenir ce qu'elles sont de manière héréditaire ou être choisies par les dieux. Dans ce cas, une chamane expérimentée, appelée "marraine", enseigne les rites. Les chamanes sont souvent appelées par des visions ou des rêves où l’esprit de la montagne, le San Sin, se manifeste. Les personnes appelées à cette fonction possèdent des capacités exceptionnelles, parfois perçues comme des dons surnaturels, et leur manière de penser peut se démarquer de celle des autres. On fait parfois un lien entre ces capacités et des conditions particulières, comme l'autisme, qui peuvent permettre une connexion plus profonde avec le monde spirituel. Chez les hommes, un rôle similaire était occupé par les Baksu (박수), qui étaient souvent des hommes homosexuels. Ces aspects, notamment la présence de figures marginalisées ou moins comprises dans la société traditionnelle, commencent à être abordés dans les K-Dramas, qui traitent de sujets sociaux et tabous de manière plus ouverte, apportant ainsi une dimension contemporaine aux thèmes anciens du chamanisme. Les chamanes coréennes, ou Mudang, utilisent plusieurs symboles et objets rituels pour entrer en contact avec les esprits. Deux des éléments les plus caractéristiques de leurs rituels sont les grelots et les éventails. Les grelots, souvent attachés à leurs vêtements ou accessoires, symbolisent l’appel aux esprits, créant une connexion entre le monde spirituel et le monde physique. Les éventails, quant à eux, sont utilisés pour guider les esprits pendant les rituels, ajoutant à la dimension rituelle et esthétique de la cérémonie. De plus, les Mudang s’habillent parfois dans les vêtements de la personne qu’elles invoquent, une manière de se connecter plus profondément à l’esprit ou à l’entité en question. Cette pratique reflète la croyance que l’apparence physique et les symboles associés aident à établir une communication directe avec le monde des esprits. Le Gut (굿) désigne le rituel chamanique lui-même, qui est souvent un événement communautaire visant à apaiser les esprits, apporter la guérison ou résoudre des problèmes personnels ou collectifs. Ces rituels varient en fonction des croyances locales, mais le Gut est essentiel à la pratique chamanique coréenne, en tant que moyen de maintenir l’équilibre entre le monde humain et le monde spirituel. Dans le chamanisme coréen, l'accent est mis sur la communauté, et les chamanes œuvrent principalement pour le bien-être collectif. Exemple de Mme Morillot : Une chamane est intervenue dans une famille confrontée à une maladie de peau mystérieuse, dont l'origine restait inconnue. En faisant appel à une chamane, la famille a organisé un rituel, avec la participation de nombreuses femmes de la famille, telles que des tantes et des cousines. La chamane a invoqué les esprits des montagnes et les ancêtres, cherchant à résoudre le problème en établissant une connexion spirituelle. Au cours du rituel, la chamane a fini par entrer en transe, et l’esprit est venu en elle pour communiquer directement avec la famille. Elle a alors révélé que la maladie était liée à un problème familial plus profond : la femme avait trompé son mari, perturbant l'harmonie familiale, et la condition avait également une origine génétique transmise par un ancêtre. Cet exemple met en lumière la façon dont les chamanes, par leur rôle spirituel et communautaire, apportent des réponses et des solutions aux problèmes personnels et familiaux. En Corée, bien que la consultation des chamanes soit moins fréquente qu'autrefois, une nouvelle tendance émerge avec les jeunes qui se tournent vers des 점쟁이 (jeongjengi, voyants). Les chamanes traditionnels, appelés 무당 (mudang), parlent souvent une langue ancienne et symbolique, mais les jeunes chamanes modernes ont adapté leur approche et leur langage pour correspondre aux attentes et aux besoins de la jeunesse actuelle. Cette évolution montre comment les pratiques spirituelles coréennes continuent de s'adapter aux changements sociétaux tout en conservant leurs racines culturelles. Le drapeau des chamanes, aux couleurs rouge, jaune, vert et violet, est un symbole distinctif qui signale la présence d'une maison chamane. Contrairement aux pratiques religieuses institutionnalisées, les chamanes ne vivent pas dans des temples, mais dans des espaces plus informels, souvent leurs propres maisons, où elles pratiquent leurs rituels. Ce drapeau reflète leur rôle spirituel unique et leur lien avec les éléments naturels et cosmiques. La croix du bouddhisme (卍), symbolise la roue qui tourne et le cycle éternel de la vie, de la mort et de la renaissance. Ce symbole, associé au dharma (loi cosmique et enseignement bouddhique), illustre l’idée d’équilibre et de perpétuité dans le bouddhisme. En Asie, il est utilisé de manière sacrée, notamment dans l'iconographie bouddhique, pour marquer les temples ou les objets religieux. Globalement, le chamanisme en Corée est principalement axé sur la résolution des problèmes du quotidien, souvent liés à des conflits ou des difficultés au sein des familles. Il agit comme un pont entre le passé et le présent, en permettant de communiquer avec les ancêtres ou les esprits pour trouver des réponses ou apaiser les tensions. Ce rôle central dans la communauté a offert aux femmes, en tant que chamanes (무당, Mudang), une place importante, renforçant leur influence sociale dans une société historiquement dominée par les hommes. En Corée du Nord, bien que les chamanes (무당, Mudang) soient officiellement interdites, leur pratique persiste dans la clandestinité. Durant les années 1990, marquées par une famine dévastatrice, de nombreuses personnes ont fait appel aux chamanes pour tenter de communiquer avec les défunts, cherchant réconfort et réponses face à la tragédie. Cela témoigne de l'ancrage profond du chamanisme dans la culture coréenne, même dans un contexte de répression sévère. Les cérémonies chamaniques, bien qu’authentiques, sont