Cours1histoire1ergénerale - Révolution Française - PDF
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This document provides an introduction to the French Revolution and the emergence of the nation as a political actor. It discusses the 1789 events, including the challenges of the absolute monarchy and the start of the revolution.
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H 1 – La Révolution française et l’Empire (1789-1815) : une nouvelle conception de la nation (cours) Introduction : La Révolution ou l’émergence de la nation comme acteur politique Le 23 juin 1789, le roi envoie un messager, Henri de Dreux-Brezé, pour demander aux dé...
H 1 – La Révolution française et l’Empire (1789-1815) : une nouvelle conception de la nation (cours) Introduction : La Révolution ou l’émergence de la nation comme acteur politique Le 23 juin 1789, le roi envoie un messager, Henri de Dreux-Brezé, pour demander aux députés des états généraux, l’assemblée représentant la population française que le roi avait convoquée le mois précédent, de quitter leur salle de réunion. Certains refusent d’obéir, à l’image de Bailly qui lui rétorque : « La nation assemblée ne peut recevoir d’ordre » ou encore de Mirabeau qui s’écrie : « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance de baïonnettes ». Ainsi, des députés s’opposent à la volonté du roi au nom du fait qu’ils représentent la nation, ici le peuple français. C’est la première fois dans l’histoire de France que l’autorité royale est contestée par une autorité jugée supérieure, celle qui vient de la nation. Ce terme de nation désigne à l’origine un groupe uni par un sentiment d’appartenance commune, autrement dit un peuple qui a conscience d’avoir des caractéristiques commune (un même territoire, une langue commune, un même Etat, une histoire partagée, …). A partir de juin 1789, la nation devient un acteur politique qui conteste la monarchie absolue, le régime politique dirigé par un roi détenant tous les pouvoirs, qui existait depuis plus de deux siècles en France. C’est une des transformations majeures dues à la Révolution française. On appelle ainsi la période pendant laquelle la France a connu d’intenses bouleversements, notamment politiques, mais aussi sociaux, religieux et économiques. Elle commence en 1789, plus précisément en juin 1789, lorsqu’une assemblée, qui se veut nationale, remet en cause la monarchie absolue. Le pays fait alors l’expérience de plusieurs régimes politiques, passant de la monarchie absolue à une monarchie limitée ou constitutionnelle (régime politique dans lequel le roi partage ses pouvoirs avec un parlement), puis à une république (régime politique dont les dirigeants sont élus), avant l’instauration d’un empire (régime politique de type monarchique dont le dirigeant porte le titre d’empereur). Les historiens débattent du moment auquel la Révolution s’achève. Plusieurs dates sont ainsi avancées – les plus courantes sont 1799 (avec le coup d’Etat de Napoléon Bonaparte et la mise en place d’un pouvoir plus personnel) et 1815 (avec la chute du Ier Empire instauré par Napoléon). L’intitulé du chapitre fait le choix de distinguer la Révolution et l’Empire – ce qui suppose de borner la Révolution entre 1789 et 1804, puisque l’Empire débute avec le sacre de Napoléon I er en 1804. On peut cependant parler de la Révolution française pour toute la période allant de 1789 à 1815. Problématique : Dans quelle mesure la Révolution française (de 1789 à 1815) a-t-elle contribué à transformer la nation française ? Rappels de Seconde : Pourquoi une révolution éclate-t-elle en France en 1789 ? Un événement d’une telle ampleur ayant mobilisé autant d’acteurs, pendant autant de temps, ne peut avoir une seule cause simple. Il faut donc envisager que le déclenchement de la Révolution a été favorisé par tout un ensemble de facteurs. Tout d’abord, la monarchie française fait l’objet de critiques croissantes au fur et à mesure du XVIIIe siècle, sous l’influence du mouvement des Lumières : un ensemble de penseurs européens encouragent l’usage de la raison, la défense des libertés et la diffusion des connaissances au nom du progrès. Ce faisant, ils remettent en cause certains fondements de l’organisation politique et sociale du pays. Ainsi, dans De l’Esprit des lois (1748), le Français Montesquieu défend l’idée que les trois grands pouvoirs – le pouvoir législatif (de faire les lois), le pouvoir exécutif (de les faire appliquer) et le pouvoir judiciaire – doivent être séparés, c’est-à-dire détenus par des personnes différentes, sinon il y a un risque de tyrannie. C’est une critique à peine voilée de la monarchie absolue dans laquelle le roi détient