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TITRE 1 – LA FORMATION DU DROIT INTERNATIONAL Les mécanismes de formation du droit international figurent à l'art. 38 du Statut de la CIJ, rédigé après le premier conflit mondial lors de la création de la Société des Nations. Cet article 38 du Statut de la CIJ précise la mission de la Cour internati...

TITRE 1 – LA FORMATION DU DROIT INTERNATIONAL Les mécanismes de formation du droit international figurent à l'art. 38 du Statut de la CIJ, rédigé après le premier conflit mondial lors de la création de la Société des Nations. Cet article 38 du Statut de la CIJ précise la mission de la Cour internationale, qui est de régler, conformément au droit international, les différends qui lui sont soumis. Elle applique : Les conventions ; La coutume ; Les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ; La jurisprudence et la doctrine des principaux publicistes comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit : ne créent pas le D interN, = aident à le reconnaître Les actes unilatéraux ne figurent pas dans l'article, pourtant, les actes unilatéraux des États et des organisations internationales jouent aussi un rôle important. La coutume internationale est le vecteur d'évolutions très contemporaines. C'est une sorte de constitution du droit international. CHAPITRE 1 – LA FORMATION COUTUMIÈRE DU DROIT INTERNATIONAL 2 approches : l'approche objective et l'approche subjective : La formation objective de la coutume internationale ; La formation subjective de la coutume internationale SECTION 1 – LA FORMATION OBJECTIF DE LA COUTUME L'article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice dit que la Cour applique la coutume internationale « comme preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit ». C'est l'énonciation de la théorie des deux éléments de la formation de la coutume : la coutume se forme : par la pratique ; et par la volonté (opinio juris) I. L'élément matériel : la pratique Pratique : précédents qui se répètent dans le temps de façon cohérente. A) Les précédents En droit international, les précédents de la coutume internationale (déclaration, fait, choix...) sont pertinents s'ils peuvent être imputés à un sujet de droit international. La coutume est publique, car faite par les personnes publiques des États et des organisations internationales. Or, dans la pratique, les États restent les acteurs principaux de la formation de la coutume internationale. En jurisprudence, lorsqu'il s'agit de prouver la coutume internationale, on se réfère aux précédents étatiques essentiellement, même lorsque cela concerne le fonctionnement d'une organisation internationale : c'est la pratique des États au sein de cette organisation internationale qui établit la coutume (CIJ, Avis consultatif, Affaire du Sud-Ouest Africain, 21 juin 1971). Cela ne veut pas dire que des coutumes privées soient impossibles. On parle souvent de la lex mercatoria, la loi des affaires internationales : ce sont essentiellement des pratiques à l'initiative d'opérateurs privés. Rien ne s'oppose à ce que ces usages marchands soient reconnus comme une coutume internationale – certains d'entre eux le sont déjà. Mais ce qui fait que la lex mercatoria devient une coutume internationale, c'est que les États l'ont permis. La forme du précédent peut être extrêmement variée en droit international : actes diplomatiques, lois internes, comportements étatiques, tolérance, abstention... = pratique La CIJ est réservée sur la possibilité pour la pratique conventionnelle, c'est-à-dire le fait d'adopter des traités identiques dans certaines matières, de devenir une source coutumière. Le fait de conclure ces différents traités montrent la volonté de faire respecter les principes qui sont dans les traités, mais faire ces traités, c'est estimer que l'on a besoin d'eux, et donc qu'ils ne sont pas encore de la coutume (CIJ, arrêt, affaire Diallo, 24 mai 2007). C’est différen lorsque le traité règle une solution passée, plutôt que de prévoir des règles pour l'avenir. Cela peut montrer que, par ces accords particuliers, on a entendu appliquer une règle. B) La répétition cohérente des précédents Il faut une cohérence de ces précédents pour qu'ils deviennent une coutume. Cette cohérence est appréciée selon différents critères : Politique juridique constante des États : c'est-à-dire la constance du comportement des États (CIJ, arrêt Affaire Droit d'asile, Colombie c. Pérou, 20 novembre 1950) ; Une pratique générale : Pour les coutumes universelles, cette généralité se base sur les États particulièrement intéressés par la règle dont la convergence va suffire pour établir l'existence de la règle coutumière (CIJ, arrêt Plateau continental de la mer du Nord, République fédérale d'Allemagne/Danemark, 20 février 1969) ; Pour les coutumes régionales, la généralité est exigée avec beaucoup plus de rigueur : si des États de la région s'opposent à une pratique coutumière, la généralité sera difficile à retenir au niveau régional (CIJ, arrêt, Affaire Droit d'asile, Colombie c. Pérou, 20 novembre 1950) ; La généralité visée par le Statut de la Cour n'exclut pas une coutume purement bilatérale : si deux États participent activement à une coutume entre eux, alors elle peut être reconnue (CIJ, arrêt Droit de passage sur territoire indien, Portugal c. Inde, 12 avril 1960) ; L'ancienneté de la coutume : densité des précédents, ou de la vocation de la coutume à s'inscrire dans le temps. Il n'y a pas d'ancienneté en droit international. Le droit international admet parfaitement qu'une coutume se forme rapidement (coutumes sauvages, en opposition aux coutumes sages) si les précédents sont suffisamment denses, si les États intéressés exercent très vite et régulièrement la pratique II. L'élément psychologique : l'opinio juris L'opinio juris est au centre d'un débat doctrinal. A) Le débat doctrinal : volonté de créer une règle ou conscience d'y obéir Dans la tradition internationaliste, on pose deux regards différents sur la formation de la coutume internationale : ✱ Le premier regard est celui qui est consacré par l'article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice qui vise une pratique acceptée comme étant le droit. L'opinio juris est alors la volonté de créer une règle de droit. C'est la doctrine volontariste : la coutume, c'est ce que les États veulent. ✱ L'autre conception consiste à dire que l'opinio juris est la conscience qu'une règle existe, pas la volonté de poser la règle. Mais cette conception oblige à penser la formation de la coutume comme une sorte d'erreur : la coutume est une règle qui n'existe pas encore lorsque l'on l'applique, donc on ne peut pas avoir conscience qu'elle existe. B) Les solutions juridiques : volonté de créer une règle et conscience d'y obéir Dans l'affaire du Lotus de 1927 de la Cour Permanente de Justice Internationale, la France n'a pas réussi à convaincre la Cour de l'existence d'une règle parce qu'elle avait démontré que les États s'abstenaient dans certaines hypothèses, mais elle n'avait pas prouvé qu'il y avait « la conscience d'un devoir de s'abstenir ». En réalité, lorsque l'on vise la conscience de respecter