souvent reprises et adaptées par l’industrie touristique en raison de leur aspect spectaculaire. Parmi les épreuves mises en avant, on trouve l'épreuve du feu, où les chamanes démontrent leur résistance en fumant plusieurs cigarettes avec le filtre à l’envers ou en manipulant le feu sans se blesser. Une autre épreuve consiste à équilibrer un cochon sur une fourche, illustrant leur contrôle sur les éléments. Enfin, la danse sur un hache-paille, destinée à prouver leur pouvoir sur le métal, est également une performance impressionnante. Ces démonstrations, bien qu’originellement sacrées, sont devenues un attrait pour le tourisme culturel. Le chamanisme en Corée joue un rôle central en tant que système de conseil spirituel et culturel. Bien qu’il ne puisse pas être qualifié de religion au sens strict, il reste très pratiqué. Des symboles simples, comme de petits tas de pierres dédiés à 산신 (San Sin), témoignent de cette tradition profondément enracinée. Aujourd’hui, les chamanes organisent souvent de grands spectacles, parfois financés par l’État, qui mêlent spiritualité et expression culturelle. Le chamanisme, en tant que particularité coréenne, demeure vivant et continue d’imprégner la société moderne tout en s’adaptant à son époque. - II – Histoire : origines, royaume ermite, crevettes et baleines, occupation japonaise, guerre, dictatures. Se différencier de Chine et Japon – 57 av. J.C. - 668 Étpoque des Trols royaumes 668-918 Slla Unifié (abdication du dernier roi en 935) 918-1392 Royaume de Goryeo 1231-1232 Invasions mongoles 1392-1910 Dynastie des Yi, royaume de Joseon 1592-1598 Invasions japonalses 1627-1637 Invasions mandchoues 1443 Invention de 'alphabet coréen 1876 Traité de Ganghwa imposé par le Japon. La Corée est contrainte de s'ouvrir au commerce. 1886 Traité de Commerce avec la France 1895 Assassinat de la reine Min par les Japonais 1897 Proclamation du Grand Empire coréen, Daehanleguk 1905 Établissement du protectorat nippon en Corée 1910 Fin de la monarchie coréenne et début de la colonisation Japonaise 1919 Mouvement d'indépendance du 1er mars 1945 Capitulation du Japon et fin de la colonisation. Les troupes soviétiques occupent le nord de la péninsule, les américaines le sud. 1945-1948 La Corée sous contrôle d'un gouvernement provisoire américain 1948 Proclamation de la République de Corée. Syngman Rhee est élu président. En septembre le Nord se déclare République Populaire Démocratique de Corée. 1950-1953 Guerre de Corée 1 – Origines, royaume ermite, crevettes et baleines L’expression de 한 (Han) représente une vision unique des Coréens sur leur histoire, empreinte de mélancolie, de regrets, d'injustice et de reproches liés aux épreuves du passé. Ce concept reflète le poids historique des invasions, des colonisations et des oppressions subies par la Corée. Le Han constitue également la base fondamentale de la littérature coréenne, influençant son expression artistique et émotionnelle. En 2024, ce lien profond entre le Han et la littérature a été reconnu internationalement avec l'attribution du Prix Nobel de littérature à un Han Kang, célébrant cet héritage culturel universel et poignant. L’histoire de la Corée a été marquée par une lutte constante pour se réapproprier son propre destin, en raison des influences et des pressions exercées par la Chine et le Japon. Les Coréens se sont souvent vus pris entre deux puissances, comparant leur situation à celle de deux baleines cherchant à manger une petite crevette. Tout au long de l’histoire, la Chine a tenté d’intégrer la Corée dans son empire, exerçant une influence culturelle et politique majeure. Par ailleurs, le Japon, cherchant à établir une connexion avec la Chine, avait besoin de la Corée pour y parvenir, ce qui a entraîné une série d’invasions et de conflits. À chaque nomination de roi en Corée, il était nécessaire de demander l’aval de la Chine, souvent en envoyant des cadeaux au souverain chinois, qui protégeait alors la Corée contre les menaces japonaises. Cette histoire de soumission et de dépendance a contribué à une perception de la Corée comme étant souvent incapable de contrôler son propre destin. Les guerres Imjin (1592-1598) furent une série d’invasions japonaises marquées par l'attaque du Japon sous Toyotomi Hideyoshi. Cette guerre, qui a duré sept ans, a vu les côtes coréennes harcelées par des pirates japonais. Tout au long de l’histoire de la Corée, les invasions étrangères et les pillages ont été des événements récurrents. Un héros majeur de cette période fut l’amiral Yi Sun-sin (이순신), dont les victoires navales, notamment avec les "bateaux carapaces", ont joué un rôle clé dans la résistance contre l'invasion japonaise. Les invasions japonaises ont renforcé la perception de la Corée comme une nation constamment menacée par des puissances étrangères. Pendant cette époque, le Daewongun, régent du roi Gojong, a mené une politique de renforcement de l’indépendance coréenne face aux influences étrangères, considérant les étrangers comme des ennemis. Il a fait ériger des stèles pour commémorer ses victoires et affirmer la souveraineté de la Corée. Par conséquent, la Corée a longtemps été appelée le "royaume ermite" en raison de sa politique de retrait face aux invasions étrangères, notamment celles des Mongols, des Japonais et des Chinois. Cette idée de royaume ermite a poussé les rois coréens à adopter une politique de fermeture, limitant les contacts extérieurs et renforçant les fortifications côtières. Jusqu’au 17e siècle, la Corée était perçue par de nombreux observateurs étrangers, y compris les Chinois, comme une île isolée, distincte du continent asiatique, et parfois même considérée comme une partie de la Chine. Cette vision renforçait l’idée d’une nation fermée, qui s’efforçait de maintenir son indépendance tout en minimisant les influences extérieures. Cependant, le destin de la Corée a basculé suite au naufrage d’un navire de la