Cours d'Éducation à la Citoyenneté BAC 3 Droit UCB PDF
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Université Catholique de Bukavu
2024
Abbé Eric Balibuno Rutagayingabo
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Summary
Ce document présente un cours d'éducation à la citoyenneté pour les étudiants de troisième année de droit à l'Université Catholique de Bukavu. Le cours vise à transmettre les bases de la citoyenneté, améliorer la compréhension de la politique et de la constitution congolaise, et former à une nouvelle citoyenneté basée sur les droits humains. La méthodologie du cours combine des communications magistrales avec des interactions et des exemples pratiques.
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1 Education à la Citoyenneté UNIVERSITE CATHOLIQUE DE BUKAVU FACULTE DE DROIT BAC 3 (LMD) COURS D’EDUCATION A LA CITOYENNETE (16 h) Prof. Abbé Eric BALIBUNO Rutagayingabo ANNEE ACADEMIQUE 2023-2024 2...
1 Education à la Citoyenneté UNIVERSITE CATHOLIQUE DE BUKAVU FACULTE DE DROIT BAC 3 (LMD) COURS D’EDUCATION A LA CITOYENNETE (16 h) Prof. Abbé Eric BALIBUNO Rutagayingabo ANNEE ACADEMIQUE 2023-2024 2 Education à la Citoyenneté 1.Contexte et objectifs du cours Au seuil des études supérieures et universitaires de jeunes étudiants, le Gouvernement congolais a décidé d’inscrire le cours d’Éducation à la citoyenneté dans leur cursus de formation universitaire. Ce cours constitue en quelque sorte un prolongement et un approfondissement du prérequis tiré notamment du cours d’éducation civique et politique qu’ils ont certainement appris tout au long de leur formation primaire et secondaire. L’idée qu’il y a derrière ce cours d’éducation à la citoyenneté est de leur fournir, comme futur (e) s cadres supérieurs du pays, un bagage intellectuel solide et critique sur la nouvelle citoyenneté en République Démocratique du Congo. Tout observateur averti et honnête qui se penche sur la situation sociopolitique de la RDC aboutit à la conclusion que ce pays souffre aujourd’hui, comme hier, d’un problème de prise de conscience citoyenne au niveau individuel et collectif. Dans le langage courant, on affirme que la RDC connaît un « problème d’hommes » pourvus d’un sens élevé de responsabilité capable de développer le pays et le sortir du marasme socio-économique et politique dont il souffre depuis de nombreuses décennies. Un auteur congolais a même écrit un ouvrage intitulé « le Congo malade de ses hommes »1. Le pays dispose de plusieurs ressources minières, agricoles, environnementales, humaines et géostratégiques qui devraient permettre à la RDC de sortir de la pauvreté et de la misère, mais le paradoxe est que le pays est potentiellement riche en ressources mais ses habitants demeurent majoritairement très pauvres, si pas les plus pauvres de la terre. Une situation qui interpelle vivement. Dans ce même registre, Pierre Cappelaere se demande au sujet de la République Démocratique du Congo, « Comment ce pays, vanté pour l’abondance de ses richesses naturelles, avec un sous-sol qui est un véritable inventaire minier, un fleuve de 4700 km de long dont la folle puissance pourrait fournir de l’énergie à toute l’Afrique, un paradis vert de 80 millions d’hectares de terres arables, des savanes pouvant accueillir 40 millions de têtes de gros bétail (…), une vaste forêt patrimoine écologique de l’humanité… un pays auquel sont attachés tous les superlatifs qui devraient s’accorder avec le bien-être de ses habitants, s’est-il retrouvé dans la catégorie des plus pauvres ? Puissance et fragilité »2. Depuis quelques années, nous assistons en République Démocratique du Congo à une généralisation d’un nouveau système d’enseignement au niveau supérieur et universitaire, le système Licence-Master-Doctorat (LMD), dans lequel le rôle de l’étudiant dans son apprentissage est renforcé. L’étudiant ne participe plus passivement à sa formation universitaire comme dans l’ancien temps où seul l’enseignant donnait toute la connaissance scientifique à l’étudiant. Avec l’avènement de ce nouveau système, nous sommes en droit d’attendre une forte implication des étudiants aux idées nouvelles et innovantes dans la prise de décisions importantes visant l’amélioration de conditions de vie de nos populations. Les étudiants constituent une jeune génération sur laquelle repose tous les espoirs pour la reconstruction du pays. Il est donc logique que les étudiants puissent 1 Patient Bagenda, Le Congo malade de ses hommes. Crimes, pillages et guerres, Luc Pire, Bruxelles, Entraide et Fraternité, 2003. 2 Pierre Cappelaere, Congo (RDC). Puissance et fragilité, L’Harmattan, Paris, 2011, p. 7. 3 Education à la Citoyenneté développer une pensée critique et citoyenne visant le bien-être commun, en outre qui fait primer l’intérêt général sur l’intérêt particulier. Pour ce faire, les étudiants doivent connaître et maitriser les règles qui permettent et favorisent le mieux vivre ensemble. Ce cours poursuit cet ambitieux objectif. Il vise principalement à : - Transmettre aux étudiants les données fondamentales de la citoyenneté dans le contexte national et international ; - Améliorer les connaissances et l’esprit critique des étudiants sur l’histoire et l’actualité politique et constitutionnelle de la RD Congo ; - Former les étudiants à la nouvelle citoyenneté fondée sur les droits humains et la culture démocratique. Il vise particulièrement à rendre les apprenants capables de : - élucider la portée sémantique du terme citoyen ; - articuler les différents mécanismes de manifestation du civisme ; - définir les droits et les devoirs du citoyen ; - décrire l’Etat démocratique et ses corollaires ; Ce cours vise donc un éveil citoyen, un éveil patriotique et humaniste à donner aux étudiants comme gage de la construction de la paix, de la stabilité, du vivre ensemble, de la culture démocratique et du respect des droits humains. Les futurs cadres administratifs du pays, de l’Afrique et du monde, qui auront assidument suivi ce cours sont appelés à devenir des bâtisseurs de la paix et du développement, capables de réussir beaucoup mieux, là où les générations précédentes ou actuelles des dirigeants ont échoué ou peu réussi. L’éducation à la citoyenneté manquerait d’efficacité et d’intérêt si elle ne réserve pas une place de choix à la transformation des consciences et des comportements, si elle ne parvient pas à rendre la citoyenne et le citoyen congolais des êtres responsables et utiles à la société. Nous restons convaincus que le développement politique, diplomatique, économique et social d’une nation dépend largement du degré de civisme, de conscience morale et politique de ses citoyens. Ce cours s’efforcera de montrer et de faire admettre aux étudiants que le moindre comportement incivique de la part d’un citoyen constitue, de façon directe ou indirecte, une sérieuse entrave aux efforts d’épanouissement social et économique de toute la communauté nationale. Au-delà de l'éducation politique, le cours de civisme est une éducation à la morale, aux valeurs et aux vertus civiques que requiert la nécessité de la construction nationale. C'est dire que la science que les étudiants apprennent est fondamentalement stérile voire dangereuse en l'absence de la conscience. L'éducation civique enseigne l'exigence de « faire briller la conscience en même temps que la science », étant donné, comme on le sait, qu'une « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». 2.Méthodologie à déployer Ce cours sera dispensé à travers deux approches : Tout d’abord, les communications magistrales seront faites en auditoire à titre d’apport des connaissances ; ensuite, pour rendre l’enseignement actif et interactif, les échanges entre le professeur et les étudiants seront nourris par des exemples ou des cas pratiques tirés des milieux de vie et de l’expérience des étudiants et de l’enseignant ; [enfin, il aurait été souhaitable d’envisager des travaux pratiques orientés vers l’analyse critique 4 Education à la Citoyenneté des cas vécus de ce qu’un bon citoyen doit ou ne doit pas faire au niveau local, provincial, national, sous-régional, régional ou international]. 3.L’évaluation L’évaluation des connaissances des étudiants se fera par l’appréciation des travaux par un examen écrit. 4.Division du cours Outre l'introduction et la conclusion générales, le cours est divisé en trois chapitres. Le premier définit certains concepts importants tels que civisme, citoyen, Etat. Le deuxième chapitre s'intéresse aux expressions majeures du civisme, notamment la participation politique et le nationalisme. Le troisième, enfin, décrit la société démocratique et ses corollaires (existence d'une Constitution, une presse libre, l'élection comme moyen d'accès au pouvoir, la société civile, etc.). 5.Bibliographie sommaire 1. Constitution de la République Démocratique du Congo telle que modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 52e année, février 2011. 2. Loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise, in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 2004. 3. Dieudonné Kalindye Byanjira, Introduction à l’éducation à la citoyenneté en RDC : Démocratie, Éducation à la culture de la paix, aux droits de l’homme, aux développements durables et aux gestions de résolutions des conflits, édition de l’institution africaine de droit de l’homme et de la démocratie, Kinshasa, 2006. 4. Patient Bagenda, Le Congo malade de ses hommes. Crimes, pillages et guerres, Luc Pire, Bruxelles, 2003. 5. Ghislain TSHIKWENDA, « Éducation aux valeurs par notre hymne national », in Congo-Afrique : Économie-Culture-Vie sociale, n° 427, septembre 2008. 6. Joseph GAHAMA, Démocratie, Bonne Gouvernance et Développement dans la Région des Grands Lacs, Bujumbura, 1998. 7. Marco MARTINIELLO, La citoyenneté à l’aube du 20e siècle : questions et enjeux majeurs, éditions de l’ULG., 2000. 8. NGOMA BINDA, La participation politique : Éthique civique et politique pour une culture de la paix, de démocratie et de bonne gouvernance, s.l., 2005. 9. Philippe BRAUD, « Citoyenneté », in Guy HERMET, Bertrand BADIE, Pierre BIRNBAUM, Philippe BRAUD, Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Armand, Paris, 8e édition, 2015, p. 48. 10. Alexandra GOUJON, Les démocraties. Institutions, fonctionnement et défis, Armand Colin, Paris, 2015. 11. Claude MOSSÉ, Les institutions grecques à l’époque classique Ve-Ive siècles av. J.-C, Armand Colin, Paris, 2014 (8e édition). 12. Louis KALUBI M’KOLA, La RD Congo dans la géopolitique mondiale. De l’EIC au Congo Belge (1885-1960), Édition Betras, Kinshasa, 2022. 5 Education à la Citoyenneté 13. Pascal MBONGO, François HERVOUËT, Carlo SANTULI (Sous la direction de), Dictionnaire encyclopédique de l’État, Berger Levrault, Paris, 2014. 14. Raymond CARRE DE MALBERG, Contribution à la Théorie générale de l’État, spécialement d’après les données fournies par le droit constitutionnel français, Dalloz, Paris, 2004. 