Histoire Des Faits Economiques - Université Paris Nanterre - 1er Année PDF
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Université Paris Nanterre
2024
Patrice Baubeau
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These notes from a first-year economics course at the University Paris Nanterre cover the history of economic facts. They focus on the origins of states as well as money. The summary includes core concepts like institutions and coordination.
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Histoire des Faits Économiques Licence Eco-gestion – 1ère année L’essor des États, la naissance des monnaies Séance 2 – 23/09/2024 1ère partie : la naissance des États Histoire des Faits Économiques Licence Eco-gestion – 1ère année Résumé de la séa...
Histoire des Faits Économiques Licence Eco-gestion – 1ère année L’essor des États, la naissance des monnaies Séance 2 – 23/09/2024 1ère partie : la naissance des États Histoire des Faits Économiques Licence Eco-gestion – 1ère année Résumé de la séance précédente – Les êtres humains collaborent et s’organisent pour produire, échanger et consommer : c’est l’essence même d’une société humaine – Dans ces conditions, il n’y a pas de société humaine qui échappe à l’économie et, par voie de conséquence, à l’histoire économique L’histoire économique étudie les façons diverses dont les sociétés humaines ont mobilisé et organisé leurs moyens de production et d’échange en vue de leur consommation et de leurs activités sociales C’est pourquoi, aujourd’hui nous allons aborder les instruments de cette collaboration – L’économie nécessite pour son fonctionnement des instruments de coordination : Les normes et usages (coutumes, lois, valeurs morales), les structures sociales (famille, système de parenté), les organisations (églises, associations, entreprises), les systèmes de justification (mythes, religions, éthique) – C’est ce qu’on appelle le plus souvent des institutions Attention, c’est un terme ambigu : selon les auteurs, il peut inclure ou exclure les organisations voire les structures sociales Patrice Baubeau Histoire des Faits Économiques Licence Eco-gestion – 1ère année Question sur la séance précédente : « Je n’ai pas bien saisi ce qu’apporte le mot épargne dans la deuxième version de la première définition d’économie ? » La définition 1 de l’économie comprenait deux variantes : – 1.1. L’économie consiste dans la manière dont sont mobilisés des moyens en vue de satisfaire la consommation des êtres humains – 1.2. L’économie consiste dans la manière dont sont mobilisés des moyens en vue de satisfaire la consommation et l’épargne des êtres humains Ces deux définitions ne diffèrent que par un seul mot, mais cela suffit à en changer le sens – La seconde définition est plus restrictive, car la notion d’épargne suppose une consommation différée dans le temps des revenus (en nature ou en monnaie) – Elle implique aussi l’existence d’un choix conscient entre deux usages d’un bien : sa consommation immédiate ou un usage ultérieur et différent (investissement) Du fait de ces deux différences (dans le temps, dans les usages), cette définition 1.2. exclut la plus grande partie de l’histoire des sociétés humaines – Elle ne retient que les sociétés valorisant les objets de culte ou d’identification, c’est-à-dire des formes d’accumulation (la parure est très ancienne, mais elle ne semble correspondre que depuis quelques dizaines de milliers d’années à une « épargne ») – Elle écarte donc la plupart des sociétés paléolithiques Le but était de vous montrer comment les définitions sont des outils fragiles car s’y glissent facilement nos conceptions du monde, nos aprioris, associés à nos valeurs, nos idées… – De même que « spontanément » la plupart d’entre nous verrons des chasseurs et non des chasseuses dans une œuvre pariétale, un guerrier et non une guerrière dans une tombe comprenant des armes… Patrice Baubeau L’essor des États, la naissance des monnaies Introduction : le problème de la coordination Il existe énormément d’outils de coordination entre les êtres humains – Le premier d’entre eux est évidemment le langage (verbal, non verbal, graphique, écrit) – Cela correspond aux facultés symboliques de l’espèce Homo (sans lui être exclusif) Le problème réside dans l’application de ces outils de coordination à des tâches concrètes : – Définir un objectif – Concevoir un