Compagnies des Indes. Le naufrage du navire hollandais près de l'île de Jeju en 1653 a marqué un moment clé dans l'histoire des contacts entre la Corée et le monde occidental. L'équipage, dirigé par le capitaine Hamel, ne fut pas tué par les habitants de Jeju, mais plutôt emmené à la cour de Séoul. Les autorités coréennes, par crainte que les étrangers ne reviennent ou que d'autres ne viennent, décidèrent de les retenir. Hamel réussit à s'échapper et parvint à rejoindre le Japon avant de retourner en Hollande, où il écrivit un livre relatant ses expériences. Dans cet ouvrage, Hamel témoigna non seulement de son expérience de naufragé et de captivité, mais il décrivit également les modes de vie coréens, offrant une vision de la société du royaume de Joseon, jusque-là inconnue des Européens. Il évoqua la structure sociale, les coutumes, la culture et les pratiques quotidiennes des habitants. Il mentionna également l'existence d'un royaume distinct de la Chine, soulignant que la Corée, jusque-là souvent perçue comme une partie de l'Empire chinois, était en réalité un royaume souverain, avec une identité propre et un gouvernement autonome. Ce récit contribua à faire connaître au reste du monde l'existence de la Corée en tant que nation indépendante et à influencer la perception occidentale du royaume de Joseon. Au cours des siècles, les Coréens ont toujours craint l'invasion d'étrangers, un sentiment renforcé par leurs expériences historiques de pillages et d'agressions. Jusqu'au 19e siècle, la Corée était perçue par beaucoup comme une île isolée, éloignée des autres puissances asiatiques. Ce comportement de méfiance envers les étrangers persista, notamment en Corée du Nord où, encore aujourd'hui, des étrangers sont parfois pris en otage ou empêchés de quitter le pays. Cette approche de la fermeture et de l'isolement est une continuation de la politique historique de préservation de la souveraineté coréenne face aux influences extérieures. D'ailleurs, la Corée était également connue dans d'autres parties du monde à cette époque. Par exemple, les Perses, qui avaient établi des routes commerciales en Asie, étaient conscients de l'existence du royaume de Goryeo (le nom ancien de la Corée). Des navires perses sont arrivés sur la côte ouest de la Corée, et certains textes persans se réfèrent à la Corée sous le nom des « Al Gores », un terme dérivé de « Goryeo ». Ces échanges, bien que limités, témoignent de l'intérêt et de la reconnaissance internationale de la Corée à l'époque. 2 – Les trois royaumes, Silla unifié et Goryeo Pendant l'époque des Trois Royaumes (1er siècle avant J.-C. - 668), la péninsule coréenne était divisée entre trois royaumes distincts : Goguryeo, Baekje et Silla. Chacun de ces royaumes avait ses propres caractéristiques, mais tous étaient liés par une histoire d'alliances, de guerres et de trahisons. Goguryeo : Ce royaume, situé dans le nord de la péninsule coréenne et s'étendant jusqu'à une partie de la Chine actuelle, était un royaume belligérant, souvent en guerre avec ses voisins, en particulier avec les dynasties chinoises. L'héritage de Goguryeo est encore présent aujourd'hui dans les dialectes coréens parlés dans le sud de la Chine, ce qui témoigne de l'influence et de l'étendue du royaume à son apogée. Baekje : Situé dans le sud-ouest de la péninsule, Baekje était un royaume prospère grâce à son rôle de centre commercial important. Sa richesse provenait du commerce maritime et de ses échanges avec la Chine et le Japon. Silla : Situé dans le sud-est, Silla était le royaume le plus ancien des trois, et bien que moins puissant militairement au début, il réussit à s'imposer par des alliances stratégiques, notamment avec la Chine, pour affaiblir ses rivaux. Les trois royaumes ont connu des alliances et des trahisons incessantes, chacune cherchant à étendre son territoire et à dominer la péninsule. En 668, après une série de conflits et de stratégies militaires, Silla réussit à unifier les trois royaumes, marquant le début de l'époque de Silla unifié (668-918). Cette période de paix relative permet à la culture coréenne de se développer, avec des avancées dans l'art, l'architecture, et le bouddhisme. C’est un véritable âge d’or pour le pays et il n’y a que très peu de guerres. L'unification sous le royaume de Silla en 668 marque aussi les premières étapes de la formation des frontières de la Corée moderne La capitale du royaume de Silla était Gyeongju, également connue sous le nom de Geumseong (forteresse de l'or) en coréen, et surnommée Takara no Kuni (royaume des trésors) en japonais. Seorabol était un ancien nom de Séoul, la capitale actuelle de la Corée du Sud. La Corée se situe sur la route de la soie, une voie commerciale majeure reliant l'Europe à l'Orient, qui servait également de canal de transmission pour le bouddhisme et divers objets. Cette route passait par Chang'an (actuelle Xian) en Chine, une ville cosmopolite de l'époque, avant de se prolonger en Corée jusqu'à Gyeongju et Nara au Japon. Gyeongju s'est considérablement développée grâce à cette connexion. Aujourd’hui encore, on trouve des statues à l'entrée des temples, dont certaines présentent des influences perses, preuve de l’influence de la route de la soie et de la transmission du bouddhisme à travers la route de la soie. L'époque de Silla unifié représente un âge d'or culturel pour la Corée, mais cette prospérité a été interrompue par l'invasion mongole. Après la destruction de Gyeongju, la capitale a été déplacée à Gaeseong et a marqué le début du royaume de Goryeo (918-1392). Sous Goryeo, la Corée a connu un nouvel âge d'or culturel, notamment avec la création du céladon coréen, un type de céramique caractérisé par sa couleur verte distinctive. En effet, l'influence mongole sur la Corée a laissé une empreinte importante, notamment au niveau des temples et de l'artisanat. Sous la domination mongole, de nombreux temples ont été