DFGSO3 Prévention bucco-dentaire (OP) PDF

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Faculté d'Odontologie de Lorraine

Dr S. Jager

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dental prevention oral health pediatric dentistry student documents

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This document, for students in the field of dentistry, details oral health prevention from birth to adolescence. It covers various aspects of professional ethics and clinical practice. It also highlights the significance of communication, teamwork, and evidence-based practice in the field of oral health.

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Prévention bucco-dentaire de la naissance à l’adolescence DOCUMENT A DESTINATION DES ETUDIANTS EN ODONTOLOGIE (DFGSO3) OBJECTIFS ADEE DOMAINE I : PROFESSIONNALISME CHAMP DE COMPÉTENCE : 1.1 ÉTHIQUE...

Prévention bucco-dentaire de la naissance à l’adolescence DOCUMENT A DESTINATION DES ETUDIANTS EN ODONTOLOGIE (DFGSO3) OBJECTIFS ADEE DOMAINE I : PROFESSIONNALISME CHAMP DE COMPÉTENCE : 1.1 ÉTHIQUE 1.1.2 Réussir à faire la distinction entre situation éthique ou non et agir en conséquence CHAMP DE COMPÉTENCE : 1.3 ATTITUDE PROFESSIONNELLE 1.3.1. Communiquer efficacement avec les patients (y compris avec les familles et les personnels accompagnants), les autres membres de l’équipe soignante, tous les autres professionnels de santé et le public en général 1.3.5. Encourager et promouvoir une bonne santé générale chez ses patients DOMAINE II : UNE PRATIQUE CLINIQUE SÛRE ET EFFICACE CHAMP DE COMPETENCE 2.1 : UNE PRATIQUE FONDÉE SUR DES PREUVES SCIENTIFIQUES 2.1.5. Insister sur les concepts actuels de promotion de la santé orale, de changement de comportement, d’évaluation du risque et de traitement des maladies orales. CHAMP DE COMPÉTENCE 2.3 : TRAVAIL EN ÉQUIPE ET COMMUNICATION 2.3.9. Eduquer les patients de tous âges, en insistant sur les concepts actuels de santé orale, prévention, évaluation des risques et traitement des pathologies orales. 2.3.10. Estimer et prendre en compte le développement verbal, intellectuel, socioémotionnel des patients 2.3.12. Sensibiliser le patient sur l'importance de son rôle dans la prévention des pathologies orales, en utilisant autant que possible des méthodes et des approches personnalisées Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine DOMAINE III : DES SOINS CENTRÉS SUR LE PATIENT CHAMP DE COMPÉTENCE 3.1 : DONNER UNE ASSISE SCIENTIFIQUE AUX SOINS BUCCODENTAIRES 3.1.16. L’impact de la santé orale sur la qualité de la vie. 3.1.21. La maltraitance, la négligence et les blessures non accidentelles, ainsi que la protection des personnes en danger et les méthodes signalement appropriées. CHAMP DE COMPÉTENCE 3.2 : RECUEILLIR LES INFORMATIONS CLINIQUES ET ÉTABLIR UN DIAGNOSTIC 3.2.6. L’analyse du comportement et des habitudes alimentaires, particulièrement en ce qui concerne les habitudes d’hygiène orale et la consommation de tabac et d’alcool, et l'identification des facteurs de risque pour la santé orale. CHAMP DE COMPÉTENCE : 3.4 ÉTABLIR ET CONSERVER LA SANTÉ BUCCO- DENTAIRE Élaborer des stratégies pour prédire, prévenir, et corriger les déficiences de l’hygiène orale habituelle des patients, les soutenir pour modifier leurs habitudes d’hygiène orale et leur proposer des stratégies pour mettre un terme aux mauvaises habitudes qui dégradent leur santé orale. DOMAINE IV : LA MÉDECINE BUCCODENTAIRE DANS LA SOCIÉTÉ CHAMP DE COMPÉTENCE 4.2 : PROMOTION DE LA SANTÉ ET PRÉVENTION DE LA MALADIE 4.2.3. Mesurer l’importance du contexte lorsque l'on utilise des éléments de preuve pour promouvoir la santé 4.2.4. Évaluer l’importance et les limites des changements de comportement au niveau d’une population 4.2.8. Analyser les approches de prévention et de promotion sanitaire qui réduisent les inégalités en matière de santé CHAMP DE COMPÉTENCE 4.3 : POPULATION, DÉMOGRAPHIE, SANTÉ ET MALADIE 4.3.7. Expliquer et encourager le lien entre santé orale, santé générale et qualité de vie (dont certains facteurs de risque communs) Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine AVANT DE COMMENCER… Si la prévention bucco-dentaire a progressé ses dernières années, la diminution des indices carieux stagnent et des efforts restent à faire. Les connaissances concernant notamment le très jeune enfant restent encore fragiles et non suffisamment répandues dans le grand public. C’est pourtant là que tout débute… La prévention bucco-dentaire du jeune enfant débute en effet avant même l’éruption de la première dent et couvre de nombreux domaines. Elle se poursuivra tout au long des années sans relâche et les conseils devront être adaptés au fur et à mesure. L’objectif de ce document est de rassembler les notions essentielles dans ce domaine afin d’harmoniser nos discours. C’est en s’appuyant sur le soutien de tous, que nous pouvons espérer améliorer la santé bucco-dentaire des enfants. Les parents étant les principaux acteurs, le soutien à la parentalité parait comme essentiel et c’est avec la participation de chacun que nous pouvons espérer faire évoluer les choses. Avant d’aller plus loin et pour pouvoir construire au mieux votre réflexion autour de vos interventions et dans toute votre vie professionnelle future, nous vous proposons de nous arrêter quelques instants pour réfléchir aux propos de Pr Deschamps en 2013, repris de son article intitulé : « Aspects éthiques de l’éducation pour la santé… ou les limites de la bienfaisance ». Peut-être qu’en un titre finalement, tout est dit… Le Pr Deschamps met en garde contre la croyance en la capacité de transformation du caractère individuel et cette tendance à coloniser la sphère privée. Il souligne que les « outils » que peuvent être la culpabilisation, le sentiment de honte, la stigmatisation et la peur, outils que nous utilisons, parfois sans même nous en rendre compte, ont des effets particulièrement néfastes. Imposer des messages collectifs, des normes de comportement forgées par d’autres, revient à bafouer le droit à l’autonomie des personnes. L’éducation à la santé, ce n’est donc pas chercher le bon message ! C’est essayer de comprendre ce qui est problématique dans une question de prévention, voir ce que l’autre a à dire, l’inviter à réfléchir et lui proposer de se mettre en chemin avec nous pour construire des projets liés à ses propres préoccupations. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine C’est être du côté du choix, de la proposition, de l’offre et laisser à la personne la possibilité de s’engager. Et comme le souligne le conseil scientifique du comité français d’éducation pour la santé, « la santé ne peut être objet d’éducation qu’à la condition que celle-ci applique les principes universels des droits du citoyen et en particulier ceux qui concernent le respect de la personne dans sa capacité à rester l’auteur de ses actes et à choisir ses propres attitudes et comportements » Il est indispensable que vous gardiez toujours à l’esprit ces quelques réflexions que ce soit lors des vos interventions de prévention ou lorsque vous vous adresserez à vos patients. Ce document a été réalisé dans un premier temps pour les étudiants en santé dans le cadre de leur service sanitaire afin de les aider à préparer leurs interventions de prévention bucco- dentaire auprès des enfants. Il est toutefois également mis à disposition, sur demande, des professionnels de santé et des professionnels de la petite enfance souhaitant initier ou encourager les mesures de prévention bucco-dentaire. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine COMMENCONS PAR QUELQUES BREVES NOTIONS CONCERNANT LES DENTS DES ENFANTS… A la naissance, la majorité des enfants nait sans dent. La présence de dents natales ou néonatales doit amener à consulter un chirurgien-dentiste qui saura définir la conduite à adopter. La prise en charge sera fonction du type de dents concernées (« vraies » dents temporaires ou de dents surnuméraires), de leur mobilité, des séquelles éventuellement causées (ulcérations douloureuses…). Pour plus de clarté pour la suite et en rappel, vous trouverez figure 1 le numéro des dents temporaires et permanentes selon la formule dentaire internationale. Figure 1 : numérotation des dents permanentes et temporaires selon la formule dentaire internationale. (Conseil Dentaire Hautepierre) Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Classiquement, les dents temporaires vont faire leur éruption progressivement dans la cavité buccale dès les 6 mois de l’enfant et jusque 30 mois. Toutefois la calcification de la couronne de ces dents débute in utero, expliquant certaines anomalies notamment. Les différents âges de la constitution des dents temporaires situés dans le tableau 1 permettent d’aller plus loin dans la compréhension de la vie de la dent, ses anomalies et les thérapeutiques envisageables notamment. Tableau 1 : âges des différentes étapes de constitution des dents temporaires (Georges PAPATHANASSIO) Nota : tous ces chiffres très variables ne sont que des moyennes Début de Formation calcification Calcification Début de DENTS de la Eruption Chute de la apicale rhizalyse couronne couronne 51-61 17e sem. IU 1 mois ½ 6 mois ½- 1 an ½ 4 ans 7 ans - 7 8 mois ans ½ 52-62 18e sem. IU 2 mois ½ 9 mois 14-18 mois 4 ans ½ 8 ans 53-63 18e sem. IU 9 mois 18 mois 2 ans - 2 ans 8 ans 12 ans 1/2 54-64 21e sem. IU 6 mois 12- 16 mois 20-24 mois 6 ans 10 ans 55-65 24e sem. IU 11 mois 24-30 mois 30-36 mois 6 ans 1/2 11 - 13 ans 71-81 16e sem. IU 2 mois ½ 6 mois 3 ans½ - 4 ans 3 ans½-4 7 ans ans 72-82 18e sem. IU 3 mois 7 mois 4 ans - 4 ans 4 ans - 4 7 ans - 7 ½ ans ½ ans ½ 73-83 17e sem. IU 8 mois 19 mois 8 ans ½ 8 ans ½ 12 ans 74-84 19e sem. IU 5 mois ½ 12-14 mois 6 ans 6 ans 10 ans 75-85 20e sem. IU 10 mois 24-30 mois 6 ans 1/2 6 ans 1/2 11 - 13 ans Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Même si le tableau précédent est fondamental dans la compréhension de nos pratiques quotidiennes au cabinet dentaire, il est important de pouvoir fournir aux parents des répères simples car les âges d’éruption sont souvent source d’inquiétude. Figure 2 : exemple d’âges d’éruption moyen aisément disponible sur internet (Bioseptyl.fr) Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Au cours d’une vie, plusieurs types de denture se succèdent. Nous nous contenterons d’expliquer aux parents ce que sont les dentures temporaire, mixte et permanente. UFSBD.fr Figure 3 : trois types de denture successives (ufsbd.fr) Il est important d’expliquer aux parents et à leurs enfants que s’il existe effectivement bien des dents « de lait » et des dents « d’adultes », ces dents « d’adultes » qui ne feront leur éruption qu’à partir de 6-7 ans, commencent toutefois à se former dès la naissance de l’enfant. Cela peut permettre de comprendre pourquoi des caries sur les dents temporaires risquent de générer des séquelles sur les dents permanentes en l’absence de traitements. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Tableau 2 : âges des différentes étapes de constitution des dents permanentes (Georges PAPATHANASSIO) Nota : tous ces chiffres très variables ne sont que des moyennes Début de Formation de la Calcification DENTS calcification de la Eruption couronne apicale couronne 11-21 3 à 4 mois 4 à 5 ans 7 à 8 ans 10 ans 11-22 8 à 10 mois 4 à 5 ans 8 à 9 ans 11 ans 13-23 4 à 5 mois 6 à 7 ans 11 à 12 ans 13 à 15 ans 14-24 1 an ½ à 2 ans 5 à 6 ans 10 à 11 ans 12 à 13 ans 15-25 2 ans à 2 ans 1/2 6 à 7 ans 10 à 12 ans 12 à 14 ans 16-26 Naissance 2 ans – 2 ans ½ 6 à 7 ans 9 à 10 ans 17-27 2 ans ½ à 3 ans 7 à 8 ans 12 à 13 ans 14 à 16 ans 18-28 8 ans ½ - 9 ans 1/2 12 à 13 ans 17 à 22 ans 18 à 25 ans 31-41 3 à 4 mois 4 à 5 ans 6 à 7 ans 9 ans 32-42 3 à 4 mois 4 à 5 ans 7 à 8 ans 10 ans 33-43 4 à 5 mois 6 à 7 ans 9 à 10 ans 12 à 14 ans 34-44 1 an ¾ à 2 ans 5 à 6 ans 9 à 10 ans 12 ans à 13 ans 1/2 35-45 2 ans à 3 ans 5 à 6 ans 9 à 10 ans 12 ans à 13 ans ½ 36-46 Naissance 2 ans ½ à 3 ans 6 à 7 ans 9 à 10 ans 37-47 2 ans ½ à 3 ans 1/2 7 ans 11 ans ½ à 12 ans ½ 14 à 15 ans 38-48 8 ans ½ à 9 ans 1/2 12 à 15 ans 17 à 22 ans 18 à 25 ans Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Certaines images comme celles présentées ci-dessous peuvent permettre de mieux visualiser ce qui se passe en bouche à tout âge de la vie. Figure 4 : évolution de la dentition au fil des années (vidéo complète à voir sur youtube – Eruption teeth.mp4) Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Une fois les âges d’éruption présentées et types de denture expliqués, il est important de rappeler ce qu’est une dent et comment elle est faite. La dent est constituée de différentes couches. S’il est rare d’être amené à détailler toutes ces parties aux enfants ou à leurs parents, il est important d’apporter certaines explications et notamment concernant le rôle clé de l’émail, véritable bouclier protecteur de la dent. Figure 5 : anatomie de la dent et de ses différentes parties (ufsbd.fr) « Ce bouclier » n’étant pas innervé, certaines caries débutantes (=caries limitées à l’émail) ne sont pas douloureuses et peuvent donc passer inaperçues. D’où le rôle fondamental des visites régulières chez le chirurgien-dentiste. Il sera beaucoup plus facile et rapide de soigner ces caries débutantes plutôt que d’attendre que la carie soit douloureuse. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Si la carie est douloureuse, c’est qu’elle a franchi ce bouclier (= couche d’émail) pour atteindre la dentine. La dentine communique en effet avec le nerf (=pulpe dentaire) de la dent via de petits tubes (= tubulis dentinaires). Si l’on attend encore, la carie progresse jusqu’à atteindre le nerf (= la pulpe dentaire) de la dent. Le nerf de la dent va alors mourir (= nécrose). L’infection peut même par la suite dépasser la dent et atteindre l’os qui l’entoure. Il y a donc plusieurs étapes dans le développement d’une carie et ainsi plusieurs chances pour pouvoir sauver sa dent ! Il faut donc aller régulièrement chez le dentiste. Voilà un des messages phares à faire passer… Rappelons-nous aussi que la carie est une maladie infectieuse, transmissible, chronique et multifactorielle, considérée par l’OMS comme le troisième fléau de morbidité mondiale (Caufield, 2000 ; Feyerskov, 2004). A travers nos actions de prévention que celles-ci soient collectives ou individuelles, nous cherchons avant toute chose à lutter contre ce fléau. Nous oublions toutefois trop fréquemment d’expliquer ce qu’est une carie, comment et pourquoi elle se développe... C’est pourtant finalement la première chose que nous devrions faire… Les tissus dentaires sont soumis en permanence à des phases de déminéralisation et de reminéralisation. Il est important qu’il y ait un équilibre entre ces phases afin de ne pas initier le processus de lésion carieuse. Différents facteurs entrent en ligne en compte dans cette balance déminéralisation- reminéralisation : les prédicteurs de caries (présence de lésions carieuses en bouche), les facteurs de risque (absence de brossage, anomalies dentaires, chevauchement dentaire…) et les facteurs protecteurs (brossage fluoré bi-quotidien, alimentation équilibrée…). Les phases de déminéralisation font suite à nos prises alimentaires qui induisent une diminution du ph intrabuccal, à l’origine de la dissolution des cristaux d’hydroxyapatite qui recouvrent la surface de la dent (conditions acides en bouche). Le pH intra-buccal va remonter progressivement jusqu’à des valeurs neutres (entre 30 et 60 minutes selon le type d’aliments consommés, le pouvoir tampon de la salive, le brossage après le repas…). Une phase de reminéralisation va alors pouvoir s’enclencher, phase au cours Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine de laquelle les cristaux d’hydroxyapatite dissous lors de la phase de déminéralisation se reprécipite sur la surface dentaire. Le fluor contenu dans le dentifrice va aider à inhiber la déminéralisation et va favoriser la reminéralisation. D’où le rôle fondamental d’un brossage bi-quotidien avec un dentifrice fluoré. En cas de nouvel prise alimentaire et de façon trop fréquente, l’équilibre nécessaire entre ces 2 types de phases est rompu et la lésion carieuse s’initie. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans trop de détails. Ces notions sont toutefois très importantes à transmettre si l’on souhaite être efficace dans nos messages préventifs. A nous de trouver les mots ou images adaptés à notre public pour être compris… Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Figure 6 : alternance des phases de déminéralisation et reminéralisation liées aux prises alimentaires au cours d’une journée (document personnel) Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Garder le schéma de Keyes en tête et l’expliquer avec des termes choisis va pouvoir servir de fil conducteur dans vos messages préventifs contre la carie dentaire. Figure 7 : schéma de Keyes revisité (ufsbd.fr) Vous aborderez ainsi : - l’alimentation, selon l’âge de l’enfant - les bactéries, là encore en adaptant votre discours à l’âge de l’enfant (transmission bactérienne pour les plus jeunes, conseils de brossage…) - le terrain, permettra ainsi d’adapter son discours aux spécificités de l’enfant, de sa famille, de sa situation… (handicap, placement, situation précaire…) - tout cela, évidemment à moduler en fonction du temps… Il est fondamental également de parler du rôle du chirurgien-dentiste : quel peut-il faire ? A partir de quel âge ? Quelles sont les difficultés éventuelles et comment y répondre (enfant phobique, très jeune, handicapé, en situation de précarité…) ? Nous allons donc à présent détailler les différents sujets propres à la prévention bucco- dentaire de l’enfant de la naissance à l’adolescence. Si l’ensemble de ce document est à connaître, vous pourrez selon les situations auxquelles vous serez confrontées piocher les informations qui vous seront nécessaires. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine LA TRANSMISSION DES BACTERIES CARIOGENES ET LE BROSSAGE DES DENTS… La transmission bactérienne chez les tout-petits… La carie est une maladie infectieuse transmissible. Les principaux responsables sont des bactéries spécifiques dites « cariogènes » appelées les Streptocoques Mutans. L’enfant à la naissance n’a pas de bactéries cariogènes en bouche. La colonisation du milieu buccal se ferait progressivement avec l’âge (Caufield et coll., 1993) et débuterait avant même l’éruption des premières dents, les Streptocoques Mutans pouvant se nicher dans les replis de la langue (Wan et coll., 2001). Elles vont lui être transmises progressivement par son entourage proche notamment lors des gestes du quotidien (Thorild et coll., 2002 ; Sixou et Robert, 2006). Il est important de limiter au maximum cette transmission bactérienne afin de diminuer le risque de carie chez l’enfant. En effet, plus la contamination est précoce et massive, plus l’enfant présentera des risques d’avoir des caries sur ses dents temporaires mais aussi sur ses dents permanentes (Kohler et Andreen, 2010). Cette transmission bactérienne peut se faire par voie directe et indirecte. Transmission directe : en embrassant son enfant sur la bouche ou en le laissant mettre ses mains dans la bouche de quelqu’un (il va en effet mettre sa main dans sa propre bouche par la suite)... Transmission indirecte : en goutant le biberon ou la cuillère de bébé en les mettant dans votre bouche ou en partageant la même brosse à dents par exemple. Pour éviter cela, on conseillera de tester la température du biberon en mettant du lait sur le poignet et la température du petit pot en utilisant une autre cuillère qui n’ira qu’une seule fois dans le petit pot… A chacun sa cuillère, à chacun sa brosse à dents… Parler aux parents du problème récurrent de « la tétine qui tombe par terre ». Beaucoup sont tentés de « nettoyer » la tétine en la passant dans leur propre bouche, ce qui favorise la transmission de bactéries. Proposer aux parents de prévoir plusieurs tétines, d’avoir une petite bouteille d’eau pour la rincer… Parler de situations de la vie quotidienne et proposer des solutions concrètes pour tenter de faire évoluer les choses est fondamental… Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Admettons toutefois aussi qu’il n’est pas toujours facile d’éviter ces gestes à risque de contamination au quotidien. Il faudra donc parler de l’intérêt pour les parents d’avoir eux-mêmes un bon état bucco- dentaire afin de limiter leur propre charge bactérienne et de réduire ainsi les risques de transmission (hygiène bucco-dentaire et soins chez le dentiste devront être encouragés). Il a été montré dans une étude que les mères présentant des caries non soignées multiplient en effet par deux le risque de caries chez leur enfant (Weintraub, 2010). Cette recommandation vaut également pour l’entourage proche du jeune enfant (grands-parents, nourrice…). La transmission bactérienne directe et indirecte peut se faire : - de façon verticale, de l’adulte à l’enfant. Le risque est bien évidemment majoré lorsque les contacts sont répétés et donc avec les personnes s’occupant fréquemment de l’enfant. - de façon horizontale, d’enfant à enfant. Au sein d’une fratrie ou au sein des collectivités (crèche, école…). La charge bactérienne de l’enfant étant moins élevée, le risque est plus limité. Certains gestes pour limiter la transmission indirecte devront toutefois être préconisés (brosses à dents individuelles, couverts individuels, boîte à tétine individualisé…). Malgré ces précautions, des bactéries colonisent progressivement la cavité buccale. Cherchons toutefois à retarder tant que possible cette contamination et à limiter la charge bactérienne transmise. En complément de ces précautions, il convient par ailleurs d’éliminer les bactéries avec l’instauration de mesures d’hygiène bucco-dentaire dès le plus jeune âge. L’hygiène bucco- dentaire commence très tôt chez le tout-petit avant même l’éruption des premières dents. Il faudra l’expliquer aux parents car cela peut paraître très surprenant (informations à fournir idéalement au cours de la grossesse). A partir de quel âge brosser les dents d’un enfant ? Avant l’éruption des premières dents (de 0 à 6 mois environ), on peut nettoyer les gencives de bébé délicatement à l’aide d’une compresse humide (à jeter à chaque utilisation). Il n’y a pas de fréquence de nettoyage imposé, il faut juste essayer de le faire régulièrement pour habituer l’enfant à laisser un parent nettoyer sa bouche. A cet âge, le réflexe de succion est très prononcé et il sera très facile de le faire car l’enfant va très certainement vouloir téter la compresse enroulée autour du doigt de son parent. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Vers 6 mois, il est reconnu que l’enfant aime découvrir le monde qui l’entoure en portant tout à la bouche. On profitera de cet âge d’or pour faire découvrir au tout-petit la brosse à dents avec laquelle il pourra jouer allongé sur la table à langer. La brosse devra rester sur la table à langer afin de rester propre et pour pouvoir s’assurer qu’elle n’est utilisée que sous surveillance parentale. On pourra continuer à utiliser la compresse humide afin de nettoyer les premières dents (=incisives). Un doigtier en silicone ou une toute petite brosse à dents pourront également être utilisés, l’essentiel étant que le parent et l’enfant se sentent confortables avec pour l’utiliser efficacement. L’utilisation d’un gant de toilette est déconseillée car trop volumineux. En cas d’utilisation, il devra être changé à chaque utilisation car la prolifération bactérienne y est rapide et massive. Figure 8 : exemple de matériel disponible pour le brossage des dents du tout-petit (document personnel) Rappelons qu’à cet âge l’enfant aime également beaucoup imiter ses parents. Se brosser les dents devant son enfant est un très bon moyen de lui donner envie de faire pareil… A l’éruption des dents du fond (=molaires), soit vers 12-18 mois, la brosse à dents devient obligatoire (préciser aux parents qu’il ne faut plus utiliser la compresse) afin de nettoyer efficacement les anfractuosités de la molaire. Il faudra insister auprès des parents sur la nécessité d’utiliser une brosse à dents à brins souples avec une petite tête qui devra être changée régulièrement (dès que les poils sont recourbés) pour garder toute son efficacité. Il est possible de conseiller aux parents d’avoir deux brosses à dents : l’une laissée à l’enfant pour « jouer » (toujours sous surveillance), qu’il pourra « mâchouiller », l’autre réservée aux parents pour le brossage qui aura donc une durée de vie un peu plus longue… Plus l’enfant grandit, plus il va vouloir brosser ses dents tout seul. Il est toutefois prouvé que l’enfant avant 8 ans n’a pas une dextérité suffisante pour brosser efficacement toutes les faces de toutes ses dents, et tout particulièrement pour brosser les molaires. Il faudra Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine donc reprendre le brossage après lui jusqu’à ses 8 ans environ. A titre d’exemple, l’enfant doit pouvoir faire ses lacets seul ou écrire en attaché