moyen / une voie – Aboutir au résultat visé à un coût supportable En caricaturant, il y a deux modalités principales de coordination : – L’autorité / la délégation (le modèle vertical) – La négociation / la coopération (le modèle horizontal) Évidemment, l’étude du passé enseigne que ces deux modalités sont très rarement (jamais ?) mises en œuvre de manière isolée – il y a a généralement combinaison Les institutions sont l’un des moyens de combiner, de façon variable, ces deux principes Or, il y a quelques milliers d’années, deux outils de coordination – deux institutions – particulièrement durables ont été élaborés et évoluent encore aujourd’hui : – L’État – La monnaie Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté A. Du groupe à l’État Les États apparaissent d’abord en Asie, lorsque des groupes humains organisés se dotent d’institutions de gouvernance permanentes, c’est-à-dire qui dépassent la durée de vie des gouvernés et des gouvernants – Les premiers États connus naissent au Moyen-Orient (Mésopotamie) il y a environ 6 000 ans et de là migrent vers l’Est (Inde, Chine) et vers l’Ouest et le sud (Égypte, Nubie, îles orientales de la Méditerranée puis Grèce) La forme étatique gagne ensuite la plus grande part de l’Afrique et de l’Europe – Un foyer indépendant de naissance des États apparaît en Amérique centrale il y a environ 3 000 ans – Seule l’Australie, très anciennement peuplée, semble n’avoir jamais connu de système d’État avant l’arrivée des Européens au XVIIIe siècle, vraisemblablement en lien avec l’aggravation des contraintes environnementales il y a quelques dizaines de milliers d’années Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté A. Du groupe à l’État Source : Norel et alii, 2009, p. 109 Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté A. Du groupe à l’État Ces États sont associés à trois phénomènes : 1. Il n’y a pas d’État sans un minimum de hiérarchie sociale et de division du travail Typiquement, les premiers États s’appuient sur une distinction forte – Entre sédentaires et nomades – Entre sacré et laïcs : clercs et rois d’un côté ; militaires et travailleurs de l’autre – Entre élites et gouvernés : aristocratie, castes dominantes (religieuse, militaire) ; paysannerie, dépendants Ces divisions sociales sont associées à la perpétuité du groupe humain correspondant : elles sont donc insérées dans le système de croyances et les structures familiales 2. Il n’y a pas d’État sans formalisation d’une autorité, en générale confiée à une personne ou à un groupe de personnes, sur le reste de la société 3. Il n’y a pas d’État sans détermination d’un intérieur et d’un extérieur à l’État : En termes ethno-racial ou religieux : eux et nous, humains et non-humains En termes de résidence et de mode de vie : ager et saltus, nomades et sédentaires, humains civilisés et barbares, mangeurs de pains et mangeurs de viande… En termes d’appartenance à la société : maîtres et esclaves ; souverain et sujets ; citoyens et étrangers Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté A. Du groupe à l’État Ainsi, l’État réunit autant qu’il distingue – C’est sa première fonction : il identifie. Pensez à vos cartes d’identité L’Etat assure la continuité de la société, au-delà de la vie des individus. Cette continuité peut s’entendre de trois façons principales : – L’éternel retour : le présent n’est qu’une réorganisation du passé, toujours là – le futur n’a pas d’existence propre (il réalise le présent ou le passé) – Le temps du roi ou comput, fondé sur les règnes : l’histoire n’est que celle des rois et de leurs gloires ou de leurs échecs – Le temps de la promesse ou eschatologie : le futur, qu’il soit religieux (parousie, retour du Messie…) ou rationnel (thème du progrès) domine le présent c’est notamment le temps de la science économique, qui cherche sa validation scientifique et éthique dans sa capacité à prévoir le futur L’État assure la prise en charge et la transmission de la dette de vie, c’est-à-dire la pérennité de la société considérée, dans le passé, le présent et le futur, sous la forme d’un lien obligatoire entre les générations passées et les générations à venir – La dette de vie (Rospabé, 2010) implique que l’individu doit son existence à sa communauté d’appartenance, et qu’il ne peut jamais entièrement rembourser cette dette – L’État est l’institution qui permet d’exiger le service