construits ou rénovés, et de nouvelles techniques artisanales ont vu le jour, notamment dans l'art du cuir et de l'argenterie, avec l'usage d'incrustations sophistiquées. Ces techniques se sont souvent inspirées de celles utilisées en Mongolie et dans d'autres régions sous contrôle mongol. L'île de Jeju, quant à elle, est devenue un centre important pour l'élevage des chevaux mongols, car les Mongols étaient réputés pour leur maîtrise des chevaux et de l'équitation. Jeju a été utilisée comme une sorte de haras national, pour l'élevage et l'entraînement des chevaux, ce qui a renforcé les liens entre les deux régions. Cette période a aussi marqué une transformation dans l'organisation et l'artisanat de la Corée, qui s'est enrichi des influences mongoles. Les restes archéologiques liés au royaume de Goguryeo se trouvent principalement en Corée du Nord. Après l’unification de Silla, ce royaume ne s’étendait pas jusqu’au nord de la péninsule, ce qui a permis la fondation du royaume de Balhae par les réfugiés de Goguryeo après sa chute. Quant au royaume de Goryeo, il a subi plusieurs vagues d’invasions mongoles, qui ont presque détruit le royaume. Bien que les rois coréens aient résisté, après la 7e invasion mongole, les Mongols ont développé un respect pour la Corée et ont accordé une forme d'autonomie au royaume face à l'empire mongol. À cette époque, les influences mongoles ont été plus marquées que les influences chinoises. Les Mongols, cavaliers originaires des steppes, ont introduit des techniques nouvelles, notamment la ciselure et l'usage du cuir dans l'artisanat. Le bouddhisme est devenu la religion d'État sous l'influence mongole, ce qui a conduit à un véritable essor de l'art et de la culture. Le bouddhisme, d'abord arrivé en Corée par le royaume de Goguryeo, s'est ensuite propagé à Baekje, puis à Silla, et a profondément influencé le développement culturel de la région. L'imprimerie se développe en Corée avec l'introduction de la xylographie, une technique qui consiste à sculpter des caractères chinois dans de grandes planches de bois. L'encre est appliquée sur ces planches, puis elles sont retournées sur le papier pour imprimer le texte. Cette méthode permet de reproduire efficacement des écrits religieux et culturels. Un exemple majeur de cette avancée est le Tripitaka Koreana, une collection complète de textes bouddhistes gravés sur des planches de bois, réalisée au 13e siècle. Cette œuvre est un témoignage de la maîtrise de l'imprimerie et de l'importance du bouddhisme dans la culture coréenne. La Corée est le berceau de la première imprimerie au monde, ce n’est pas la France. À cette époque, des progrès importants ont été réalisés, notamment dans la céramique et la frappe de monnaie. La technique de la cire perdue a été utilisée pour fabriquer des plaques d'impression en métal. Le premier livre a été imprimé en 1377, intitulé Jikji simche yojeol (직지심체요절) en coréen, en est une preuve. L’invention et le développement du Hangeul a aussi été un élément déterminent dance développement. À la fin du XIXe siècle, de nombreux pays ont cherché à commercer avec la Corée, ce qui a conduit à une expédition punitive française. Cette expédition a été lancée après le meurtre de missionnaires français en Corée. Les Français se sont présentés au roi coréen, et des correspondances existent entre la France et l'ambassade française en Chine. À leur arrivée à Gwanga (Incheon), les Français ont trouvé une forteresse, où un bataillon d'élite, composé de chasseurs de tigres, les attendait. Après un affrontement, les Français ont tenté de fuir en brûlant et en pillant l'île. Les archives royales, contenant des objets précieux, ont été volées, et parmi les objets dérobés se trouvait un livre attestant que les Coréens avaient découvert l'imprimerie. Ce livre se trouve actuellement à la Bibliothèque nationale de France. Cependant, grâce à des accords récents, les originaux de ces livres ont été renvoyés en Corée, tandis que des copies sont conservées à la Bibliothèque nationale de France. Enfin, nous pouvons donc constater que la période de Goryeo a été une grande période de prospérité et de développement pour la Corée. Pendant la période de la dynastie Goryeo, les femmes jouissaient de certaines libertés sociales grâce aux influences mongoles et aux mariages avec la cour chinoise et les Yuan. Ces libertés comprenaient le port de vêtements fluides comme les pantalons, la possibilité d’être à cheval, ainsi que des droits avancés pour l’époque, notamment le droit au divorce, le droit d’héritage, et un accès aux temples. Cependant, avec l’arrivée de la dynastie Joseon et l’implantation du néoconfucianisme, les droits des femmes furent considérablement restreints. Le néoconfucianisme imposa des pratiques plus patriarcales et limita leur rôle à celui de gestionnaires de biens. L’éducation des femmes devint également de plus en plus restreinte, contrastant avec les libertés qu’elles avaient auparavant. 3 – Joseon et empire de Corée La dynastie Joseon (1392-1910) débute avec Yi Seong-gye, qui devient le roi Taejo et choisit Séoul comme capitale. Cette période est marquée par l'instauration du néoconfucianisme, qui joue un rôle central dans la restructuration du pays. Le néoconfucianisme influence non seulement les structures politiques et sociales, mais aussi l'organisation de l'espace urbain. La géomancie, appelée pungsu, guide la structuration de la ville, en particulier celle de Séoul. Le palais royal est situé au centre de la ville, entouré de collines. Les quartiers les plus riches se trouvent à l'extrémité supérieure de la ville, respectant les principes de géomancie et de hiérarchie sociale. À cette époque, la Corée n'est pas encore connue des Occidentaux, mais ses voisins, notamment le Japon, sont bien conscients de l'existence du royaume. Au 16e siècle, le Japon, sous la direction de Toyotomi Hideyoshi (1537-1598), lance des invasions