15. Olivier DUHAMEL, Guillaume TUSSEAU, Droit constitutionnel et Institutions politiques, Seuil, Paris, 2016 (4e édition). 16. Max WEBER, Économie et société. Tome 1. Les catégories de la sociologie, Paris, Plon, 1995. 17. Max WEBER, Économie et société. Tome 2. L’organisation et les puissances de la société dans leur rapport avec l’économie, Plon, Paris, 1995. 18. Cédric JOURDE, « Les grilles d’analyse de la politique africaine : la problématique de l’État », in Mamoudou GAZIBO et Céline THIRIOT (Sous la direction de), Le politique en Afrique. État des débats et pistes de recherche, Karthala, Paris, 2009, p. 43-70. 19. Jean-Claude WILLAME, Les « faiseurs de paix » au Congo. Gestion d’une crise internationale dans un État sous tutelle, Coéditions Grip-Complexe, Bruxelles, 2007. 20. NGOMA BINDA P., « Unitarisme et fédéralisme : concepts, avantages, inconvénients, option », Zaïre-Afrique (juin-juillet 1991), n° 256, p. 317-324. 21. Léon de SAINT MOULIN, « Brève histoire des Constitutions du Zaïre », in Zaïre-Afrique (juin-juillet 1991), n° 256, p. 291-301. 6. Plan du cours Introduction ou chapitre liminaire 1. Contexte et objectifs du cours 2. Méthodologie à déployer 3. Evaluation 4. La division du cours 5. Bibliographie sommaire 6. Plan du cours : CHAPITRE PREMIER : APPROCHE DEFINITIONNELLE 1.1. Ce qu'est le civisme 1.2. Le Citoyen 1.3. La Cité : -La Cité comme patrie -La Cité comme nation -La Cité comme Etat (L'Etat-gouvernement et L'Etat-nation) 1.4. Le civisme 1.4.1. Le lieu du civisme : Etat unitaire et Etat fédéral a. L'Etat unitaire b. Etat Fédéral Conclusion partielle CHAPITRE DEUXIEME : EXPRESSIONS MAJEURES DU CIVISME Introduction 2.1. La participation politique : un devoir civique 2.1.1. La nécessité de la participation politique 2.1.2. Les formes majeures de la participation politique 1. La participation politique directe 6 Education à la Citoyenneté 2. La participation politique semi-directe - Le devoir d’exercer son droit de vote - Militer au sein d'un parti politique 3. La participation politique indirecte - Faire montre de conscience professionnelle - L'engagement politico-intellectuel - Le groupe de pression 2.2. Nationalisme 2.2.1. Signification du nationalisme : -Exaltation et défense des intérêts de la nation -Une idéologie exclusiviste (aspect négatif, dangereux !) 2.2.2. Le patriotisme : une expression forte du nationalisme Conclusion partielle CHAPITRE TROISIEME : LA SOCIETE DEMOCRATIQUE 3.0. Notion sur la démocratie 3.2. Définition de la démocratie 3.3. Principes ou éléments-clés de la démocratie 3.4. Les responsables principaux de la vie démocratique 3.4.1. La primauté du devoir 3.4.2. Les grandes tâches des grands responsables 1. L'homme d'Etat : garantir à tous d'égales chances de succès et de joie d'exister 2. L'homme de science : la provocation fécondante (deux tâches lui assignées) : - L'intellectuel comme acteur politique - La tâche politique de la provocation intellectuelle 3.5. Limites de la démocratie 3.5.1. Une gestion laborieuse du temps - La démocratie : victoire de la majorité ? La démocratie : case voisine de l'anarchie (accentuation du droit de l’individu fait oublier les limites de la liberté) 3.6 Quelques règles et techniques de revendication démocratique 1. L'action doit être légale 2.L’action doit être préparée 3. L’action doit être fondée sur une information exacte Conclusion Générale 7 Education à la Citoyenneté CHAPITRE PREMIER : APPROCHE DEFINITIONNELLE 1.0. Introduction Dans ce premier chapitre, nous allons définir et analyser certains concepts clé qui permettront une meilleure compréhension du cours. Il s'agit des notions suivantes : citoyen, cité, civisme, Etat. 1.1. Ce qu'est le civisme Tout citoyen intellectuellement sain et moralement adulte prend nécessairement au sérieux l'exigence du civisme dans la cité. Il nous faut donc définir, ici, les notions de base relatives à la pratique du civisme. Il s'agira de faire saisir, le plus clairement possible, les idées de citoyen, de cité et, finalement de civisme. 1.2. Le citoyen Parler de « civisme », c'est évoquer un vaste ensemble de concepts desquels ce terme dérive ou autour desquels il gravite. Et, en tout premier lieu, il faut penser au terme latin civitas qui signifie « cité ». Il désigne le lieu, la communauté sociale au sein de laquelle le civis, le citoyen mène son existence et où il jouit des droits et possibilités que lui offre le fait de la nationalité qui lui est reconnue. La civitas désignait, chez les Romains, l'ensemble des citoyens, des habitants d'une ville ; le mot « ville » étant identifié, chez les Grecs (polis) et chez les Latins (civitas) à l'Etat au sens actuel. Face à la cité entendue comme communauté, le citoyen ou l'habitant de la cité possède des droits et des devoirs qui sont dits civiques. C'est de cet adjectif (en latin civicus) que dérive le terme civisme qui apparaît en langue française en 17703. Mais il y a, à partir de cette même racine, une gamme large de dérivés dont : civil (droit civil : l'ensemble des lois relatives aux droits du citoyen ; état civil ; mort civile, etc.) ; incivique (qui n'est pas digne d'un citoyen) ; civilité (observation des convenances en usage parmi les gens qui vivent en société) ; civiliser (donner un état civil à quelqu'un, c'est-à-dire le faire passer, au moyen de la culture morale, intellectuelle et sociale, de l'état primitif à un état plus avancé sur le plan des mœurs et des facilités matérielles). L'idée fondamentale qui relie tous ces termes c'est celle d'une communauté d'hommes réunis, habitant une cité, et ce fait impose un ensemble de règles et de convenances admises par toute la communauté, et que chaque citoyen est tenu de respecter pour une vie harmonieuses et solidaire. 3 NGOMA-BINDA, o.c, p. 8. 8 Education à la Citoyenneté Il est également utile de noter que, contrairement à la société grecque ancienne qui distinguait des catégories de citoyens (supérieure et inférieure) et à Aristote qui déniait la qualité de citoyen aux personnes de basse classe, aux pauvres, aux esclaves et même aux femmes, comme indignes de jouir des droits civiques et de participer aux affaires publiques de la cité, la mentalité politique des sociétés actuelles reconnaît cette qualité à tous leurs habitants, sans distinction d'âge, de sexe ou de ressources intellectuelles. Le civisme prescrit et impose de reconnaître que tous les citoyens sont égaux en droits, et au regard de la loi. C'est un acte de civisme de traiter chaque fils du pays comme un citoyen, une personne qui a le droit de jouir de tous les droits reconnus aux citoyens sauf dans le cas de « déchéance civile ». Le tout premier acte de civisme d'un bon citoyen, c'est de se reconnaître comme citoyen, c'est-à-dire comme un individu vivant nécessairement dans une communauté qui lui est supérieure, vis-à -vis de laquelle il a des obligations et le droit d'attendre qu'elle garantisse ses droits. Le second acte de civisme de tout citoyen c'est de reconnaître et de respecter les droits des autres citoyens. Ce respect des droits de l'autre citoyen constitue le fondement de la paix et de l'harmonie clans la cité. Etre citoyen, c'est se sentir interpellé, par la nation et par son concitoyen ; c'est se sentir responsable de la destinée, heureuse ou malheureuse, de toute sa communauté nationale. 1.3. La Cité Une vie communautaire et harmonieuse de la cité nécessite un certain nombre de facteurs qui l'engendrent et la maintiennent. La cité se définit au moyen des principes et traits suivants : La cité doit comporter des membres, c'est-à-dire un groupement humain d'hommes et de femmes, des citoyens ; Ces citoyens doivent avoir une conscience commune, d'un passé commun, d'un même destin, et une volonté commune de vivre ensemble ; La cité se caractérise par une vitalité spécifique (par ses activités culturelles, sociales et économiques) qui imprime à la société un style de vie et une personnalité propres ; La cité doit offrir des conditions écologiques et géographiques propices à la prospérité, au bonheur des citoyens et à sa propre continuité historique ; La cité doit pouvoir régler les rapports entre les citoyens au moyen d'une organisation juridique juste et appropriée ; La cité doit comporter un organe directeur investi de l'autorité nécessaire pour présider à la destinée commune : l'Etat, au sens de pouvoir politique, de gouvernement. 9 Education à la Citoyenneté Ainsi, la Cité constitue une unité géographique et politique au sein de laquelle les citoyens, tout en exerçant des activités économiques et culturelles individuelles, sont invités à participer à la gestion collective des biens publics. Le citoyen y participe soit par le commandement, soit par l'obéissance, ou, en tout cas et inévitablement, par le respect des règles et convenances en dehors desquelles aucun citoyen ne saurait être « civilisé », c'est-à-dire accepté comme membre de la cité. Vis-à-vis de la cité, le tout premier acte de civisme que chaque citoyen est constamment invité à accomplir c'est d'aimer sa cité, sa communauté d'existence. Cet amour de la cité se traduit concrètement par le respect de la loi qui s'efforce de réglementer les relations entre les citoyens et différents groupes dans le but d'instaurer l'harmonie, la concorde et la paix pour tous dans la cité. 1.3.1. La Cité comme patrie La cité, espace précis où doit se vivre le civisme, est à comprendre non seulement clans le sens ancien d'un espace géographique circonscrit par les limites de la ville (ex. Athènes, Spartes, Rome, Antioche), mais plutôt dans un sens plus profond, celui de patrie, c'est-à-dire de terre de ses pères. La patrie est donc une communauté géographique, sociale et politique à laquelle appartient le citoyen du fait qu'elle est soit la terre natale dans laquelle ont vécu ses ancêtres et ses parents soit son pays d'adoption auquel, à la faveur d'un sentiment psychologique intime, on se sent appartenir de manière forte. Ce terme peut désigner la maison paternelle, le village, la région, le pays ou le continent comme « terre natale ». Mais de manière métaphorique, patrie coïncide aujourd'hui avec les limites spatiales de l'Etat moderne. Cependant, il faut noter que la Patrie se distingue de l'Etat, et même de la Nation, par le sentiment particulier d'intimité et d'affectivité qui est associé à la notion de patrie. La comprenant comme terre de ses pères et de ses ancêtres, l'individu a de la patrie une conscience pour ainsi dire sacrée de ce lieu où reposent les ossements et où continuent de vivre les esprits de ses pères. Le caractère sacré de la notion de patrie est donc son trait distinctif majeur. La patrie fait l'objet de révérence et d'un amour profond, presque religieux, qui aboutit jusqu'à la l'acceptation volontaire et enthousiaste du sacrifice de soi, de tous les efforts qu'exigent la défense et l'honneur de la patrie : le patriotisme. 