ces trois pouvoirs. D’autres auteurs, comme l’Anglais Locke ou le Français Diderot définissent le droit de résistance à l’oppression, autrement dit le droit de se révolter contre un pouvoir violent et tyrannique. Diderot ou le Suisse Rousseau estiment qu’il existe des droits naturels et inaliénables, des droits comme la liberté, l’égalité, la propriété que les hommes ont dès la naissance et qu’on ne peut leur enlever. Cette théorie vient contredire l’organisation de la société française qui est, depuis le Moyen Age, une société d’ordres, c’est-à-dire divisée en trois ordres ou groupes : le clergé, la noblesse et le tiers état. Cette tripartition était à l’origine justifiée par la fonction de chaque ordre : le clergé correspond à 1% de la population et regroupe ceux qui prient pour le reste de la société – d’où son statut de premier ordre ; la noblesse (2% de la population) doit rassembler ceux qui combattent – d’où son statut de deuxième ordre ; enfin, le tiers état comprend les 97% restants, soit tous ceux qui travaillent – d’où son statut plus ordinaire. La théorie des droits 1 naturels, selon laquelle tous les hommes seraient égaux, sape les fondements de la société d’ordres car cette dernière est très inégalitaire. En effet, chaque ordre et même divers groupes à l’intérieur de chaque ordre ont des privilèges, c’est-à-dire des droits que les autres n’ont pas. Par exemple, les deux premiers ordres ont des privilèges fiscaux (concernant les impôts) : les clercs et les nobles ne paient pas la plupart des impôts directs dus au roi, contrairement aux roturiers (membres du tiers état). En outre, ces deux ordres privilégiés perçoivent certains impôts : le clergé reçoit la dîme et les seigneurs nobles prélèvent des impôts seigneuriaux. Précisons que les roturiers ne sont pas pour autant tous pauvres : au sein du tiers état, il y a certes des vagabonds et des ouvriers agricoles, mais il y a aussi de riches laboureurs ou des marchands, des banquiers qui sont souvent bien plus riches que les membres du bas clergé (prêtres ou moines) et de la petite noblesse (petits seigneurs de province). Dans leur critique de la monarchie absolue française, les philosophes des Lumières s’inspirent de l’étranger. La monarchie limitée anglaise apparaît à beaucoup, tel le Français Voltaire, comme un modèle, par son respect des libertés fondamentales (d’expression, de religion et de commerce). La naissance de la république des Etats-Unis durant la Révolution américaine (1776-1787) suscite elle aussi beaucoup d’intérêt. En plus de ces critiques, la monarchie française connaît une crise à la fin du XVIIIe siècle. Cette crise est d’abord financière : la monarchie est très lourdement endettée car elle dépense chaque année bien plus que ce qu’elle gagne en impôts. La dette publique a augmenté durant la Révolution américaine car la France a participé militairement à la guerre d’indépendance des Etats-Unis (1776-1783). La crise financière est à l’origine d’une crise politique. En effet, le seul moyen efficace de réduire la dette est d’augmenter les recettes (entrées d’argent), autrement dit les impôts. Pour cela, la première solution serait de faire payer des impôts aux trois ordres, mais les deux premiers s’y opposent. L’autre solution serait d’augmenter les impôts existants, mais le tiers état risque de s’y opposer, d’autant qu’il est confronté à une crise sociale liée aux récoltes qui sont mauvaises dans les années 1780 : le blé est plus rare, donc son prix augmente – ce qui fragilise les plus démunis. Dans ce contexte de disette (manque de nourriture), les émeutes de subsistance (ou révoltes de la faim) sont de plus en plus fréquentes. Face à la crise financière et politique, Louis XVI n’ose pas imposer de décision impopulaire et décide à la fin de 1788 de convoquer les états généraux, une assemblée regroupant des représentants des trois ordres. Dans le même temps, il demande aux Français de mettre par écrit leurs motifs de mécontentement et leurs souhaits de changement dans des cahiers de doléances. Dans ces textes, les Français montrent un profond respect pour le roi : ils le considèrent comme un père protecteur et bienfaiteur, mais les roturiers en attendent des réformes. Les cahiers du tiers état dénoncent presque tous les privilèges et demandent plus d’égalité ; ils réclament aussi assez souvent la mise en place d’une assemblée qui représenterait la nation pour fixer le montant des impôts. La plupart des Français ne remettent donc pas en cause la monarchie en elle-même, mais la monarchie absolue et la société d’ordres. I. La fin de la monarchie (1789-1792) Comment et pourquoi la monarchie française, pourtant pluriséculaire, s’est-elle effondrée ? A. La fin de l’Ancien Régime (1789) Pourquoi et comment l’ordre politique et social existant depuis plusieurs siècles s’effondre-t-il en 1789 ? 