une règle, on vise la preuve de la persistance de la règle déjà formée. Il suffit de montrer que dans la pratique les États sont attachés à ces règles, qu'ils ont conscience de respecter les règles de droit déjà formées, et qu'il n'ont pas la volonté de créer une règle nouvelle. Inversement, lorsqu'au lieu de prouver la persistance d'une règle, on recherche la formation d'une règle nouvelle, on doit prouver la volonté de créer la règle nouvelle et la conscience de s'écarter de la règle ancienne. Sous l'angle pratique, l'analyse de la coutume comme acceptation, a un autre intérêt : dans l'appréciation des pratiques, elle permet d'écarter les précédents obtenus par la contrainte, car alors la volonté est viciée. Reste à savoir à qui la coutume est opposable. SECTION 2 – LA FORMATION SUBJECTIVE : L'OPPOSABILITÉ DE LA COUTUME Il faut en réalité distinguer l'opposabilité aux sujets de droit international (États et organisations internationales) et l'opposabilité aux sujets de droit interne. I. L'opposabilité aux sujets de droit international C'est la question du droit de refuser une coutume internationale qui est au cœur du problème. ✱ Pour l'école volontariste menée par Dionisio Anzilotti, la coutume émane de la volonté des États. Si un État ne la veut pas, il ne peut pas être lié par la coutume qu'il rejette. ✱ À l'opposé, certains auteurs, notamment appartement à l'école sociologique française menée par Léon Duguit, considèrent que la coutume est un phénomène volontaire. Cette idée a été reprise par Georges Scelles qui voit en la coutume la nécessité de ce qu'il appelle la solidarité internationale. ✱ Aujourd'hui, cette thèse n'est plus défendue. On soutient une théorie proche : la théorie de la coutume spontanée. La coutume ne serait pas l'émanation de la nécessité sociale de Léon Duguit, mais se formerait spontanément parce qu'elle est nécessaire. La jurisprudence a touché à ces trois écoles de pensée : ✱ La première orientation de la jurisprudence est que les États qui participent activement à la formation d'une règle coutumière sont liés par elles (école volontariste). ✱ Deuxième orientation : si la règle coutumière est formée, ceux qui ne s'y sont pas opposés de façon claire sont liés à la règle coutumière (école sociologique et école volontariste). ✱ Troisième orientation : si un État, en temps utile, dès le moment de la formation de la règle, et de façon persistante, s'est opposé à cette règle, alors la règle lui sera inopposable. C'est la règle dite de l'objecteur persistant (CIJ, arrêt, Affaire Pêcheries, Royaume-Uni c. Norvège, 18 décembre 1951). La position de l'objecteur persistant ne finit en réalité que par être transitoire, car la situation de l'État isolé lui deviendra vite défavorable, et il se pliera alors vite à la coutume. II. L'opposabilité de la coutume aux sujets de droit interne : la coutume-loi Le sujet interne ne peut pas être objecteur persistant. Les sujets internes sont assujettis à la coutume : ils ne participent pas à sa formation, et ne peuvent pas s'y rendre inopposables. Cela signifie que les coutumes sont appliquées aux sujets internes qu'ils le veuillent ou non. Le plus souvent, la coutume internationale octroie des droits aux particuliers, et est donc souvent invoquée par eux ou par les États pour eux. Mais la coutume peut aussi créer des obligations pour les particuliers. On le voit particulièrement avec les crimes de droit internationaux, qui sont soumis à des règles coutumières. Pour autant, le criminel de guerre ne peut pas s'y opposer, pas même en cherchant à dire que l'État dont il est ressortissant n'a pas accepté une telle coutume. La coutume fonctionne comme une loi pour les particuliers. SECTION 3 – LE STATUT DE LA COUTUME La coutume n'est pas un instrument écrit classique, comme un accord. C'est une pratique et une opinio juris. I. L'énonciation de la coutume La coutume est formulée par ses propres signes, et non par le langage. Donc comment l'énoncer ? Traditionnellement, on a un éparpillement des énoncés des règles coutumières. Elles sont énoncés différemment par des jugements internes, des jugements internationaux, des accords, des avis... Il y a un morcellement des énonciations. Il en résulte aussi les énonciations savantes des professeurs. Historiquement, on a essayé de dépasser ce morcellement avec un travail de codification (Grotius, Vitoria, Vattel...). Mais étant d'initiative privée, cela n'a fait que prolonger le morcellement. Pour dépasser les codifications privées, on a imaginé un processus de codification public, après la seconde Guerre Mondiale, avec la création de la Commission du droit international par la Résolution 175 (II) de l'Assemblée Générale des Nations Unies du 21 novembre 1947. La Commission du droit international est un ensemble d'experts des différents États qui se réunissent à Genève et réfléchissent à une codification des thèmes du droit international. Cela a aboutit à une codification sur le droit des traités (Convention de Vienne de 1969), sur les relations diplomatiques (Convention de Vienne de 1961), sur les relations consulaires (Convention de Vienne de 1963), et a abouti, beaucoup plus tard, au premier projet de Statut de la Cour Pénale internationale. Bref, il y a eu des résultats importants. Mais ces articles n'ont pas une valeur contraignante, et donc ils finissent par être, à leur tour, des travaux doctrinaux. Ils n'ont comme force que leur aptitude à convaincre. II. L'autorité de la coutume Si en droit interne la coutume a un rôle relativement subalterne, en droit international, c'en est un droit essentiel. La plupart des grandes règles internationales sont coutumières. Son autorité hiérarchique est la même que les traités : la coutume est supérieure aux actes unilatéraux. L'acte unilatéral n'est opposable aux autres que s'il est conforme à la règle coutumière (Affaire des Pêcheries). En revanche, coutumes et traités ont la même valeur juridique. Les seuls principes qui s'appliquent sont ceux de la loi spéciale dérogeant à la règle générale, lex specialis derogat legi generali, et la loi postérieure déroge à la loi antérieure, lex posterior derogat priori. En pratique, ces principes conduisent généralement à préférer les traités à la coutume, qui sont d'application plus restreinte. Mais il se peut que la coutume balaie les traités internationaux (ex : Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, 10 décembre 1982). Des difficultés particulières apparaissent parfois entre les traités de codification et la coutume. Des principes viennent les résoudre : ✱ Le premier principe, c'est que la coutume ne disparaît pas du fait du traité de codification (CIJ, arrêt Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua c. États-Unis d'Amérique, 27 juin 1986). ✱ Deuxième principe : entre les États parties au traité de codification, le traité de codification sera applicable plutôt que la coutume ✱ Troisième principe : entre les États qui ne sont pas parties au traité de codification, ou entre les États qui y sont parties et ceux qui n'y sont pas parties, seule la coutume pourra être appliquée (effet relatif des traités). ✱ Quatrième principe : la jurisprudence