en Corée, connues sous le nom de Guerres Imjin (1592-1598). Cependant, la Corée parvient à résister grâce aux stratégies militaires exceptionnelles de l'amiral Yi Sun-sin, notamment l'utilisation de bateaux à carapace, les geobukson, qui sont un atout décisif. Lors de leur retraite en 1598, les Japonais ont détruit les fours à céramique, volé les outils, les artisans et les stocks de céramiques, entraînant une perte majeure du savoir-faire coréen, notamment des techniques et des couleurs. Cela marque également le début de l'industrie de la céramique à Imari au Japon, où les artisans coréens ont été contraints de travailler. Les Japonais ont également pris possession des imprimeries et des imprimeurs, contribuant ainsi à l'apparition de l'imprimerie au Japon. Avant les invasions japonaises du 16e siècle, le royaume de Baekje avait joué un rôle crucial en tant qu'intermédiaire culturel entre la Chine et le Japon. En effet, Baekje a facilité le transfert de nombreuses pratiques culturelles, technologiques et religieuses, notamment le bouddhisme, vers le Japon. Son rôle à l'époque des Trois Royaumes (Silla, Baekje et Goguryeo) a été particulièrement important, car il a permis à la culture chinoise et à ses influences d'atteindre le Japon, contribuant ainsi à l'essor de la civilisation japonaise. Les invasions mandchoues de 1627 et 1636 marquent une période cruciale dans l'histoire de la Corée. Après l'effondrement de l'empire mongol (dynastie Yuan) à la fin du 14e siècle, les Jurchens, un groupe ethnique mandchou, se sont organisés en tribus multiples dans le nord de la péninsule coréenne et en Mandchourie. Les Mandchous ont d'abord attaqué la Corée en 1627, imposant une soumission temporaire, puis ont lancé une nouvelle invasion plus violente en 1636. En dépit de la résistance coréenne, la Corée a été contrainte de céder, humiliée par l'obligation de reconnaître la domination mandchoue. Cette soumission a été vécue comme une humiliation nationale, notamment avec l'image du roi de Corée contraint de se prosterner devant un souverain étranger. Suite à ces invasions, la Corée s'est enfermée dans une politique d'isolement, se retirant progressivement des affaires internationales et devenant ce qu'on appelle le "royaume ermite". Ce repli a duré plusieurs siècles, avec une politique étrangère extrêmement restreinte et une volonté de maintenir une indépendance face à la pression extérieure. Cela s'est manifesté par un isolement strict, notamment sur le plan diplomatique et commercial. Au cours des années 1650, cet isolement s'est aggravé, et les côtes de la Corée, qui avaient été des centres de commerce et d'échanges, se sont progressivement transformées en friches. Les ports étaient désertés, l'économie du pays s'en est ressentie, et la Corée a ainsi vécu dans un état d'autarcie, loin des dynamiques internationales. Ce phénomène de repli s'est prolongé pendant plusieurs siècles, avec des conséquences sur l'évolution de la société et de l'économie coréennes. Au 19e siècle, la Corée, toujours fidèle à sa politique d'isolement, rejette les contacts avec le monde extérieur. Cependant, le catholicisme commence à se faire connaître dans le pays à partir de la fin du 18e siècle, bien qu’il ne soit initialement pas perçu comme une religion mais comme une philosophie ou une science. Cette arrivée se fait principalement grâce aux échanges indirects via la cour de Pékin, où des princes coréens rapportent des livres et des objets en lien avec le catholicisme, mais aussi des ouvrages sur les sciences comme les mathématiques et la physique. Des groupes de lettrés coréens forment des séminaires de discussion où la Bible est d'abord abordée comme un texte philosophique et historique. Peu à peu, ces lettrés se familiarisent avec la religion chrétienne et certains partent à Pékin pour rencontrer des prêtres. À cette époque, les missionnaires français interviennent en envoyant des prêtres en Corée, à la demande des Coréens eux-mêmes. Ces missionnaires arrivent de manière clandestine, se déguisant en veuves pour éviter la détection, portant des robes longues et de grands chapeaux qui masquent leur visage, et choisissant de ne pas parler pendant trois ans. Le catholicisme se répand progressivement, notamment grâce à l’utilisation du hangeul, la langue coréenne, qui permet la traduction de la Bible et facilite son accès. Le catholicisme prend ainsi de l’ampleur, en particulier chez les femmes, qui se convertissent et se font baptiser. Cependant, une fois que les autorités coréennes réalisent la propagation de la religion, des persécutions sévères sont lancées contre les chrétiens. Malgré ces persécutions, le catholicisme en Corée se transforme en une composante importante de la culture, et encore aujourd'hui, il est perçu comme tel. Les missionnaires apportent également une nouvelle dimension à la société coréenne en fondant des universités et des hôpitaux, contribuant ainsi à l'éducation et à la modernisation du pays. Sous le règne du roi Go-Jong, des réformes encouragent même les courtisanes à se tourner vers le domaine de la médecine, ce qui marque une ouverture aux influences étrangères et une évolution des rôles traditionnels des femmes. À la fin du 19e siècle, la Corée, déjà fragile politiquement, voit son indépendance de plus en plus menacée par les grandes puissances internationales. En 1876, le Japon commence à exercer une pression sur la Corée, suivi par une série d'accords commerciaux et d'amitié avec d'autres puissances mondiales telles que les États-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, la Russie, et finalement la France en 1886. Ces accords sont perçus comme un prélude à l’asservissement de la Corée par le Japon, qui finira par l'englober sous son contrôle. Les années 1890 sont marquées par des tensions internes croissantes, avec des luttes de factions et des divisions au sein du gouvernement coréen. La situation