1.3.2. La Cité comme nation Cité signifie aussi Nation. La nation (terme dérivé du verbe latin nasci : naître) est à comprendre comme un groupement humain formant une communauté sociale et politique établie sur un territoire défini, et personnifiée par un ensemble de coutumes, de pratiques spirituelles et d'activités matérielles propres. Toutes les personnes constituant une nation se sentent étroitement unies entre elles par un lien spirituel et 10 Education à la Citoyenneté culturel puissant fondé sur l'appartenance à une même communauté au sein de laquelle on est né. Le sentiment national se justifie par le fait que les personnes habitant un même territoire, sont nées toutes dans ce territoire et par conséquent ont une origine commune, des institutions communes, une identité spécifique, et forment un corps social distinct4. Dans l'acception politique moderne (légèrement différente de l'acception ethnologique), la nation se veut une communauté humaine autonome dirigée par une autorité souveraine et reconnue légitime, c'est-à-dire autorisée (par les habitants concernés et /ou par la communauté internationale au nom du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ») à présider aux destinées de cette communauté nationale. Avec l'avènement des mouvements d'affirmation des peuples colonisés, le nationalisme sera l'une des valeurs-instruments importantes de la lutte de libération des pays africains avec des leaders comme Lumumba, Kwame Nkrumah). Pour achever de définir la notion de nation, retenons qu'il existe de nombreux éléments, objectifs et subjectifs, qui concourent à la formation d'une Nation : - Le premier facteur généralement nommé, c'est la race. La nation est alors pensée comme un groupement d'êtres humains dont la cohésion se trouve renforcée par l'homogénéité raciale. Toutefois, l'avènement d'une nation n'est pas strictement lié à cette notion imprécise. Le critère de rare n'est pas pertinent car on rencontre des nations multiraciales. C'est le cas des Etats-Unis d'Amérique, de la République Sud- Africaine. - Le deuxième facteur de la nation, c'est la langue. L'unité linguistique constitue un élément important dans la formation d'une nation. Elle fait du corps social une entité solidaire. Néanmoins, il faut retenir qu'une nation peut bel et bien exister en situation de plurilinguisme. C'est le cas de la Suisse et de la Belgique. Par ailleurs, le fait de parler une seule langue dans un pays ne suffit pas pour constituer une nation. L'élément linguistique doit donc être associé à d'autres. - Le troisième facteur, c'est le territoire. Une nation se forme et ne peut véritablement exister que dans un espace donné et identifiable. Le territoire contribue davantage à l'unité et à l'identité des personnes qui ont une langue et un héritage communs. Même s'il n'est pas un critère absolu de l'existence d'une nation (le peuple palestinien, qui a vécu pendant longtemps sans territoire, n'a jamais cessé d'être une nation), le territoire est cependant une condition d'affirmation et de souveraineté nationale vis-à-vis des autres nations. - Le quatrième facteur de formation d'une nation, c'est l'héritage culturel commun : un ensemble de coutumes et de valeurs communes, matérielles et spirituelles, auxquelles on croit et suivant lesquelles on règle son existence. - Le cinquième facteur, et le plus déterminant, est d'ordre moral. C'est la conscience nationale ou la volonté éclairée et inébranlable de vivre ensemble au sein 4 Mzee MUNZIHIRWA, « Nation en voie de création ou pays en développement. Pour promouvoir la Nation zaïroise », dans Zaïre-Afrique (1987), n°219, p. 519. 11 Education à la Citoyenneté d'une entité territoriale précise. La nation est un vouloir- vivre- ensemble d'êtres humains partageant le même territoire, les mêmes valeurs, la même histoire, les mêmes projets de vie, la même volonté de se réaliser ensemble. Cette volonté contient l'exigence de l'amour de l'autre avec qui je dois nécessairement vivre pour assurer ma pleine réalisation. Bref, « la nation trouve son origine dans un sentiment attaché aux fibres les plus intimes de notre être : le sentiment d'une solidarité qui unit les individus dans leur volonté de vivre ensemble. Sans doute, les éléments déterminateurs de ces sentiments sont divers : la langue, la religion, les souvenirs communs, l'habitat ; mais quelle que soit leur influence, on doit comprendre que la nation relève plus de l'esprit que de la chair »5. 1.3.3. La Cité comme Etat Le mot Cité signifie enfin Etat au sens moderne. En science politique, ce terme possède deux sens. Il désigne à la fois l'entité nationale globale et son autorité dirigeante. 1. L'Etat-gouvernement Dans un premier sens, Etat signifie l'appareil gouvernemental d'un pays souverain. Il s'agit, plus précisément, du corps de personnes et d'institutions qui détiennent le pouvoir politique. Par pouvoir, il faut entendre « la capacité réelle d'exercer sa volonté dans la vie sociale en l'imposant le cas échéant aux autres. Il est en fait question ici du pouvoir politique, qui est l'une des manifestations importantes du pouvoir et qui est caractérisé par la capacité réelle d'une classe, d'un groupe, d'un individu, d'exercer sa volonté exprimée dans la politique et les normes du droit. Le pouvoir politique est un pouvoir spécifique, exclusif à l'Etat. Ce dernier est caractérisé par le fait qu'il détient le monopole de la contrainte légitime. Il peut certes réaliser ses buts en recourant a des moyens non coercitifs (la persuasion idéologique, l'éducation morale et civique, la stimulation économique, etc.). Maïs, également, il lui est reconnu le droit de recourir à la force physique, à la contrainte (les amendes, l'emprisonnement, et même la peine de mort) pour imposer l'obéissance à la loi qu'il met en place. Ainsi, le pouvoir d'Etat (le pouvoir politique que détient l'Etat) est toujours et d'une certaine manière ou d'une autre, une forme de pouvoir social à caractère de classe, qui s'appuie sur un appareil spécial de coercition et dispose du droit exclusif de légiférer et de prendre d'autres dispositions dont l'exécution est obligatoire pour tous. 2. L'Etat-nation 5 BURDEAU, G., Droit constitutionnel et Institutions politiques, Paris, LGDJ, 1969, p. 19. 12 Education à la Citoyenneté Le pouvoir politique s'exerce sur un groupement humain situé sur un territoire défini. Ces trois éléments constituent la base de l'Etat entendu dans son second sens, celui de l’Etat-Nation. Ainsi, l'Etat signifie, dans le sens moderne, un ensemble socio-politique, installé sur un territoire dont les limites sont clairement définies, et soumis à des dirigeants qui sont normalement indépendants de toute autorité étrangère et capables de se faire obéir par tous leurs ressortissants. Dans le fonctionnement et la marche d'un Etat, chaque citoyen est soumis à des obligations précises. Pour l'intérêt de la communauté, l'Etat (l'Etat-nation à travers l'Etat-gouvernement) doit prendre des décisions justes et rationnelles tout en commandant et en surveillant leur exécution, tandis que le citoyen, gouverné et gouvernant, est tenu d'obéir aux lois de la cité. La liberté de l'individu est une valeur importante. Au nom de la liberté, l'individu peut refuser d'obéir. Mais en même temps qu'il est du devoir de l'Etat d'être juste et raisonnable, il est demandé au citoyen de se considérer comme une liberté raisonnable, comme un citoyen libre de tout faire dans le cadre de ce que les lois prescrivent parce que jugé bon, juste et rationnel pour l'intérêt de chacun et de tous dans la société. Si donc, au nom de son droit à la liberté, le citoyen refuse ou néglige ses obligations civiques reconnues justes par la communauté, sa liberté devient extravagante. Dans ce cas, l'Etat peut et a l'obligation, dans l'intérêt commun de la société, de le contraindre à marcher sur la voie du respect de la loi, sur la voie du civisme. 1.4. Le civisme Il existe un lien intime entre les différents concepts majeurs relativement à l'attitude et au comportement du citoyen vis-à-vis de la Cité. Si face à la Cité ou à l'Etat, le citoyen doit faire preuve de civisme, il doit faire montre de patriotisme face à la Patrie et de nationalisme face à la Nation. Mais la patrie concrète du citoyen se présente sous la forme de l'Etat moderne. Ce dernier est la Cité. Il est un corps social politique au sein duquel les membres (les citoyens) partagent une histoire commune, un même idéal, une même destinée et une volonté commune de mener une vie collective. C'est à l'intérieur de cet Etat-nation (de cette Cité) que le citoyen est appelé à manifester son civisme. L’on parle de civisme dans le sens d'une relation qui s'instaure entre le citoyen et l'Etat, plus exactement lorsqu'il y a respect, de la part du citoyen, des règles de vie commune dans la cité. Pratiquer ainsi le civisme revient à être conforme, dans son comportement et dans ses actions, en vue de meilleures possibilités de vie et de règles prescrites par la nation bonheur pour chacun et pour l'ensemble de la communauté nationale. Le civisme est ainsi à comprendre comme un comportement, manifesté par le citoyen, 13 Education à la Citoyenneté conformément à la loi de son pays. Cette loi demande au citoyen d'aimer sa cité ainsi que les habitants qui la composent, de respecter ses concitoyens et leurs biens, de travailler à la valorisation du bien commun consistant à atteindre l'unité et l'harmonie, la puissance, la prospérité et la joie d'exister de chacun des citoyens de la cité politique. Du point de vue de l'Etat (nation et gouvernement), le civisme est l'un des outils fondamentaux que le pouvoir politique se donne pour mener à bien les affaires publiques dont il la charge. Essentiellement, l'Etat attendra du citoyen un usage correct de la liberté qui lui est reconnue, un respect rigoureux des lois de la cité, et un sentiment fervent de nationalisme et de patriotisme. Du point de vue du citoyen, le civisme est fondamentalement une attitude et une manière spécifique de se comporter vis-à-vis de toute la communauté nationale. Le civisme est un ensemble d'attitudes et de comportements adoptés et intériorisés par le citoyen, dans une décision consciente, libre et responsable, en conformité avec les lois et les valeurs régissant le bon gouvernement d'une société. Spécifiquement, le civisme d'un intellectuel doit être éclairé, rationnel et responsable. Le véritable civisme se fonde sur des motivations rationnelles et raisonnables, et se pratique à partir d'une décision libre et éclairée d'obéir, et de se conformer aux idéaux, règles et convenances de sa société. Ces considérations sur le contenu sémantique du civisme font voir, en définitive, que ce dernier est simplement l'autre nom de cette discipline personnelle que tout individu ou citoyen doit avoir dans ses relations avec toute la communauté nationale dont la visée fondamentale se révèle comme une lutte incessante pour la garantie de son existence, de sa cohésion et de son progrès. 