de cette dette : impôts et taxes, service militaire, corvées, esclavage, mariage, descendance… Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté A. Du groupe à l’État Un État est donc une institution ou un groupe d’institutions (méta- institution) qui – Délimite les frontières d’une société Territoriales, raciales, linguistiques, culturelles… – Contribue à perpétuer son/ses identité/s collective/s et individuelle/s – Protège cette société des dangers extérieurs Autres États et populations « hors » de l’État Menaces divines, naturelles, alimentaires… Guerre civile ou stasis – Organise des solidarités et des collaborations internes Organisation juridique Opposabilité des droits Formes légitimes de résolution des conflits entre personnes et entre groupes L’État est donc un outil de gestion – Des risques : risques externes (guerre) comme internes (stasis) – Des espaces : il peut s’agir d’un espace délimité, approprié ou parcouru – Du temps : l’État inscrit les humains dans une chaîne chronologique qui les dépasse, qui assure la transmission des anciens vers les nouveaux membres Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté B. L’institutionnalisation difficile de l’État Au cœur de la formation des États, il y a la question du pouvoir, lequel repose sur deux principes : – L’autorité : la capacité d’une personne ou d’un groupe à orienter, diriger, gouverner d’autres groupes ou personnes, éventuellement en déléguant une partie de ce pouvoir – La légitimité : la manifestation de l’identité d’un groupe qui reconnaît comme instance légitime de son propre gouvernement une personne (roi) ou une institution (Parlement) La souveraineté est le lieu où s’articulent autorité et légitimité – Son exercice suppose en effet de combiner l’autorité et la légitimité du pouvoir Sans autorité, pas de décision Sans légitimité, risque de révolte ou de sécession Schématiquement, tous les États sont tiraillés entre ces deux pôles : – On retrouve la distinction entre la « verticalité » du pouvoir propre à l’autorité, d’un côté, et « l’horizontalité » de la légitimité de l’autre – Néanmoins, parce que la souveraineté est unique, autorité et légitimité se combinent : Hobbes explique que l’exercice de la souveraineté est impossible sans le respect d’une autorité, que cette autorité soit une personne, une institution ou une règle La légitimité est forcément relative : il faut en effet délimiter qui a le droit d’y participer : bien souvent en ont été exclus les femmes, les étrangers, les jeunes, les condamnés… Comme l’écrit Pascal : « La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique » Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté B. L’institutionnalisation difficile de l’État L’articulation de la verticalité de l’autorité et de l’horizontalité de la légitimité dans l’État fonde donc la souveraineté, qui peut de ce fait s’analyser comme une relation entre le gouvernant et les gouvernés Ce rôle crucial explique le recours fréquent à la catégorie du sacré pour conforter la souveraineté : – Cela s’observe par exemple dans le rôle de gardien du temps souvent reconnu aux dirigeants – Il y a assimilation entre le salut matériel et le salut spirituel de la communauté – En sens inverse la communauté peut ordonner à des individus de se sacrifier au bien commun – le destin de la communauté dépasse celui de ses membres. C’est le principe général des guerres, mais il y a des cas plus spécifiques, lorsque le salut des uns repose sur l’holocauste des autres : Les sacrifices humains, très fréquents dans les sociétés méso-américaines pré- colombiennes Les entreprises de destruction de populations jugées hostiles à l’État : juifs par les nazis, yézidis par l’État islamique, koulaks ukrainiens par Staline, citadins par les khmers rouges Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté B. L’institutionnalisation difficile de l’État La personne qui incarne l’autorité de l’État a donc le plus souvent un caractère sacré, à moins que l’État lui-même ne devienne sacré : – Le roi de France à partir de Clovis ne devient pleinement roi qu’après un « sacre » qui est d’abord un sacrement, c’est-à-dire une cérémonie religieuse – L’empereur de Chine est « fils du Ciel », il représente le lien entre la société des hommes et le monde du divin – c’est lui qui détient les clés du temps : premier labour ; comput annuel – Le pharaon