Étude sur la violence dans les relations amoureuses des jeunes - Rapport québécois sur la violence et la santé PDF
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Martine Hébert, Andréanne Lapierre, Francine Lavoie, Mylène Fernet, Martin Blais
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Summary
Ce document présente une analyse de la violence dans les relations amoureuses des jeunes au Québec. Le rapport discute des différentes formes de violence (physique, psychologique, sexuelle et cyber-violence), de leurs fréquences et de leurs impact sur la santé physique et mentale des jeunes. Il souligne la nécessité de programmes de prévention concertés et inclusifs.
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Tiré du Rapport québécois sur la violence et la santé Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations...
Tiré du Rapport québécois sur la violence et la santé Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes Martine Hébert, Université du Québec à Montréal Andréanne Lapierre, Université du Québec à Montréal Francine Lavoie, Université Laval Mylène Fernet, Université du Québec à Montréal Martin Blais, Université du Québec à Montréal Messages clés Les enquêtes révèlent que plus du quart des jeunes Québécois ont subi ou infligé de la violence dans le cadre d’une relation amoureuse. La proportion variant selon le sexe et la forme de violence considérée. La violence dans les relations amoureuses des jeunes peut avoir lieu : entre des partenaires actuels ou après une rupture; dans le cadre de relations occasionnelles; au sein de couples; entre partenaires de sexes différents, de même sexe ou transgenres. La violence vécue au sein des relations amoureuses des jeunes s’exprime sous forme physique, psychologique, sexuelle, ou peut se manifester par de la cybervictimisation. La violence dans les relations amoureuses est fréquente chez les jeunes Québécois, tant chez les garçons que chez les filles. Cependant, ces dernières rapportent davantage d’épisodes de violence, plusieurs formes de violence en cooccurrence, et sont davantage victimes de violence sexuelle. La violence dans les relations amoureuses est associée à une panoplie de répercussions sur la santé physique et mentale des jeunes, incluant des sentiments de tristesse, une perception de soi plus négative, de la détresse psychologique, des symptômes de dépression, des idéations suicidaires, de même que des tentatives de suicide, des conséquences somatiques, des troubles alimentaires, et des problèmes de consommation d’alcool et de drogues. À ce jour, seulement quelques facteurs de protection de la violence dans les relations amoureuses, tant subie que perpétrée, ont été identifiés par la littérature. Pourtant, l'identification de ces facteurs serait susceptible d'orienter les programmes de prévention de la violence dans les relations amoureuses de manière à ce qu'ils développent prioritairement les forces que possèdent les adolescents et celles qui sont présentes dans leur environnement, plutôt que de s'attaquer principalement aux aspects qui augmentent le risque que les jeunes vivent ou infligent de la violence dans les relations amoureuses. Les évidences scientifiques semblent démontrer que la prévention de la violence dans les relations amoureuses passe davantage par des efforts concertés et complémentaires touchant plusieurs niveaux, et implantés dans des conditions optimales (intensité, durée), que par des programmes isolés et partiels. Au Québec et ailleurs, plusieurs initiatives sont prometteuses pour réduire la violence au sein des relations amoureuses des jeunes, comme les initiatives qui utilisent les nouvelles technologies et celles qui ciblent les témoins de la violence dans les relations amoureuses. Outre les programmes destinés à la population générale, des programmes plus ciblés destinés aux populations particulièrement vulnérables (ex. : les jeunes ayant vécu des traumas interpersonnels) devront être mis de l’avant pour véritablement répondre à ce problème de santé publique. Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes Introduction La violence dans les relations amoureuses (VRA) des jeunes est un phénomène d’intérêt public au Québec depuis le début des années 1990. Le Programme de prévention de la violence dans les relations amoureuses chez les jeunes (ViRAJ) serait à notre connaissance le premier programme de prévention de la violence dans les relations amoureuses destiné aux jeunes Québécois. Sa diffusion, soutenue par les ministères de l’Éducation et de la Santé et des Services sociaux, constitue la première action gouvernementale en matière de prévention de la VRA. Peu après son implantation, le gouvernement du Québec s’est doté d’une Politique d’intervention en matière de violence conjugale qui incluait certains objectifs en lien avec la promotion de rapports hommes-femmes égalitaires auprès des jeunes. En 2002, un premier portrait statistique de la situation particulière de la VRA chez les adolescents fut dressé à partir des données tirées de l’Enquête sociale et de santé auprès des enfants et des adolescents québécois 1999. Toutefois, ce n’est que 10 ans plus tard que le gouvernement du Québec inclut des objectifs liés à la prévention de la VRA chez les adolescents dans son Plan d’action gouvernemental 2012-2017 en matière de violence conjugale. Les plus récentes statistiques de l’Institut de la statistique du Québec concernant cette problématique ont été publiées en 2014 lors de la présentation de l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011 , et ont été amassées auprès d’un peu plus de 64 000 jeunes. Au Canada, en 2009, la VRA a été considérée comme une forme de violence conjugale par le ministère de la Justice et a fait l’objet d’enquêtes depuis. Aux États-Unis, même si les premières publications scientifiques américaines sur le sujet datent du début des années 1980, cette problématique a connu un intérêt public grandissant depuis la création de la Semaine nationale de sensibilisation et de prévention de la VRA en 2006. Définition Les premières études conduites au sujet de la VRA chez les adolescents ont d’abord défini cette dernière comme « l’utilisation de la force physique ou de contraintes dans l’intention de causer de la douleur ou des blessures à quelqu’un » 1. Actuellement, la communauté scientifique considère la VRA comme une problématique plus complexe, qui comprend plusieurs formes de violence, notamment certaines formes moins facilement identifiables que la violence physique, comme la violence psychologique (voir tableau 1). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la VRA comme « tout comportement au sein d’une relation intime qui cause un préjudice ou des souffrances physiques, psychologiques ou sexuelles, aux personnes qui sont [impliquées dans] cette relation, y compris des actes d’agression physique, de la coercition sexuelle, de la violence psychologique et des comportements autoritaires ou tyranniques ». L’Institut de la statistique du Québec adopte pour sa part la définition proposée en 1994 par Lavoie et ses collègues , soit « tout comportement ayant pour effet de nuire au développement de l’autre [c.-à-d. le partenaire] en compromettant son intégrité physique, psychologique et sexuelle ». Toutes ces définitions indiquent que la VRA s’exprime sous plusieurs formes (soit physique, psychologique ou sexuelle). La VRA renvoie donc à toute forme de violence vécue par des jeunes au sein de leurs relations amoureuses (l’expression « violence conjugale » étant davantage réservée aux personnes adultes). Si la majorité des études sur la VRA portent sur les jeunes de 14 à 17 ans, d’autres travaux incluent aussi des adultes émergents (18-25 ans). Dans le cadre de ce chapitre, nous présenterons prioritairement les travaux portant sur le groupe des 14-17 ans, tout en présentant les travaux portant sur des jeunes qui ont au plus 25 ans lorsque ces travaux sont pertinents. 1 Toutes les citations présentées dans ce chapitre (à l’exception de Lavoie et collab., 2009 et de Gouvernement du Québec, 2001, originalement en français) ont été librement traduites et représentent avec fidélité les propos originaux. Institut national de santé publique du Québec 99 Rapport québécois sur la violence et la santé Formes de violence dans les relations amoureuses des jeunes Formes Définition Exemples de manifestations « Une utilisation intentionnelle de la Pousser, gifler, frapper, serrer, secouer, force physique qui peut mordre ou brûler son partenaire, le potentiellement engendrer la mort, menacer avec une arme ou encore utiliser Physique une invalidité, des blessures ou de la une arme contre lui. douleur » qui a lieu dans le contexte d’une relation amoureuse. Plus difficilement décelable, elle Présence d’un comportement (ex. : désigne tous les comportements « de bouder, mentir, faire du chantage, menace, de dénigrement, de empêcher de voir une personne, menacer, tromperies, de contrôle ayant pour dénigrer). effet de déstabiliser l’autre et de Psychologique compromettre son bien-être ». La plupart des auteurs considèrent la Absence d’un comportement (ex. : ignorer violence verbale (qui inclut les son partenaire). menaces, les insultes et l’humiliation) comme faisant partie de la violence psychologique. Elle désigne toute forme de pression Harcèlement sexuel : comportement à exercée (absence/présence de caractère sexuel non désiré, qui se gestes) envers son partenaire pour manifeste de façon répétée et qui a des qu’il adopte les comportements conséquences néfastes pour la victime. sexuels non désirés , ou pour ne pas utiliser de méthodes contraceptives ou prophylactiques Sexuelle (c.