considère que le traité international peut favoriser la formation de la coutume en cristallisant une pratique naissante (CIJ, arrêt Compétence en matière de pêcheries, Royaume-Uni c. Islande, 25 juillet 1974) ou lancer un processus coutumier. Mais le traité ne dispense jamais de la pratique et de l'opinio juris. Cependant, si la coutume est et continue d'être essentielle en droit international, les traités internationaux ont aussi pris une place très importante. CHAPITRE 2 – LA FORMATION CONVENTIONNELLE DU DROIT INTERNATIONAL Traités internationaux : élément essentiel de la pratique juridique contemporaine. Le droit qui régit les traités internationaux = droit coutumier codifié par 2 conventions de Vienne : La convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités entre États ; La convention de Vienne du 21 mars 1986 sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales C'est une codification du droit des traités qui fait autorité, qui est respectée, et appliquée. Cependant, la partie V de la Convention de 1969 sur les causes de nullité, et en particulier les articles sur le jus cogens, ont été contestés, ce qui explique que certains États, dont la France, n'ont pas voulu ratifier la convention de Vienne. Mais ces critiques n'empêchent pas l'application très générale de la convention sur tous les autres aspects, en tant que reflet du droit coutumier, même dans les pays qui ne l'ont pas ratifiée. La convention de Vienne définit le traité international à l'article 2 paragraphe 1, a) : « L'expression « traité » s'entend d'un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière ». Pour étudier le droit des traités, il faut voir comment les traités sont conclus, quels sont leurs effets, et quelles sont les mutations qui peuvent affecter la vie du traité. SECTION 1 – LA CONCLUSION DES TRAITÉS Trois aspects de la conclusion des traités doivent être distingués : La confection de l'accord ; L'accord ; Les engagements qu'il réunit I. L'accord A) Le pouvoir de traiter Un traité international peut être conclu par les États et les organisations internationales, c'est-à-dire par les sujets de droit international. Il peut arriver que les Constitutions nationales habilitent les entités fédérées à participer à la conclusion du traité, mais si c'est un traité, c'est bien parce que l'État central, fédéral, participe à la conclusion du traité. Qui a mandat pour représenter les États et les organisations internationales ? Il faut distinguer, parmi les personnes qui ont le pouvoir de représenter ex officio l'État, c'est-à-dire par leurs fonctions, sans avoir à montrer une habilitation, ceux qui ont un pouvoir général de représentation, et ceux qui ont un pouvoir limité de représentation. Seules trois entités ont, en droit international général, le pouvoir ex officio de représenter l'État de façon générale, vis-à-vis de tous les autres États et OI, et dans toutes les matières : Le chef d'État ; Le chef du gouvernement ; Le chef de la diplomatie (ex : ministre des affaires étrangères) Quant au pouvoir limité de représentation, celui-ci est détenu par les chefs de mission (chefs de la légation), c'est-à-dire ceux qui représentent l'État auprès d'un autre État. Cette personne a le pouvoir de conclure un traité au nom de l'État sans habilitation spéciale, mais seulement vis-à-vis de l'État accréditaire, c'est-à-dire auprès duquel il a été accrédité. Il faut distinguer le chef de la mission diplomatique classique du représentant permanent, c'est-à-dire le chef de la mission de l'État auprès d'une OI. Cette autorité-là peut aussi représenter ex officio l'État dans la conclusion de traités : uniquement dans le cadre de l'OI dont il est parti. Autre cas de figure : il faut présenter un mandat spécial qui limite le pouvoir du représentant, et qui ne peut émaner que des trois entités détenant le pouvoir de représenter ex officio l'État. Du point de vue protocolaire, on distingue les pleins pouvoirs qui émanent du chef de l'État ou du chef du gouvernement, et les pouvoirs simples qui émanent du chef de la diplomatie. Mais dans les deux cas, c'est un pouvoir spécial limité à ce pourquoi ces pouvoirs ont été reçus. En droit français, l'article 52 de la Constitution prévoit que « le Président de la République négocie et ratifie les traités. Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d'un accord international non soumis à ratification ». Ce texte guide l'action extérieure de la France, mais il n'est pas contraignant dans la conclusion des traités. Ces principes de représentation ne s'appliquent pas tels quels aux OI. Pour les OI, il faut se tourner vers chaque instrument constitutif, chaque constitution, qui distribue le pouvoir de conclure les traités. Mais ici encore, la pratique internationale établit une sorte de présomption favorable à la conclusion de l'accord par l'exécutif de l'organisation sous le contrôle de l'assemblée des États membres. On retrouve ce système dans l'UE. B) La procédure d'élaboration du traité Traditionnellement, on identifie trois étapes : La négociation, qui est libre, dans la limite de la bonne foi, sans obligation d'aboutir à un accord, sauf clause explicitement prévue ; L'adoption : c'est l'acte juridique qui met fin à la négociation. Le texte ne changera plus. Elle est en principe unanime. Pour les traités multilatéraux, c'est impossible, c'est donc à la majorité que l'adoption est prise. Si on omet quelle est la majorité de l'adoption, la majorité coutumière supplétive est la majorité des deux tiers des États participants (article 9, §2, Convention de Bienne de 1969) ; L'authentification : c'est la signature, qui consiste à dire que le texte signé est l'exact même que le texte négocié, et chaque État membre l'atteste. Il peut arriver que l'authentification serve aussi à faire entrer le traité en vigueur, c'est généralement prévu par le traité lui-même dans les clauses finales. Si rien n'est prévu, c'est que la signature suffit à faire entraîner le traité en vigueur. Il ne suffit pas de conclure le traité et de l'authentifier pour qu'il soit en vigueur, et savoir si un État signataire est engagé. Il faut distinguer tout ce qui aboutit à la signature de la formation de l'engagement proprement dit. II. L'engagement Une fois l'accord authentifié, il faut voir de quelle façon les États s'engagent à respecter l'accord conclu et authentifié. Pour étudier l'engagement, il faut distinguer la procédure d'engagement proprement dite et l'étendue de l'engagement. Les États s'engagent à respecter les traités qu'ils ont signé dans la limite des réserves qu'ils y ont apportées. A) La procédure d'engagement Il faut distinguer l'aspect international de la procédure et l'aspect national. La procédure internationale est celle qui est commune à tous les États, tandis que la procédure nationale est celle propre à chaque État. Le droit international connaît deux types de procédures d'engagement : 1 – La procédure solennelle, ou procédure d'engagement différé : elle est prévue dans les clauses finales du traité qui contiennent les réserves, les dénonciations, et les limites d'application territoriales. Ces dernières dispositions précisent si l'engagement