1.4.1. Le lieu du civisme : Etat unitaire et Etat fédéral Le civisme se pratique à l'intérieur d'un espace physique qui a nécessairement des spécificités propres sur la manière de gérer le pouvoir, sur l'instance habilitée à gouverner, et sur l'organisation de l'ensemble des institutions politiques. Cet espace se présente, aujourd'hui, comme Etat moderne, sous trois formes fondamentales. L'Etat peut, en premier lieu, être soit une démocratie, soit une dictature suivant que le gouvernement est fondé ou non sur des rapports d'harmonie, et sur le respect des droits à l'égalité et à la liberté des citoyens par les gouvernants. Par ailleurs, l'Etat peut être considéré comme une monarchie constitutionnelle si le chef de l'Etat est un roi s'étant proclamé comme tel ou ayant accédé au pouvoir par une voie de succession héréditaire mais dont l'autorité est limitée (ce qui la distingue de la monarchie absolue) par des dispositions constitutionnelles. La plupart des royaumes actuels sont les monarchies constitutionnelles (par exemple : la Belgique, l'Angleterre, la Hollande, le Japon, le Maroc, l'Espagne), c'est-à-dire des Etats en principe démocratiques au sein desquels le Roi règne mais, seul le premier 14 Education à la Citoyenneté ministre gouverne, assumant les fonctions de chef de gouvernement. Ou alors, l’Etat prend la structure d'une République : un Etat dirigé par un président élu au suffrage universel soit directement (par le peuple depuis la base), soit indirectement (par les députés et, éventuellement, par d'autres représentants du peuple). L'Etat peut, enfin, revêtir soit la forme unitaire, soit la forme fédérale en ce qui concerne l'organisation administrative et spatiale du pouvoir et des institutions publiques. 1. L'Etat unitaire Un Etat unitaire est celui dans lequel le pouvoir central est seul titulaire de l'autorité. Il n'y existe qu'un seul centre d'impulsion politique et gouvernementale. Tous les organismes officiels des niveaux régional et local émanent directement des institutions nationales. L'autorité, qui est unique, peut souverainement décider, selon sa vision propre des réalités nationales et locales, de modifier ou de supprimer ces structures nationales, régionales et locales ainsi que les lois et règlements qui les régissent. Certes, l’Etat unitaire n'implique pas nécessairement une centralisation rigoureuse de l’administration. Les collectivités régionales et locales peuvent être décentralisées. Toutefois, l'Etat unitaire exige que l'indépendance accordée aux agents de ces collectivités n'aille pas jusqu'à une autonomie complète à l'égard du pouvoir central. Cette distinction est réalisée du fait que la puissance mise en œuvre par les autorités locales procède du pouvoir central qui en concède et en surveille l'emploi. Dans l'Etat unitaire donc la décentralisation accorde une autonomie très limitée aux entités régionales et locales. Il s'agit simplement d'une autonomie administrative. Toutes les décisions sont prises au niveau de l'Etat central qui peut, à sa convenance et sans entrave, casser la plupart des actions entreprises au niveau inférieur. Mais cette forme d'Etat a naturellement abouti au musellement des libertés individuelles et collectives. Ignorant les diversités et les revendications locales par peur du séparatisme et des désordres, la forme d'Etat unitaire a vite fait de franchir le pas qui la séparait de la dictature. Et cette dictature a conduit à l'approfondissement du sous-développement socio-économique des pays africains. 2. L'Etat fédéral L'Etat est celui dans lequel, il existe deux titulaires de l'autorité. Celle-ci est détenue à la fois par les institutions politiques nationales qui ont à s'occuper des problèmes relatifs à l'ensemble du territoire fédéral, et par des entités politiques régionales (provinciales) qui, tout en gardant une certaine indépendance dans la gestion des affaires législatives, judiciaires et administratives à leurs niveaux, participent néanmoins à l'élaboration des décisions qui organisent l'ensemble de la fédération. Il y a deux types d'institutions : celles chargées de gérer les affaires nationales (l'Etat 15 Education à la Citoyenneté fédéral) et celles chargées des affaires provinciales (l'Etat fédéré). Conclusion partielle Dans ce chapitre, deux leçons essentielles sont à retenir. Primo, tout étudiant comme tout individu est nécessairement citoyen d'un Etat donné et, en tant que tel, il constitue un élément d'un ensemble vaste qui ne peut fonctionner comme il convient qu'avec son concours lequel traduit, précisément, le degré de son civisme. Secundo, tour individu ou tout étudiant est citoyen d'un Etat précis et, en tant que tel, il doit se soumettre et obéir, avec lucidité et à l'intérieur de sa situation ou de sa fonction particulière, à toutes les lois et convenances sociales susceptibles de faire fonctionner son pays de façon correcte et efficace. Dans les sociétés actuelles, les deux formes d'Etat (unitaire et fédérale) se trouvent largement représentées6. Les deux présentent et des avantages et des inconvénients. De toutes les façons, le choix d'une forme donnée doit se faire en tenant compte de tous les éléments objectifs en présence : par exemple, l'étendue du pays et la diversité de sa population, les objectifs politiques à poursuivre, etc. Les principes qui guident le fédéralisme sont au nombre de trois : le principe de distribution bitopique du pouvoir (qui exige que les deux niveaux national et régional se distribuent les compétences, ce qui constitue une source de contrôle mutuel) ; le principe d'autonomie politique (qui exige que l'Etat fédéré puisse se créer sa propre constitution qui organise son fonctionnement sur les plans économique, administratif, judiciaire et culturel. Mais bien que jouissant de cette autonomie politique, l'Etat fédéré ne peut rien entreprendre qui ne soit autorisé par la Constitution fédérale. L'autonomie politique de l'Etat fédéré est donc relative, et jamais complète. Cette limitation de l'autonomie constitue un garde-fou contre les débordements éventuels pouvant aller jusqu'à l'affirmation, par l'Etat fédéré, de son indépendance. le principe de coopération ou de participation : il prescrit la nécessité de la solidarité et sur le plan vertical et sur le plan horizontal de la nation. La participation verticale concerne la relation de coresponsabilité qui doit exister entre l'Etat fédéré et l'Etat fédéral vis- à-vis du bon fonctionnement des structures et œuvres d'intérêt commun à eux deux. Une autre forme de participation verticale est le fait que l'Etat fédéré collabore, à travers ses délégués au Sénat et à l'Assemblée Nationale, à la prise des décisions de l'ensemble de la fédération. Cette coopération garantit l'unité ainsi que la conscience nationale parmi les membres des différents Etats. La participation horizontale est cette 6 Parmi les Etats fédéraux, on peut citer : l'Allemagne, les Etats-Unis d'Amérique, le Canada, le Nigeria. Pour ce qui est des Etats unitaires, on peut citer la France, le Togo, le Cameroun, le Tchad, etc. 16 Education à la Citoyenneté exigence de collaboration entre les Etats fédérés, voisins ou éloignés, dans la mise en œuvre des structures communes au niveau économique, culturel, administratif, judiciaire, etc. En ce qui concerne la forme de l'Etat, dans le cas concret de la RDC, la constitution claire : la République Démocratique du Congo est dans sa forme, un Etat uni et indivisible. Mais son fonctionnement est caractérisé par des mécanismes des systèmes unitaire et fédéral7. Voici les éléments qui justifient le système unitaire : La constitution consacre : - un seul centre d'impulsion qu'est l'Etat; - la tutelle de l'Etat sur les entités territoriales décentralisées. -Une seule, police nationale ; - un seul pouvoir judiciaire hiérarchisé; - l'investiture des Gouverneurs et Vice Gouverneurs par le Président de la République. Pour ce qui est des éléments liés au système fédéral, la Constitution consacre la répartition constitutionnelle des compétences entre le pouvoir central et les provinces ; la libre administration des provinces dotées des moyens humains matériels et financiers distincts de ceux de l'Etat. 7 NGOMA-BINDA, dir., Pour une démocratie fédéraliste Zaïre ? Kinshasa, édit. de l'IFEP, 1992, p.25. 17 Education à la Citoyenneté CHAPITRE DEUXIEME : EXPRESSIONS MAJEURES DU CIVISME 2.0. Introduction Le Civisme se manifeste, concrètement, en tant qu'amour du citoyen envers sa patrie, au moyen d'un ensemble de sentiments, d'attitudes et d'actes spécifiques. Cependant, on peut dire que les multiples manifestations du civisme se regroupent autour de deux formes générales de comportements civiques. Il s'agit de la participation politique et du nationalisme (le patriotisme étant compris comme du nationalisme dans le cadre fluent de la patrie). L'objectif du présent chapitre est d'identifier et d'examiner les expressions essentielles du civisme au sein d'une communauté nationale, expressions que le citoyen est appelé à assumer et à reproduire dans son comportement de tous les jours. 2.1. La participation politique : un devoir civique Par participation politique, nous voulons signifier l'acte par lequel le citoyen assume et tente d'influencer, directement ou indirectement, le cours des affaires publiques dans sa société. La participation politique suppose une décision consciente et libre, de la part du citoyen, de s'occuper de ce qui est censé orienter la vie de tous dans la cité. Deux questions essentielles sont examinées ici : est-il important de participer à la politique ? Et si cela est justifié, de quelle manière cette participation aux affaires publiques de la nation doit-elle se réaliser pour qu'elle soit correcte et efficace? 2.1.1. La nécessité de la participation politique L'homme, disait Aristote, est un animal politique. En tant qu'il est un élément constitutif de la société (toujours organisée politiquement, la distribution des pouvoirs et des devoirs), l'homme ne peut pas échapper à la vie politique. Il se trouve concerné, totalement, sans possibilité d'évasion : tout simplement parce que la politique est une affaire de tout le monde et les affaires de tout le monde constituent l'objet de la politique. Qu'on le veuille ou non, chacun est impliqué d'une manière ou d'une autre dans une certaine forme de système politique. La participation politique du citoyen est nécessaire dans la mesure où la décision d'entrer en politique est, originellement, une décision morale. Elle est une intention noble de rechercher une société juste, et donc de servir de contre-pouvoir aux mauvaises actions éventuelles du détenteur du pouvoir politique. 