-à-d. qui permettent de prévenir les infections transmissibles sexuellement et par le sang). Elle renvoie à un continuum de Attouchements sexuels gestes, pouvant aller jusqu’à Tentative d’agression sexuelle l’agression sexuelle (pour une Actes de pénétration (contacts oraux- définition, voir le chapitre 3 de ce génitaux, pénétration orale, vaginale ou rapport). anale). Il s’agit « [du] contrôle, [du] Utiliser le compte de son partenaire sur un harcèlement, [de] la traque ou [de] réseau social sans avoir obtenu sa l’abus d’un partenaire [effectué] par permission. l’entremise de la technologie ou des médias sociaux ». La plupart des chercheurs dans le Violence psychologique perpétrée en ligne : domaine [11,12] ne distinguent pas envoyer des messages multiples à son explicitement la cyberviolence des partenaire de manière à ce qu’il ne se sente autres formes de violence plus en sécurité, menacer de le blesser Cybervictimisation traditionnellement étudiées, mais la physiquement, publier des messages, des considèrent plutôt comme un photos ou des vidéos dénigrants à propos contexte supplémentaire dans lequel de son partenaire sur un réseau social. la VRA (psychologique ou sexuelle) Violence sexuelle commise en ligne ou est exercée. électroniquement : transmettre des messages à connotation sexuelle, des photos nues ou à caractère sexuel à son partenaire contre son gré, faire des pressions ou le menacer pour qu’il envoie une photo nue ou à caractère sexuel. 100 Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes Contexte La VRA peut se produire lorsque l’adolescent se trouve seul avec son partenaire, lorsqu’il est avec d’autres personnes ou dans un lieu public. Elle peut avoir lieu entre des partenaires actuels ou entre des ex- partenaires après une rupture , et s’observe tant entre partenaires de sexes différents, de même sexe ou transgenres , que dans des relations occasionnelles ou au sein de couples de longue date. L’adolescence est une période cruciale du développement durant laquelle plusieurs changements sont vécus. Les adolescents acquièrent, entre autres, leur indépendance ainsi que de nouvelles compétences socioaffectives, et ils développent leur identité et leur autonomie. Les premières expériences amoureuses et sexuelles sont généralement vécues à cette période, et elles impliquent de nombreux défis relationnels, en plus de permettre aux adolescents de plus amplement développer leurs habiletés de communication et leur capacité à résoudre des conflits. Contrairement aux conflits vécus dans la famille, ceux vécus dans les relations amoureuses se produisent dans une relation choisie. Ils nécessitent ainsi la recherche d’un compromis qui saura satisfaire les deux partenaires afin que la relation soit maintenue. Dans le cas où un conflit n’est pas résolu efficacement, les adolescents s’exposent au risque que la relation prenne fin. Malgré ce risque, les discussions qu’ils ont sur ces conflits sont souvent brèves et ne viseraient pas à identifier la source des désaccords ou à les dénouer , les conflits étant le plus souvent explorés superficiellement. Les adolescents préféreraient souvent se retirer ou éviter les conflits pour préserver l’harmonie du couple et éviter de compromettre leur relation. Ces défis relationnels peuvent engendrer un certain niveau de stress chez certains adolescents qui, combiné à des attentes irréalistes entretenues au sujet des relations amoureuses, peut les mener à vouloir préserver à tout prix leur relation , et même à adopter des comportements violents pour ce faire. Bien que l’adolescence se distingue par une redéfinition du lien avec les parents, ces derniers demeurent tout de même fort présents. Ils peuvent jouer un rôle important tant dans le maintien d’une relation violente que dans sa cessation. Certains parents encouragent l’adolescent à rester dans une relation dont ils ne perçoivent pas le caractère violent, alors que d’autres exigent une rupture, ce qui peut inciter les jeunes à vivre leur relation dans le secret. Afin d’explorer le phénomène de la VRA, son ampleur, les facteurs de risque et de protection qui y sont associés, ses conséquences, ainsi que la manière de la prévenir seront abordés. Ampleur du problème La VRA est un phénomène dont l’ampleur au Québec est de mieux en mieux circonscrite. Des enquêtes récentes qui ont utilisé des données autorapportées ont dressé un portrait rigoureux de cette problématique chez la population adolescente [23,24]. L’utilisation d’échantillons représentatifs des adolescents du Québec, composés de plusieurs milliers d’individus, a permis d’obtenir des informations valides au sujet de la victimisation dans leurs relations amoureuses, ainsi que de leur recours à des comportements violents à l’égard de leur partenaire. L’utilisation de données autorapportées peut cependant induire un certain biais puisque les réponses obtenues sont toujours assujetties au phénomène de désirabilité sociale qui incite les répondants à répondre en fonction de ce qui est acceptable dans la société plutôt qu’en fonction de ce qui s’est réellement passé. Il est ainsi conseillé d’avoir recours à de multiples points de vue (ex. : données rapportées par des témoins) pour avoir un meilleur portrait de la situation de la VRA chez les adolescents, et pour mieux planifier les services et les interventions préventives qui leur sont destinés. Institut national de santé publique du Québec 101 Rapport québécois sur la violence et la santé Portrait de la situation au Québec et au Canada Au Québec, deux récentes enquêtes ont notamment permis d’obtenir la prévalence de la VRA. D’abord, l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011 (EQSJS) a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 64 196 élèves du secondaire à l’aide de questionnaires autorapportés. Ces données ont révélé qu’au cours des 12 derniers mois, le tiers des adolescents en couple (n = 16 049) ont été victimes de VRA durant cette période, alors que le quart (25 %) des adolescents en couple ont infligé une forme de violence à leur partenaire durant la même période. Cette enquête révèle que 24,8 % des garçons et 35,9 % des filles ont été victimes d’au moins un épisode de violence, alors que 16,7 % des garçons et 32,2 % des filles en ont perpétré au moins un. Plus du tiers des filles et des garçons victimes ont vécu deux ou trois formes de VRA. L’Enquête sur les Parcours amoureux des jeunes (Enquête PAJ) , réalisée auprès d’un échantillon (n = 8 024) représentatif des jeunes (3e, 4e et 5e années du secondaire) a révélé des données aussi préoccupantes. Elle a rapporté que 63 % des filles ont subi au moins une forme de VRA au cours des 12 derniers mois, et 49 % des garçons ont subi au moins une forme de VRA dans la dernière année, la prévalence la plus élevée étant pour la violence psychologique. Les questions utilisées dans les deux récentes enquêtes québécoises pour mesurer la prévalence de la violence psychologique pourraient expliquer les écarts dans les résultats obtenus 2. Afin de permettre une comparaison entre les données de l’Enquête PAJ et celles de l’EQSJS, le tableau 2 présente les prévalences estimées des deux enquêtes pour chacune des formes de VRA, en plus de la prévalence PAJ ajustée. L’Enquête PAJ indique que toutes les formes de violence considérées (psychologique, physique et menaces) sont davantage rapportées par les filles que les garçons, la disparité la plus importante se situant au plan de la VRA sexuelle, où près d’une fille sur cinq (20,3 %) rapporte avoir subi au moins un épisode de violence sexuelle, comparativement à 5,7 % des garçons. Une analyse visant à identifier différents sous-groupes selon la forme de victimisation subie indique que les filles sont davantage susceptibles de vivre plusieurs formes de VRA en cooccurrence et de rapporter des blessures physiques en lien avec la violence vécue que les garçons. Données québécoises de la prévalence de la VRA Violence Violence Violence Menaces Violence totale psychologique physique sexuelle Filles Garçons Filles Garçons Filles Garçons Filles Garçons Filles Garçons % % % % % % % % % % EQSJS 26,6 16,9 11,0 13,3 14,5 5,1 nd nd 35,9 24,8 Subie PAJ 56,4 45,8 15,7 12,7 20,2 5,7 6,8 4,0 62,6 49,5 PAJ 27,8 20,8 nd nd nd nd nd nd 43,6 29,6 ajustéea EQSJS 21,3 13,0 19,2 5,6 2,0 3,4 nd nd 32,2 16,7 Infligée PAJ 54,2 43,7 18,2 6,5 4,2 7,1 5,7 2,0 57,7 44,0 PAJ 22,5 18,3 nd nd nd nd nd nd 36,4 23,8 ajustéea Sources : Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011 (EQSJS) et Enquête sur les Parcours amoureux des jeunes (PAJ). a Prévalence calculée sans l’item « Dire des choses pour mettre l’autre en colère ». 2 L’EQSJS (2013) a utilisé deux items : la critique de l’apparence physique, les insultes et le dénigrement; le contrôle des sorties, des conversations électroniques et des fréquentations. L’Enquête PAJ, quant à elle, ajoutait parmi les comportements de violence psychologique le fait de « Dire des choses pour mettre l’autre en colère ». 102 Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes Prévalence à l’échelle internationale Une méta-analyse ayant recensé et réanalysé les résultats de 101 études effectuées auprès d’adolescents dans différents pays (dont le Canada et les États-Unis) a récemment été publiée. Celle-ci a établi que la prévalence de la VRA varie considérablement (de 1 % à 61 % pour la violence physique, et de moins de 1 % à 54 % pour la violence sexuelle), mais qu’en moyenne, la violence physique et sexuelle est subie respectivement par 20 % et 9 % des adolescents. Ces estimations varient selon le type de mesure utilisée, les mesures basées sur plusieurs énoncés ou s’appuyant sur une définition plus large donnant lieu à des prévalences plus élevées. Les variations dans les estimations observées sont également liées au genre. En effet, cette méta-analyse montre des prévalences similaires entre les filles et les garçons pour la violence physique subie (21 %), mais des disparités quant à la violence physique perpétrée (garçons = 13 %; filles = 25 %). En ce qui concerne la violence sexuelle, les filles rapportent plus de victimisation (14 %) que les garçons (8 %), et moins de perpétration (3 %) que les garçons (10 %). La violence psychologique n’a toutefois pas été considérée par Wincentak et ses collaborateurs, même si elle est répandue et a été mesurée par de nombreuses études. Elle est en général plus commune, plus fréquente et souvent précurseur des autres formes de violence, ou perpétrée de façon cooccurrente. Une recension de la littérature nord-américaine et européenne sur la VRA psychologique montre des estimations variant de 24 % à 88 %, alors que la violence physique serait présente chez 10 % à 20 % des adolescents, et la