1. La révolution politique des députés : la fin de la monarchie absolue L’assemblée des états généraux s’ouvre à Versailles, le 5 mai 1789. Les députés des trois ordres ne sont alors pas animés d’intentions révolutionnaires (les cahiers de doléances en témoignent). Cependant, les représentants du tiers état sont vite déçus : d’abord car le roi ne propose aucune réforme, souhaitant simplement augmenter les impôts ; ensuite parce que le roi refuse de changer le mode de scrutin (la façon de voter) aux états généraux – il s’agit d’un vote par ordre (chaque ordre a une voix) – qui favorise les deux ordres privilégiés. Pour sortir de cette impasse, les députés du tiers, considérant qu’ils sont élus par 97% de la nation, se proclament Assemblée nationale le 17 juin 1789. C’est le premier acte révolutionnaire car cela entraîne un transfert de souveraineté (détention du pouvoir sur un territoire et ses habitants) : l’existence d’une assemblée nationale remet en cause la souveraineté du roi et instaure la souveraineté de la nation ou souveraineté nationale. Le roi, qui ne veut pas céder, mais n’ose pas réprimer, fait fermer la salle de réunion de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi le 20 juin, les députés du tiers, rejoints par quelques représentants des autres ordres, se replient sur la salle du Jeu de Paume ; ils y jurent de ne pas se séparer avant d’avoir donné au pays une constitution, 2 c’est-à-dire d’un texte de lois définissant l’organisation des pouvoirs : c’est le serment du Jeu de Paume. Ainsi, les députés annoncent la mise en place d’une monarchie constitutionnelle ou limitée, ce qui confirme la fin de la monarchie absolue. La révolution politique des députés s’est donc déroulée sans violence. Le roi ne proteste pas ; il invite même les députés des deux autres ordres à rejoindre l’assemblée, désormais appelée Assemblée nationale ou Assemblée constituante. Toutefois, au début juillet, Louis XVI fait venir des troupes autour de Paris et Versailles, sans doute pour se protéger d’un coup de force ou pour intimider les révolutionnaires. 2. La prise de la Bastille : l’entrée du peuple sur la scène politique Les Parisiens suivent avec passion l’action des députés, mais beaucoup souffrent de la misère et de la faim (le blé manque car la récolte de l’été 1788 a été mauvaise et celle de 1789 n’a pas encore commencé). Ils sont en outre inquiets de l’arrivée de troupes royales. C’est pourquoi les sans-culottes (nom alors péjoratif donné aux militants révolutionnaires issus des catégories populaires) décident le 11 juillet 1789 de former une nouvelle autorité municipale : la Commune de Paris. Le 13 juillet, celle-ci vote la création d’une milice constituée de volontaires pour défendre la ville et soutenir l’Assemblée nationale : la Garde nationale dont le commandement est confié à un noble acquis aux idées des Lumières, le marquis de La Fayette. Le 14 juillet, les gardes nationaux accompagnés de centaines de Parisiens partent à la recherche d’armes : ils pillent d’abord l’Hôtel des Invalides, puis la prison de la Bastille. Même s’il n’y avait que 7 prisonniers, cette forteresse était un symbole de la monarchie absolue car le roi pouvait y faire enfermer qui il souhaitait. Le 14 juillet 1789 marque ainsi l’entrée du peuple (au sens des catégories modestes de la population, par opposition aux élites dirigeantes) dans la Révolution : les Parisiens manifestent alors leur soutien à l’Assemblée dans sa lutte contre la monarchie absolue. Le roi refuse de réprimer cette révolte. Au contraire, il rencontre le 17 juillet les dirigeants de la Commune de Paris qui lui remettent une cocarde tricolore (faite de rouge et de bleu, les couleurs de la ville de Paris et de blanc, la couleur de la monarchie) : le roi l’accepte en signe d’apaisement et éloigne ses régiments. 