est différé, c'est-à-dire si la signature ne vaut qu'authentification, et que l'entrée en vigueur suppose une confirmation de l'engagement par un deuxième acte qui permet effectivement à l'État d'être engagé. Cette confirmation prend plusieurs noms dans la pratique diplomatique : La ratification, lorsqu'elle émane de la tête de l'exécutif (chef de l'État) ; L'approbation, lorsqu'elle émane du gouvernement Les traités prévoient souvent expressément si cet acte est la ratification ou l'approbation. Parfois, ils le font implicitement en mentionnant le gouvernement (approbation) au lieu des Hautes Parties contractantes (ratification) ou inversement. Parfois, le traité se contente de ne viser ni la ratification, ni l'approbation, mais l'accomplissement des formalités nécessaires à l'entrée en vigueur, ou la notification de l'accomplissement des formalités internes nécessaires à l'entrée en vigueur du traité. On renvoie plutôt à l'approbation avec ces expressions dans la pratique. Il ne faut pas confondre approbation et ratification de l'adhésion. L'adhésion suppose que le traité n'a pas été signé, mais qu'il était ouvert à l'adhésion des non-signataires. C'est souvent le cas pour les traités multilatéraux. Ce n'est pas non plus une admission, qui vise la façon par laquelle on vient accepter l'instrument constitutif de l'OI. Ce n'est pas à proprement parler une adhésion au traité. C'est une candidature, une acceptation de l'organisation, qui permet d'y entrer. 2 – La procédure des accords en forme simplifiée (executive agreements) : il entre en vigueur dès la signature. Il n'y a pas besoin de confirmation de l'engagement. L'exemple historique le plus parlant est le cas du GATT de 1947, aujourd'hui repris au sein de l'OMC. Il arrive assez fréquemment en pratique qu'un traité international soit conclu sous la forme d'échange de lettres, ou d'échange d'éléments constitutifs du traité. L'entrée en vigueur arrive dès la deuxième lettre. Mais il peut arriver que les États considèrent que l'entrée en vigueur n'arrive pas après la deuxième lettre, mais seulement après la ratification. On distingue l'entrée en vigueur objective (celle du traité) de l'entrée en vigueur subjective (l'engagement de l'État) : certains traités prévoient une entrée en vigueur à partir d'un certain nombre de ratifications. Donc le traité pouvait être subjectivement en vigueur pour les États qui l'ont ratifié, mais pas objectivement en vigueur s'il n'avait pas encore été ratifié par tous les États parties. Les procédures nationales : 1 – Un contrôle politique du traité par la loi : une loi référendaire pour un traité qui n'est pas contraire à la Constitution mais qui a des implications sur le fonctionnement des institutions publiques Article 11 C° : référendum du peuple Article 53 C° : les traités les plus importants ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi (traités qui engagent les finances de l'État et traités qui modifient les dispositions de nature législative). Le législateur ne peut pas s'auto-saisir. Il ne peut donner l'autorisation que si l'exécutif le lui demande. Le législateur n'est pas lié, il peut refuser de ratifier le traité. L'exécutif pourra apporter des réserves à l'autorisation du législateur. Dans l'arrêt Blotzheim de l'Assemblée du CE du 18 décembre 1998, le CE a considéré qu'il lui appartenait de contrôler qu'un traité est entré en vigueur dans le respect de l'article 53 de la Constitution. Si l'autorisation de ratification n'a pas été demandée au Parlement, le traité n'est pas régulièrement approuvé ou ratifié. Néanmoins, la ratification ne peut pas être annulée, donc le juge annule la décision de publier le traité. Ainsi, le traité reste sans effet. L'article 53 de la Constitution ne peut pas être utilisé pour les procédures simplifiées. Le juge accepte la régularisation de l'article 53 en autorisant la ratification ou l'approbation après entrée en vigueur du traité, pour simplifier la situation. 2 – Un contrôle de constitutionnalité des traités : Article 54 C° : à la demande du PDR, du PM ou de 60 députés ou sénateurs. Article 61 C° : en soumettant au CC la loi d'autorisation. Si le traité est contraire à la constitution, la loi d'autorisation sera jugée inconstitutionnelle, et alors l'État devra soit abandonner la ratification du traité, soit réviser la Constitution pour en permettre la ratification. Si le traité est conforme à la Constitution, le traité peut être ratifié. => C'est un contrôle préventif. B) L'étendue de l'engagement C'est la question des réserves. Une fois le traité international conclu, l'État qui accepte d'être lié par un traité peut encore moduler l'engagement en exprimant unilatéralement une position. C'est la possibilité d'émettre des réserves. 1) La formulation des réserves L'article 2§1d) de la Convention de Vienne définit la réserve : « L'expression « réserve » s'entend d'une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État. » Pour identifier correctement les réserves, il faut distinguer la réserve de la déclaration interprétative, qui est un simple point de vue que l'État exprime sur le traité. Ce qui compte, ce n'est toutefois pas le libellé, mais la formulation d'une exclusion d'un des effets juridiques possibles du traité, pour identifier une réserve. Il faut ensuite distinguer réserve exclusive et réserve modificative. La réserve exclusive réduit les effets juridiques, écarte une obligation. La réserve modificative pourrait étendre les obligations ou modifier le régime mis en place par le traité. Elle se caractérise négativement : c'est celle qui n'est pas purement exclusive. Sous l'angle de la validité, la Convention de Vienne précise que la réserve doit être écrite et notifiée aux autres États intéressés, si elle est exprimée à la signature – et donc dans une procédure soumise à ratification ou approbation ultérieure – et doit être confirmée au moment de la ratification ou de l'approbation, et sera réputée exprimée à la date de l'approbation ou de la ratification. Les réserves sont exclues des traités bilatéraux. Exprimer une réserve, c'est poursuivre la négociation dans ce cas. Les réserves sont importantes pour les conventions multilatérales. Il s'agit de sauvegarder l'intégrité du traité, mais aussi de faciliter la participation au traité. L'article 19 de la Convention de Vienne de 1969 considère donc que les réserves sont admises sauf pour les traités bilatéraux, lorsqu'elles ne sont pas interdites par le texte. S'il y a des dispositions spéciales, la réserve est admise à condition qu'elle respecte ces dispositions spéciales. S'il n'y a rien, la CIJ a admis le 28 mai 1951 dans son avis Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide la possibilité de réserves portant sur cette convention, mais qui portaient sur des aspects procéduraux, pas sur l'interdiction elle-même. La Cour fait la distinction entre ces réserves admissibles, et les réserves qui viendraient à dénaturer le traité, à mettre en cause l'objet et le but du traité, qui sont interdites. Qui apprécie la validité des réserves ? L'exception est l'hypothèse où le traité prévoit un mécanisme autonome, centralisé, qui permet l'appréciation de la validité des réserves, une juridiction notamment à qui on reconnaît cette compétence (ex : Cour EDH, affaire Belilos c. Suisse, 29 avril 1988, la CEDH annule une réserve et l'État reste lié). Mais en principe, chaque État qui accepte le traité apprécie lui-même les réserves émises par les autres, et il réagit aux réserves. 