violence sexuelle chez 1 % à 76 %. Les variations entre les études seraient dues au genre des participants des études, ainsi qu’à différents aspects méthodologiques, notamment aux instruments de mesure qui n’évaluent pas les mêmes gestes. Une autre étude récente réalisée dans 46 écoles américaines a rapporté que 77 % des 1 653 élèves sondés ont perpétré de la violence psychologique dans leurs relations amoureuses au cours de leur vie, que 33 % d’entre eux ont exercé de la violence physique, 20 % des menaces et 15 % de la violence sexuelle. En ce qui concerne la cyber-VRA, Temple et ses collaborateurs ont rapporté dans une étude de prévalence menée auprès de 782 élèves que 24 % des adolescents avaient été victimes de VRA en ligne ou électronique au moins une fois, alors que 18 % d’entre eux l’avaient perpétrée au moins une fois sur une période de 12 mois. Zweig et ses collaborateurs ont semblablement rapporté que 25 % des 3 745 adolescents sondés dans son étude ont vécu de la cyber-VRA avec leur partenaire actuel ou leur plus récent partenaire , mais encore trop peu d’études sont disponibles actuellement pour circonscrire l’étendue de cette forme émergente de VRA. Bien que la VRA chez les adolescents ait fait l’objet d’un intérêt grandissant au cours des vingt dernières années, il est difficile de statuer sur l’évolution du phénomène dans le temps. En effet, les limites principales qui empêchent de se prononcer sur l’évolution du phénomène sont la rareté des échantillons représentatifs et la variabilité des mesures utilisées, de sorte que les différences de prévalence observées à des époques différentes sont trop dépendantes des caractéristiques spécifiques des échantillons et des mesures pour qu’on puisse les attribuer à de véritables changements temporels. Toutefois, une étude de Howard, Dednam et Wang a tracé le portrait de l’évolution de la prévalence de la VRA physique subie aux États-Unis, telle que rapportée par le Youth Risk Behavior Survey. Cette enquête longitudinale a été menée auprès d’un échantillon représentatif de filles de 9e à 12e année entre 1999 et 2009 (6 851 n 8 188), de manière biennale. À chaque temps de mesure, elle demandait aux participantes de rapporter la VRA physique vécue durant les 12 derniers mois. L’étude présentée par Howard et ses collaborateurs a établi que la VRA physique est demeurée assez stable dans le temps, variant de 9,9 % à 10,3 %. Institut national de santé publique du Québec 103 Rapport québécois sur la violence et la santé Facteurs de risque et de protection Plusieurs études ont exploré les facteurs de risque liés à la victimisation et à la perpétration de la VRA. Dans la présente section, les études prenant appui sur un devis longitudinal, plutôt que sur un devis transversal, seront principalement abordées. Puisque dans ces études les facteurs de risque et de protection ont été mesurés avant que la VRA ne soit perpétrée ou que l’individu en ait été victime, il est possible d’établir avec une relative certitude qu’ils sont des prédicteurs de la VRA. Ces études ont déterminé que plusieurs facteurs prédisent la victimisation et la perpétration des filles et des garçons 3. Facteurs de risque pour la victimisation Les facteurs de risque étudiés peuvent être regroupés en trois catégories : 1) les facteurs individuels; 2) les facteurs liés aux milieux de vie; 3) les facteurs environnementaux. Certains sont communs aux garçons et aux filles, tandis que d’autres sont spécifiques à l’un ou à l’autre (tableau 3). 3 Tous les facteurs de risque et de protection de la VRA présentés dans cette section, qui proviennent d’études publiées avant 2011, sont issus d’une entrée de Foshee et Reyes dans l’Encyclopedia of adolescence , et sont rapportés de manière à respecter les propos de ces auteurs. Les facteurs provenant d’études publiées après cette entrée (c.-à-d. après 2011) ont été recensés spécifiquement pour l’élaboration du présent chapitre, et permettent de mettre à jour les données présentées par Foshee et Reyes à ce sujet. De plus, certaines études publiées avant 2011 (identifiées par un astérisque) n’avaient pas été incluses dans le texte de Foshee et Reyes, mais les facteurs de risque qu’elles présentent ont été considérés dans ce chapitre. 104 Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes Facteurs de risque et de protection pour la victimisation Type de facteur Facteurs tirés d’études longitudinales Individuel Garçons et filles Être plus âgé (risque augmentant avec l’âge) Comportements antisociaux , , *, * Avoir des comportements à risque Avoir des amis ou une sœur plus âgée qui a des comportements à risque Avoir une opinion favorable à la VRA Nombre élevé de partenaires sexuels * Symptômes d’anxiété Faible score de quotient intellectuel (QI) Garçons Risque Troubles de conduite , Victimisation chronique VRA (pour VRA physique grave) Récurrence de la victimisation *, * Précocité des premières expériences sexuelles Faibles compétences en lecture Faible estime de soi (pour VRA physique si consommation d’alcool ) Filles Comportements délinquants ou d’agression envers des pairs , , * Décrochage scolaire Visionner des films pornographiques Puberté précoce Symptômes de dépression Filles Protection Obtention de bons résultats scolaires * Milieux de vie Milieu familial Garçons et filles Victimes d’agression sexuelle Punition physique et violence verbale dans la famille Maltraitance vécue dans l’enfance , , *, Garçons Parents peu chaleureux Problèmes de santé mentale chez la mère Filles Exposition à la violence conjugale , *, , , *, *, * Pairs Garçons et filles Risque Affiliation avec des amis victimes de VRA , * Victimes de violence Victimes de harcèlement sexuel Affiliation avec des pairs déviants ou violents , , , * Affiliation avec des pairs qui consomment de la marijuana Affiliation avec des pairs qui ont eu au moins une relation sexuelle Garçons Relation amoureuse hostile avec des chicanes (si opinion favorable à la VRA) * Filles Relations amoureuses avec des relations sexuelles Quartier et communauté Garçons et filles Hétérogénéité ethnique du quartier Instabilité résidentielle Garçons et filles Protection Supervision de la mère , Être proche de ses parents * Institut national de santé publique du Québec 105 Rapport québécois sur la violence et la santé Tableau 3 Facteurs de risque et de protection pour la victimisation (suite) Type de facteur Facteurs tirés d’études longitudinales Environnemental Garçons et filles Exposition à différents médias violents Risque Filles Visionnement de pornographie Protection nd Les nombres suivis d’un astérisque (*) sont des études longitudinales n’ayant pas été recensées par Foshee et Reyes , même si elles ont été publiées avant 2011. Facteurs individuels : Les études longitudinales ont démontré que certaines caractéristiques individuelles prédisent la victimisation en contexte de VRA, et ce, indépendamment du sexe de la victime. Le fait d’être plus âgé, d’avoir des comportements à risque (ex. : aller à des fêtes où il y a de la consommation d’alcool ou des activités sexuelles, ou être actif sexuellement), d’avoir des amis ou une sœur plus âgée qui adoptent des comportements à risque , d’avoir plus de partenaires sexuels * et d’avoir des symptômes d’anxiété sont autant de facteurs prédisant la victimisation. D’autres facteurs de risque, comme le fait d’avoir des comportements antisociaux * et d’avoir un faible score de QI , ont été identifiés. Les normes sociales ont fait l’objet de quelques études longitudinales dont les résultats indiquent qu’avoir des opinions favorables au sujet de la VRA [42,46] et qu’adhérer à des stéréotypes liés au genre augmente le risque qu’a un adolescent de subir de la VRA. Certains facteurs ont été identifiés comme augmentant le risque d’être victime de VRA, mais seulement chez les garçons. Ainsi, avoir des comportements antisociaux tôt dans son développement, agresser ses pairs et avoir des troubles de conduite prédisent la victimisation des garçons en contexte amoureux [38,39], la victimisation chronique pour la VRA physique grave *, ainsi que la récurrence de la victimisation chez ceux qui avaient une attitude favorable à la VRA. Pour un garçon, de premières expériences sexuelles précoces ou de faibles compétences en lecture prédisent également sa victimisation. De plus, avoir une faible estime de soi prédit la victimisation physique sévère et cette faible estime de soi, conjuguée à de la consommation d’alcool, prédit la victimisation chronique pour cette même forme de violence *. D’autres facteurs ont été identifiés comme augmentant le risque de vivre de la VRA, mais uniquement chez les filles. Les comportements de délinquance ou d’agression envers ses pairs [38–40,58], le décrochage scolaire , le visionnement de films pornographiques * et la précocité de la puberté sont autant de facteurs qui augmentent le risque qu’une adolescente soit victime de VRA, tout comme la dépression qui prédit aussi leur victimisation chronique *. D’autres facteurs, tels que la consommation d’alcool et de drogues, les attitudes à l’égard de la VRA, ainsi que la dépression (chez les garçons) sont des facteurs pour lesquels les résultats obtenus ne convergent pas. Des efforts devront être déployés dans les prochaines années afin d’explorer l’ensemble de ces facteurs dans des études longitudinales, et ce, pour obtenir un portrait plus juste des différentes variables qui ont un rôle à jouer dans la victimisation chez les adolescents. Facteurs liés aux milieux de vie : Plusieurs facteurs liés au milieu familial, aux pairs, au milieu scolaire, ainsi qu’au quartier ou à la communauté ont été identifiés par les études longitudinales comme augmentant le risque qu’ont les adolescents d’être victimes de VRA. Milieu familial : Certaines caractéristiques du milieu familial dans lequel l’adolescent évolue ont été examinées pour connaître leur influence sur la VRA subie. Avoir été maltraité durant l’enfance est associé à un risque plus élevé d’être revictimisé dans le contexte des relations amoureuses. Par exemple, l’étude longitudinale de Gómez a rapporté que les filles et les garçons victimes de maltraitance durant l’enfance étaient significativement