2.1.2. Les formes majeures de la participation politique S'il est admis que la participation de tous les citoyens aux activités de gestion politique de la nation est requise en tant qu'elle est fondamentale et nécessaire, il faut cependant nous poser une autre question essentielle : comment participer à la gestion politique, c'est-à-dire quelles sont, pour le citoyen, les formes de participation qui soient les 18 Education à la Citoyenneté appropriées et les plus efficaces ? De manière globale, nous pouvons considérer que la participation positive du citoyen à la gestion politique de sa cité peut être directe, semi- directe ou indirecte. 1. La participation politique directe Par participation politique directe, nous entendons l'activité des personnes directement appelées ou associées par le peuple et par les autorités politiques légales) à assumer les fonctions politico-administratives. Elles sont impliquées dans la gestion directe : ce sont les dirigeants ou les gouvernants. Relativement au civisme, il est à noter que ces gouvernants sont sujets, comme les gouvernés, des droits et d'obligations. Les vertus exigées de cette catégorie de citoyens, quel que soit l'échelon où ils se situent, sont celles qu'imposent la morale générale, la déontologie professionnelle et le civisme. Ils doivent lutter contre l'égoïsme et l'injustice. Il leur faut un usage correct de l'autorité, c'est-à-dire éviter les abus. Participer à la politique, pour un citoyen qui y est déjà de façon directe, prend donc le sens d'une participation militante, active, engagée, en vue de la promotion des actions, des décisions et de la ligne de conduite du pouvoir politique. C'est donc contribuer, au maximum, au maintien et à la transformation dynamique et positive, c'est-à-dire à l'amélioration de la pratique politique et des conditions de vie de sa société. La visée dernière de la participation est de faire en sorte que le pouvoir se distribue le plus largement et le plus équitablement possible parmi les différents membres de la cité, et que l'autorité politique assure à chacun et à toute la communauté un degré maximum d'épanouissement spirituel, moral, social et matériel par un partage équitable, à tous les citoyens, des chances de vie et de survie. Il convient de noter que les participants directs au pouvoir (les acteurs politiques directs) ont une responsabilité civique extrêmement grave dans la destinée économique et sociale de la nation. En tant que preneurs des décisions et chargés de leur exécution, ils sont responsables devant le monde et devant les générations futures du destin heureux ou malheureux que chaque régime politique aura fixé pour ses citoyens. Cela fait comprendre la nécessité, pour le dirigeant politique, à quelque niveau ce soit, de se comporter sans cesse conformément aux prescrits du civisme : l'intériorisation du sens moral, humaniste, nationaliste. La participation politique directe du plus grand nombre possible de citoyens dans les organes appropriés accorde à la nation l'avantage de la décentralisation et du contrôle mutuel du pouvoir. Car la concentration du pouvoir entre les mains d'une seule personne ou d'un seul petit groupe de personnes permet également l'accumulation et la « concentration » des abus. Bref, le dirigeant doit savoir assumer et gérer le partage du pouvoir, doit faire participer le maximum de citoyens à l'exercice du pouvoir, avec intelligence, sagesse et habileté afin que personne ne puisse abuser du pouvoir à son seul profit. 19 Education à la Citoyenneté 2. La participation politique semi-directe En tant que citoyen d'un Etat précis, toute personne adulte est appelée à participer à la gestion politique de la communauté nationale. Si les autorités politiques ne l'associent pas à l'administration directe du pouvoir, elle y est toujours déjà invitée d'une manière ou d'une autre. Et c'est cette manière que nous appelons semi directe, il faut entendre par là que tout citoyen est constamment invité à la disponibilité politique et au civisme, par la participation aux activités publiques, aux travaux collectifs, aux réunions politiques convoqués par les autorités politiques et administratives. Deux actes sont significatifs de la participation politique semi directe : le vote et le militantisme au sein d'un parti politique. - Le devoir d’exercer son droit de vote La participation semi directe s'exprime de façon évidente pour le citoyen, au sein d'une société démocratique, par l'exercice de ses droits politiques, en particulier celui du vote. En effet, par sa participation au vote lors des élections nationales, communales ou municipales, le citoyen exerce une certaine influence qui peut être décisive sur le cours des choses dans sa société. Le vote constitue « le meilleur moyen pour lui de faire connaître son opinion, d'exercer son influence sur les affaires publiques et d'assurer le respect de ses libertés par un choix judicieux des gouvernants »8. La participation aux élections politiques est un acte capital pour un citoyen responsable. Mieux qu'une obligation civique, elle doit être perçue comme un droit à exercer et même à réclamer lorsqu'il est lésé. C'est un acte de fierté qui confirme la dignité et la souveraineté dé l'individu en tant que citoyen et détenteur primaire du pouvoir. En effet, la participation aux élections et aux réunions politiques est un acte de civisme de haute portée politique. Aucun citoyen digne ne doit s'y dérober, car, c'est pour lui l'une des rares possibilités légitimes de faire entendre son opinion, de s'exercer de faire triompher son opinion. Par-conséquent, la participation aux élections ne doit jamais être considérée comme une contrainte mais plutôt comme une possibilité d'expression et d'épanouissement politique du citoyen concerné. - Militer au sein d'un parti politique A côté de la participation aux élections, il existe une autre forme de participation politique semi directe. C'est celle qui consiste à s'affilier à un parti politique et d'y témoigner d'un maximum d'engagement et de dévouement. Le parti politique est une organisation structurée, hiérarchisée, au sein de laquelle se regroupent des citoyens poursuivant les mêmes intérêts et idéaux, partageant les mêmes vues concernant la gestion des affaires publiques. Ou encore, les partis politiques peuvent être définis comme des regroupements d'individus partageant les mêmes conceptions philosophiques et politiques, luttant pour la conquête et la conservation du pouvoir en vue de la réalisation et de la défense des idéaux et des intérêts du groupe. 8 PELLOUX, R., Le Citoyen devant l'Etat, Paris, PUF, 1955, p. 23. 20 Education à la Citoyenneté Les partis politiques s'organisent et élaborent des programmes d'action visant à conquérir le pouvoir ou à participer à son exercice. Concrètement, ils cherchent à obtenir le plus de sièges possibles aux élections, à avoir des représentants dans le législatif et à avoir en mains le gouvernement. Pour conquérir le pouvoir, les partis politiques se donnent comme des lieux de rencontre, d'encadrement et de canalisation des divers désirs des personnes partageant les mêmes objectifs. L'utilité de s'affilier à un parti politique, là où il en y a plusieurs, réside en ceci que le citoyen trouve une voie directe d'expression de ses demandes et vœux politiques au sein de la société. Le parti aide aussi l'individu à acquérir une culture politique propre à informer et même à mûrir le citoyen sur le plan social. Mais plus encore, dans la mesure où le parti peut arriver à gouverner, le citoyen peut voir se réaliser ses idéaux vis-à-vis de l'organisation et de la gestion du pouvoir. 3. La participation politique indirecte Par participation politique indirecte, nous voulons comprendre les initiatives des personnes individuelles ou collectives, qui proposent des idées ou des actions susceptibles de servir l,intérêt de toute la communauté nationale. La participation individuelle s'effectue, de manière globale, sous trois formes : la conscience professionnelle, l'engagement et la pression. - Faire montre de conscience professionnelle La première forme de participation politique indirecte c'est l'attitude et l'agir de l'individu qui, pour le bien de la nation, accomplit très consciencieusement sa tâche quotidienne, quel que soit l'endroit où il œuvre, dans le secteur public ou dans le privé. Toute manifestation de conscience professionnelle par le citoyen est le signe d'une volonté de travailler, imperceptiblement et comme sous la conduite d'une « main invisible », au bien de toute la nation. Et s'occuper du bien-être de la communauté nationale, quel que soit l'angle, à partir duquel on le fait, c'est, incontestablement, participer à l'œuvre politique de cette communauté. Cette participation politique, à travers la conscience professionnelle, est certes très indirecte dans la mesure où elle est inconsciente. Très peu de gens savent en effet que par leur travail, même le plus éloigné de la vie politique, ils appliquent en fait un programme politique défini par le régime en place. Et très peu de gens savent que leur travail (même au sein du secteur privé) contient toujours et déjà des germes et des implications politiques. On sent ici la terrible responsabilité politique et historique de l'enseignant comme formateur des esprits. Son enseignement peut rendre les jeunes intelligents ou au contraire totalement rebelles, cyniques, sadiques et bruts. C'est dire que, même sans le savoir, toute personne qui accomplit consciencieusement sa tâche, une tâche reconnue légale par la société (celle du professeur ou d'ingénieur, de prêtre ou de mécanicien, de pousse-pousseur ou de danseur, d'agriculteur ou de balayeur, de commerçant ou d'étudiant, etc.) est toujours déjà un acteur politique qui s'ignore. Se conformer, même invisiblement, 21 Education à la Citoyenneté aux demandes des autorités politiques, obéir à la loi, c'est, d'une certaine manière, participer à la vie politique de son pays. - L'engagement politico-intellectuel Mais il y a une deuxième forme de participation politique indirecte. Contrairement à la conscience professionnelle, elle est consciente de sa nature politique. Il s'agit, surtout pour les intellectuels, de ce qu'on appelle engagement. L'engagement politique au niveau intellectuel consiste à prendre des initiatives ou, par des prises de position orales ou écrites, à émettre des idées destinées à amener les acteurs politiques directs à s'occuper des intérêts communs d'une manière jugée plus efficiente, plus rationnelle et plus raisonnable. Pour l'intellectuel, l'engagement ou la participation politique se manifeste, concrètement, par les rôles politiques indirects tout aussi grands qu'indispensables, qu'il est appelé à assumer au sein de la société. Parmi ces derniers, on retiendra les rôles de « gardien du seuil », de « protecteur », de « conservateur » et de « moraliste » de la société. En condensé, on peut dire que l'intellectuel a pour fonction de provoquer l'innovation sociale par la critique créatrice et de garantir intellectuellement les valeurs universelles à conserver et à cultiver. - Le groupe de pression La troisième forme de participation politique indirecte concerne l'influence exercée sur les décisions politiques par ces organisations apparemment apolitiques qu'on désigne sous le terme de groupes de pression. Cette forme d'action politique est parfois aussi visible et aussi forte que celle d'un parti politique d'opposition. Parce qu'elle est collective, cette action est généralement plus efficace que l'engagement d'un intellectuel souvent isolé ou démuni de moyens matériels efficaces de négociation ou d'infléchissement politique. Tandis que les partis politiques ont pour objectif de conquérir le pouvoir politique et de l'exercer, les groupes de pression, quant à eux, « ne participent pas directement à la conquête du pouvoir et à son exercice, ils font pression sur lui »9. Ils cherchent non pas à mettre au pouvoir leurs hommes (sinon sous une forme officieuse et discrète) mais plutôt à influencer les décisions des hommes au pouvoir, en faveur de leurs intérêts collectifs. Ils sont donc des groupements d'intérêts. Les groupes de pression sont nombreux et de formes diverses : syndicats, patronats, mass média, Eglises, associations et ordres professionnels (agriculteurs, consommateurs, médecins, etc.) 9 DUVERGER, M., Introduction à la politique, Paris, Gallimard, 1964, p. 201. 