2) Les réactions aux réserves Faut-il accepter les réserves ? Il n'est pas nécessaire d'accepter les réserves si elles sont spécifiquement autorisées. Pour les traités qui créent des institutions internationales, la réserve doit être examinée par un organe de l'organisation qui l'accepte ou non. Pour les traités restreints, pour lesquels l'intuitu personae est très fort, une réserve n'est possible que si tous les autres États l'acceptent. Dans tous les autres cas, il suffit d'une acceptation de cette réserve d'un État par un autre État pour que la ratification ou l'approbation entre en vigueur. Si les États ne réagissent pas à la réserve dans un délai raisonnable (12 mois selon la Convention de Vienne de 1969), alors le silence vaut acceptation tacite de la réserve. Il peut toutefois y avoir deux types d'objections de la part des États : Une objection simple : le simple rejet de la réserve, qui n'a pas à être motivée juridiquement, cela peut être une motivation d'opportunité ; Une objection aggravée : elles sont précisées par la mention expresse du rejet du lien conventionnel. Celui qui réagit déclare que la réserve dénature l'accord, et il rejette alors l'accord, le lien conventionnel dans son intégralité. 3) Effet des réserves Dans les relations entre l'auteur de la réserve et les autres États, suivant la réaction à la réserve, les choses changent. Entre l'État auteur de la réserve et l'État qui accepte la réserve, le traité entre en vigueur tel que modifié par la réserve ; Entre l'État auteur de la réserve et l'État auteur d'une objection simple, le traité entre en vigueur, sauf dans la mesure où il est affecté par la réserve. C'est-à-dire que la disposition sur laquelle porte la réserve, dans la mesure de la réserve, ne fait pas l'objet d'un accord, et donc cette disposition n'entre pas en vigueur pour ces États ; Entre l'État auteur de la réserve et l'État auteur d'une objection aggravée, il n'y a pas d'accord du tout, les États ne seront pas liés entre eux par l'accord, qui n'entre pas en vigueur entre eux. III. La nullité des traités Il s'agit de la disparition rétroactive du traité (effet ex tunc). Comme en droit national, on peut distinguer la validité externe du traité (validité formelle) de la validité interne (validité du contenu) du traité. A) La validité externe du traité Le droit international encadre la validité externe du traité en prévoyant la possibilité de l'annuler au titre des vices du consentement et au titre de l'excès de pouvoir. 1) Les vices du consentement La Convention de Vienne (CV) de 1969 retient les vices classiques du consentement : L'erreur (article 48) : qui ne permet d'annuler le traité qu'au bénéfice de celui qui a subi l'erreur (nullité relative), et si et seulement si l'erreur porte sur une situation supposée existante au moment où le traité a été conclu, et qui constituait une base essentielle du consentement de l'État, c'est-à-dire qu'il faut prouver que si on avait connu la réalité, le traité n'aurait pas été conclu. Il ne faut pas que celui qui invoque l'erreur y ait contribué, que ce soit par son comportement actif ou sa simple négligence ; La corruption : la CV vise la corruption par un participant à la négociation sur un représentant de l'État, et permet à l'État qui subit la corruption d'invoquer la nullité de l'engagement ; Le dol (article 49) : entendu comme l'hypothèse où l'État a été amené à conclure un traité par la conduite frauduleuse d'un autre État ayant participé aux négociations ; La contrainte (articles 51 et 52) : Contrainte sur le représentant de l'État (article 51) : vice qui affecte le représentant de l'État qui a été contraint ; Contrainte sur l'État lui-même (article 52) : c'est l'hypothèse de l'utilisation de la menace ou de l'emploi de la force en violation des règles de la Charte des Nations Unies contre un État (ex : par la guerre). La nullité absolue est prévue dans ce cas 2) L'excès de pouvoir L'excès de pouvoir vise deux hypothèses : 1 – La violation des règles nationales relatives à la compétence pour conclure un traité : en principe, leur violation est sans conséquence sur la validité du traité, à moins d'être en présence d'une violation manifeste d'une règle interne d'importance fondamentale. La violation manifeste est celle que l'autre partie ne pouvait ignorer. Pour les executive agreements qui entrent en vigueur dès leur signature, la régularisation a posteriori est généralement acceptée en pratique malgré tout. 2 – Le dépassement du mandat (article 47 de la CV) : c'est l'hypothèse où le représentant de l'État a excédé les pouvoirs du mandat que son État mandataire lui avait donnés pour accepter un traité. Si on a admis une limite que les autres États connaissaient, leur bonne foi ne peut être protégée. B) La validité interne du traité C'est le problème du jus cogens. C'est la partie la plus critiquée de la CV qui introduit deux dispositions : Article 53 CV : un traité est conclu et va à l'encontre d'une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise : le traité contraire au droit impératif est nul. Article 64 CV : le traité qui devient contraire à un droit impératif nouveau devient nul et prend fin. La jurisprudence a désormais reconnu le principe de l'existence de règles impératives, notamment dans le domaine des considérations élémentaires d'humanité (TPIY, Jugement, Affaire Anto Furundzija, 10 décembre 1998 ; CIJ, Arrêt, Affaire Activités armées sur le territoire du Congo, République démocratique du Congo c. Rwanda, 3 février 2006). La jurisprudence reconnaît donc l'existence du jus cogens, mais elle ne l'utilise en pratique que dans le domaine de la responsabilité, et non des traités, sauf pour les traités d'extradition vers un pays qui autoriserait la torture, par exemple. En pratique, la nullité, sous l'angle procédural (article 65 de la CV), se traduit par une allégation de la nullité. Ce qui compte, ce sont les réactions des États aux allégations de la nullité (acceptation ou contestation). Ce n'est que dans les relations avec l'État qui s'oppose à l'allégation de la nullité qu'un différend peut naître, et éventuellement un tiers peut intervenir. SECTION 2 – LES EFFETS DES TRAITÉS En principe, le traité est régi par la règle pacta sunt servanda, codifiée à l'article 26 du la CV en vertu duquel tout traité entré en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. Cela veut dire que l'effet conventionnel du traité suppose que le traité soit en vigueur. Mais cela n'exclut pas entièrement les effets pré-conventionnels, antérieurs à l'entrée en vigueur, et les effets extra-conventionnels, à l'égard des tiers. Ce sont les trois aspects des effets des traités : Effets pré-conventionnels ; Effets conventionnels ; Effets extra-conventionnels Le traité en vigueur lie les parties, mais il y a d'abord des effets pré-conventionnels. I. Les