plus à risque que leurs pairs d’être victimes de la VRA à 22 ans (et de la 106 Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes perpétrer). Morris et ses collaborateurs ont semblablement identifié que les adolescents qui se trouvent dans une famille où la violence verbale et la punition physique sont employées sont plus à risque d’être ultérieurement revictimisés dans leurs relations amoureuses. De plus, avoir vécu une agression sexuelle prédit aussi les expériences de VRA [47,60], ce risque accru s’expliquant en partie par les symptômes de stress post-traumatique. Une autre forme de violence que vivent les jeunes au sein de leur famille est l’exposition à la violence conjugale; ceux qui y sont exposés sont plus à risque d’être ultérieurement victimes de VRA *, *, *,. Cependant, ce facteur n’a pas été rapporté comme significatif pour les garçons par toutes les études menées à ce sujet , *,. Être victime d’une forme de violence autre que la VRA est un facteur qui augmente considérablement le risque d’être victime de VRA. Hamby, Finkelhor et Turner ont, par exemple, rapporté dans leur étude menée auprès de 1 680 adolescents que tous les jeunes qui avaient indiqué avoir été victimes de VRA physique avaient aussi été victimes d’au moins une autre forme de violence (maltraitance physique, agression sexuelle durant l’enfance, agression sexuelle par un partenaire en situation d’autorité). Plus particulièrement, les victimes de VRA qui ont participé à cette étude ont rapporté en moyenne deux fois plus d’autres types de violence que leurs pairs qui n’en avaient jamais vécu. Certains facteurs liés au milieu familial permettent de prédire uniquement la victimisation des garçons. Ainsi, avoir des parents qui font peu de démonstrations affectives ou avoir une mère qui a des problèmes de santé mentale sont des caractéristiques de la famille qui augmentent le risque qu’a un jeune d’être victime de VRA. Pairs : L’influence des pairs a aussi été étudiée comme facteur de risque de la VRA subie. Tant chez les filles que chez les garçons, le fait d’être affilié à des pairs déviants , *, à des pairs qui ont des comportements violents , qui consomment de la marijuana ou qui ont déjà eu au moins une relation sexuelle sont autant de facteurs qui prédisent le fait d’être victime de VRA. De plus, avoir des amis victimes de VRA prédit le risque d’en être victime *, mais Arriaga et Foshee ont soutenu que cela était dû à la sélection des amis plutôt qu’à leur influence (les victimes de VRA choisiraient des amis qui ont été victimes de VRA) *. Aussi, être victime de violence ou de harcèlement sexuel par ses pairs sont des facteurs de risque de la VRA subie, les formes de harcèlement les plus communes étant les commentaires sexuels, les blagues, les gestes, les regards, le fait d’être touché, agrippé ou pincé de manière sexuelle, ainsi que pour les garçons de recevoir des insultes homosexuelles et pour les filles des commentaires au sujet de leur corps. Peu de différences entre les garçons et les filles ont été rapportées dans la littérature concernant l’influence des pairs comme facteur de risque de la victimisation. Toutefois, se trouver sexuellement active dans une relation amoureuse prédirait uniquement la victimisation des filles. Les facteurs de risque les plus étudiés par les études transversales se rapportent aux caractéristiques des pairs et de la famille. La méta-analyse de Garthe et ses collaborateurs synthétise 27 études, dont 10 longitudinales, portant spécifiquement sur trois facteurs de risque les plus fréquemment rapportés dans la littérature comme étant théoriquement ou statistiquement liés à la VRA : la VRA vécue par les pairs, les comportements agressifs ou antisociaux des pairs, et le fait d’être victimisé par ses pairs. Ces trois facteurs présentent des tailles d’effet significatives, et le fait de les avoir vécus est associé à un risque plus élevé de vivre la VRA. Notons par ailleurs qu’une méta-analyse de Hébert et ses collaborateurs s’est intéressée aux facteurs liés à l’histoire de victimisation pendant l’enfance, de même qu’aux différents facteurs de risque liés aux pairs. Au total, 87 études pertinentes (18 longitudinales) ont été analysées, et les résultats révèlent que l’agression sexuelle, la négligence par les parents, l’abus psychologique, l’abus physique et l’exposition à la violence conjugale présentent des tailles d’effet significatives, et que les jeunes qui les ont vécus rapportent un risque plus élevé de subir les différentes formes de VRA. De même, la méta-analyse révèle des tailles d’effet significatives quant à l’association entre la victimisation par les pairs, le harcèlement sexuel et l’affiliation avec des pairs déviants et la VRA subie. Institut national de santé publique du Québec 107 Rapport québécois sur la violence et la santé Quartier et communauté : Les facteurs de risque de la violence subie qui sont liés à la communauté et au quartier dans lequel évoluent les adolescents ont peu été étudiés longitudinalement à ce jour, même si plusieurs études transversales se sont penchées sur le sujet. Foshee et ses collaborateurs ont toutefois mené une étude afin d’explorer les interactions entre certaines caractéristiques de la famille et du quartier. Cette étude a été réalisée auprès d’un échantillon de 3 236 adolescents de la 8e à la 12e année habitant des milieux ruraux. Les données ont révélé que l’hétérogénéité ethnique du quartier prédirait la VRA physique, mais pas les autres caractéristiques du quartier mesurées (désorganisation sociale, violence, instabilité résidentielle, désavantage économique). Concernant les interactions entre les variables, avoir des parents qui font peu fréquemment des démonstrations affectives, conjugué à de l’instabilité résidentielle (déménagements nombreux) dans le quartier habité, prédirait la VRA physique subie. L’absence d’effet observé par Foshee et ses collaborateurs pour certaines caractéristiques du quartier a également été rapportée par Jain et ses collaborateurs. Ces derniers sont arrivés à la conclusion qu’habiter un quartier où l’on est exposé à la violence ou qui est désavantagé économiquement ne peut prédire la victimisation. Finalement, la recension systématique de Johnson et ses collaborateurs sur les caractéristiques du voisinage et la VRA a synthétisé les résultats de 20 études (dont 6 étaient longitudinales). Ils ont conclu que la proportion de logements inhabités dans un secteur, les caractéristiques sociodémographiques de la population, l’accessibilité aux points de vente d’alcool et les problèmes sociaux (tels que la criminalité du voisinage) ne sont pas des facteurs de risque de la victimisation. Facteurs liés aux environnements (sociétaux) : Encore peu d’études longitudinales ont examiné en quoi les facteurs socioculturels (ex. : les normes, les médias, les mœurs), économiques (ex. : les investissements gouvernementaux, les variations dans l’économie d’un pays) et législatifs (ex. : les lois et politiques) ont un impact sur la VRA. De rares études se sont toutefois penchées sur l’influence qu’ont les contenus médias sur la victimisation. Concernant l’impact du contenu média comme facteur de risque, Raiford et ses collaborateurs ont mené une étude auprès des filles, et ont statué qu’avoir visionné des films pornographiques dans les trois derniers mois prédit la victimisation dans l’année qui suit. Malgré ce résultat, la manière dont cette exposition à la pornographie influence la victimisation demeure inconnue. Connolly et ses collaborateurs ont pour leur part rapporté qu’une plus grande fréquence d’exposition au contenu jugé agressif (par une autoévaluation) dans différents types de médias (télévision, films, musique, magazines, Internet) permettait de prédire, trois ans plus tard, la victimisation (une exposition plus grande était associée à plus de victimisation). Facteurs de risque pour la perpétration : Pour mieux comprendre le phénomène de la VRA, il est nécessaire d’examiner les facteurs qui augmentent le risque que les adolescents exercent cette violence au sein de leurs relations, et non pas seulement les facteurs qui influencent le risque qu’ils en soient victimes. Plusieurs études longitudinales ont été menées à ce sujet (voir le tableau 4 pour un résumé), et leurs résultats concernant les facteurs de risque individuels, liés aux milieux de vie ainsi qu’à l’environnement seront présentés dans les prochains paragraphes. 108 Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes Facteurs de risque et de protection pour la perpétration Type de facteur Facteurs tirés d’études longitudinales Individuel Garçons et filles Détresse émotionnelle * Symptômes dépressifs *, , Symptômes anxieux Garçons Comportements antisociaux , , , , , Risque Précocité des premières expériences sexuelles Faible score de QI Décrochage scolaire Filles Comportements antisociaux , et attitude favorable à la VRA * Consommation d’alcool et de drogues , , Garçons et filles Obtention de bons résultats scolaires * Protection Empathie * Niveau d’intelligence verbale élevée * Milieux de vie Milieu familial Garçons et filles Conflits dans la famille Exposition à la violence conjugale Garçons Discipline parentale sévère ou inconstante , , , Manque de supervision parentale , , , Manque d’affection parentale , Témoin de conflits entre les parents *, Filles Risque Recevoir des punitions physiques Pairs Garçons et filles Amis qui ont des comportements violents ou déviants , Amis qui utilisent la VRA ou qui en sont victimes , *, Garçons Affiliation avec des pairs qui vivent de la VRA , Affiliation avec des pairs délinquants et violents physiquement Quartier et communauté Garçons et filles Présence de comportements déviants dans le voisinage * Garçons et filles Acquisition de connaissances sur la VRA dans la famille Relation positive avec la mère * Protection Supervision de la mère Attitudes conservatrices de la mère au sujet de la sexualité de son adolescent Sentiment d’appartenance au milieu scolaire * Contrôle social du voisinage * Environnemental Garçons et filles Risque Exposition à différents médias violents , Protection nd Les nombres suivis d’un astérisque (*) sont des études longitudinales n’ayant pas été recensées par Foshee et Reyes , même si elles ont été publiées avant 2011. Institut national de santé publique du Québec 109 Rapport québécois sur la violence et la santé Facteurs individuels : Les adolescents qui vivent de la détresse émotionnelle *, qui rapportent des symptômes dépressifs *, , ou anxieux sont plus enclins à exercer des comportements violents envers leur partenaire. Toutefois, leur estime d’eux-mêmes, ainsi que les stéréotypes de genre qu’ils endossent, ne prédiraient pas leur perpétration de la VRA , tout comme le genre auquel ils appartiennent , *. Il en serait de même pour leurs habiletés interpersonnelles , malgré le fait que ces dernières aient été associées par de nombreuses études transversales à la perpétration [36,80]. Dans les études longitudinales répertoriées, certains facteurs ont été identifiés comme étant des prédicteurs de la perpétration de la VRA uniquement chez les garçons. Ainsi, le fait d’avoir été initié tôt à des pratiques sexuelles (c.