facilement pour être jugé apte à se brosser seul les dents efficacement… On impliquera toutefois l’enfant progressivement selon son âge, ses envies, ses capacités motrices… A quelle fréquence dois-je brosser les dents de mon enfant ? Jusqu’à l’âge de 2 ans, un seul brossage par jour suffit. Celui-ci devra être réalisé le soir et obligatoirement après la dernière prise alimentaire (et donc après l’éventuel « biberon du soir »). Il est en effet courant de compléter le repas du soir des tout-petits par un biberon de lait. Il conviendra d’expliquer aux parents l’importance d’un bon brossage après cette prise sucrée. L’endormissement au biberon (nous reviendrons sur ce sujet par la suite) empêche le brossage du soir (ou limite considérablement son efficacité s’il a eu lieu avant) et est responsable de la majorité des cas de caries précoces de la petite enfance. A partir de 2 ans, le brossage devra être réalisé le matin, après le petit déjeuner et le soir, avant le coucher, là encore après toute prise alimentaire sucrée. L’habitude « du biberon du soir », citée ci-dessus, perdure en effet bien souvent au-delà de l’âge « recommandé » et le sujet devra obligatoirement être abordé avec les parents afin d’adapter au mieux les conseils donnés. Si un 3e brossage peut être proposé, après le déjeuner ou le goûter, il sera bien évidemment encouragé… Faut-il utiliser du dentifrice ? A partir de quand ? En quelle quantité ? Les sociétés françaises, européennes et américaines d’odontologie pédiatrique recommandent l’introduction du dentifrice dès les 6 mois de l’enfant. On utilisera alors une trace de dentifrice déposée sur la brosse à dents. A partir des 2 ans de l’enfant, la quantité de dentifrice augmente et correspond alors à la taille de l’ongle du petit doigt de l’enfant (cette quantité continuera ainsi d’augmenter en fonction de l’âge de l’enfant). Il est important de donner aux parents des repères concrets ! Il est également important de préciser aux parents qu’il ne faut pas toujours se fier aux publicités et qu’une petite quantité de dentifrice suffit pour être efficace. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Quelle concentration de fluor utiliser ? La concentration en fluor devra être adaptée à l’âge de l’enfant. Dès l’apparition de la première dent, les sociétés savantes nationales et internationales préconisent l’utilisation d’un dentifrice à 1000 ppm. A partir de 6 ans, un dentifrice contenant 1450ppm de fluor est recommandé. La quantité de dentifrice à utiliser augmente également puisque celle-ci peut aller jusqu’à toute la longueur de la brosse à dents. REMARQUE : entre 3 et 6 ans, un dentifrice contenant 1450ppm de fluor peut être recommandé par le dentiste s’il juge que l’enfant présente un risque carieux élevé et que le brossage est supervisé par les parents. Et si l’enfant avale son dentifrice ? Il a été montré que plus l’enfant est jeune, plus il avale de dentifrice : 50% entre 2 et 4 ans, 30% entre 4 et 6 ans et 10% à 6 ans (Ellwood et coll., 1998 ; AFSSAPS, 2008). Il est donc important de contrôler la quantité de dentifrice utilisée et sa concentration en fluor pour en limiter l’ingestion. Le brossage des dents doit se faire sous surveillance parentale. Comment brosser les dents d’un enfant ? La meilleure technique de brossage est celle permettant un brossage biquotidien dès 2 ans et efficace… L’absence de plaque dentaire est la meilleure preuve d’efficacité du brossage. Quelle position adoptée ? Il est tout d’abord fondamental de trouver une position confortable pour l’enfant comme le parent lors du brossage. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Pour les plus jeunes, la position allongée s’avère très confortable car fréquente et familière pour l’enfant comme le parent (sur la table à langer, le lit, le canapé…), elle est suffisante au vu du peu de dents présentes en bouche. A l’éruption des molaires, le brossage devient plus compliqué car il faut atteindre les dents du fond. Par ailleurs, l’enfant ayant grandi est potentiellement plus « agité ». Il faudra alors trouver une position confortable permettant de caler la tête de l’enfant (cf photo). Caler l’enfant contre son parent, les deux regardant dans la même direction permet à la tête de l’enfant d’être bien stable, le geste du parent est plus sur (il ne dérape plus). Figure 10 : exemple de position à adopter pour le brossage de dents d’un enfant Cette position de brossage doit être proposée et expliquée aux parents. Il ne faut pas hésiter à leur en faire la démonstration (avec l’enfant s’il accepte ou bien avec une peluche pédagogique). La position face à face peut paraitre plus « spontanée ». Elle est toutefois souvent plus compliquée car la brosse à dents risque de déraper et/ou la tête de l’enfant peut bouger. L’enfant peut alors être blessé (ou au minimum être incommodé) ce qui ne le motivera pas à se brosser les dents par la suite. Quelle technique utiliser ? Idéalement, un brossage efficace est un brossage de toutes les faces de toutes les dents… Toutefois, les enfants ne sont pas toujours compliants et leur capacité d’attention reste bien souvent limitée… Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Chez l’enfant de moins de 6 ans, il faudra privilégier le brossage des faces occlusales des molaires (« le dessus des dents du fond ») en réalisant plusieurs allers-retours de ces dents. Imager le brossage pour le rendre plus ludique en expliquant par exemple que la brosse est posée à cheval sur le dessus des dents, que c’est comme un train sur les rails et on fait « tchou- tchou »… Le brossage de la région cervicale des incisives maxillaires (le haut de la dent vers la gencive) est également très important car c’est là que stagne le lait pour les plus petits (et autres boissons sucrées) consommé par l’enfant. Cette zone est très souvent négligée lors du brossage car nécessite de soulever légèrement la lèvre supérieure de l’enfant pour être accessible. C’est cette même zone qui est la première zone à être cariée dans les cas de caries précoces de la petite enfance. Pour nettoyer cette zone, on fait faire « i » à l’enfant et on brosse en rond (s’aider de l’autre main pour soulever la lèvre de l’enfant facilite souvent les choses). Figure 11 : technique de brossage pour les enfants de moins de 6 ans (Marion Marchal) Il faudra aider le parent à visualiser ces zones, lui expliquer comment y accéder… Là encore, une démonstration sur l’enfant ou à l’aide d’une peluche pédagogique est indispensable pour renforcer le message préventif. Donner un temps de brossage semble très abstrait (même si les recommandations se basent sur 2 minutes de brossage). En réalité, le temps de brossage varie selon le nombre de dents présentes en bouche et selon la compliance de l’enfant. D’un jour à l’autre, cela pourra varier. L’essentiel étant de ne jamais ne pas brosser afin que l’enfant intègre ce geste comme un geste du quotidien. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Chez l’enfant de plus de 6 ans, la technique de brossage va évoluer. Vers 6 ans, il faudra surtout être vigilant face à l’éruption des 1res molaires permanentes, particulièrement sensibles à la carie. Elles évoluent souvent sans que parents et enfants ne rendent compte car elles viennent se positionner à l’arrière des molaires temporaires et ne sont ainsi pas précédées par la chute d’une dent de lait… Leur éruption est particulièrement lente (plusieurs mois) et elles restent ainsi longtemps sous le plan d’occlusion. Elles sont donc difficilement accessibles pour la brosse à dents. Pour ces mêmes raisons, elles ne participent pas à la mastication (pas de chasse naturelle des aliments). Elles sont par ailleurs immatures durant de nombreux mois. Pour toutes ces raisons, elles sont très fragiles et la vigilance doit être accrue. Là encore, l’idée reste de brosser toutes les faces de toutes les dents. Un mouvement oblique ou de rotation va permettre de nettoyer les faces vestibulaires (=l’avant des dents) et les faces palatines / linguales (=l’arrière des dents) en incluant dents + gencive. Figure 12 : technique de brossage pour les enfants de plus de 6 ans (Marion Marchal) Selon la situation et l’âge de l’enfant, le brossage pourra être complété par un brossage inter- dentaire (brossettes ou fil selon les espaces interdentaires présents en bouche). En cas de traitement orthodontique, des explications spécifiques devront être apportées. Là encore, une démonstration permettra de gagner en efficacité. L’utilisation des brossettes interdentaires est obligatoire en cas de traitement avec multiattaches (les « bagues »). L’utilisation d’un révélateur de plaque (Inava Dentoplaque®, Pierre Fabre ; RedCote®, Gum ; Elgydium Dentifrice éducatif®, Pierre Fabre) pourra s’avérer efficace en cas de démonstration de brossage car permet de mieux visualiser les zones mal brossées. Son utilisation à domicile pourra également être conseillée aux parents comme outil de motivation. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Figure 13 : différents révélateurs de plaque à utiliser avec les enfants Que faire si l’enfant refuse de se brosser les dents ? Admettez face aux parents que le brossage est parfois compliqué et expliquez-leur que c’est tout à fait normal et que leur enfant doit certainement s’opposer à eux lors d’autres moments de la vie quotidienne (surtout vers 2 ans) comme par exemple au moment de mettre son manteau, de se couper les ongles ou de manger des légumes... Se servir d’exemples de la vie quotidienne permettra d’illustrer votre propos. Parlez toujours avec bienveillance. Proposez et n’imposez pas. Faire très attention aux propos tenus. Encourager les parents à expliquer à leur enfant le bénéfice du brossage et son intégration dans les gestes du quotidien. Par exemple en leur proposant de dire à l’enfant : « Il y a des jours où tu ne veux pas t’habiller, pourtant on s’habille quand même avant de sortir car c’est important. Pour les dents, c’est pareil !» Tentez d’aborder le brossage sous un aspect ludique. Des livres, comptines ou applications (vous trouverez des exemples à la fin de ce document) peuvent aider… Des défis peuvent également être proposés à l’enfant (qui brosse le mieux ses dents ? qui a les dents qui brillent ?). Donner plusieurs exemples concrets aux parents. Ils pourront alors piocher parmi ces exemples selon le tempérament de leur enfant, leurs habitudes, leurs envies… Insister sur le fait que le brossage (même imparfait ou très bref) doit être réalisé tous les jours. C’est ainsi que l’enfant comprendra que cela fait partie des actes de routine à réaliser quotidiennement. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Que faire si les parents sont opposés à l’utilisation de fluor dans le dentifrice ? Dans un premier temps, il est fondamental d’écouter le discours des parents et de chercher à comprendre ce qui les inquiète… Est-ce réellement le fluor contenu dans les dentifrices ? Ou bien s’agit-il des autres composants plus ou moins identifiés desdits dentifrices ? Il conviendra ensuite de leur expliquer le mécanisme de la carie (comme détaillé au début de ce document) et en quoi le fluor contenu dans le dentifrice est un agent précieux pour lutter contre les lésions carieuses. Pourquoi est-il important d’utiliser un dentifrice fluoré ? Voici une question que de plus en plus de personnes se posent et il est important de pouvoir y répondre de façon précise. Une fois cette question élucidée, vous serez surpris par le nombre de parents acceptant finalement l’utilisation de fluor. Des dentifrices bio et contenant du fluor sont toutefois disponibles sur le marché (Planet Kid pour les moins de 6 ans, certains de la marque Lavera…) même si beaucoup sont sans fluor. Le brossage des dents de l’enfant est fondamental et ce dès le plus jeune âge. Même s’il est souvent compliqué à réaliser par manque de temps, de compliance de l’enfant, d’envie…, il est important d’insister dessus afin que cet acte puisse faire partie du quotidien de l’enfant, adulte en devenir. Les bonnes habitudes se prennent tôt… Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine L’ALIMENTATION DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Fréquence d’ingestion des sucres / quantité de sucre ingéré Avant toute chose, il est important d’expliquer aux parents en quoi l’alimentation peut être à l’origine de caries. En effet, pour beaucoup, caries riment avec consommation de bonbons et de sodas. Même si cela est vrai, c’est toutefois trop réducteur. Il est fondamental d’expliquer que c’est plus la fréquence de sucres ingérés que la quantité de sucres ingérés qui est à l’origine des lésions carieuses. En effet, à chaque prise alimentaire sucré, se produit une diminution du pH intra-buccal (comme sur le schéma présenté au début du document) entrainant alors une déminéralisation des surfaces dentaires. S’il n’y a que 4 prises alimentaires par jour (matin, midi, gouter, soir), les périodes de déminéralisations sont compensées par des périodes de reminéralisation et on se retrouve à l’équilibre. Il faut en effet entre 30 et 60 minutes pour obtenir une remontée suffisante du pH, jusqu’à un pH neutre. En cas de consommation plus fréquente de sucres (même en très faible quantité), le pH ne peut pas retourner à des conditions neutres, il reste acide, et les périodes de déminéralisations des surfaces dentaires sont alors si importantes qu’elles ne peuvent plus être compensées. La surface déminéralisée devient alors cavitaire (« la dent se troue »). Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Figure 6 : alternance des phases de déminéralisation et reminéralisation liées aux prises alimentaires au cours d’une journée (document personnel) Cette notion de fréquence d’ingestion des sucres est très mal connue du grand public. Seule la quantité de sucres semble être importante pour beaucoup de parents… Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine La problématique du biberon la nuit Concernant l’alimentation chez le très jeune enfant, la problématique majeure est liée à l’endormissement avec un biberon contenant un liquide sucré. Au-delà des 6 mois de l’enfant (date d’apparition moyenne des premières dents), endormir un enfant avec un biberon sucré l’expose à un risque accru de lésions carieuses et ce dès l’âge de 1 an. Sont à éviter le lait (même nature – à préciser aux parents car beaucoup pensent qu’il est alors non sucré s’il est nature…), le lait chocolaté, les sodas, les sirops à l’eau, les jus de fruits s’ils sont consommés trop fréquemment et ce surtout pendant les siestes et la nuit. Endormir son enfant avec un biberon de liquide sucré et lui laisser à disposition dans son lit au cours de la nuit est une pratique largement répandue. Cette habitude néfaste est la première cause de caries chez le tout-petit et de loin… En effet, le contenu sucré stagne en bouche durant de longues heures après l’endormissement. Par ailleurs, l’enfant peut téter à volonté son biberon si ce dernier est laissé dans son lit. Au réveil, la quantité consommée pourra éventuellement être faible mais quel que soit cette quantité, le contact de sucre avec les surfaces dentaires aura été quasi permanent, entrainant très rapidement des déminéralisations dentaires. Il faudra donc systématiquement aborder cette pratique avec les parents et leur expliquer en quoi elle est problématique. Figure 14 : enfant s’endormant avec un biberon dans la main (doctissimo.fr) Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Attention toutefois à être dans l’accompagnement et non dans le jugement de ces parents. Il faut garder à l’esprit que même si c’est une pratique à haut risque pour les dents de l’enfant lorsqu’elle est régulière, endormir son enfant avec un biberon le soir et au cours de la nuit reste une méthode particulièrement efficace…. Le lait est un aliment réconfortant pour l’enfant car familier et est donc bien plus accepté que l’eau ! Les difficultés d’endormissement du jeune enfant sont une réalité… Tout autant que la grande fatigue des parents ! Il faudra donc être conscient de cela pour aborder ce sujet et tenter de trouver des solutions main dans la main avec les parents et non pas les laisser avec cette seule information. Être face à son enfant en pleurs qui ne parvient pas à trouver le sommeil peut être particulièrement difficile pour les parents… Pensez épuisement parental, dépression du post-partum, familles nombreuses, isolées… Figure 15 : prévenir l’épuisement parental reste une priorité… Il faudra insister sur le fait que le lait même nature est sucré, car beaucoup de parents l’ignorent. Il n’est pas rare que des parents remplacent le biberon de lait chocolaté du soir par un biberon de lait ou sirop à l’eau… Particularités liées à l’allaitement après 