se détériore davantage avec les révoltes populaires, notamment le mouvement Donghak, une rébellion populiste et nationaliste contre l'influence étrangère. Pour réprimer cette révolte, le gouvernement coréen appelle la Chine à intervenir, ce qui déclenche la première guerre sino-japonaise (1894-1895). La Chine est rapidement battue par le Japon, qui chasse les troupes chinoises de Corée et s’affirme comme la puissance dominante dans la région. En 1895, le traité de Shimonoseki met fin à la guerre sino-japonaise. La Chine reconnaît l’indépendance de la Corée, mais doit céder la province du Liaodong au Japon. Deux ans plus tard, en 1897, le roi Go-Jong transforme la Corée en Grand Empire de Corée (대한제국, Daehanjeguk) pour réaffirmer l'indépendance du pays face aux ingérences étrangères. Cette démarche marque une rupture symbolique avec le passé, notamment avec le statut traditionnel de tributaire de la Chine, et vise à renforcer la souveraineté nationale. Cette décision est aussi une réponse à l’assassinat de la reine Min en 1895, un événement traumatisant pour la Corée. La reine, qui cherchait à contrer l’influence japonaise en s’alliant à la Russie, avait été brutalement tuée par des agents japonais. Ce drame provoque une onde de choc nationale et renforce le sentiment anti-japonais, incitant Go-Jong à prendre des mesures symboliques pour consolider son autorité et défendre l’autonomie du pays. Le Japon, en pleine expansion, entre ensuite en conflit avec la Russie pour la domination de la région, particulièrement en Chine et en Corée. Cela conduit à la guerre russo-japonaise (1904-1905), qui se solde par une victoire du Japon et une réorganisation des sphères d’influence en Asie. Après la guerre sino- japonaise, les grandes puissances avaient tenté de réorganiser la région pour équilibrer leurs intérêts, certains Britanniques suggérant une occupation partagée de la Corée : le Nord pour les Chinois et le Sud pour les Japonais. Cette proposition ne se concrétise pas, et en 1905, le Japon impose un protectorat sur la Corée, consolidant son contrôle. En 1907, la Corée tente d’internationaliser sa situation en sollicitant une intervention lors de la conférence de La Haye, mais en vain. Le Japon poursuit son expansion et annexe officiellement la Corée en 1910. Ce processus marque la fin de l’indépendance coréenne et l’instauration de l’occupation japonaise, qui durera jusqu’en 1945. 4 - Colonisation japonais (1910-1945) La colonisation japonaise de la Corée, officiellement instaurée en 1910 par le traité d’annexion nippo-coréen, représente une période de domination brutale et profondément traumatisante pour les Coréens. La Corée est alors intégrée comme une province japonaise, et sa capitale, Séoul, est renommée Keijo. Cette occupation, qui prend fin en 1945 après la défaite du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale, s’inscrit dans une politique d’assimilation culturelle visant à effacer l’identité coréenne. Les autorités coloniales imposent l’apprentissage du japonais dans les écoles, obligent les Coréens à adopter des noms japonais et interdisent l’usage public de leur langue, bien qu’il soit encouragé de parler coréen à la maison. Le shintoïsme devient une religion imposée, et des moines japonais, souvent mariés, sont envoyés en Corée pour influencer les pratiques religieuses locales. Les noms des rues et des lieux sont également transformés pour refléter une toponymie japonaise, témoignant de la volonté d’effacer l’héritage culturel coréen. Sur le plan économique, la colonisation entraîne une exploitation systématique des ressources locales. Les terres des paysans et celles de la famille royale sont expropriées, souvent redistribuées à des colons japonais ou à des entreprises, transformant les paysans coréens en travailleurs précaires sur leurs propres terres. Les récoltes, elles, sont majoritairement envoyées au Japon, ce qui aggrave la pauvreté des populations locales, déjà confrontées à de profondes inégalités sociales et à la corruption de l’administration coloniale. Si la modernisation des infrastructures, comme la construction de routes, de voies ferrées, de ports et de bâtiments administratifs, est mise en avant par les autorités japonaises, ces réalisations visent avant tout à renforcer le contrôle colonial et à faciliter l’exploitation des ressources coréennes. En parallèle, le Japon introduit un système juridique et une organisation sociale modernisée, mais ces évolutions, bien qu’influencées par des tendances occidentales, profitent principalement aux intérêts japonais. Malgré les souffrances engendrées par l’occupation, certains jeunes Coréens partent étudier au Japon, attirés par le prestige et les opportunités offertes par un pays perçu comme moderne durant l’ère Meiji. Ce mouvement reflète une forme d’admiration mêlée de ressentiment, car ces étudiants reviennent souvent confrontés aux limites imposées par leur statut de colonisés. Les Japonais modifient également l’architecture coréenne en reconstruisant des maisons dans un style japonais, imposant leur esthétique sur le territoire occupé. Ils érigent leur gouvernement colonial directement sur le site du palais impérial coréen, un geste perçu comme une humiliation symbolique par les Coréens. Ce bâtiment, emblématique de la domination japonaise, sera finalement détruit en 1993 par les Coréens, marquant leur volonté de tourner la page sur cette période douloureuse de leur histoire et de restaurer leur patrimoine culturel. La période de la colonisation japonaise a été marquée par de nombreuses formes de violences. D’une part, les "femmes de réconfort" étaient des femmes et des filles, souvent âgées de 11 à 14 ans, qui ont été contraintes de travailler dans des établissements au service de l'armée japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces femmes venaient principalement de Corée, mais aussi de Chine et d'autres pays