égyptien, l’empereur romain (césar) ou le Tenno japonais (fils du ciel) sont non seulement sacrés, mais divins – l’État organise leur culte, obligatoire – Le crime de « lèse-majesté » n’est pas seulement un affront physique ou symbolique : fondamentalement c’est un blasphème, une attaque contre la religion Les peines qui le punissent sont d’ailleurs infamantes, comme la roue Le pardon est impossible Pour toutes ces raisons, la formation d’un État est toujours inachevée, car elle repose sur des compromis, sans cesse renégociés, comme le montre l’exemple des guerres de religion européennes Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté C. L’exemple des guerres de religion en Europe Les guerres de religion qui ensanglantent l’Europe aux XVI e et XVIIe siècles portent notamment sur la question du lien entre l’État, la religion et ses sujets. Le principe dominant du « Cujus regio, ejus religio » assimile d’un point de vue religieux les sujets au Prince : choisir une autre foi, c’est non seulement être apostat, mais trahir l’État – Notez que ce principe formulé au XVIe siècle marque en fait un premier recul de la souveraineté de l’Église catholique sur l’État – puisqu’il admet qu’une « autre » religion est possible Dans ces conditions la guerre de religion est en même temps une croisade : elle est soutenue par les différentes Églises, qui ne peuvent admettre la coexistence de religions différentes, ce qui signifierait la relativité du message divin Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté C. L’exemple des guerres de religion en Europe Toutefois, le principe du « Cujus regio » ne suffit pas à (r)établir la paix dans les grands royaumes européens : il faudrait soit les diviser en principautés autonomes dotées d’une seule foi, soit exterminer la part de la population attachée à la religion minoritaire – C’est d’ailleurs ce qui explique les politiques d’expulsion des Juifs ou des Musulmans hors d’Europe du XIe au XVe siècle ou encore l’exode des protestants français à la fin du XVII e siècle (1685, révocation de l’Édit de Nantes) On assiste ainsi à des massacres de grande ampleur : Saint Barthélémy (1572) ; guerre de Trente ans (disparition d’un tiers de la population allemande entre 1618 et 1648) – La situation semble donc totalement bloquée puisqu’elle oppose des principes inconciliables : l’unicité éthique de la foi ; la variété des formes religieuses Des penseurs du XVIe siècle (Montaigne, Erasme, Thomas More, Michel de L’Hospital) et surtout Jean Bodin (1530-1596) vont alors proposer deux principes fondamentaux : – Le principe du pouvoir absolu de l’État – Le principe de la responsabilité de l’État dans le maintien de l’ordre public On évoque souvent la question de la « tolérance » à ce propos, mais le terme est trompeur. Les deux questions centrales sont celles : – Des conditions de l’exercice de l’autorité – Des principes sur lesquels cette autorité doit être établie et donc de qui doit l’exercer Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté C. L’exemple des guerres de religion en Europe Les massacres et les guerres entraînés par les conflits religieux amènent les États, en s’appuyant sur les principes absolutistes posés par Bodin : À une conception extensive de la souveraineté : « La souveraineté est la puissance absolue & perpétuelle d'une République » (Bodin, La République) L’autorité de l’État prime, dans son domaine propre qui est celui de l’ordre public, celle d’une Église De cadre global, la foi devient lien social et facteur de l’ordre civil, et non plus le seul principe d’organisation de la société « Et d'autant que tous les Atheistes mesmes sont d'accord, que il n'y a chose qui plus maintienne les estats, et Republiques, que la religion, et que c'est le principal fondement de la puissance des Monarques, de l'execution des loix, de l'obeissance des sujets, de la reverence des magistrats, de la crainte de mal faire et de l'amitié mutuelle envers un chacun, il faut bien prendre garde qu'une chose si sacree, ne soit mesprisee ou revoquee en doubte par disputes : car de ce point là dépend la ruine des Republiques. » (Bodin, La République) Bodin indique ici que si les valeurs religieuses fondent l’État, elles ne sont pas propres à une seule foi : il pose les bases d’une politique distincte de la religion Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté C. L’exemple des guerres