3. La Grande Peur des campagnes et la fin de la société d’ordres Dans les campagnes, la nouvelle de la révolte parisienne suscite des rumeurs, notamment la crainte que les nobles n’exercent des représailles contre les roturiers. Pour se défendre, des paysans se révoltent à partir du 20 juillet 1789 contre les châteaux : ils y détruisent les registres seigneuriaux, où étaient consignés les impôts dus au seigneur. Cette période de révoltes paysannes a été baptisée la Grande Peur par les historiens. Hostile à ces violences, une partie de la noblesse choisit de quitter la France à partir de l’été 1789. Ces émigrés organisent peu à peu des armées contre-révolutionnaires avec l’aide des monarchies étrangères. Pour mettre fin aux violences paysannes, l’Assemblée nationale vote, à l’initiative de quelques députés nobles, l’abolition de la dîme, des impôts seigneuriaux et de tous les privilèges dans la nuit du 4 août. Ainsi, la révolution du peuple, à l’été 1789, a mis fin à la société d’ordres et à ses inégalités. Le 26 août, l’adoption par l’Assemblée de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen confirme les acquis politiques et sociaux de la Révolution : l’article 1er entérine la fin de la société d’ordres (« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ») et l’article 3 définit le transfert de souveraineté (« Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation »). L’expression d’« Ancien Régime » commence alors à être utilisée par les députés pour désigner l’organisation politique et sociale d’avant 1789 (la monarchie absolue et la société d’ordres) à laquelle la Révolution a mis fin. Les libertés acquises en 1789 favorisent le développement de la presse : entre le début et la fin de l’année, le nombre de journaux passe d’environ 150 à près de 350. Nombre de ces titres suivent l’actualité politique, comme Les Révolutions de France et de Brabant de Camille Desmoulins, avec parfois des caricatures comme Les Actes des Apôtres. De même, les nouvelles libertés permettent la multiplication des clubs politiques, c’est- à-dire de lieux de discussion et de réflexion qui sont les ancêtres des partis politiques contemporains. Ces clubs reflètent des orientations politiques diverses : le club des Feuillants est pour une monarchie limitée ; le club des Jacobins et celui des Cordeliers (créé plus tard que les deux autres, en 1790) veulent plus défendre les intérêts des plus pauvres. Ces clubs parisiens ont des filiales en province et permettent une politisation de la population (un renforcement de l’intérêt pour la politique). B. L’expérience de la monarchie limitée (fin 1789-août 1792) Quel est l’œuvre de la monarchie limitée et pourquoi ne dure-t-elle pas ? 1. La lente construction d’une monarchie constitutionnelle La construction du nouveau régime prend du temps car la rédaction de la constitution suscite d’intenses débats à l’Assemblée, tel celui sur l’hypothèse de donner au roi un droit de veto, c’est-à-dire la possibilité de 3 s’opposer une proposition de loi des députés. Ce débat est à l’origine du clivage politique entre la droite et la gauche en France, puisque les députés favorables au veto se placent à droite de la salle et ceux qui y sont opposés s’asseyent à gauche. Les députés accordent finalement, en septembre 1789, au roi un veto non pas total, mais suspensif ou temporaire, d’une durée de 4 ans. Aussitôt, le roi tente de reprendre l’initiative en mettant son veto sur les décrets du 4 et du 26 août 1789. Cela déclenche un nouvel épisode révolutionnaire : les 5 et 6 octobre, des milliers de Parisiennes se rendent à Versailles, d’abord pour réclamer du pain au roi. Il faut dire que la récolte de 1789 n’a pas été meilleure que celle de 1788. Les femmes ont donc encore confiance en Louis XVI. Les révolutionnaires sont déçus par son veto, mais cela est dû, pense-t-on, à ses mauvais conseillers. C’est pourquoi les femmes contraignent aussi le roi à venir habiter à Paris, afin de le soustraire de l’influence jugée néfaste de la cour, en particulier de la reine Marie-Antoinette, littéralement détestée. Le roi s’installe donc à Paris au palais des Tuileries, suivi de l’Assemblée, qui continue à réformer le pays. La constitution est finalement adoptée en septembre 1791 et instaure une monarchie constitutionnelle, dans laquelle le roi détient le pouvoir exécutif, mais c’est l’Assemblée législative qui joue un rôle central, puisqu’elle détient le pouvoir législatif et a seule l’initiative des lois. Cette assemblée est élue au suffrage censitaire, ce qui signifie que seuls les citoyens les plus riches peuvent voter : ces citoyens actifs sont un peu plus de 4 millions, contre 3 millions de citoyens passifs (c’est-à-dire d’hommes n’ayant pas le droit de vote). La souveraineté nationale n’est donc pas totalement démocratique, puisque tous les Français majeurs n’ont pas le droit de vote : sont exclus les hommes ne payant pas d’impôt, ainsi que toutes les femmes. L’écrivaine Olympe de Gouges publie alors une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne qui affirme notamment que « la femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits »). 