-à-d. en 8e année) prédit la perpétration , tout comme avoir un faible score de QI à l’âge de 7, 9 et 15 ans, ou avoir décroché de l’école à 15 ans. Aussi, le fait d’avoir des comportements délinquants ou antisociaux (ex. : désobéir à ses parents, faire du vandalisme, avoir des problèmes de comportement, être mis en état d’arrestation ou être judiciarisé, avoir recours à la violence envers ses pairs, consommer de l’alcool ou des drogues) est un prédicteur de la perpétration de la VRA [38,39,71–73,81]. Toutefois, les attitudes qu’entretiennent les adolescents à l’égard de la VRA contribuent moins clairement au risque qu’ils utilisent cette violence, puisque les résultats présentés par les études à ce sujet sont contradictoires ; ils sont parfois significatifs , parfois non significatifs. Par exemple, alors que Foshee et ses collaborateurs ont identifié qu’avoir un haut niveau d’acceptation de la VRA est un facteur de risque de la perpétration , Wolfe et ses collaborateurs sont quant à eux parvenus à la conclusion que les attitudes à l’égard de la VRA en 9e et en 11e année ne permettent pas de prédire la perpétration de la VRA un an plus tard. Ainsi, même si de nombreuses études transversales ont établi un lien entre les attitudes positives à l’égard de la VRA et sa perpétration *, , les études longitudinales menées à ce sujet tracent un portrait beaucoup moins constant du lien entre ces variables. Chez les filles, avoir des comportements antisociaux, notamment le fait d’agresser physiquement ses pairs [39,69] ou d’être violente fréquemment avec eux sont des prédicteurs de la perpétration de la VRA. De plus, la consommation d’alcool et de drogues [38,39] a généralement été identifiée comme un prédicteur de la perpétration de la VRA chez les adolescentes, une seule étude recensée étant arrivée à des conclusions contraires. L’impact de la dépression comme facteur de risque est également mitigé. Alors que plusieurs études transversales ont corrélé la dépression à la perpétration de la VRA , , *, une seule étude longitudinale a identifié que la dépression pouvait prédire la perpétration des filles, alors qu’une autre a écarté ce facteur. Facteurs liés aux milieux de vie : Plusieurs études longitudinales ont examiné les facteurs de risque liés aux milieux de vie qui prédisposent les adolescents à exercer la VRA. Certaines caractéristiques de la famille, des pairs, du milieu scolaire, ainsi que du quartier ou de la communauté où vivent les adolescents ont été identifiées. Milieu familial : Les caractéristiques des familles des adolescents ont été largement étudiées dans des devis longitudinaux. Tant chez les filles que chez les garçons, être exposé à des conflits entre les parents [68,77] ou à de la violence conjugale , , * constitue un facteur de risque de la perpétration. L’impact de l’exposition à la violence conjugale demeure toutefois à explorer dans un contexte longitudinal, puisque peu d’études ont considéré dans leur devis l’examen de variables qui auraient pu modifier le lien entre l’exposition à la violence conjugale et la perpétration (ex. : la structure familiale, l’ethnicité, la fréquence de l’exposition, la sévérité de la violence). De plus, le fait d’être victime de maltraitance a été identifié comme prédisant la perpétration de la VRA par certaines études longitudinales et plusieurs études transversales , alors que certaines études longitudinales ont conclu que cette caractéristique pouvait être un facteur de risque seulement pour certains individus en lien avec des caractéristiques sociodémographiques particulières. 110 Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes Certaines caractéristiques des familles semblent toutefois avoir un impact uniquement sur la perpétration de la VRA des garçons. Les familles où la discipline parentale est sévère [73,81] ou incohérente [73,76], où il y a un manque de supervision parentale [71,72,74,81], ou dans lesquelles les parents démontrent peu d’affection [38,73] augmentent la probabilité que leur adolescent utilise la VRA. Pour les filles, recevoir des punitions physiques [38,78] est un facteur de risque. Pairs : Certaines caractéristiques des pairs fréquentés par les adolescents et les adolescentes ont aussi été identifiées comme des facteurs de risque de la perpétration. Avoir des amis qui ont des comportements violents [42,63] ou déviants ont largement été documentés par la littérature comme étant des facteurs de risque de la perpétration de la VRA. De plus, fréquenter des pairs qui utilisent la VRA *, , ou même qui en sont victimes augmente également le risque d’en exercer au sein de ses propres relations amoureuses. Certains facteurs de risque liés aux pairs ont été identifiés comme étant significatifs seulement chez les garçons. Ainsi, avoir des amis qui sont violents physiquement ou qui ont des comportements délinquants est un facteur de risque de la perpétration, mais seulement chez ceux qui ont une attitude favorable à la VRA *. Avoir des pairs qui vivent de la VRA (comme victime ou comme agresseur) est également un prédicteur de la VRA perpétrée par des garçons *. Par exemple, le nombre d’amis qui exercent de la VRA qu’a un adolescent prédit le risque qu’il utilise lui aussi la VRA. Garthe et ses collaborateurs ont publié une méta-analyse qui porte sur 27 études qui ont examiné les facteurs de risque liés aux pairs les plus souvent étudiés : la VRA vécue par les pairs, les comportements agressifs ou antisociaux des pairs, ainsi que la victimisation de l’adolescent par des pairs. Cette méta- analyse en arrive à conclure que ces trois facteurs sont associés de manière significative à la perpétration de la VRA. Quartier et communauté : Les facteurs de risque liés aux milieux, quartiers ou communautés dans lesquels les adolescents vivent ont été moins étudiés longitudinalement et ils divergent fréquemment, possiblement en raison des différences quant aux échantillons étudiés et aux outils de mesure utilisés (Johnson et collab. 2015). Ainsi, alors que certaines études ont relevé que vivre dans un quartier économiquement désavantagé n’avait pas d’impact sur la perpétration *, , , une autre rapporte que ce facteur augmente le risque de perpétrer la VRA chez les filles. Foshee et ses collaborateurs ont quant à eux identifié que les comportements déviants dans le voisinage constituent un facteur de risque pour la perpétration *. D’autres facteurs qualifiant les milieux de vie ont été étudiés sans pouvoir conclure à leur effet significatif sur la perpétration de VRA : la ségrégation résidentielle, l’instabilité résidentielle, le niveau de crime dans le quartier et l’efficacité collective , ainsi que la violence perçue dans le quartier. Enfin, Johnson et ses collaborateurs ont publié une recension de la littérature qui porte spécifiquement sur les facteurs de risque liés aux quartiers dans lesquels évoluent les adolescents. Malgré le peu d’études disponibles à ce sujet, leur synthèse de 20 études (dont 6 longitudinales) a soulevé que la disponibilité de l’alcool (présence et nombre de commerces) et les problèmes présents dans le quartier, notamment la criminalité, sont associés à la perpétration de la VRA. Facteurs liés aux environnements (sociétaux) : Peu d’études ont mesuré l’influence des facteurs environnementaux (société et culture, économie et lois) sur la perpétration de la VRA. L’influence de l’exposition à la violence dans les médias a cependant été examinée par quelques études, mais les résultats obtenus à ce jour ne semblent pas converger. Ferguson, San Miguel, Garza et Jerabeck, ainsi que Ferguson, Garza, Jerabeck, Ramos, et Galindo ont rapporté à ce sujet que l’utilisation de jeux vidéo violents n’était pas associée à la perpétration [57,89], alors que Connolly et ses collaborateurs ont plutôt conclu qu’une utilisation plus importante de plusieurs types de contenu agressif (émissions de télévision, films, musique, vidéos) était associée à plus de perpétration de VRA un an plus tard. Cette étude a été reproduite en considérant plus de types de médias et a permis de prédire, trois ans plus tard, la perpétration, ainsi que la victimisation. Institut national de santé publique du Québec 111 Rapport québécois sur la violence et la santé Facteurs de protection Il y a peu d’études qui ont exploré les facteurs de protection de la VRA, tant perpétrée que subie. Les quelques facteurs individuels, environnementaux et liés aux milieux de vie qu’il a été possible de recenser dans des études longitudinales seront présentés, suivis des données disponibles à ce sujet qui proviennent de méta-analyses. Facteurs individuels : Les facteurs de protection liés aux caractéristiques personnelles des adolescents ont rarement fait l’objet d’études longitudinales. Néanmoins, il est reconnu à ce jour qu’avoir de bons résultats scolaires, plus d’empathie et une intelligence verbale plus développée * est associé à moins de risque de perpétrer de la VRA, et chez les filles, avoir de bons résultats scolaires est associé à un moindre risque d’être victimes *. Facteurs liés aux milieux de vie : Certains facteurs du milieu familial permettent de réduire le risque qu’a un adolescent d’être victime de VRA. Une