22 Education à la Citoyenneté 2.2. Nationalisme Participera la gestion des affaires publiques et à l'orientation des actions et idées directrices de son pays c'est témoigner d'un comportement civique honorable. Mais la participation politique n'est pleinement réalisée que si elle est fondée sur un sentiment profond et noble qui manifeste l'amour véritable de sa nation. Ce sentiment s'appelle nationalisme. 2.2.1. Signification du nationalisme Nationalisme est un concept plurivoque. Il évoque, à la fois, un sentiment et une idéologie. Il est regardé tantôt positivement, tantôt avec un œil plein de méfiance. - Exaltation et défense des intérêts de la nation En tant que sentiment, le nationalisme se traduit par une attitude affective à travers laquelle l'homme se sent appartenir, de façon particulière, à une communauté nationale précise et que, moralement, il se sent obligé de promouvoir et de défendre. Il s'agit donc d'un amour agissant, actif, à l'égard de la nation. Cet amour naît de la présence d'un certain nombre d'éléments intégrateurs de l'individu à la communauté nationale : par exemple, une communauté de souvenirs historiques, de solidarités spirituelles, d'intérêts matériels, de participations sociales, constructives et récréatives, etc. Le nationalisme constitue le fondement de la construction nationale. Même si, dans un certain cas, il peut freiner la société, il est généralement un facteur essentiel de dynamisme transformateur de la société. Le nationalisme exalte l'Etat-nation en affirmant sa souveraineté (son droit à disposer de lui-même, singulièrement de l'indépendance et des symboles spécifiques) ; en mobilisant les masses et en leur montrant des raisons de garder l'unité et de la cultiver. Cette mobilisation en vue de la construction d'une communauté solidaire et souveraine se réalise de deux manières principales : en faisant revivre dans la mémoire du peuple le passé historique commun, notamment les valeurs culturelles et matérielles léguées par l'histoire, et en exacerbant, dans le cœur des masses, leur volonté de vivre et d'être reconnue comme civilisation spécifique, valable et respectable, ayant elle aussi quelque chose à apporter aux autres peuples ou, du moins à affirmer. Par ailleurs, le nationalisme est une idéologie exaltant la nation en tant que communauté différente et ayant droit à l'existence. Dans ce sens, chaque citoyen a l'obligation d'être nationaliste : d'être fier de son pays, d'exalter et de défendre son identité et ses intérêts. - Une idéologie exclusiviste Dans la mesure où il est une exaltation de la nation et une fière affirmation de soi, « le 23 Education à la Citoyenneté nationalisme implique naturellement une certaine manière de percevoir l'étranger »10. En clair, à travers l'idéologie nationaliste, on se fait une idée supérieure de soi, on se considère comme une nation digne, qui a le droit à des libertés étendues, et qui est même appelée à rayonner. De la sorte, les autres peuples, en particulier celui auquel on s'oppose de façon explicite, sont regardés comme barbares, impurs, exploiteurs, sataniques ou inférieurs. On développe un complexe de supériorité mal placé. Dans cette perspective, le nationalisme devient un culte de soi égoïste, ethnocentrique, trouvant sa force d'actualisation dans le mépris des autres, dans une certaine manière de situer face aux autres cultures. Dans l'histoire occidentale, on a vu des nationalismes se construire et se fabriquer des théories visant à démontrer et à légitimer la suprématie de leurs nations sur toutes les autres. En effet, au nom d'un certain nationalisme, plusieurs théories pseudo-scientifiques ont tenté de justifier le « droit à la colonisation » des peuples « primitifs » par les nations « civilisées » ; et ont échafaudé des théories affirmant la vocation universaliste d'une race pure, qui aurait été choisie pour dominer le monde entier, et se faire servir par les races inférieures (ex. Apartheid : politique de développement séparé en Afrique du Sud jusqu'en 1990). Ainsi, le nationalisme devient un instrument dangereux lorsqu'il est effréné. Il vire au chauvinisme, caractérisé par « un patriotisme excessif, partial et agressif ». C'est cette forme d'idéologie nationaliste qui a provoqué, dans la pensée socialiste, une profonde aversion à l'égard du nationalisme. Cette dernière idéologie est perçue, de la même manière que le nazisme et le fascisme, comme une forme d'égoïsme collectif et impérialiste, particulièrement dangereuse pour l'humanité. Cependant, les nationalismes africains (panafricanisme, négritude, authenticité, etc.) ressortissent à ce genre de nationalisme pour ainsi dire légitime. Ils sont expression des revendications d'un peuple opprimé aspirant à l'indépendance et à la reconnaissance de sa dignité. Les nationalismes africains à la veille et au lendemain des indépendances sont donc des idéologies d'affirmation de soi et de résistance, totalement légitimes. 2.2.2. Le patriotisme : une expression forte du nationalisme Pour le citoyen, la pratique du nationalisme, en son côté noble, constitue une obligation civique. Le nationalisme crée et renforce la cohésion nationale, insuffle l'énergie et l'esprit d'engagement en faveur des intérêts de la nation, constitue le moteur de l'activité créatrice collective. Tout citoyen digne est donc invité, voire obligé de se montrer nationaliste. Un nationaliste est une personne profondément acquise à la cause commune de la nation et qui est toujours prête à la détendre. 10 MUDIMBE VUMBI YOKA, Autour de la « Nation ». Leçons de civisme. Introduction, Kinshasa- Lubumbashi, Editions du Mont Noir, 1972, p. 19. 24 Education à la Citoyenneté Le nationalisme s'exprime d'une façon particulièrement forte à travers ce qu'on appelle patriotisme. Ce dernier est un sentiment d'attachement profond à sa patrie en tant que terre de ses ancêtres. Ainsi, aimer sa patrie, c'est aimer ceux et celles dont on partage intensément le destin au sein de la communauté politique qui est la nôtre. D'une certaine façon, c'est l'amour d'une grande famille. Il est fondé sur la solidarité. Le sentiment patriotique est nécessaire pour la vie d'une nation. Il se justifie par le fait que tout individu, tout peuple a naturellement besoin de s'établir quelque part, en un lieu précis. Être privé de terre, de patrie, c'est manquer non seulement de lieu de production matérielle mais plus encore, de lieu d'identification de soi. Le patriotisme est une expression forte du nationalisme. Un bon patriote est celui-là seul qui sait se sacrifier pour la juste cause de sa patrie, pour les intérêts bien perçus de la patrie, sans zèle excessif aveugle. Conclusion partielle Concluons ce chapitre en affirmant que, en tant que citoyen, tout individu est invité au patriotisme, en suivant l'exemple des héros patriotiques de son pays (exemple : Laurent Désiré Kabila, Patrice Emery Lumumba). Mais cet amour de la patrie doit respecter les droits d'autres Etats, d'autres communautés. 25 Education à la Citoyenneté CHAPITRE TROISIEME : LA SOCIETE DEMOCRATIQUE ET SES COROLLAIRES 3.1. Notion sur la Démocratie La démocratie est aujourd’hui la forme étatique la répandue. C'est le système le mieux adapté à la jouissance des droits humains. Cependant, si sa définition ne soulève pas assez de controverses (§1), les principes qui la gouvernent sont soit incompris, soit mal compris (§2). 3.2. Définition de la démocratie Le concept démocratie dérive d'un terme grec composé des mots demos = Peuple, et kratein=gouverner ou régir. Le concept Démocratie peut donc se traduire littéralement par les expressions suivantes : Gouvernement du peuple ou Gouvernement de la majorité. La démocratie, en tant que forme étatique, se démarque de la monarchie, de l’aristocratie et de la dictature. Pour Abraham Lincoln, la Démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple. Pour être plus concret, on pourrait dire que, dans un système démocratique le pouvoir vient du peuple, il est exercé par le peuple (généralement à travers ses représentants), pour l'intérêt du peuple. Cette description n'est que très générale. Parmi les 193 Etats reconnus par l'Organisation des Nations Unies, il y a au moins 123 démocraties, Ainsi, la grande majorité des Etats du monde a établi une forme de gouvernance caractérisée par la participation du peuple, sous une forme ou une autre. 