2. Des réformes nombreuses pour réorganiser le pays Au-delà des institutions, l’Assemblée nationale constituante réorganise profondément le pays. Elle adopte tout d’abord des réformes administratives. En février 1790, l’Assemblée nationale constituante supprime toutes les circonscriptions administratives d’Ancien Régime (les généralités, les provinces, les baillages, …) et elle crée à la place 83 départements. Ainsi, elle redécoupe le territoire de façon uniforme et égalitaire : les départements ont une superficie similaire, qui doit permettre à tout habitant de se rendre au chef-lieu du département et d’en revenir en une journée de cheval. Autre réforme importante, les fonctionnaires (ou agents de l’Etat) sont désormais élus et ne sont plus propriétaires de leur charge : c’est le cas des juges par exemple. La justice devient d’ailleurs gratuite, donc accessible à tous. Ces réformes administratives contribuent à uniformiser l’administration du pays. L’Assemblée vote aussi plusieurs réformes économiques qui garantissent plus de liberté : la liberté d’exercer le métier de son choix, mais aussi la liberté d’entreprendre (auparavant, la noblesse n’avait pas le droit de faire du commerce). Une autre réforme notable est l’harmonisation des poids et des mesures sur tout le territoire, avec l’adoption du système métrique, ce qui contribue là aussi à l’uniformisation nationale. Enfin, l’Assemblée adopte des réformes religieuses. En novembre 1789, a lieu la nationalisation des biens du clergé : les terres et les immeubles qui appartenaient à l’Eglise catholique deviennent propriété de la nation et sont gérés par l’Etat. En contrepartie, l’Etat prend en charge le salaire des prêtres, mais aussi les frais des hôpitaux et l’aide aux plus démunis – des dépenses sociales autrefois assurées par l’Eglise. Cette réforme vise à réduire l’influence du clergé, mais elle sert aussi à rembourser la dette de l’Etat car très vite, les biens du clergé sont en partie mis en vente. 3. De la Fête de la Fédération à la Constitution civile du clergé : une unité fragile dans le pays Le 14 juillet 1790 est organisée au Champ-de-Mars à Paris, la Fête de la Fédération. Devant des centaines de milliers de spectateurs, le président de l’Assemblée nationale prête serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi. A son tour, Louis XVI jure de respecter la constitution et de faire appliquer les lois. La cérémonie s’achève dans une atmosphère d’union nationale, aux cris de « Vive la nation ! Vive le roi ! » A cet instant, la Révolution semble close et la monarchie limitée bien installée. Cependant, l’unité nationale ne dure guère. En effet, les réformes religieuses ont suscité des tensions. En juillet 1790, l’Assemblée adopte la Constitution civile du clergé qui contraint les prêtres à prêter un serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi. Au début de 1791, le pape Pie VI condamne cette obligation en arguant que les prêtres ne peuvent avoir qu’un seul supérieur : lui-même. Cela provoque une division au sein du clergé entre les prêtres jureurs et les prêtres réfractaires – ces derniers étant particulièrement nombreux dans le grand Ouest, en Vendée notamment. C. La chute de la monarchie constitutionnelle (juin 1791-septembre 1792) 1. La fuite du roi et le divorce progressif entre les Français et le roi 4 Jusqu’en 1791, le roi garde la confiance des Français, car il semble accepter les réformes de l’Assemblée, même si c’est bien souvent à contre-cœur. Son opposition à la Révolution apparaît plus clairement lorsqu’on apprend qu’il a tenté de fuir le pays, avant d’être arrêté à Varennes le 21 juin 1791, puis ramené à Paris le 25. En partant, Louis XVI a laissé une lettre déplorant le fait que l’Assemblée lui ait ôté presque tous ses pouvoirs et considérablement diminué ses revenus, donc son train de vie. En fuyant, son objectif était vraisemblablement que les rois étrangers et les émigrés l’aident à reconquérir son pouvoir. Pour assurer la survie de la monarchie limitée, l’Assemblée décide de maintenir Louis XVI sur le trône et de faire croire qu’il aurait été victime d’un enlèvement. Cependant, tous les Français ne sont pas dupes : beaucoup, notamment à Paris, perçoivent cette tentative de fuite du roi comme une trahison. C’est pourquoi le club parisien des Cordeliers, proche des sans-culottes, adresse une pétition à l’Assemblée demandant la déchéance du roi. Il appelle aussi à manifester le 17 juillet 1791 sur le Champ-de-Mars à Paris contre la monarchie et pour la république. La manifestation est interdite par l’Assemblée qui envoie la Garde nationale. La foule refusant de se disperser, la Garde dirigée par La Fayette tire sur le peuple, faisant environ 50 morts. Ainsi, la tentative de fuite du roi précipite non seulement le divorce entre la nation et son roi, mais aussi entre le peuple parisien et les députés. 