de religion en Europe Jean Bodin, La République, 1576 La foi religieuse, lien social et facteur de l’ordre civil : « Et d'autant que tous les Atheistes mesmes sont d'accord, que il n'y a chose qui plus maintienne les estats, et Republiques, que la religion, et que c'est le principal fondement de la puissance des Monarques, de l'execution des loix, de l'obeissance des sujets, de la reverence des magistrats, de la crainte de mal faire et de l'amitié mutuelle envers un chacun, il faut bien prendre garde qu'une chose si sacree, ne soit mesprisee ou revoquee en doubte par disputes : car de ce point là dépend la ruine des Republiques. » Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté C. L’exemple des guerres de religion en Europe – Aussi, lorsque la religion entraîne des désordres civils, c’est à l’État de limiter ces désordres, et non aux autorités religieuses – Dès lors, la tolérance n’est que le choix de faire primer l’autorité de l’État et son objectif d’ordre public, sur l’autorité des Églises et leur objectif de détermination de la vérité L’objet propre de l’État, c’est l’ordre public, condition de la prospérité de tous L’objet propre de l’Église, c’est la vérité, condition du salut de tous – Cela implique de donner à l’État le pouvoir d’aller contre la religion, lorsque l’intérêt collectif déterminé par l’État, le commande C’est le point de départ de la conception « absolutiste » de l’État, qui renverse la conception antérieure d’une soumission des États à l’Église (conflit entre le Pape et l’Empereur, XIe siècle) Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté C. L’exemple des guerres de religion en Europe La « révolution westphalienne » de 1648 Cette nouvelle conception de l’État est affirmée lors des conférences de Westphalie (1648), premier sommet étatique de l’histoire Ces conférences mettent fin aux guerres de religion, érigent les États en principaux acteurs diplomatiques et consacrent les monarques comme seuls maîtres politiques de leur royaume Les Églises ne détiennent d’autorité que spirituelle : les traités de Westphalie reconnaissent l’existence de trois confessions chrétiennes en Allemagne, ce qui était inimaginable auparavant, la religion se caractérisant par son unicité – Néanmoins, en tant qu’État, l’Église catholique conserve un double pouvoir qu’elle ne perdra qu’avec l’achèvement de l’unification italienne, en 1870 Ces nouvelles conceptions de la souveraineté et de la religion seront approfondies au siècle des Lumières par Grotius, Pufendorf, Locke, Montesquieu… – Vous avez appris que les Lumières proposent de nouvelles conceptions de la liberté individuelle, influencées par la découverte des civilisation extra-européennes – Mais ce mouvement serait inconcevable sans une nouvelle conception de l’État Patrice Baubeau I. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté C. L’exemple des guerres de religion en Europe Cette « victoire » des États, en tant qu’institution et organisation centrale des sociétés modernes, entraîne de nombreuses conséquences : La laïcisation : de nouveaux rapports entre autorité et souveraineté – Leur laïcisation, esquissée par Bodin : un droit ne dépend pas du statut religieux de la personne – cela annonce la fin du blasphème – La supériorité de droits permanents et impersonnels pour organiser les rapports entre les hommes Le « droit naturel » – Directement inspiré des enseignements religieux, il accorde aux êtres humains des droits inaliénables, car liés à leur nature d’être humain. Cela fonde encore aujourd’hui nos actuels droits de l’homme L’école catholique de Salamanque, influencée notamment par la découverte d’une « autre humanité » joue un rôle clé dans cette réflexion Grotius prolonge ces analyses en réaction aux guerres de religion La liberté économique – Bodin et ses successeurs esquissent puis promeuvent la liberté du commerce et la liberté de l’exercice des professions et des métiers, au nom justement de la puissance de l’État : « Pour la grandeur d’un royaume, le commerce doit être franc et libre » (Bodin, La République) Dès lors, l’autorité « absolue » de l’État moderne se heurte à deux principes : – L’intérêt de la communauté, dont l’État est le serviteur – Le droit des individus, en particulier lorsqu’il pose des principes permanents : droits naturels, liberté du commerce, respect des traités, valeur de la monnaie Patrice Baubeau