3.3. Les principes ou éléments-clés de la démocratie Plusieurs principes sous-tendent la démocratie : Le principe d'égalité et de droits de la personne : Selon ce principe, tous les humains sont égaux en dignité et en droits, et ne doivent pas faire l’objet de discrimination fondée sur leur race, leur religion, leur origine ethnique, leur langue, leur sexe, leur orientation sexuelle, ou toute autre situation. La Charte des droits : L'instauration d'une démocratie suppose la mise en place d'une liste des droits humains et libertés individuelles qui peut figurer dans la Constitution d'un État. Une Constitution démocratique encadre et limite les pouvoirs du Gouvernement, explique les libertés qui sont garanties à tous et protège la population des abus de pouvoir. Le principe de la règle de droit ou l’État de droit : Pour ce principe, toutes les personnes doivent être égales devant la Loi et bénéficier de la même protection de la Loi. Personne ne peut se placer au-dessus de la Loi. Cela comprend le président de la 26 Education à la Citoyenneté République, les élus, les membres du Gouvernement, les membres de l'armée et de la police, etc. Les lois devraient s'appliquer de façon égalitaire, juste et uniforme. Le principe de contrôle de l'abus de pouvoir : La corruption, le clientélisme, le trafic d'influence, etc. doivent être combattus. Afin d'offrir une protection contre ces abus de pouvoir, les gouvernements démocratiques sont souvent structurés de façon à limiter les pouvoirs des titulaires de charges publiques. Le principe d'organisation des élections justes, libres, équitables et régulières : Les représentants ou les gouvernants sont choisis par le peuple de façon juste et équitable. Les élections se tiennent régulièrement, généralement tous les cinq ans. Les citoyens adultes ont le droit de vote et d'éligibilité sans aucune discrimination fondée sur la race, le sexe, l’origine ethnique ou le statut économique. Il ne doit y avoir aucun obstacle au vote, aucune intimidation, corruption ou menace avant, pendant ou après une élection. Accepter les résultats des élections : Les élections justes et équitables font toujours des gagnants et des perdants. Les perdants et leurs partisans doivent accepter d'avoir perdu une élection. Ils doivent respecter les règles d'une élection. Les dirigeants actuels doivent bannir de leurs pensées et de leurs pratiques l’idée selon laquelle « on n'organise pas une élection pour la perdre ». Pour ce faire, l'institution chargée de l’organisation des élections, tout comme l'appareil judiciaire doivent être véritablement indépendants et impartiaux. La mise en place d'un système multipartite et la protection de l’opposition : La démocratie suppose la participation effective des plusieurs partis politiques représentatifs des larges opinions des citoyens aux élections. Le système multipartite permet au Gouvernement de bénéficier d'une diversité de points de vue et de proposer aux électeurs différents candidats et idéologies politiques. Les pays qui n'ont qu'un seul parti sont généralement des dictatures ou des autocraties. En outre, l’opposition politique doit être reconnue et protégée légalement et dans la pratique. Un pouvoir qui ne tolère pas et qui ne protège pas l'opposition n'est pas démocratique. Le principe de participation citoyenne : La participation des citoyens au sein d'une démocratie est plus qu'un droit, elle est un devoir. Cette participation peut prendre diverses formes: être électeur, se présenter comme candidat, s'informer sur les politiques publiques et les agendas politiques, débattre de différents enjeux, participer aux assemblées dans la communauté, payer ses impôts, manifester publiquement, etc. Le principe de responsabilité et de transparence : Les élus sont responsables de leurs actions doivent rendre des comptes à la population. Les fonctionnaires doivent prendre des décisions et exécuter leurs tâches en fonction des souhaits et de la volonté de ceux qu'ils représentent, et non d'eux-mêmes ou de leurs partis ou regroupements politiques. Un gouvernement transparent produit des rapports publics et permet aux citoyens d'en débattre. La société civile, les médias et les citoyens sont tenus informés des décisions qui sont prises, des modalités de leur application et des résultats atteints. Le principe d'indépendance et d'impartialité de l'appareil judiciaire : Les cours 27 Education à la Citoyenneté et tribunaux doivent être impartiaux. Les juges et le système de justice sont libres d'agir sans l’influence ou l'ingérence des pouvoirs exécutifs ou législatifs. Ils ne doivent pas être corrompus ou influencés par des personnes, des entreprises ou des groupes politiques internes ou externes. Le principe de tolérance politique : La société est composée de personnes provenant de différentes cultures, qui pratiquent différentes religions, qui ont des expériences et des pensées différentes, des orientations sexuelles diversifiées, qui appartiennent aux différents groupes ethniques ou socioéconomiques et ont des opinions politiques différentes qu'il importe de tolérer et de valoriser. Les sociétés démocratiques font preuve de tolérance politique et les droits des minorités et d'autres groupes sont protégés, Ceux qui n'ont pas le pouvoir doivent être autorisés à s'organiser, à s'exprimer et à s'opposer pacifiquement contre ceux qui sont au Gouvernement. Le principe de la liberté économique : Dans un système démocratique, le Gouvernement devrait autoriser la propriété privée et d'entreprises. Les personnes ont le droit de choisir leur travail et de se joindre à un syndicat. On accepte généralement l’existence d'un marché libre au sein d'une démocratie, où le Gouvernement ne doit exercer qu’un contrôle limité sur l'économie. 3.4. Les responsables principaux de la vie démocratique La construction et le développement d'une nation démocratique réclament le concours de chacun de ses citoyens, des plus petits aux plus grands. Quel que soit le niveau où il se situe, le citoyen a le devoir de participer, par les moyens qui sont à sa portée et selon ses capacités personnelles, au progrès de la nation et donc aussi à son propre progrès. Néanmoins, tous les citoyens n'ont ni la même force d'inflexion des réalités dans la cité ni par conséquent le même degré de responsabilité dans la bonne ou la mauvaise conduite des affaires publiques. Les hommes politiques (qui concentrent dans leurs mains le pouvoir de décision) et les intellectuels qui détiennent le décisif pouvoir du savoir) constituent les grands responsables de la destinée politique, économique et culturelle d'une nation démocratique. Plus que les autres citoyens, ils ont l'obligation de se doter d'un degré de conscience politique plus élevé, et donc d'un plus grand degré de la conscience des devoirs qu'ils ont à accomplir en faveur de la masse et de la nation tout entière. Avant d'indiquer les tâches fondamentales de l'homme politique et de l'homme de science, il semble utile de faire d'abord admettre que la première vertu d'un responsable c'est de se doter d'une conscience politique et civique éminente face à ses devoirs dans la nation. 3.4.1. La primauté du devoir (par rapport à nos droits) La conscience de la dimension politique du citoyen implique, pour ce dernier, la reconnaissance d'un ensemble de droits qu'il a à attendre des autres et, aussi et surtout, 28 Education à la Citoyenneté des devoirs à accomplir sans lesquels il ne peut positivement concourir à l'avènement de la justice, de la paix et du développement de sa nation. On comprend ainsi que le citoyen a le droit d'affirmer et de revendiquer sans cesse ses droits à la liberté, à l'égalité, à la justice, à la culture, au confort, à la vie. Cependant, ces droits de l'homme sont si glorifiés de nos jours que l'on a presque totalement ignoré ce fait que le devoir précède le droit. Nous faisons l'expérience de constater que, le citoyen, fût-il intellectuel, ne prend pas spontanément conscience de la primauté du devoir à accomplir sur le droit à attendre. Pour y parvenir, le citoyen, en tant qu'être humain écartelé entre l'animalité et l'angélité (esprit angélique), doit fournir un effort soutenu pour se refuser comme animal et, ainsi, se définir comme raisonnable et politique, c'est-à-dire comme devant assumer sa part de tâche dans la construction de la société. 3.4.2. Les grandes tâches des grands responsables L'anthropologie politique nous a appris une vérité fondamentale : aucune société humaine ne peut exister sans un minimum d'organisation socio-politique. Ceci n'est possible que s'il y a collaboration entre l'homme politique et l'homme de science. Quelles sont ces tâches respectives de l'homme politique et de l'homme de science eu égard à la construction de la nation ? 1. L'homme d'Etat : garantir à tous d'égales chances de succès et de joie d'exister Les devoirs de l'homme politique face aux individus et à la nation sont certes nombreux et divers, cependant il est possible de les ramener à deux préoccupations majeures : - La lutte contre les turbulences politiques et sociales La première tâche de l'Etat (compris comme l'instance de gouvernement) c'est d'organiser la société et de lutter contre les turbulences des libertés et volontés individuelles dans la société. Ceci est nécessaire car l'expérience montre qu'aucune communauté humaine ne peut subsister si elle fait fi (si elle ne tient pas compte) d'une organisation rationnelle dans sa gestion du pouvoir et des ressources disponibles. -L'effort de création d'une communauté fraternelle La seconde tâche de l'homme politique c'est de tendre, sans relâche, vers l'instauration d'une communauté fraternelle. En effet, tous ces efforts d'organisation et de mettre en place une certaine discipline des libertés individuelles et collectives, ont pour visée fondamentale la création d'un espace vital humain et agréable pour chacun et pour tous ; créer un espace de progrès, de paix et de bonheur pour tous. 29 Education à la Citoyenneté La tâche de l'homme politique consiste non seulement à gouverner, mais aussi et surtout à bien gouverner. Concrètement, elle signifie l'obligation de s'efforcer à donner à chaque citoyen les chances de base qui doivent lui permettre d'exister, de se rendre compétitif dans la recherche du succès personnel. 2. L'homme de science : la provocation fécondante Quelle est la tâche de l'homme de science ou de l'intellectuel face à la nécessité de création d'une société bien ordonnée ? Deux tâches principales attendent l'intellectuel : -L'intellectuel comme acteur politique Le savoir est un pouvoir souvent énorme et parfois décisif. L'intellectuel, son propriétaire, doit être le premier à s'en convaincre s'il veut en saisir les implications nécessaires. Et, face à l'homme politique qui a la grande charge de décider des orientations principales dans la construction de la nation, la première tâche de tout intellectuel c'est de prendre conscience du pouvoir politique d’intellectuel dont il est investi. Prendre conscience de son pouvoir au service de sa communauté implique de se découvrir comme un citoyen sur qui incombe une large part de responsabilité dans l'organisation politique et dans le développement économique de cette communauté. Le travailleur intellectuel, qui prend conscience de sa responsabilité, se reconnaît du coup comme acteur politique, comme un homme sur qui repose, d'une manière importante et lourde, la charge de la bonne conduite des affaires publiques dans son pays. Ainsi, l'intellectuel est, de par son pouvoir d'action sur la société, un homme essentiellement concerné et interpellé par la politique ; un citoyen invité, de l'intérieur, à la participation politique maximale. - La tâche politique de la provocation intellectuelle Parmi les multiples formes d'engagement politique qui s'offrent à l'intellectuel, l'une des plus appropriées c'est de provoquer. Elle consiste, plus exactement, au travers d'un exercice rigoureux et sain de la critique, à provoquer la prise des décisions intelligentes et fécondes, susceptibles d'éclairer et d'orienter la pratique politique vers des possibilités plus justes et plus efficientes. La mission politique de l'intellectuel, c'est donc de déranger, de critiquer la société (à la manière, en philosophie, de l'Ecole de Francfort) afin de faire naître une autre société améliorée, porteuse de plus de chances de bonheur pour chacun et pour tous ; une société plus juste et plus heureuse le cadre civique de sa participation politique, l'intellectuel penseur exerce sa tâche (tout aussi noble, périlleuse que lourde de responsabilité) d'inspirer, d'éclairer et d'orienter les décisions politiques. Bref, la tendance intellectuelle qui est celle de la plupart de nos « philosophes » et 30 Education à la Citoyenneté intellectuels africains c'est soit d'assigner à l'intellectuel la seule fonction de critique du pouvoir politique, soit de recourir, par l'abstraction, à la fuite intellectuelle face à l'activité politique. Pour notre part, nous pensons qu'en plus de la critique de la société (et non seulement du pouvoir politique), il est nécessaire et légitime de soutenir la société (avec le pouvoir politique qui la gère) en ses actions et décisions politiques objectivement jugées rationnelles, justes et raisonnables. 