effets pré-conventionnels Ce sont des effets du traité avant son entrée en vigueur. A) Les effets du traité non encore en vigueur Les clauses formelles ou clauses finales du traité indiquent la possibilité d'émettre des réserves sur l'entrée en vigueur du traité. Ces clauses, par leur objet même, entrent en vigueur dès la signature. On peut aussi prévoir l'entrée en vigueur provisoire du traité dans les clauses finales. Pour le reste, les dispositions substantielles ne sont pas encore en vigueur. Dans la période qui va de la signature à la ratification, le traité n'est pas encore en vigueur et ne lie pas les parties. En revanche, l'article 18 de la Convention de Vienne de 1969 codifie l'obligation coutumière de bonne foi, qui est l'obligation de s'abstenir de tout acte qui priverait le traité de son objet et de son but dans cette phase transitoire, tant qu'aucune déclaration de ne pas vouloir ratifier le traité est manifestée. B) Les effets rétrospectifs du traité en vigueur Le principe, en droit international, posé à l'article 28 de la CV, est celui de la non-rétroactivité. Le traité ne s'applique pas aux faits antérieurs et aux situations qui ont cessé d'exister au moment où il entre en vigueur, sauf accord contraire des parties au traité. Lorsqu'un État acquiert un territoire, seules les règles en vigueur au moment de l'acquisition du territoire s'appliquent. La difficulté concerne les faits illicites continus. Le cas classique est celui de la détention arbitraire : on commence une détention arbitraire à un moment où rien ne l'interdit, puis un traité est conclu qui l'interdit, et la personne est encore détenue. La personne doit bénéficier de la protection contre la détention arbitraire. Pour les faits instantanés à effet continu, on ne peut les apprécier qu'au jour où ils sont intervenus. II. Les effets conventionnels Ce sont les effets classiques des traités. A) L'opposabilité du traité aux parties C'est la question de traité-contrat. Pour les parties au traité, il est comme un contrat. Il rend internationalement inopposable les actes unilatéraux des parties contraires aux traités, et provoque la responsabilité internationale pour fait illicite de l'État partie qui ne respecte pas son accord. On ne peut pas justifier la violation d'un traité en invoquant son droit interne, même constitutionnel (Sentence arbitrale, 26 juillet 1875, Affaire du Montijo, États-Unis c. Colombie) B) L'opposabilité du traité aux sujets internes C'est l'hypothèse du traité-loi. Le traité est une loi pour les sujets internes, à qui il offre des droits, mais impose également des obligations. Il suffit un lien de rattachement territorial ou personnel pour que les traités soient imposés en tant que loi aux sujets nationaux. Il peut cependant arriver que le traité ait des effets extra-conventionnels, c'est-à-dire à l'égard des tiers. III. Les effets extra-conventionnels A) Le principe de l'effet relatif des traités Le principe est l'effet relatif des traités (article 34 CV de 1969) : le traité ne crée ni obligations ni droits pour un État tiers sans son consentement, « pacta tertiis nec nocent nec prosunt ». Certains admettent des exceptions : les régimes objectifs, les régimes territoriaux. Si deux États s'accordent entre eux sur une frontière, par exemple, le tiers à ces États sera lié par les frontières convenues par les traités. Le statut des Nations-Unies est opposable aux tiers (CJI, Avis, Affaire Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, 1949). Mais comme tous les États du monde sont partie des Nations-Unies, la question n'apporte pas de spéculations théoriques. B) Les limites de l'effet relatif des traités C'est la possibilité de l'offre d'extension du lien conventionnel. Un régime coutumier assez simple codifié par la CV distingue l'hypothèse où le traité n'offre que des droits aux tiers (stipulation pour autrui) où le tiers doit consentir, mais est présumé consentir, de l'hypothèse où le traité offre à la fois des droits et obligations. Dans ce cas, l'article 35 de la CV exige alors une acceptation expresse écrite du tiers pour que le traité lui soit opposable. On parle d'accord collatéral. À moins d'un accord contraire, lorsque des obligations sont offertes aux tiers et qu'il les accepte, elles ne peuvent plus être révoquées sans accord. Lorsque les droits sont offerts aux tiers, ils peuvent être révoqués sans son accord (CPJI, arrêt, Affaire Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, France c. Suisse). C) La renonciation à l'effet relatif : les clauses d'extension extra-conventionnelle Il y en a deux en particulier qui jouent un rôle important dans la pratique : ✱ La clause de la nation la plus favorisée : c'est l'hypothèse d'une stipulation contenue dans un traité multilatéral réservée aux parties au traité qui prévoit que si un accord plus avantageux est conclu entre deux parties à ce traité multilatéral, cet avantage devra être étendu à toutes les autres parties. ✱ L'extension de l'engagement conventionnel lié à l'entrée dans une organisation internationale : lorsque l'on entre dans une OI, on accepte de ne plus lui être complètement tiers. On accepte donc que l'organisation puisse conclure des accords qui vont concerner les membres (ex : accords de siège). Il peut arriver que l'on accepte le pouvoir de l'OI de lier les membres (ex : article 216§2 TFUE qui prévoit que les États membres sont liés par les traités conclus par l'UE). SECTION 3 – LES MUTATIONS DES TRAITÉS Il faut distinguer deux types de mutation qui obéissent à des logiques différentes : Les mutations unilatérales ; Les mutations convenues I. Les mutations unilatérales Le principe a été posé suite à la volonté de la Russie de se débarrasser du traité de 1856 sur la mer Noire. Les autres parties se sont exprimées à travers le Protocole de Londres de 1871, et ont posé le principe que l'on ne peut se délier d'un traité qu'avec l'accord de toutes les autres parties. On ne peut pas en sortir unilatéralement. En pratique aujourd'hui, les traités prévoient généralement dans leurs clauses finales les conditions de dénonciation des traités avec un délai de préavis. Si le traité ne dit rien, deux hypothèses sont à distinguer : L'hypothèse de la dénonciation discrétionnaire ; L'hypothèse de l'apparition de circonstances nouvelles A) La dénonciation discrétionnaire Elle est unilatérale, sans motivation particulière. En principe, on ne peut pas se délier unilatéralement d'un traité (Protocole de Londres de 1871). La Convention de Vienne de 1969 prévoit toutefois deux exceptions en son article 56, critiquées pour leur formulation : ✱ L'hypothèse où le traité ne prévoit pas la dénonciation, mais il est établi que les parties voulaient la permettre (ex : Charte des Nations-Unies), notamment par une déclaration orale lors des négociations. ✱ L'hypothèse où la dénonciation résulte de la nature du traité. On vise ici les accords politiques où l'intuitu personae est très fort, et qui restent donc perçus comme des accords que tant que les vues politiques restent les mêmes. Ce sont essentiellement les alliances militaires dont on peut toujours sortir, car elles sont éphémères par nature