2. L’entrée en guerre contre l’Autriche confirme le double-jeu du roi Après l’adoption de la constitution en septembre 1791, la nouvelle Assemblée législative est élue (au suffrage censitaire, on l’a vu) : elle est dominée par les députés proches de Brissot, appelés Girondins. Ces derniers sont favorables à une guerre contre les émigrés, qui ont placé des armées aux frontières, et contre les pays qui les soutiennent, l’Autriche et la Prusse. Les Girondins pensent aussi qu’une guerre permettrait de diffuser les principes de la Révolution en Europe. Le roi est lui aussi partisan d’une guerre, mais sans doute car il espère qu’une défaite de la France lui permettrait de restaurer l’Ancien Régime. C’est ainsi que le 20 avril 1792, la France déclare la guerre à l’Autriche, vite rejointe par la Prusse. Les premières batailles sont un désastre pour l’armée française (affaiblie par l’émigration d’une grande partie de ses officiers) : les armées ennemies envahissent le nord-est du pays et se rapprochent de Paris. Le 25 juillet 1792, le duc de Brunswick, le chef de la coalition austro-prussienne, adresse aux Français un manifeste menaçant de détruire Paris si la vie du roi est menacée. Ce texte, connu sous le nom de manifeste de Brunswick, confirme l’idée que le roi est soutenu par l’étranger et qu’il mène un double-jeu. 3. La prise des Tuileries et la chute de la monarchie Le manifeste de Brunswick provoque la fureur des sans-culottes et renforce leur volonté de remplacer la monarchie par une république. C’est ainsi que le 10 août 1792, les sans-culottes parisiens attaquent le château des Tuileries à Paris, avec l’aide de fédérés (des volontaires venus de province pour repousser l’invasion austro-prussienne), pour s’emparer du roi. Les combats contre les gardes suisses sont acharnés et font environ 1000 morts. Tandis que les sans-culottes prennent le palais, la famille royale se réfugie à l’Assemblée voisine, mais elle y est arrêtée. Sous la pression populaire, l’Assemblée décide de suspendre le roi, mais aussi de s’auto-dissoudre et d’organiser de nouvelles élections législatives, pour la première fois au suffrage universel masculin (tous les hommes majeurs et de nationalité française ont le droit de vote). Dès son ouverture, le 21 septembre 1792, la nouvelle assemblée, baptisée Convention nationale, proclame la République, la première de l’histoire de France. La veille, la victoire française de Valmy avait écarté la menace austro-prussienne. C’est d’ailleurs au cours de l’été 1792 que Rouget de Lisle compose le chant de guerre vite surnommé « la Marseillaise », afin d’encourager les Français à défendre la patrie. Ainsi, le 10 août 1792 apparaît comme le début d’une seconde Révolution (après celle de 1789), une révolution essentiellement populaire car menée avant tout par les sans-culottes, et dirigée contre le roi mais aussi contre une Assemblée restée favorable à la monarchie limitée. II. Les débuts difficiles de la Ière République (1792-1799) Pourquoi la Ière République française est-elle aussi instable ? A. La République girondine face aux menaces intérieures et extérieures (septembre 1792-juin 1793) 1. La Convention dominée par les Girondins Au sein de la Convention, trois groupes se dégagent : les Girondins (avec 160 députés), les Montagnards (200) et la Plaine (389). 5 Les Girondins (parmi lesquels Brissot, Condorcet, Roland) sont des républicains mais qui se méfient des excès du peuple. Ils condamnent par exemple les massacres de septembre 1792 perpétrés par des sans-culottes contre des centaines de prisonniers royalistes. Ce rejet des violences populaires permet aux Girondins d’être soutenus par la plupart des députés de la Plaine (eux aussi modérés) et de dominer ainsi l’assemblée. Les Montagnards (Robespierre, Danton, Marat, Saint-Just, Desmoulins) sont quant à eux plus proches du peuple, car ils estiment que seul l’appui des sans-culottes leur a permis de mettre fin à la monarchie. Pour eux, les violences populaires s’expliquent avant tout par les inégalités sociales : à condition de réduire ces inégalités et d’éduquer le peuple, les violences devraient cesser. 2. Le procès et l’exécution du roi (décembre 1792-21 janvier 1793) Une des premières décisions de la Convention, en septembre 1792, est de juger le roi. Après l’instruction (ou enquête), lors de laquelle on découvre des documents compromettants pour le roi (comme sa correspondance dans la fameuse armoire de fer), le procès se tient en décembre. Le 15 janvier 1793, le roi est finalement reconnu coupable de trahison et condamné à mort par la Convention. Il est guillotiné le 21 janvier 1793. L’exécution du roi est lourde de conséquences car elle entraîne une radicalisation des oppositions à la République française, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. 