3.5. Les limites de la démocratie S'il n'est guère facile pour un individu de mener une vie constamment vertueuse, morale, il l'est encore moins pour tout un groupement humain composé d'humeurs, de conduites et de caractères divers. Il n'est donc pas aisé de faire preuve, à tout instant et en toute chose, d'un esprit démocratique dans son comportement. Il convient d'indiquer, sans les discuter longuement, quelques-unes des difficultés qui se posent comme des limites à la pratique de la démocratie dans les sociétés modernes 11. - Une gestion laborieuse du temps L'une des limites ou difficultés reconnues à la pratique de la démocratie concerne la gestion du temps. La démocratie exige, en effet, un grand effort moral, et un long processus de négociations laborieuses, allant parfois jusqu'à perdre beaucoup de temps avant d'obtenir le consensus ou l'accord de la majorité, cela contrairement à la dictature qui impose impérieusement ses orientations, sans se laisser arrêter par le moindre obstacle. Dans ce processus de négociation, chacun a le droit de prendre la parole et d'exprimer sa vision des choses. Même les idiots et les tapageurs ont ce droit et l'on est obligé de les écouter, parfois longuement. On aboutit à une grande perte de temps. C'est ce défaut qui est généralement dénoncé dans la démocratie traditionnelle africaine qui ne semble point connaître des limites de temps dans ses longues « palabres ». Certes, la démocratie exige de la patience et du temps, mais une démocratie mal gérée fait perdre beaucoup de temps et génère l'impatience. Or, qui perd du temps, perd de l'argent, et perd la possibilité de progrès rapide. -La démocratie : victoire de la majorité ? La deuxième difficulté ou limite de la démocratie est l'absurdité ou la déraison tyrannique qu'entraîne parfois la règle de la majorité. L'on sait que la pratique démocratique se fonde, en ce qui concerne le processus décisionnel, sur l'importance numérique des membres participants. La décision est en faveur de la position exprimée par le plus grand nombre de personnes. Et cette décision se prend habituellement sous le mode du vote. L'emportant, la majorité est autorisée à appliquer et à faire passer son programme politique, et la majorité est obligée de se soumettre et d'obéir aux règles qu'elle met en place. De cette manière, la démocratie se présente, quoique de façon peu visible, comme une tyrannie de la majorité. 11 NGOMA-BINDA, P., o.c, p. 109. 31 Education à la Citoyenneté La démocratie manifestée dans le principe politique de la victoire de la majorité n'est justifiée que si cette majorité est éclairée, et capable d'indépendance d'esprit et d'objectivité, c'est-à-dire si la majorité est reconnue apte à opérer des choix rationnels, raisonnables et justes en faveur de toute la communauté. Bref, la démocratie ne signifie pas seulement nombre mais aussi qualité. La démocratie est fondée sur le vœu de posséder des dirigeants dotés de très hautes qualités sociales, intellectuelles et morales. Elle se veut un gouvernement du peuple pour le peuple par les meilleurs choisis par le peuple au sein du peuple. Elle exige l'excellence non seulement des représentants du peuple, mais aussi de leurs électeurs qui doivent opérer le meilleur choix. -La démocratie : case voisine de l'anarchie Dans le système démocratique, l'accentuation des droits de l'individu fait généralement oublier les limites de la liberté. Et c'est ici que nous rencontrons la troisième limite de la démocratie, à savoir la tendance à l'anarchie c'est-à-dire à des comportements excentriques voire extravagants au nom de la liberté individuelle. Dans les sociétés occidentales, bien des gouvernements demeurent perplexes face au déferlement sans précédent de toutes sortes de maladies sociales (terrorisme, revendications sexuelles, viols, pornographie, drogue, contestation des valeurs traditionnelles, etc.) consécutives, pour la plupart, à des cris de plus en plus lancés en faveur de la liberté de l'individu cependant même que la société globale exprime de plus en plus vivement la nostalgie de la morale classique. Toutes ces pressions contradictoires réclament tirer leur légitimité des valeurs mêmes de la démocratie. Cela rend la décision délicate et difficile à prendre, surtout pour une démocratie qui refuse d'être molle ou trop forte. Une démocratie molle peut déboucher à l'anarchie ; une démocratie forte peut encourir le reproche tant redouté de mouvoir aux voisinages de la dictature. Pour éviter la possibilité de tomber dans l'un ou l'autre extrême, le dirigeant n'a pas d'autre choix que de se situer dans la position délicate et inconfortable de la gestion habile associant la bonté à la fermeté, la justice à la rigueur de la discipline conformément à la loi démocratique reconnue juste, en un dosage intelligent qui doit prétendre à la justesse. Ceci revient à dire que la démocratie est une technique de gestion de la liberté. Gérer la liberté, c'est la contrôler, en lui fixant des limites fermes, pour l'empêcher de s'abîmer dans des débordements. Bref, toutes les limites à la démocratie (le danger d'extravagance des libertés, la tyrannie de la règle de la majorité, le risque de gaspillage de temps et d'énergie, la difficulté de saisie de la réalité démocratique et enfin la rhétorique démagogique) font que la démocratie libérale est un outil de développement économique particulièrement difficile à utiliser. Mais, malheureusement, quelles que soient les failles, comme les difficultés qu'elle présente, la démocratie constitue le meilleur instrument politique 32 Education à la Citoyenneté pour atteindre le développement. Elle est incontournable par toute organisation ou société qui cherche à progresser. 3.6. Quelques règles et techniques de revendication démocratique Pour être légitimes, la revendication et la contestation doivent se conformer aux exigences de la loi, de l'ordre ainsi que des règlements devant éviter le pays de sombrer dans l'anarchie. 1. L'action doit être légale Il existe, dans tout pays démocratique, une législation réglementant la protestation sociale et, principalement, la grève. Toute personne, tout groupe ou toute association qui enfreint cette loi (en supposant que celle-ci est juste et raisonnable) est passible de poursuites judiciaires. C'est ainsi que tout mouvement de revendication de ses droits civiques doit être soigneusement préparé. L'improvisation mène généralement à des actions désordonnées et très peu efficaces en ce qui concerne les effets attendus. Si l'on veut éviter les débordements, les organisateurs de l'action de revendication doivent prendre soin de préparer des encadreurs et canalisateurs des masses vers les objectifs visés et de maintenir le mouvement dans les limites, spatiales et psychologiques prévues. Toutefois, l’on doit savoir que l’action ne sera légitime que si les moyens, légalement requis pour arranger la situation, se sont révélés sans effet malgré les efforts fournis pour les utiliser. 2.L’action doit être préparée Compte tenu d’éventuelles conséquences néfastes pour la communauté, tout mouvement de revendication de ses droits doit être soigneusement préparé. L’improvisation mène généralement à des actions désordonnées et très peu efficace en ce qui concerne les effets attendus. Si l’on veut éviter les débordements, les organisateurs de l’action de revendication doivent prendre soin de préparer des encadreurs et canalisateurs des masses vers les objectifs visés et de maintenir le mouvement dans les limites spatiales et psychologiques prévues. Par contre, il importe de savoir que l’action ne sera légitime que si les moyens, légalement requis pour désobéissance, en l’occurrence la grève ou la marche de protestation, est alors un dernier recours pour faire aboutir la prise en compte de ses droits. Et même, dans ce cas, l’action ne sera déclenchée qu’après un préavis raisonnable adressé à l’autorité compétente. 3. L’action doit être fondée sur une information exacte Une bonne préparation de l’action de revendication suppose, de la part des meneurs, 33 Education à la Citoyenneté qu’ils soient bien informés sur les procédures requises, sur la règlementation en matière de mouvements de masses, et sur les stratégies susceptibles de créer l’effet voulu dans la masse, et aussi, à même de susciter des réponses satisfaisantes de la part de l’autorité sollicitée. Une information exacte permet d’accroître la capacité d’analyse et d’appréciation des problèmes qui se posent. Elle permet aussi de formuler correctement les revendications, avec tous les arguments voulus, et d les ordonner d’une manière rigoureuse. Elle permet enfin d’éviter aux protestataires d’être pris de court ou d’être facilement confondus, faute d’arguments suffisants et convaincants. Ceci signifie que l’action revendicative n’est légitime que si l’organisation revendicatrice est juste et reconnus, et si ses objectifs sont nobles ou, du moins raisonnables. Conclusion Générale Nous nous sommes efforcés à faire voir et à faire admettre que le civisme constitue un bien social notablement précieux pour une société humaine. Il est synonyme de moralité politique en dehors de laquelle aucune société, quel que soit son niveau de développement matériel et technologique ne saurait ni progresser ni résister à la désintégration. Nous avons donc soutenu la thèse ci-après : le développement d’une nation est impossible sans la pratique du civisme. La pratique du civisme se manifeste par une participation saine et maximale du citoyen à la vie et à la bonne marche des affaires publiques. Cette participation du citoyen reflète le visage politique de la société. Elle est démocratique si un plus grand nombre possible des citoyens participe à la gestion rationnelle et raisonnable du pouvoir. C’est, par conséquent, un devoir impérieux et primordial, pour tout pays de développer au maximum les facteurs susceptibles de favoriser l’avènement et la pratique du civisme par le citoyen, gouverné et gouvernant, paysan et citadin.