B) L'apparition de circonstances nouvelles (renvoi) C'est le cas de la violation du traité par l'autre partie, l'apparition d'une nouvelle règle de jus cogens, ou encore la clause rebus sic stantibus, le changement fondamental des circonstances. L'apparition de ces circonstances nouvelles peut justifier dans certaines conditions la dénonciation du traité. C) La procédure applicable aux mutations unilatérales du traité L'article 67 de la CV de 1969 impose que l'on notifie aux autres parties sa décision, y compris si on invoque une nullité, par écrit. C'est une demande écrite adressée aux autres parties. Les autres parties peuvent accepter cette demande, et le traité est alors aménagé, prend fin, ou est suspendu. Ou elles peuvent garder un silence durant un délai raisonnable, environ 3 mois selon la CV. Les autres parties peuvent aussi rejeter la demande de nullité ou de dénonciation du traité. Dans cette hypothèse, un différend naît et pourra éventuellement être réglé par les procédures de règlement des différends du droit international. La CV avait prévu des règles spéciales : Une conciliation obligatoire pour la partie V, sauf le jus cogens ; La CIJ pour le jus cogens Très peu d'États ont accepté ces procédures, qui ne sont donc pas utilisées. II. Les mutations convenues On distingue trois hypothèses. A) La suspension du traité Pour les traités bilatéraux ou restreints conclus avec un fort intuitu personae, l'article 57 de la CV prévoit que la suspension ne peut être décidée que : Si le traité la permet ; À défaut, si les parties acceptent Pour les traités multilatéraux, l'article 58 de la CV admet la possibilité de suspendre par accord seulement entre certaines parties. Cela est possible : Si le traité le permet ; Si le traité ne l'interdit pas avec deux conditions cumulatives : La suspension du traité entre certains États n'affecte pas les tiers ; La suspension entre certains États n'est pas incompatible avec l'objet et le but du traité B) L'amendement au traité Il arrive fréquemment que le traité prévoie lui-même une procédure spéciale pour son amendement. S'il n'y en a pas : Pour les traités bilatéraux et restreints avec un fort intuitu personae : l'amendement n'est possible que si tous admettent la modification ; Pour les traités multilatéraux, les articles 40 et 41 de la CV permet une modification qui n'interviendrait qu'entre certains État seulement. Si un nouvel État se joint au régime, il est lié par le traité modifié entre les États qui l'ont amendé, et par le traité original par les autres États, sauf volonté différente exprimée par le nouvel État. La faculté de conclure un tel accord ne doit pas être exclu par le traité, et l'accord ne doit pas porter atteinte aux droits des parties qui n'acceptent pas la modification, ni compromettre l'objet et le but du traité Il y a un problème fondamental et une solution qui est la même qui s'applique pour les traités successifs : Il peut arriver que des États différents promettent des choses différentes avec des parties différentes. Il peut y avoir des engagements contradictoires ne liant pas les mêmes parties. Lorsque cela arrive, c'est le régime des traités successifs qui s'applique. C) Les traités successifs Cela vise deux hypothèses qui aboutissent au même principe : ✱ L'hypothèse de deux traités qui interviennent dans la même matière. ✱ L'hypothèse de deux traités qui n'interviennent pas dans la même matière, mais qui trouvent à s'appliquer cumulativement à une même situation Quelques principes généraux peuvent être mobilisés : ✱ Sous l'angle législatif, les deux principes classiques s'appliquent : specialia generalibus derogant : les lois spéciales dérogent à la loi générale ; lex posterior derogat priori : la loi postérieure déroge à la loi antérieure Pour des textes successifs, c'est difficile à appliquer : on peut estimer qu'un texte successif est plus général qu'un texte intérieur, mais on peut également estimer qu'il est tellement général qu'il a vocation à abroger tous les autres. ✱ Sous l'angle conventionnel, international, la question n'est pas précise. Il faut voir quels accords lient quelles parties : Pour les États qui sont partie au premier traité et pas au second, seul le premier est applicables ; Pour les États partis au second traité, et pas au premier, seul le second est applicable ; Pour les États partis à la fois au premier et au second, on applique uniquement le second, sous réserve d'une clause spéciale antérieure qui n'est pas modifiable par le traité postérieure ; Entre les États partis au premier traité et au second traité d'une part, et les États qui sont partie uniquement au premier traité, seul le premier traité est applicable ; Entre les États partis au premier traité et au second traité d'une part, et les États qui sont partie uniquement au second traité, seul le second traité est applicable ; Entre les États partis au premier traité et pas au second, et les États partis au second mais pas au premier, rien n'est applicable ; Mais les cercles des parties peuvent ne pas coïncider. Quand ce n'est pas les mêmes parties entre deux accords, celui qui a promis deux choses différentes a deux États différents a conclu deux accords simultanément valables. S'il ne peut pas respecter les deux, il engage sa responsabilité vis-à-vis des partenaires avec lesquels il ne respecte pas l'accord (CEDH, Arrêt Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989). Le Royaume-Uni avait accepté d'extrader un individu qui risquait d'être exposé au syndrome du couloir de la mort aux États-Unis à la condition que les États-Unis promettent de ne pas l'exécuter, de sorte à respecter à la fois la demande d'extradition, et le droit de la CEDH. Cette solution a été reprise par le CE dans l'affaire Davis Aylor et Mme Aylor en 1993. Dans l'affaire Eduardo José K. de 2011, le CE essaie de donner des directives pour régler cette situation. Ces directives ne valent pas en droit international. C'est casuistique. On peut parfois prévoir des clauses spéciales, deux en particulier : ✱ Le traité peut prévoir lui-même d'appliquer un autre traité si un conflit survient ✱ Le traité peut prévoir lui-même de se désigner comme prévalant à un traité postérieur sur un conflit survient avec lui : c'est compliqué, car la partie au traité postérieur peut ne pas avoir été partie au traité inférieur, et le traité lui-même peut prévoir qu'il s'applique. L'article 103 de la Charte des Nations Unies prévoit que si un conflit survient entre la Charte et un autre traité, c'est la Charte qui prévaut. Cette disposition jouit, dans les faits, d'un statut particulier, puisque tous les États du monde son partie aux Nations Unies. CHAPITRE 3 – LES ACTES UNILATÉRAUX DROIT INTERNATIONAL SECTION 1 – LES ACTES UNILATÉRAUX DES ETATS Il y a une extrême diversité des actes unilatéraux des États : nomination d'un représentant, ratification d'un traité, adoption d'une réserve... On peut tracer quelques traits distinctifs de ce mode de formation du droit international en procédant d'abord à l'identification des actes unilatéraux étatiques, avant d'en dresser une rapide tentative de typologie. I. L'identification des actes étatiques