1 an Il faudra absolument avant toute chose avoir un discours apaisé pour aborder ce sujet et se souvenir de la 1re partie de ce document concernant les limites de la bienveillance... Beaucoup de mères se sentent jugées d’avoir fait le choix de poursuivre l’allaitement de leur enfant. En effet, si l’allaitement est très clairement soutenu au cours des premiers mois de l’enfant, les critiques de la société sont fréquentes lorsque celui-ci est poursuivi au-delà des 6 mois de l’enfant. Dans les premiers arguments avancés, très fréquemment par les dentistes, Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine on retrouve celui liée au risque de caries pour l’enfant. Il faudra donc gagner la confiance des parents si l’on souhaite entamer une conversation… Il est important de se rappeler les vertus non discutées de l’allaitement : développement musculaires et stimulation des fonctions oro-faciales (nous reviendrons la dessus plus tard), défenses immunitaires, prévention de l’obésité chez l’enfant, de certains cancers chez la mère… L’allaitement est un choix personnel et intime. Imaginer pouvoir faire changer d’avis une mère (et en vertu de quoi ? …) est totalement illusoire et contraire à l’éthique… Par ailleurs, chaque allaitement est différent (fréquence de tétées diurnes, nocturnes…) et sera ou non selon les situations, accompagné de pratiques à risque cariogène (les dents de l’enfant sont-elles brossées ? l’enfant grignote-t-il pendant la journée ? consomme- t-il d’autres boissons sucrées ?...). Il sera important de proposer un accompagnement spécifique et d’encourager les parents à renforcer les autres mesures préventives pour limiter le risque de caries chez son enfant. Les différents volets de la prévention devront être abordés (non fragmentation des prises alimentaires en dehors des tétées, brossage des dents même si l’enfant tête à nouveau après, consultation régulière chez le dentiste dès 1 an qui adaptera la fréquence des visites au risque carieux de l’enfant). Il ne faudra surtout pas rester focalisé sur l’allaitement de l’enfant. Même si certains enfants allaités longtemps présentent effectivement des lésions carieuses, beaucoup d’enfants allaités en sont totalement indemnes…. Gardons donc toujours cette évidence à l’esprit… afin d’éviter de faire sortir des enfants du parcours de soin. Une maman jugée, critiquée ne reviendra pas consulter… Que proposer aux parents pour gérer la consommation des sucres ? Nous avons tous un goût inné pour le sucre. Inutile donc de l’amplifier. Expliquons aux parents qu’il n’est pas recommandé de proposer des aliments trop sucrés aux plus petits. Les bonbons, sodas, sirops et autres ne sont absolument pas des aliments indispensables pour les plus petits. Ils auront bien assez le temps de les découvrir par la suite. Il faut habituer son enfant à boire de l’eau. Lui en proposer régulièrement et ne pas lui proposer de sirop en complément afin qu’il y trouve un plaisir. Il est possible (et normal) qu’un enfant refuse l’eau au tout début car le lait a été son unique aliment de nombreux mois. Encourager les parents à proposer régulièrement de l’eau, leur suggérer des moyens ludiques (gobelet à bec verseur, bouteille avec « bouchon sport »…). Là encore comme dans tous les Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine conseils que vous pouvez donner, il faut accompagner le parent et tenter de trouver des solutions avec eux… Gardons à l’esprit que nous sommes très souvent face à des parents qui eux-mêmes consomment des boissons sucrées. Il faudra donc réussir à les convaincre du bien-fondé de vos propos en leur apportant de réelles explications et non pas des injonctions. Si l’on souhaite être écouté et avoir un message efficace, il ne faudra pas diaboliser le sucre (quels que soit vos convictions personnelles), car il reste un « réconfort » et un plaisir pour un grand nombre de personnes. On cherchera plutôt à fournir des clés pour une consommation « raisonnée » des sucres. La notion de fréquence d’ingestion des sucres qui est bien plus cariogène que la quantité de sucres ingéré devra être expliquée. Idéalement, on se fiera à la pyramide des aliments et on limitera la consommation d’aliments très sucrés aux moments les plus festifs, rendant ainsi cela exceptionnel. Figure 16 : la pyramide des aliments peut être un bon point de départ de discussion Toutefois, pour les « grands grignoteurs », la solution de la boîte à sucreries pourra être proposée comme compromis intéressant. L’enfant pourra mettre ses sucreries dans sa boîte (venant des anniversaires des copains, de chez mamie, du supermarché…) et il pourra prendre sa boîte à la fin du repas et en manger à ce moment-là (les parents pourront définir un nombre de bonbons autorisé en cas d’abus…). La consommation de sucres à la fin du repas Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine n’est en effet pas à l’origine de caries. Cette solution est souvent plus acceptable pour les parents et permet réguler la consommation de sucreries en douceur… On pourra expliquer aux enfants et à leurs parents que les dents ont besoin « de se reposer » dans la journée pour ne pas avoir de carie et que c’est pour cela qu’en dehors des 4 repas quotidiens, on ne peut consommer que de l’eau… Il n’y a que les sucreries qui sont problématiques ?... En effet, même si tous les parents et enfants sont d’accord pour dire que les bonbons causent des caries, très peu évoquent le problème en cas de grignotage de fruits par exemple au cours de la journée. Même si cela est clairement moins néfaste pour la santé générale, il faudra rappeler que la consommation régulière de sucres est problématique pour les dents quel que soit l’aliment sucré concerné. Il est important par ailleurs d’aborder la notion de sucres cachés. Beaucoup de parents ne comprennent pas pourquoi leur enfant à des caries alors « qu’il n’aime pas le sucre ». La consommation de chips, pain, et autres aliments est également cariogènes puisque ces aliments contiennent des sucres cachés. Enfin, il faudra être prudent notamment face à certains produits comme les tisanes dites « d’endormissement », extrêmement sucrées et données au moment du coucher. Certains médicaments sont également sucrés. Conseillez lorsque cela est possible de privilégier les formules non sucrées. Lorsque cela n’est pas envisageable, faire boire de l’eau à l’enfant après la prise médicamenteuse et lui brosser les dents. L’homéopathie dont l’enrobage est sucré et devant être pris à distance des repas est fréquemment incriminé également… Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine LE ROLE DU CHIRURGIEN-DENTISTE A partir de quel âge est-il recommandé de consulter un dentiste ? La première consultation doit avoir lieu vers 1 an. Elle permet de familiariser l’enfant et ses parents au cabinet dentaire, elle permet de « dédramatiser » la situation dans une ambiance de jeu et de découverte (crocodile, fauteuil = manège, le soleil et le vent de la soufflette), notamment dans les familles où un des parents est mal à l’aise chez le dentiste (cas très fréquents). Précisez que cela facilite les choses si l’enfant doit venir plus tard en urgence (traumatisme ou douleur). Figure 17 : la première visite chez le dentiste, un moment de découverte… (document personnel) Elle permet surtout de donner les informations nécessaires à une bonne santé bucco- dentaire en s’adaptant à l’enfant et à ses spécificités. Enfin, elle permet de dépister d’éventuelles anomalies dentaires ou problèmes particuliers et de les intercepter au plus tôt. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Faut-il soigner les dents de lait ? Beaucoup de parents ont des idées fausses s’agissant des caries chez le tout-petit, pensant notamment que les dents d’un bébé ne peuvent pas se carier ou encore qu’il n’est pas nécessaire de soigner des dents de lait vu qu’elles vont tomber. Il est important de préciser que des caries peuvent survenir chez le tout-petit, elles sont parfois visibles dès l’âge d’1 an. Figure 18 : lésions carieuses et abcès chez un enfant de 15 mois (document personnel) Les caries débutent par des lésions blanchâtres, le plus souvent situées sur le collet des incisives maxillaires, à la limite entre la dent et la gencive. Il faut soulever la lèvre supérieure de l’enfant pour les voir au stade initial. Dépistées précocement, ces lésions carieuses peuvent être stabilisées par la mise en place de mesures préventives et de fluorations topiques régulières. Figure 19 : lésions carieuses débutantes situées au collet des incisives (document personnel) Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Il est important de soigner les caries des dents de lait. Les caries des dents de lait peuvent être à l’origine de plusieurs problèmes pour l’enfant. Il est important d’évoquer ces problèmes avec les familles. - Les douleurs : la constitution de la dent de lait et le comportement de l’enfant (surtout s’il est très jeune) sont tels que les caries peuvent parfois n’être pas douloureuses. La lésion carieuse peut se développer à bas bruit. La douleur ne se produit alors que lorsque l’infection a dépassé les tissus dentaires (cf partie 1). - Les infections avec gonflement des tissus mous (joues, gorge, jusqu’à l’œil parfois). Parfois associées à de la fièvre, une grande fatigue, des difficultés d’alimentation… nécessitant parfois une hospitalisation afin de donner à l’enfant des antibiotiques par voie intra-veineuse, ce qui n’est évidemment pas neutre surtout pour un jeune enfant. Figure 20 : cellulite d’origine dentaire chez un enfant de 3 ans (document personnel) - Les difficultés d’alimentation. Des dents cassées voire absentes compliquent l’alimentation du jeune enfant qui ne réussira pas nécessairement à le verbaliser comme tel. Beaucoup d’enfants polycariés sont des enfants de petit poids. La mastication en sera nécessairement perturbée ce qui engendrera en outre des problèmes de croissance des arcades (cf chapitre dédié). Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Figure 21 : enfant présentant des polycaries, les nombreuses dents à l’état de racines compliquent considérablement l’alimentation (document personnel) - Les difficultés d’élocution du fait de la nécessité des appuis linguaux pour prononcer certains phonèmes. - Les difficultés d’intégration sociale : dès que de multiples caries sont présentes, l’enfant est exposé aux moqueries scolaires engendrant un repli sur soi, l’enfant s’empêche de sourire, ce qui ne facilite pas l’intégration sociale, il évite de parler pour ne pas montrer ses dents, ne participe pas à l’école, reste en retrait… Figure 22 : petite fille de 5 ans présentant de multiples lésions carieuses, sa mère nous relate qu’elle ne sourit quasiment pas à l’école alors qu’elle est très joyeuse au domicile familial (document personnel) Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine - Une carie sur une dent de lait peut abimer la dent d’adulte qui pousse en dessous avant même qu’elle soit en bouche. La dent d’adulte risque alors d’avoir une couleur atypique (tache blanche, jaune ou marron), une forme atypique ou encore faire son éruption au mauvais endroit… Insister auprès des familles sur les points suivants : oui, les dents temporaires (parler « dents de lait » avec les parents) se carient et ce, dès 1 an ! oui, il faut les soigner même si elles vont tomber ! oui, il existe des dentistes qui soignent les dents des enfants même s’ils sont très jeunes et/ou turbulents au fauteuil. Rester immobile pour un enfant est parfois difficile, surtout lorsqu’il est trop petit pour comprendre l’intérêt des soins. Il n’a parfois que les pleurs pour s’exprimer. une carie sur une dent de lait peut infecter la dent d’adulte qui est en dessous. La dent d’adulte risque d’avoir une tâche ou une anomalie de forme. il faut faire des contrôles régulièrement (au moins une fois par an) même si tout semble aller bien (les caries débutantes ne se voient pas sans radiographie, problème d’occlusion…). Un problème traité tôt sera toujours plus facile à gérer… Même sans carie, des contrôles sont nécessaires afin de familiariser l’enfant au cabinet dentaire. A quelle fréquence faut-il aller chez le dentiste ? Là encore, donnez aux parents des repères concrets. En cas de risque carieux individuel faible, * un contrôle tous les ans est nécessaire même si tout semble aller bien. * aux alentours des 6 ans et des 12 ans de l’enfant (date d’éruption des molaires permanentes), un contrôle tous les 6 mois est préférable afin de protéger ces dents le plus tôt possible si nécessaire. En cas de risque carieux individuel élevé, * des contrôles plus réguliers seront nécessaires, tous les 3 à 6 mois. La fréquence des visites sera déterminée par le chirurgien-dentiste en fonction de l’évolution de la situation. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Que faire en cas de traumatismes dentaires chez l’enfant ? Insistez sur la nécessité de consulter au plus vite un chirurgien-dentiste quel que soit le traumatisme dentaire, même si celui-ci semble bénin. Les traumatismes sur les dents temporaires peuvent avoir des répercussions sur les dents permanentes (comme les séquelles causées par une infection sur la dent temporaire, vues précédemment). Changement de couleur, de forme, éruption atypique pourront être observés. Il est donc fondamental de voir un chirurgien-dentiste dès la chute et de faire un suivi clinique et radiologique régulier. Figure 23 : anomalie sur la dent n°11 faisant suite à un traumatisme sur la dent n°51 plusieurs années auparavant. La dent n°11 présente une hypoplasie et une dilacération coronaire (jcda.ca) En cas d’expulsion, récupérer la dent, la mettre dans un milieu humide (lait UHT, sérum physiologique, salive de l’enfant dans un gobelet) et l’amener au plus tôt chez le dentiste. Idem si fragment dentaire cassé. Une dent temporaire ne sera pas réimplantée mais le chirurgien-dentiste pourra vérifier l’intégrité de la dent. Une dent permanente doit être réimplantée le plus vite possible. S’il le peut (et s’il est sur qu’il s’agit de la dent permanente), on encourage le parent à remettre la dent dans son alvéole (dans le trou) et d’aller très rapidement chez son dentiste. Le parent peut toutefois ne pas oser, l’enfant peut avoir peur,… on leur conseillera alors de récupérer la dent et de la conserver dans du lait UHT, du sérum physiologique ou la salive de l’enfant et d’aller chez un chirurgien-dentiste au plus tôt. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Figure 23 : exemple d’affiche informative sur la gestion des traumatismes dentaires chez l’enfant de plus de 6 ans (IADT) Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine LA PREVENTION DE LA CROISSANCE DES ARCADES CHEZ LE JEUNE ENFANT Type d’allaitement Le premier élément permettant de favoriser la croissance des arcades du jeune enfant est l’allaitement maternel, qui constitue une matrice fonctionnel puissante. En effet, ce dernier nécessité un effort clairement supérieur de la part de l’enfant par rapport à un allaitement au biberon et cela stimule la croissance des arcades à un âge particulièrement propice. S’il n’est évidemment pas question de culpabiliser là encore les mères non allaitantes, cette notion est importante à connaitre. En cas d’allaitement au biberon, on recommande de redresser l’enfant afin qu’il soit en position semi-assise ce qui augmentera l’effort de succion et donc stimulera davantage la croissance des arcades. Lavage de nez Il est également fondamental d’insister sur la nécessité d’avoir les narines propres et dégagés ! Le lavage de nez est primordial et il convient d’apprendre aux enfants à se moucher correctement dès le plus jeune âge. En effet, la ventilation doit se faire par le nez et non pas par la bouche afin de favoriser un développement harmonieux des arcades (et de permettre un bon développement cérébral). Un nez bouché en permanence (absence de lavages, rhinites allergiques…) favorise la mise en place d’une respiration buccale. Le quotidien d’un enfant respirateur buccal est compliqué car ce dernier est en permanence fatigué (fatigue, irritabilité, retard scolaire, difficultés de concentration…). Il faudra également être vigilant face au risque de syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil. Succion non nutritive La notion de tétine et de pouce est importante et fait souvent l’objet de questions de la part des parents. Le besoin de succion peut être quasi physiologique chez le tout-petit. Si certains ne le ressentent pas spécifiquement, pour d’autres il est irrépressible et est une source de réconfort indispensable au bon développement de l’enfant. Ce besoin s’atténue vers les 2 ans de l’enfant et devient progressivement une habitude très ancrée, plus