bonne supervision parentale de la mère ou être affectivement proche de ses parents * sont des facteurs de protection qui ont été identifiés par des études longitudinales. Certaines caractéristiques de la famille constituent quant à elles des facteurs de protection de la perpétration. Pouvoir acquérir au sein de la famille des connaissances au sujet des relations amoureuses est un facteur de protection de la VRA physique et psychologique exercée par les adolescents. Il a aussi été recensé qu’une relation positive avec la mère * et le fait que la mère soit au courant des déplacements de l’adolescent, d’avec qui il se trouve et de comment il utilise ses temps libres peut diminuer le risque que ce dernier exerce de la VRA. De même, avoir une mère qui a des attitudes conservatrices à propos de la sexualité de son adolescent a un effet protecteur. De plus, entretenir un sentiment d’appartenance à son milieu scolaire * agit également comme un facteur de protection pour prévenir la perpétration. Finalement, Foshee et Reyes ont indiqué que le contrôle social 4 qu’exerce le voisinage d’un adolescent est aussi un facteur de protection *. Facteurs environnementaux : L’influence des politiques, des lois et des règlements mis en place au sein des milieux, ainsi que l’influence de la culture en tant que facteur de protection de la VRA ne semblent pas avoir fait l’objet d’études, tant transversales que longitudinales. Pourtant, il est facile de croire que de vivre dans un milieu où les comportements violents sont clairement proscrits réduit le risque d’en être victime. Aux États-Unis, les politiques de plusieurs États en matière de prévention de la VRA prévoient que les écoles adoptent des règlements pour favoriser l’implantation de programmes, la formation du personnel qui intervient auprès des adolescents, le soutien offert aux victimes, etc.. Les programmes de prévention mis en place peuvent également être considérés comme un facteur de protection; ils seront abordés dans la section sur la prévention. De nombreux facteurs de protection explorés par des études transversales n’ont pas encore fait l’objet d’études longitudinales (voir à cet effet les tableaux 3 et 4), et trop peu de facteurs environnementaux ont été étudiés à ce jour (même par des études transversales) pour qu’il soit possible d’avoir une idée juste de leur contribution dans le phénomène de la VRA. Les facteurs de protection, qu’ils soient de nature individuelle, environnementale ou associés aux milieux de vie, auraient avantage à être plus amplement explorés par des recherches longitudinales. Finalement, mentionnons que la méta-analyse de Hébert et ses collaborateurs a rapporté que malgré qu’une importante hétérogénéité soit notée quant aux tailles d’effet, le soutien parental, la supervision parentale et le soutien des pairs sont significativement associés à une prévalence moindre de VRA subie. 4 « Le contrôle social s’exerce quand, au moment de violer une loi un individu rencontre une résistance d’origine sociale qui l’empêche d’agir ou, au moins, le fait hésiter ». Ainsi, dans ce contexte, le contrôle social est la surveillance indirecte des adolescents qui est occasionnée par la seule présence des habitants d’un quartier. 112 Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes Concernant la VRA perpétrée, la recension des écrits de Johnson et ses collaborateurs a déterminé par la synthèse de 20 études (dont 6 longitudinales) que le sentiment d’appartenance éprouvé par l’adolescent envers son voisinage, de même que le contrôle social exercé par ce dernier sont des facteurs de protection. À ce jour, seuls quelques facteurs de protection de la VRA, tant subie que perpétrée, ont été identifiés par la littérature. Pourtant, en connaître davantage à ce sujet pourrait permettre d’adapter les programmes de prévention de la VRA de manière à ce qu’ils développent prioritairement les forces que possèdent les adolescents et celles qui sont présentes dans leur environnement, plutôt que de s’attaquer principalement aux aspects qui augmentent le risque que les jeunes vivent ou infligent de la VRA. En somme, les études longitudinales ont démontré que certaines caractéristiques des adolescents (ex. : comportements à risque), de leur famille (ex. : maltraitance), des pairs qu’ils fréquentent (ex. : comportements antisociaux), ainsi que de leur milieu de vie (ex. : médias violents) influencent le risque qu’ils ont de subir la VRA ou de l’utiliser envers leur partenaire. Ainsi, tous ces acteurs gravitant dans la vie des jeunes, ainsi que le milieu dans lequel ils se développent, devraient être pris en considération pour prévenir la VRA. Toutefois, d’autres facteurs, dont la contribution est moins claire ou donnent lieu à des résultats inconsistants dans les différentes études longitudinales réalisées (notamment la consommation d’alcool et de drogues, les attitudes à l’égard de la VRA, les symptômes dépressifs et l’exposition à la pornographie) devront faire l’objet d’études additionnelles afin de mieux comprendre s’ils ont un rôle à jouer dans la VRA, et comment ils peuvent être abordés dans les programmes de prévention. Conséquences sur la santé Les études qui se sont intéressées aux conséquences sur la santé de la VRA concernent essentiellement les victimes (voir le tableau 5 pour un résumé), et, par conséquent, peu d’informations sont disponibles relativement aux auteurs de la VRA. Conséquences immédiates La VRA peut être associée à plusieurs conséquences, dont des répercussions immédiates affectant la santé physique. O’Leary et ses collaborateurs mentionnent que 25 % des victimes de VRA physique provenant de leur échantillon de 2 363 adolescents avaient été blessées. L’Enquête PAJ a révélé que les jeunes vivant des situations de cooccurrence de différentes formes de VRA sont plus susceptibles de rapporter avoir subi des blessures (ecchymoses, coupures), des douleurs physiques ou de nécessiter une visite médicale suite à la VRA subie. Près du tiers des jeunes déclarent avoir été bouleversés, et près du quart mentionnent avoir eu peur après un épisode de VRA; ces sentiments étant plus souvent mentionnés par les filles que les garçons. Les filles indiquent avoir davantage des symptômes de stress post-traumatique suivant l’événement, incluant de la réviviscence, de l’évitement et de l’hypervigilance. Conséquences à moyen et long terme Outre les conséquences directement en lien avec les épisodes de VRA subis, la littérature suggère que la VRA est associée à une panoplie de répercussions négatives ultérieures sur la santé physique et mentale, incluant des sentiments de tristesse, une perception de soi plus négative, de la détresse psychologique, des symptômes de dépression, des idéations suicidaires, de même que des tentatives de suicide [52,93,94]. La VRA serait aussi associée à des conséquences somatiques et des troubles alimentaires. De plus, comparativement à leurs pairs non victimes, les jeunes victimes de VRA sont plus susceptibles de présenter des problèmes de consommation d’alcool et de drogues. Il est toutefois important de souligner que la majorité des études réalisées sont transversales, et qu’il est donc difficile de statuer si les corrélats identifiés sont des conséquences de la VRA ou plutôt des facteurs de risque. Institut national de santé publique du Québec 113 Rapport québécois sur la violence et la santé L’étude transversale réalisée par Vagi et ses collaborateurs auprès d’un échantillon représentatif de 9 900 jeunes Américains rapportant avoir une relation amoureuse a, par exemple, identifié différentes conséquences associées à la VRA. Plusieurs d’entre elles peuvent avoir des répercussions considérables sur la santé. Ainsi, selon cette enquête, les filles et les garçons victimes de VRA physique sont plus susceptibles d’avoir des pensées suicidaires ou d’avoir fait une tentative de suicide, d’être impliqués dans une bataille, de transporter une arme, d’être cyberintimidés, de consommer régulièrement de l’alcool, de la marijuana ou de la cocaïne, d’être actif sexuellement et d’avoir eu une relation sexuelle avec plus de quatre personnes que les filles et les garçons non-victimes. Chez les filles et garçons victimes de VRA physique et sexuelle (cooccurrentes), ces comportements étaient plus prévalents comparativement à leurs pairs non-victimes ou à leurs pairs uniquement victimes de VRA physique. Ces auteurs ont aussi rapporté que les filles victimes de VRA sexuelle étaient plus à risque que leurs pairs non-victimes d’avoir des pensées suicidaires, de faire des tentatives de suicide, d’avoir des altercations physiques, d’être intimidé sur Internet, ainsi que de consommer de l’alcool, notamment d’avoir des comportements de « calage ». Les garçons victimes de VRA sexuelle étaient quant à eux plus à risque que ceux non-victimes d’adopter les comportements à risque mentionnés ci-dessus, ainsi que d’être actifs sexuellement et d’avoir des relations sexuelles avec plus de quatre partenaires. Les quelques études longitudinales disponibles attestent également des répercussions négatives de la VRA. Par exemple, Chiodo et ses collaborateurs ont rapporté dans leur étude longitudinale menée auprès de 519 filles que celles qui se trouvaient dans un contexte de VRA mutuelle (les deux partenaires sont à la fois victimes et agresseurs) rapportaient deux ans plus tard de plus hauts taux d’idéations suicidaires, ainsi que plusieurs autres conséquences liées à l’école (rendement scolaire moindre, moins de sentiment d’appartenance à l’école) et aux pairs (comportements d’agression et délinquance). Les idéations suicidaires ont aussi été identifiées par une autre étude longitudinale comme étant une conséquence de la VRA physique deux ans après qu’elle ait eu lieu. Exner-Cortens et ses collaborateurs ont, quant à eux, examiné les données amassées auprès de 5 681 élèves (sous-échantillon) par l’étude américaine National Longitudinal Study of Adolescent Health. Leurs résultats révèlent que cinq ans après avoir rapporté avoir été victimes, les jeunes femmes adultes (18 à 25 ans) qui avaient vécu de la VRA de nature psychologique ou physique à l’adolescence avaient plus d’épisodes de consommation