unilatéraux Ce sont des actes de l'État. A) Des actes de l'État : l'imputabilité Lorsque le président parle en tant que chef d'État, c'est un acte de l'État. La formulation la plus emblématique est celle de la CIJ en 1974 dans l'Affaire des essais nucléaires du pacifique, Nouvelle-Zélande c. France. C'était la déclaration du PDR de l'époque, Giscard d'Estaing, qui promettait à la télévision qu'il n'y aurait plus jamais d'essai nucléaire atmosphérique dans le Pacifique Sud. La CIJ considère que ses déclarations, étant donné ses fonctions, et qui émanent de lui en tant que chef de l'État, sont des actes de l'État français. Le critère fondamental est qu'il faut être investi dans l'ordre constitutionnel national du prévoir dont on prévoit jouir dans l'ordre international. Mais la bonne foi des autres États qui peuvent croire qu'une personne peut parler au nom de l'État joue. On retrouve les catégories de personnes qui peuvent représenter ex officio l'État de la Convention de Vienne. Ces entités sont présumées, dans les mêmes conditions que pour les traités, pouvoir parler unilatéralement au nom de l'État. Dans les autres cas, il faut regarder de quoi on est investi en droit international. La CIJ, en 1984, dans l'Affaire du golfe du Maine entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, va dire que vu les attributions techniques des agents qui avaient adopté les actes litigieux, il est établi dans l'ordre interne qu'ils n'étaient pas habilités à décider au nom de l'État. En revanche, en 1954, dans l'affaire des biens italiens en Tunisie, France c. Italie, le collège arbitral franco-italien considère que la notification qui a été faite par la régence générale de Tunisie au nom de la France à l'Italie était un acte unilatéral qui engageait la France envers l'Italie qui l'avait reçu. B) Des actes juridiques Ces actes de l'État doivent également être des actes juridiques, c'est-à-dire des actes dont les effets juridiques sont réputés conformes à la volonté de l'auteur. Mais ce qui compte n'est pas une volonté sociologique, mais une volonté qui construit le droit. On le voit dans le domaine du silence : parfois, le silence signifie que l'on n'a pas vu quelque chose, mais suivant les situations juridiques, il peut tantôt valoir acceptation (CIJ, arrêt Pêcheries, Royaume-Uni c. Norvège, 1951), tantôt rejet (Commission France-Italie, Affaire Societa Anonima Michelin Italiana, 1955). Ces effets juridiques doivent être conformes au droit, droit apprécié, en droit international, tel qu'il résulte de l'appréciation subjective des parties intéressées (CIJ, Affaire du Temple Préah Vihéar, Combodge c. Thaïlande). Les actes doivent être des actes unilatéraux. C) Des actes unilatéraux En droit international, le concept d'acte unilatéral est un peu singulier, car on ne peut jamais entièrement ignorer, dans l'acte unilatéral, la réaction des autres, qui est toujours pertinente pour les actes des États. ✱ Parfois, des simples demandes émanent de l'État, c'est-à-dire des actes que l'État ne peut pas poser seul. Il a besoin du concours d'un autre État. Il demande par exemple un renseignement, une extradition, une réparation... Pour ce type d'actes, la réaction des autres États par le silence est toujours pertinente, car il vaut rejet. ✱ Si c'est une décision, l'État peut la poser seule : nomination d'un représentant, ratification d'un traité... La réaction des autres reste pertinente, car le silence vaut acceptation de la validité de l'acte. ✱ On retrouve cette logique dans des actes déclaratifs. Seul un État peut l'adopter pour lui-même. II. Typologie des actes étatiques unilatéraux Il y a une distinction classique des actes suivant les pouvoirs : ✱ L'acte discrétionnaire, c'est-à-dire l'acte que l'État peut adopter sans être lié par des règles particulières. ✱ Le pouvoir lié, l'hypothèse où l'acte doit être adopté lorsque certaines conditions sont réunies. ✱ L'hypothèse du pouvoir dirigé : si certaines conditions sont remplies, on peut adopter l'acte. Si on utilise la faculté, c'est un pouvoir lié, si on la refuse, l'acte est discrétionnaire. Ce qui soulève vraiment des débats en droit international, c'est la question de la typologie suivant le contenu. Peut-on poser des règles unilatéralement ? Le droit international est par nature le droit que l'on ne pose pas seul. Pourtant, la pratique internationale permet de poser unilatéralement des règles dans trois hypothèses qui ont en commun qu'elles ne font qu'accroître les prérogatives légales des autres États à l'égard de l'État qui édicte l'acte unilatéral : Les interdictions : on peut s'interdire un comportement pour l'avenir (essais nucléaire 1974) ; Les autorisations : on donne une autorisation à un autre État de faire quelque chose qu'il ne pouvait pas faire (SA, Affaire du Navire Wanderer, Grande-Bretagne c. États-Unis, 1921) ; Les habilitations : on donne, par un acte unilatéral, le pouvoir d'adopter un acte juridique sur son propre territoire (Chambre d'appel du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie, Affaire Blaskic, 29 octobre 1997) SECTION 2 – LES ACTES UNILATÉRAUX DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES Il y a là un phénomène pratique d'une importance considérable depuis le XXe siècle : le développement de l'administration internationale avec aujourd'hui plus d'organisations internationales que d'État. C'est spécialement dans le domaine technique que les OI jouent le rôle le plus ordinaire, tangible, quotidien. Le pouvoir de l'OI est défini dans son instrument constitutif. Il n'y a que des constitutions spéciales, avec quelques éléments communs cependant. I. L'identification des actes unilatéraux des organisations internationales A) Des actes de l'organisation : l'imputabilité C'est dans l'ordre constitutionnel interne que l'on trouve la répartition des pouvoirs au sein de l'organisation et la détermination des autorités qui peuvent s'exprimer en leur nom, avec une primauté pour l'exécutif de l'organisation sous le contrôle des États membres. Pour le budget, l'organisation vote une opération, certains États votent contre car ils ont payé une opération contre laquelle ils ont voté. C'est la question réglée par l'avis de la CIJ de 1962, Certaines dépenses des Nations-Unies : « l'acte de l'organisation n'est pas l'acte de ceux qui votent pour, mais l'acte de l'organisation ». Ce sont des actes juridiques. B) Des actes juridiques On retrouve le même principe que pour les États, avec une caractéristique essentielle pour les OI : le principe de spécialité qui fait que la validité des actes des OI est spécialement limitée, car l'organe qui adopte l'acte n'a que les pouvoirs et les compétences qui lui ont été dévolues à l'intérieur de l'OI, et dans la limite des pouvoirs et compétences qui lui sont conférés. Il y a un parallèle complet avec les actes unilatéraux des États dans la mesure où le principe est également celui de l'appréciation subjective de la validité d'un acte des OI. Des aménagements existent pour éviter la dispersion des appréciations subjectives, avec deux systèmes : Le système indirect des Nations-Unies dans lequel la CIJ, par la voie consultative, peut donner des av