qu’un réel besoin… Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Il est important d’encourager la diminution de ces habitudes de succion non nutritives au plus tôt (dès les 2 ans de l’enfant) car les 1ères malformations dentaires peuvent survenir à cet âge. Si certaines seront aisément résolues à l’arrêt de la succion, d’autres causeront des dommages plus difficiles à traiter (notamment en cas d’articulé inversé qui verrouille la croissance et engendre des asymétries de croissance). Nous devons proposer aux parents des clés pour y arriver en s’adaptant à l’âge de l’enfant et à ses habitudes de succion (la tétine reste au lit comme le doudou, le calendrier soleil/nuage, le vernis amer, l’envoi de la tétine au Père Nöel…). Insistez auprès des parents sur l’importance de cet arrêt avant l’éruption des incisives permanentes (en expliquant pourquoi !). Et rappelez-leur qu’il sera plus facile d’arrêter cette succion non nutritive tôt (même si l’enfant parait encore jeune…) car les habitudes seront moins engrammées… Parier sur la prise de décision autonome de l’enfant concernant cet arrêt est un pari risqué, car si cette prise de décision est prise, elle sera souvent trop tardive et des malformations bucco- dentaires seront déjà en place… Pouce ou tétine ? Cette question revient souvent… Il n’y a pas de réponse unique à y apporter. En effet, l’un et l’autre engendrent des malformations bucco-dentaires différentes mais avérées. Ce n’est pas le type d’élément sucé qui influe le plus, mais la position de la langue tout au long de la journée, position influencée par la succion non nutritive. Cette position linguale propre à chaque enfant explique le discours de certains parents affirmant par exemple « que leur ainé a sucé son pouce jusqu’à 10 ans sans avoir aucun souci… ». La notion de facteur individuel est une réalité mais personne n’a la main dessus d’où l’importance de limiter la succion non nutritive le plus tôt possible. Toutefois, on peut s’accorder sur le fait qu’il est clairement plus facile de réguler la succion d’une tétine (alors que le pouce pose plus de difficultés). Selon la volonté des parents, la tétine pourra être laissée dans le lit, ne pas partir en promenade à l’extérieur, être envoyé au Père Noël ou perdue… Beaucoup de parents vous diront toutefois qu’ils n’ont pas réellement eu le choix face à leur enfant car ce dernier n’a jamais accepté la tétine ou ne parvenait pas à prendre son pouce. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Interception et orthodontie Nous ne développerons pas ici le rôle indéniable des traitements orthodontiques, bien connu par la population générale. Il faudra toutefois préciser aux parents qu’en cas de doutes, ils peuvent tout à fait prendre un rdv chez un orthodontiste pour leur enfant. Ce dernier fera un bilan, leur donnera un avis. Cela ne les engage en rien et pourra les rassurer. S’agissant des plus jeunes, il est très important d’avoir à l’esprit quelques notions d’interception orthodontique. Il est en effet tout à fait possible de prendre en charge de jeunes enfants (dès la denture temporaire, dès 3-4 ans) pour réaliser des traitements d’interception. Ces traitements sont simples et de courte durée et permettent la plupart du temps de lever certains verrous de la croissance permettant ainsi un développement harmonieux des arcades, ce qui facilitera grandement (voire supprimera) les éventuels traitements à l’adolescence. Il est donc important d’en informer les parents et les orienter si nécessaire vers des praticiens réalisant ce type de prise en charge. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine POUR CONCLURE… Même si l’on a tous en tête brossage et sucreries lorsqu’on parle de prévention dentaire, la santé bucco-dentaire de l’enfant renferme un ensemble de notions plus vaste et plus spécifique. Les particularités liées à l’âge de l’enfant, à ses capacités psychomotrices, à son environnement familial seront autant d’éléments à prendre en considération pour adapter notre discours. Il faudra également parfois fonctionner par priorité afin de faire évoluer la situation progressivement. Nous ne pourrons bien évidemment pas expliquer l’ensemble de ce document en une seule fois. Il faudra réussir à cibler les besoins / attentes / difficultés spécifiques de l’enfant et de ses parents. Si beaucoup de notions sont à revoir, il faudra avancer pas à pas (par exemple par la limitation / suppression du biberon à l’endormissement / pendant la nuit et par un brossage tous les soirs – certes d’autres choses seront à aborder par la suite, mais c’est deux éléments fondamentaux devront être privilégiés donc il faudra réussir à se limiter à cela dans un premier temps). Pour progresser dans vos messages de prévention, gardez toujours à l’esprit que vous avez face à vous certes une bouche à préserver, mais aussi et surtout un enfant, dans sa globalité, qui vient à vous avec tout un bagage personnel. Réussir à comprendre l’enfant, sa famille et leur fonctionnement est indispensable pour gagner en efficacité et proposer un véritable accompagnement à la parentalité. C’est dès les premières années qu’il faut agir pour accompagner l’enfant et lui permettre d’aller vers un futur sans carie. Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine DES OUTILS SONT A NOTRE DISPOSITION… UTILISONS LES ! Chaque proposition d’outils doit être réfléchie et adaptée à la situation. S’agit-il d’un atelier de prévention collectif ou de propositions individuelles faites aux parents ? Quel âge ont les enfants ? Quelle est leur capacité d’attention ? Quels sont les supports auxquels ils sont habitués ?... Pour exemple : on peut être convaincu des effets néfastes des écrans chez les jeunes enfants, mais pour autant proposer la vidéo de « Peppa Pig va chez le dentiste » à un enfant de 3-4 ans pour introduire le fonctionnement d’une première consultation chez un chirurgien- dentiste peut s’avérer efficace, surtout s’il n’a pas été habitué aux livres… Les supports, s’ils sont indispensables pour faciliter la transmission d’un message, ne doivent pas être utilisés de façon isolée mais bien faire partie d’un projet global afin de gagner en efficacité. Nous vous proposons ici quelques exemples… Cette liste n’est évidemment pas exhaustive et ne demande qu’à être complétée. Les livres : Les dents Collection Mes Ptits Docs, Edition Milan Destiné aux enfants de 3 à 6 ans Peppa Pig va chez le dentiste Edition Hachette Brosse tes dents ! Edition L’élan vert Pour initier le brossage dès 18 mois Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine La tétine de Nina De Christine Naumann-Villemin Edition Ecole des loisirs Les vidéos : Patty et Quentin au pays des dents (disponible sur youtube) Vidéo de 6 min 12 reprenant l’essentiel des informations de prévention bucco- dentaire Accessible à partir de 4-5 ans Les Monsieur Madame Dents propres (disponible sur youtube) Vidéo de 10 minutes 34 secondes Humoristique, utilisable uniquement en complément d’autres informations plus précises. Adibou – pourquoi j’ai mal aux dents ? Vidéo de 5 minutes ludique, consacré à la formation des caries et à la constitution de la dent Accessible à partir de 4-5 ans Adibou – pourquoi je perds une dent ? Vidéo de 5 minutes, ludique imageant la chute de la dent temporaire Adibou – pourquoi je salive ? Cette série Adibou permet de s’adapter au niveau de l’enfant et à ses demandes Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine EXEMPLES D’OUTILS REALISES PAR LES ETUDIANTS EN CHIRURGIE DENTAIRE LES ANNEES PRECEDENTES Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine Références bibliographiques Caufield P.W., Griffen A.L. Dental caries. An infectious and transmissible disease. Pediatr Clin North Am 2000, 47 : 1001-19 Fejerskov O. Changing paradigms in concepts of dental caries: consequences of oral health-care. Caries Res 2004 ; 38 : 182-91 Caufield P.W, Cutter G.R., Dasanayake A.P. 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Fluoride : how to maximise the benefits and minimize the risks. Dent Update 1998 ; 25 : 365-72 Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine AFSAPPS. Mise au point sur le fluor et la prevention de la carie dentaire avant l’âge de 18 ans. Paris : AFSSAPS, 2008 Dr S. Jager, MCU-PH en odontologie pédiatrique à la faculté d’odontologie de Lorraine

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