abusive d’alcool, de symptômes dépressifs, d’idéations suicidaires et plus de consommation de cigarettes. Chez les garçons ayant été victimes de VRA, il a été possible d’observer cinq ans plus tard davantage de comportements antisociaux, d’idéations suicidaires, ainsi qu’une consommation plus élevée de marijuana. Outre les conséquences sur le plan de la santé physique et de la santé mentale, des conséquences affectant l’adaptation scolaire (ex. : une baisse des résultats, absentéisme scolaire, décrochage) sont aussi répertoriées [93,101]. Notons que différents facteurs peuvent influencer les conséquences de la VRA, dont la cooccurrence des différentes formes de VRA. Rares sont les études qui ont exploré les possibles différences quant aux conséquences en fonction des formes de VRA dont l’adolescent a été victime. Cependant, une étude rétrospective d’Eshelman et Levendosky a été menée auprès de 499 participantes âgées de 19 et 20 ans au sujet des conséquences de la VRA en fonction des formes subies. Elle a rapporté qu’avoir déjà vécu de la VRA psychologique ou sexuelle prédit la dépression ou les troubles de stress post-traumatique, alors qu’avoir vécu de la VRA physique et sexuelle prédit des problèmes de santé. Comparativement aux adolescents impliqués comme victimes ou auteurs de violence verbale seulement, ceux impliqués dans des épisodes de VRA verbale et physique démontrent plus de symptômes physiques, de détresse psychologique et de dépression. La VRA a aussi été associée à un risque de revictimisation ultérieure. Par exemple, dans l’étude menée par Exner-Cortens et ses collaborateurs, tant les filles que les garçons victimes de VRA étaient plus susceptibles que leurs pairs non-victimes de revivre de la VRA cinq ans plus tard. Il faut aussi mentionner que chez les jeunes victimes de VRA qui ont été victimes de traumas interpersonnels pendant l’enfance, les conséquences peuvent se trouver amplifiées. Les adolescentes victimes à la fois d’agression sexuelle dans l’enfance et de VRA ont, par exemple, 6 à 7 fois plus de probabilité de présenter des problèmes extériorisés 114 Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes que celles qui ont soit été uniquement victimes d’une agression sexuelle ou uniquement victimes de VRA. Principales conséquences de la violence dans les relations amoureuses des jeunes sur la santé Conséquences immédiates Blessures physiques (ecchymoses, coupures) Douleurs physiques Consultation d’un médecin Se sentir bouleversé Avoir peur Conséquences à moyen et long terme Sentiment de tristesse Perception plus négative de soi Détresse psychologique Symptômes dépressifs et dépression Idéations suicidaires et tentatives de suicide Symptômes de stress post-traumatique (violence physique et violence sexuelle) Consommation d’alcool et de drogues Conséquences somatiques Troubles alimentaires Symptômes physiques Problèmes d’adaptation ou revictimisation Baisse des résultats scolaires Absentéisme scolaire Décrochage Faible sentiment d’appartenance à l’école Comportements d’agression et de délinquance Risque de victimisation ultérieure En raison de la gravité des conséquences de la VRA sur le développement psychosocial des adolescents victimes, mais également du fait que vivre cette problématique à l’adolescence augmente le risque d’en être victime à l’âge adulte [59,104,105], l’implantation d’approches préventives efficaces est prioritaire. La prochaine section offre un survol des initiatives de prévention dans le domaine de la VRA. Institut national de santé publique du Québec 115 Rapport québécois sur la violence et la santé Prévention La majorité des initiatives de prévention de la VRA, qu’elles constituent des politiques sociales ou des programmes, sont construites de manière à promouvoir des normes sociales (ex. : d’équité de genre), des attitudes (ex. : la désapprobation de la VRA) ou des habiletés (ex. : la recherche d’aide), et à transmettre des connaissances sur la VRA et ses différentes formes. Lavoie, Hébert et Beaulieu-Denault ont répertorié dix types d’initiatives de prévention primaire (ou universelle) de la VRA qui s’adressent soit aux individus (les conférences brèves, les programmes d’autodéfense et les programmes de 2 à 5 rencontres), soit à la communauté (animation pour toute l’école, organisation communautaire, développement des compétences des personnes intervenant auprès des jeunes, utilisation des médias pour véhiculer certaines attitudes, lignes d’écoute téléphonique ou via Internet, politiques institutionnelles). Ces initiatives peuvent comporter une ou plusieurs composantes. Il en ressort que les initiatives de prévention intégrant plusieurs composantes, par exemple des volets s’adressant aux individus et d’autres à la communauté, sont peu nombreuses. La plupart des programmes visent la modification des attitudes et des connaissances des adolescents à l’égard de la VRA. Certains visent, en plus de ces modifications, des changements de comportement de victimisation ou d’agression, alors que d’autres programmes ont quant à eux pour objectif de développer les compétences relationnelles des jeunes. Les programmes courts (1 à 5 séances) sont très populaires et visent habituellement à modifier les attitudes et les connaissances des adolescents au sujet de la VRA. Les programmes plus longs, allant jusqu’à 21 séances, ajoutent comme objectifs l’acquisition d’habiletés ou le développement personnel, ou encore abordent des facteurs de risque associés à la VRA comme la surconsommation d’alcool. La majorité des initiatives dont les retombées ont été évaluées sont des programmes de 2 à 15 séances, la plupart du temps en milieu scolaire. Programmes destinés à la population générale (universels) La majorité des programmes de prévention de la VRA mis de l’avant aux États-Unis et au Canada anglais (tableau 6) et au Québec (tableau 7) sont destinés à l’ensemble des jeunes. De Koker et ses collaborateurs ont réalisé une revue systématique des études évaluatives ayant fait appel à des devis expérimentaux, c’est- à-dire des devis qui évaluent l’effet des programmes en mesurant certaines informations avant et après qu’ils soient offerts, qui comprennent des groupes de comparaison, et dont l’assignation des participants est aléatoire. Ils ont identifié six programmes qui ont été développés pour la population des jeunes en général et qui ne ciblent ainsi pas de populations particulières (ex. : les minorités sexuelles ou les victimes d’agression sexuelle, les victimes de VRA ou leurs agresseurs). Ces programmes sont offerts en milieu scolaire et prennent la forme de discussions, de mises en situation ou de jeux de rôles. Même si les jeunes participant à ces programmes développent des connaissances sur la VRA et qu’ils peuvent en arriver à modifier leurs attitudes à son égard , seuls les programmes Safe Dates , Shifting Boundaries et un programme canadien Fourth R: Skills for Youth Relationships ont provoqué des modifications de comportements chez leurs participants (tableau 6). Au Québec, à notre connaissance, trois programmes visant la prévention de la VRA ont été évalués en utilisant un devis comportant un groupe de comparaison (tableau 7). Il s’agit du Programme de prévention de la violence dans les relations amoureuses (ViRAJ), du Programme de prévention et de promotion traitant de la violence dans les relations amoureuses et du harcèlement sexuel (PASSAJ) et du programme SAISIR (Sessions d’ateliers interactifs de sensibilisation, d’information et de réflexion à la problématique de la violence à l’intérieur des relations amoureuses à l’adolescence). Il faut mentionner que d’autres programmes sont largement diffusés au Québec, notamment la trousse Premières amours. Par ailleurs, certains programmes visent plus spécifiquement la prévention de la violence sexuelle, et abordent des contenus liés à la violence sexuelle en contexte de relations amoureuses [113,114]. La réflexion sur les programmes de prévention universelle pourra être poursuivie en consultant des méta-analyses et recensions disponibles qui permettront de mieux saisir les enjeux dans la mise sur pied de tels programmes [115–122]. 116 Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes Description des programmes de prévention canadiens et américains Nom du programme Brève description du programme Résultats Safe Dates Objectifs : modifier les normes Chez les élèves de huitième et neuvième associées à la VRA, diminuer les année en milieu rural ayant participé à Safe stéréotypes liés au genre et Dates, une diminution significative de la améliorer les habiletés de violence perpétrée (psychologique, résolution de conflits. physique modérée et sexuelle) a été rapportée 1 mois, 1 an, 2 ans, 3 ans et 4 ans après qu’ils aient participé à l’intervention. Toutefois, en ce qui concerne la victimisation, seul un effet sur la violence physique modérée a été observé à tous les temps de mesure. Shifting Boundaries Objectifs : promouvoir les saines L’évaluation auprès de jeunes de sixième et relations amoureuses et de septième année montre que le sensibiliser les participants aux programme permet de diminuer la conséquences légales liées à la fréquence de la perpétration de la violence perpétration de la VRA. sexuelle et de la VRA en général (sans égard aux formes). Fourth R: Skills for Objectifs : sensibiliser les jeunes Deux ans et demi après son implantation, le Youth Relationships aux conséquences en matière de programme a engendré une diminution des VRA et aux décisions liées à la comportements de perpétration de violence sexualité, et développer des physique chez ses participants de neuvième habiletés de résolution de année, mais seulement chez les garçons problèmes interpersonnels. (les autres types de perpétration et la victimisation n’ont pas été analysés). L’implantation de ce programme aux États- Unis n’a pas permis d’obtenir des conclusions similaires. La participation au programme n’a pas modifié la violence psychologique, physique ou sexuelle vécue ou perpétrée des adolescents, ni les attitudes des jeunes à l’égard de la VRA. Seuls les jeunes à risque, c’est-à-dire déjà impliqués dans la violence, ont vu leurs comportements de VRA