occupés. Beaucoup de familles ont marié leurs filles rapidement dans l'espoir de les protéger de ces enlèvements forcés. Ce système a été une forme d'exploitation, laissant un lourd héritage de souffrance et de traumatisme pour les victimes. D’autre part, l'Unité 731 était une unité secrète de l'armée japonaise qui a mené des expérimentations biologiques et médicales sur des prisonniers de guerre et des civils en Chine pendant la Seconde Guerre mondiale. Les chercheurs de cette unité ont pratiqué des expérimentations inhumaines sur des êtres humains, notamment des vivisections, des tests d'armes biologiques et chimiques, ainsi que des recherches sur la propagation de maladies. Des milliers de personnes, principalement des Chinois, mais aussi des prisonniers de guerre soviétiques et des Coréens, ont été victimes de ces expérimentations. Ces actes ont causé de grandes souffrances et sont considérés comme des crimes de guerre. Après la guerre, les responsables de l'Unité 731 ont échappé à des poursuites, car les États-Unis ont négocié des informations scientifiques en échange de l'immunité pour certains d'entre eux. Malgré les atrocités commises par l'Unité 731 et l'exploitation des "femmes de réconfort", le Japon n'a jamais présenté d'excuses officielles complètes et formelles pour ces crimes. Aucun ministre japonais n'a officiellement reconnu ces actes dans leur ensemble, et les excuses données sont souvent perçues comme insuffisantes. En 2016, un pseudo-accord a été signé entre le Japon et la Corée du Sud sous la présidence de Park Geun-Hye, mais cet accord a été largement critiqué en Corée du Sud, car il a été conclu sous pression des États-Unis et dans un contexte de tensions croissantes avec la Corée du Nord. Cet accord prévoyait des excuses et des compensations financières pour les femmes de réconfort, mais beaucoup d'historiens et de victimes considèrent qu'il ne répondait pas de manière adéquate aux attentes de réparation. L'accord a d'ailleurs été remis en question par les administrations suivantes en Corée du Sud. La responsabilité des atrocités commises pendant la guerre est souvent attribuée à Hirohito, l'empereur du Japon. En décembre 1936, pendant cette période sombre de l'expansion japonaise, le Japon s'est allié à l'Allemagne nazie, formant l'Axe Berlin-Tokyo. Cette alliance a engendré des échanges entre les deux pays, et des discussions ont eu lieu sur la manière de gérer l'image du Japon à l'international. Hitler, préoccupé par la mauvaise presse que ces violences pourraient engendrer, n'était pas d'accord avec cette image, mais l'oncle de Hirohito, le prince Naruhiko Higashikuni, aurait pris la décision de créer des unités de femmes de réconfort. Ces femmes ont été comptées comme des "munitions" et non comme des êtres humains, témoignant du mépris total pour leur dignité et leur humanité. Le massacre de Nankin, en 1937, est également un épisode marquant de cette période. Nankin, la capitale de la Chine, a été prise par l'armée japonaise, et les atrocités commises par les soldats japonais ont choqué le monde entier. Ce massacre a renforcé la "rage" de nombreux chinois, coréens et autres populations sous occupation japonaise, qui ont vu leurs souffrances et leurs droits piétinés durant des années. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'occupation japonaise a cessé, et la péninsule coréenne a été divisée en deux zones d'occupation : le nord sous contrôle soviétique et le sud sous contrôle américain. Le destin des femmes de réconfort, qui ont subi des violences pendant la guerre, a été tragique. Peu d'enfants sont nés de ces viols, et celles qui sont revenues en Corée ont souvent été rejetées par leur famille en raison de la honte associée à leur expérience. Cela a laissé de nombreuses survivantes dans une souffrance psychologique profonde. L'USAMGIK (United States Army Military Government in Korea) a joué un rôle déterminant dans les premiers temps de l'occupation américaine de la Corée, après la Seconde Guerre mondiale. Ce gouvernement militaire a établi un contrôle direct sur le pays, en particulier sur la zone sud du 38e parallèle, après la fin de la domination japonaise en 1945. Beaucoup des anciens collaborateurs japonais, y compris ceux des services de police, ont été intégrés dans les structures administratives de la Corée du Sud sous l'occupation américaine, ce qui a suscité des critiques sur la continuité des méthodes de gouvernance. Cela a permis à certains anciens responsables de maintenir un pouvoir considérable au sein du nouveau gouvernement sud-coréen, qui se basait en grande partie sur des éléments de l'administration japonaise. En parallèle, après l'indépendance, le gouvernement de la Corée du Sud a été fortement influencé par les États-Unis et dirigé par des figures comme Syngman Rhee, qui a pris le pouvoir en 1948. Quant aux responsables japonais, bien que certains aient été jugés après la guerre, le Japon n'a pas fait face à des procès aussi complets que l'Allemagne pour ses crimes de guerre, ce qui a permis à plusieurs anciens responsables de jouer un rôle actif dans la politique post-guerre. - III- Epoque contemporaine : la condition de la femme, l’envers du miroir, société et jeunesse « malades » - - 1 – Reconstruction - En 1948, après la division de la Corée, Kim Il-sung fonde la République populaire de Corée au nord, où une grande épuration est menée contre les collaborateurs du régime japonais et les ennemis politiques, principalement les classes sociales jugées traîtres. Dans le sud, une épuration similaire se produit, mais elle vise principalement les communistes et les sympathisants de l'idéologie marxiste. Le massacre de Jeju, par exemple, est un épisode tragique où les communistes et leurs soutiens dans le sud sont brutalement réprimés. Le néoconfucianisme, qui a façonné la société coréenne depuis la fondation de la dynastie Joseon en 1392, continue d’influencer la structure sociale. Il impose une hiérarchie stricte dans les relations humaines : entre le souverain et ses sujets, le père et son fils, ou encore les camarades entre eux. Cette organisation sociale a été utilisée pour justifier l'autorité et les sacrifices individuels au profit du collectif, ce qui a facilité l’établissement de régimes dictatoriaux. Cependant, à mesure que les jeunes générations devenaient plus influencées par des idéaux modernes, le confucianisme perdait de son attrait, notamment face à des concepts comme la fraternité, difficiles à traduire en coréen et illustrant ainsi un décalage croissant entre les valeurs traditionnelles et les aspirations contemporaines. 