3. La République face à des dangers croissants De nouveaux pays rejoignent l’Autriche et la Prusse dans la guerre contre la France (l’Espagne, l’Angleterre, les Provinces-Unies, le Piémont, …), bien décidés à renverser la république et à empêcher la diffusion des idées révolutionnaires. Seule contre l’Europe, la France est alors attaquée de tous côtés et accumule une nouvelle fois les défaites. Pour défendre le pays, la Convention vote en février 1793 la levée en masse de 300 000 hommes tirés au sort. En Vendée, région royaliste de nombreux paysans refusent d’être mobilisés et en mars la région se soulève contre la République. L’Armée catholique et royale vendéenne inflige plusieurs défaites aux troupes républicaines à l’été 1793. C’est seulement à la fin de 1793 que les « Bleus » républicains viennent à bout des « Blancs » contre-révolutionnaires. B. La République montagnarde et la « Terreur » (juin 1793-juillet 1794) 1. L’arrestation des Girondins et le début de la Convention montagnarde Entre-temps, les Montagnards prennent la direction du pays. Le 31 mai puis le 2 juin, des milliers de sans- culottes parisiens se révoltent contre la Convention : ils demandent et obtiennent l’arrestation des chefs girondins, accusés de ne pas avoir adopté de mesures assez fermes face aux ennemis de la Révolution. Ainsi, avec l’appui des sans-culottes, les Montagnards prennent le contrôle de l’assemblée. En province, de nombreux révolutionnaires proches des Girondins dénoncent ce coup d’Etat parisien et refusent d’obéir à la nouvelle Convention. Des révoltes dites fédéralistes éclatent dans plusieurs grandes villes (Lyon, Marseille, Bordeaux). La France est donc confrontée à une guerre civile, en plus de la guerre extérieure. 2. Le gouvernement révolutionnaire Face à ces périls, la Convention montagnarde suspend la constitution et les élections jusqu’au retour de la paix. L’assemblée siège toujours, mais pour plus d’efficacité, le gouvernement est confié à un Comité de Salut public, d’une dizaine de membres, dominés par Robespierre. On parle d’un gouvernement révolutionnaire, une sorte de dictature temporaire visant à sauver la patrie. Pour lutter contre les ennemis intérieurs et extérieurs, les Montagnards adoptent une série de mesures exceptionnelles. La levée en masse d’août 1793 permet de porter les effectifs de l’armée française à près d’un million d’hommes, soit presque autant que leurs adversaires réunis. La loi des suspects de septembre 1793 permet d’emprisonner tous les opposants : ils sont ensuite jugés de façon expéditive, sans avocat, par le Tribunal révolutionnaire qui, à partir de juin 1794, ne peut prononcer que l’acquittement ou la peine de mort. On observe donc une radicalisation de la Révolution : elle est liée non seulement au contexte de guerre, mais aussi à la pression des sans-culottes qui, à plusieurs reprises, envahissent la Convention pour demander des mesures énergiques. Le bilan du gouvernement révolutionnaire est très lourd : plus de 20 000 exécutions, auxquelles s’ajoutent plus de 100 000 victimes de la guerre civile en Vendée. Cependant, les mesures dictatoriales du gouvernement révolutionnaire ont permis de sauver la République : à la fin de 1793, les ennemis de l’intérieur (royalistes en Vendée ou ailleurs et fédéralistes) et ceux de l’extérieur sont repoussés, sans être vaincus tout à fait. 6 3. La division des Montagnards et la chute de Robespierre Dès lors, les Montagnards se divisent sur la marche à suivre : les Indulgents ou dantonistes veulent arrêter la Terreur qui n’est plus jugée nécessaire, tandis que les Enragés ou hébertistes souhaitent l’accentuer pour écarter définitivement les menaces pesant sur la Révolution. Robespierre et ses partisans considèrent qu’il faut rester unis face aux périls qui menacent toujours le pays. Pour cette raison, le gouvernement révolutionnaire fait éliminer les Enragés en mars 1794, puis les Indulgents en avril. Néanmoins, une majorité de députés (notamment ceux de la Plaine) prennent peur et craignent que Robespierre ne mette en place une dictature personnelle après avoir éliminé tous ses ennemis. Le 27 juillet 1794 (ou 9 thermidor an II selon le calendrier révolutionnaire adopté en 1793), la Convention décrète l’arrestation des robespierristes, qui sont exécutés le lendemain. Le gouvernement révolutionnaire est aboli, ainsi que toutes ses mesures exceptionnelles. C’est alors que les adversaires de Robespierre popularisent l’appellation de « la Terreur » pour désigner péjorativement et donc condamner la politique des Montagnards, ainsi