diminuer. Institut national de santé publique du Québec 117 Rapport québécois sur la violence et la santé Description des programmes de prévention québécois Brève description du Nom du programme Résultats programme Programme de Objectif : sensibiliser les Dans sa version d’origine, le programme prévention de la violence adolescents à différentes ViRAJ a fait l’objet de deux évaluations, la dans les relations formes de violence dans les dernière recourant à un devis quasi amoureuses (ViRAJ) relations amoureuses. expérimental avec groupe de comparaison, Clientèle : adolescents de ainsi que d’une analyse qualitative qui 14-15 ans. concluait à son efficacité à modifier les attitudes. Les participants au Stratégie pédagogique : programme ViRAJ, dans sa version de 2009, théâtre forum. ont vu leurs attitudes de désapprobation à l’égard de la VRA et leurs connaissances sur la VRA augmenter en comparaison au groupe contrôle [124,125]. Toutefois, le programme n’a pas permis d’augmenter leur sentiment d’efficacité personnelle à résoudre les problèmes interpersonnels en situation de couple. Programme de Objectif : sensibiliser au Les participants du programme PASSAJ – prévention et de contrôle, au harcèlement des élèves d’écoles de quatre régions du promotion traitant de la sexuel et à la violence Québec – ont vu leurs attitudes à l’égard du violence dans les sexuelle. harcèlement sexuel et de la VRA devenir plus relations amoureuses et défavorables, et leurs connaissances sur le du harcèlement sexuel Clientèle : adolescents de 16-17 ans. sujet augmenter. Le programme a aussi (PASSAJ) permis aux participants de se sentir plus Stratégie pédagogique : outillés pour intervenir dans des situations mises en situation. de VRA, de diminuer la fréquence de leurs comportements de harcèlement sexuel (mesurée seulement chez les garçons), ainsi que, chez les filles seulement, leur victimisation sexuelle et leur perpétration de violence sexuelle [127,128]. Même si la modification des attitudes et l’augmentation du sentiment d’efficacité personnelle à agir ont été maintenues un an après la participation au programme, les connaissances acquises ont diminué, tout en demeurant à un niveau supérieur à celui qui les caractérisait avant leur participation. SAISIR Élaboré par une maison L’évaluation a démontré que, d’hébergement pour femmes comparativement à un groupe contrôle, les violentées de la Gaspésie. participants de SAISIR ont acquis plus de Objectif : accompagner les connaissances au sujet de la VRA et une adolescents afin qu’ils attitude plus négative à son égard. Ces développent une attitude résultats se sont maintenus un mois après mature et responsable à l’intervention. De plus, les attitudes des l’égard de la VRA. participants de SAISIR envers les victimes Clientèle : adolescents de étaient plus favorables, et ils étaient plus 14-16 ans. portés à agir dans des situations de violence Stratégie pédagogique : jeu (ces modifications ont été mesurées chez les collectif en classe. participants à l’aide de vignettes). 118 Institut national de santé publique du Québec Chapitre 4 La violence dans les relations amoureuses des jeunes Programmes destinés à des populations spécifiques Certains programmes, quoique moins nombreux, s’adressent à des populations particulières. Ainsi, le programme Youth Relationship Project, inspiré des premiers travaux de Wolfe, a été évalué auprès de jeunes de 14 à 16 ans desservis par les services sociaux et qui ont vécu une forme de maltraitance dans l’enfance. L’évaluation révèle que les participants ayant été exposés au programme ont réduit leurs comportements de victimisation psychologique et physique à l’égard de leurs partenaires (la violence sexuelle n’ayant pas à ce jour été évaluée). De plus, les filles et les garçons ayant participé au programme étaient respectivement 3,2 fois et 1,9 fois moins à risque de perpétrer de la violence physique que ceux qui n’y avaient pas participé. Cependant, l’attrition (ou absentéisme) des groupes étudiés a été une limite importante qui pourrait surestimer ces impacts. Le programme Expect Respect a pour objectif de promouvoir les saines relations amoureuses et d’augmenter le soutien des pairs. Il consiste en des groupes de soutien distincts pour les garçons et les filles, et est offert pendant 24 semaines dans les écoles pour joindre des jeunes considérés à risque. Une évaluation réalisée auprès de 144 jeunes victimes de violence (exposés à la violence conjugale, victimes de mauvais traitements, de VRA, d’intimidation ou de harcèlement sexuel) a montré qu’en y participant, ces jeunes avaient amélioré leur capacité à résoudre sainement leurs conflits en couple, tel qu’autorapporté et rapporté par leur partenaire ou un ami proche. Toutefois, il n’a pas eu d’effet sur la perpétration ou la victimisation de la VRA. Le Violence Prevention Mentoring Program est quant à lui destiné aux adolescents ayant été judiciarisés pour des délits de nature violente. Son évaluation a soutenu que comparativement à un groupe contrôle, les jeunes qui y participaient augmentaient leurs connaissances au sujet de la VRA, mais ne modifiaient pas leurs attitudes à son sujet. Building a Lasting Love est quant à lui un programme destiné à réduire la victimisation auprès des adolescentes d’origine afro-américaine qui reçoivent des services d’accompagnement pour une grossesse. Son efficacité a été évaluée auprès de 72 participantes (âge moyen = 17,15), qui ont été aléatoirement affectées à un groupe recevant l’intervention ou à une liste d’attente (groupe contrôle). Ce programme a permis à ses participantes de réduire leur perpétration de VRA psychologique auprès du père de leur futur enfant, ainsi que leur victimisation pour de la VRA physique sévère. Notons aussi que le programme Safe Dates a été adapté afin de répondre aux besoins spécifiques d’une clientèle vulnérable, soit des jeunes ayant été exposés à la violence conjugale. Plusieurs activités étaient offertes à des dyades mères-filles : une pièce de théâtre présentée par les pairs, 10 ateliers de 45 minutes offerts par les enseignants en santé et éducation physique, ainsi qu’un concours d’affiches. Le programme a permis à celles qui avaient été fortement exposées à la violence conjugale de réduire leur victimisation pour de la violence physique et psychologique, ainsi que leur perpétration de violence psychologique et de cyberviolence. Le programme n’a cependant pas eu d’effets sur la victimisation et la perpétration sexuelle, ainsi que sur la cybervictimisation. Intervenir sur les trajectoires violentes et de victimisation Bon nombre d’études montrent que l’adolescence est une période propice pour prévenir la cristallisation de la VRA [50,115,135], notamment parce que c’est à cette période de la vie que s’amorcent les relations de nature intime et que se développent les stratégies de résolution de conflits dans le contexte des relations intimes. Les programmes de prévention permettraient d’interrompre la trajectoire de violence des jeunes en modifiant leurs attitudes à l’égard de la VRA. Les différents modèles proposés dans la littérature supposent que de modifier ses attitudes et ses connaissances à l’égard d’un problème peut ultimement engendrer des modifications de comportement. L’évaluation du programme Safe Dates est l’une des rares à avoir mesuré des variables permettant de mieux comprendre les mécanismes par lequel un programme de prévention Institut national de santé publique du Québec 119 Rapport québécois sur la violence et la santé modifie les comportements des adolescents. Elle a révélé que la diminution de la perpétration de la VRA était occasionnée par une diminution de son acceptation. Ainsi, il pourrait être possible de prédire les comportements de VRA des adolescents à partir des attitudes qu’ils adoptent à son sujet. Malgré que cette hypothèse soit soutenue par plusieurs études transversales *, , les conclusions des études longitudinales à ce sujet demeurent inconstantes [74,80]. On s’intéresse de plus en plus à offrir des programmes à des jeunes dès le primaire. Comme mentionné précédemment, Taylor et ses collaborateurs ont testé le programme Shifting Boundaries auprès de préadolescents (c.-à-d. des jeunes âgés de 10 à 13 ans) et ont montré qu’il permettait de diminuer les comportements de victimisation pour le harcèlement sexuel et la violence sexuelle en contexte de relation amoureuse. Toutefois, il n’aurait pas d’impact sur la perpétration de ces deux formes de violence. Autres initiatives Dans cette section, d’autres initiatives seront abordées : les programmes visant à outiller de potentiels témoins de VRA, les initiatives ciblant la communauté extérieure à l’école, le développement du leadership des jeunes dans la prévention de la VRA, et l’élaboration d’outils utilisant les nouvelles technologies. Programmes ciblant les témoins de VRA : Certains programmes de prévention de la VRA et de la violence sexuelle s’adressent spécifiquement aux témoins de la VRA et ont été répertoriés par Storer et ses collaborateurs. Ces programmes sont jugés prometteurs puisqu’ils ont pour objectif d’accroître la probabilité que les gestes de violence soient interrompus par un tiers, et d’augmenter le nombre de pairs et de membres de la communauté qui désapprouvent les comportements agressifs ou irrespectueux envers les femmes (Storer et collab., 2016), incluant en contexte amoureux. Ils durent entre 1 et 20 heures, et la plupart sont offerts en une séance de 1,5 heure ou moins. Cependant, la majorité des programmes destinés aux témoins visent la prévention de la violence sexuelle uniquement (pas nécessairement en contexte de VRA). Seuls deux programmes recensés – Mentors in Violence Prevention (Katz, Heisterkamp, et Fleming, 2011) et Bringing in the Bystander (Moynihan, Banyard, Arnold, Eckestein, et Stapleton, 2011) – visent la prévention de la VRA, incluant la violence sexuelle. Dix des 12 études recensées ayant mesuré l’intention des adolescents à intervenir lorsqu’ils sont témoins de VRA ont montré une augmentation significative de leur intention. Cependant, la majorité des études qui ont mesuré les comportements autorapportés des témoins de violence, et ce,