2 – Condition de la femme en Corée de Joseon à nos jours À l'époque Joseon, le confucianisme structura profondément la société coréenne, notamment avec l'importance du blanc, couleur symbolisant l'harmonie et la pureté. La Corée était ainsi surnommée "le pays des hommes en blancs" en raison de la popularité de cette couleur dans la tenue des Coréens, en particulier des lettrés. Cependant, pendant cette période, les Japonais, notamment durant les invasions, jetaient de l'encre noire sur les Coréens, cherchant à dénigrer leur culture. Les femmes, quant à elles, étaient soumises à des normes extrêmement strictes : elles devaient rester confinées chez elles, leurs visages souvent dissimulés à l'exception de leurs yeux. La société était profondément patriarcale, les hommes étant considérés comme les lettrés et les femmes étant reléguées à la gestion domestique, notamment des finances. Bien que les femmes aient eu un rôle important dans la gestion de l’argent à l'intérieur des foyers, elles étaient souvent exclues de l'éducation et privées de liberté. Les femmes pouvaient être répudiées pour diverses raisons, telles que leur incapacité à avoir des enfants, leur bavardage, ou même des accusations de vol ou de malversation. Ces pratiques et mentalités se sont prolongées dans l’histoire, affectant la place des femmes dans la société coréenne jusqu’à des époques récentes. Sous la dynastie Joseon, les relations de couple et les normes sociales étaient très strictes. Un homme pouvait répudier sa femme, sauf si c'était grâce à elle qu'il s'était enrichi. En revanche, une femme répudiée ou veuve ne pouvait pas se remarier, sa position sociale étant souvent très fragile. Le costume des femmes était conçu pour cacher leurs formes, symbolisant la modestie et l'adhérence aux normes confucéennes. De plus, les femmes étaient soumises à une restriction sévère sur leur liberté de déplacement : elles ne pouvaient sortir qu'après 9 ou 10 heures du soir, et seules les femmes "bien" pouvaient se déplacer à ces heures tardives, tandis que les hommes étaient interdits de sortie à ce moment-là. Les femmes pratiquaient des activités physiques symboliques, comme un type de balançoire, dans une société où elles étaient généralement confinées à l'espace domestique. Grâce à cela, elle pouvait communiquer entre elles, au-delà des murs. De plus, l'adoption était courante, mais elle restait informelle, car les adoptions au sein de la famille n'étaient pas inscrites dans les registres officiels. Si une femme ne pouvait pas avoir d'enfants, il était possible de recourir à une mère porteuse. Cependant, si un homme était infertile, la femme se retrouvait dans une situation difficile. Elle était laissée seule chez elle, sans domestiques, et dans un cas extrême, pratiquait le "shilleli" : elle séduisait un homme pour avoir un enfant avec lui, et lorsqu'il repartait, il était tué pour préserver l'honneur de la famille. Au sein de la société coréenne traditionnelle, l'éducation des femmes était fortement limitée, mais il existait des exceptions. Certaines femmes lettrées, comme Sin Sai-Dang, ainsi que les princesses et certaines courtisanes, avaient accès à des connaissances. Toutefois, l'instruction pour la majorité des femmes ne commença réellement à se développer qu'à la fin du XIXe siècle, notamment grâce à l’arrivée des missionnaires à Séoul, comme l'Américaine Mary Grandson. Ces missionnaires ouvrirent des institutions exclusivement pour les filles, et ce mouvement d'éducation féminine se poursuivit et se développa même sous l'occupation japonaise, marquant un tournant dans l'accès des femmes à l'éducation en Corée. Aujourd'hui, la place de la femme en Corée demeure complexe et difficile. En 2016, l'écart salarial entre hommes et femmes était de 37%. Un mouvement féministe courageux a émergé face à ces inégalités, mais il a été confronté à une opposition violente. En 2018, un meurtre choquant a eu lieu dans le métro, où une femme a été tuée simplement parce qu'elle était une femme. Une forme de haine envers les femmes persiste en Corée, alimentée par l'injustice ressentie par certains hommes qui doivent accomplir le service militaire obligatoire, alors que les femmes en sont exemptées. Ils souhaitent revenir à une Corée "à l'ancienne", où les rôles de genre étaient strictement définis. Les féministes, comme les groupes tels que Megalian, font face à des dangers et à une répression violente, ce qui met en lumière les tensions sociales et culturelles actuelles concernant les droits des femmes en Corée. À Séoul, il existe des mouvements de masculinisme, souvent associés à des groupes extrémistes appelés les wangja, qui expriment une haine profonde envers les femmes. Ces groupes militent pour des idéologies patriarcales et encouragent des comportements violents. Leur discours se base sur l'idée que les hommes sont victimes d'injustices dans une société où les droits des femmes sont de plus en plus reconnus, notamment en raison des privilèges perçus que les femmes détiennent, comme l'exemption du service militaire. Certains de ces groupes vont jusqu'à exprimer des menaces de violence envers les femmes, renforçant ainsi les tensions de genre et exacerbant la division sociale en Corée.