que la période pendant laquelle ils ont été au pouvoir (juin 1793-juillet 1794). C. Le Directoire (août 1794-novembre 1799) 1. La volonté de trouver un régime stable pour terminer la révolution Après la chute de Robespierre, ce sont les députés modérés de la Plaine qui prennent le pouvoir. Leur objectif est de mettre fin à l’instabilité et de clore la Révolution. Pour ce faire, ils adoptent en août 1795 une nouvelle constitution qui met en place un régime baptisé le Directoire. Il s’agit d’une république, car les dirigeants sont élus, mais d’une république conservatrice, car le suffrage universel est remplacé par un suffrage censitaire : sur 28 millions d’habitants, le pays ne compte que 6 millions de citoyens actifs. Pour éviter une nouvelle dictature, le pouvoir exécutif est confié non pas à une mais à 5 personnes, les Directeurs (d’où le nom du régime). De même, le pouvoir législatif est divisé en deux chambres. 2. Une république fragile et menacée Cependant, ce nouveau régime est vite impopulaire et instable. En effet, le Directoire est contesté à gauche comme à droite. A gauche, les sans-culottes réclament des mesures sociales en faveur des plus pauvres et le retour du suffrage universel. Ils se révoltent d’ailleurs dès le 1er prairial an III (20 mai 1795) : dans un contexte de disette et de hausse des prix, ils envahissent l’assemblée ne réclamant « du pain et la constitution de l’an I ». En 1796, plusieurs anciens Montagnards emmenés par Babeuf échafaudent un projet de coup d’Etat contre le Directoire – la Conjuration des Egaux – mais le complot est presque aussitôt déjoué. A droite, les royalistes connaissent un regain de popularité. Ils profitent notamment de la lassitude de nombreux Français vis-à-vis de l’instabilité et des violences. Le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), ils appellent à la révolte contre le Directoire, mais celle-ci est violemment réprimée par l’armée. En 1797, les royalistes gagnent les élections. Pour sauver la République, elles sont annulées par les Directeurs qui envoient l’armée arrêter les chefs royalistes : c’est le coup d’Etat du 18 fructidor an V (4 septembre 1797). Ainsi, l’armée est devenue un soutien indispensable pour le Directoire, d’autant que la guerre extérieure contre la coalition européenne n’a pas cessé depuis 1792. 3. L’ascension de Napoléon Bonaparte (et le coup d’Etat du 18 brumaire ?) Dans ce contexte, le général Napoléon Bonaparte connaît une ascension fulgurante. Né en 1769, il est un tout jeune officier en 1792 lorsque la France entre en guerre. Il devient général après avoir repris le port de Toulon aux Anglais en 1793. Chargé de la défense de Paris, c’est lui qui écrase la révolte royaliste du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795) contre le Directoire. Il est ensuite chargé de diriger la campagne d’Italie (1796-1797) dans le cadre de la guerre extérieure. Bonaparte s’y illustre par plusieurs victoires sur les Piémontais et les Autrichiens (au pont d’Arcole et à Rivoli) qui permettent la conquête de l’Italie du Nord. Excellent communicant, Bonaparte sait mettre en valeur ses victoires, auprès des Français et des Italiens, en présentant l’intervention française comme une libération, permettant de diffuser les principes révolutionnaires. Il est devenu un des généraux français les plus en vue et il a en outre l’image d’un républicain. Il est alors contacté par l’un des Directeurs, Sieyès, qui « cherche un sabre » (un militaire) pour changer de régime et stabiliser les acquis de la Révolution menacés par la poussée royaliste. Le coup d’Etat a lieu le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) : l’armée contraint les deux assemblées à accepter de réviser (changer) la constitution. La lassitude des Français envers les troubles, l’impopularité du Directoire et, inversement, la renommée de Bonaparte expliquent le peu d’opposition que rencontre ce coup d’Etat. 7 III. Le Consulat et l’Empire (1799-1815) Dans quelle mesure la période napoléonienne rompt-elle avec la Révolution française ? A. Le Consulat ou la fin de la République (novembre 1799-mai 1804) 1. Un régime personnel sous l’apparence d’une république La nouvelle constitution est adoptée en décembre 1799 et Bonaparte a réussi à y imposer ses vues au détriment de Sieyès. Le nouveau régime est baptisé le Consulat, car le pouvoir exécutif est dirigé par trois Consuls. Ce système politique a l’apparence d’une république car les dirigeants sont élus et les pouvoirs sont séparés. Le suffrage universel est même rétabli, quoique les citoyens n’élisent pas directement les gouvernants, mais des notables ou grands électeurs parmi lesquels sont choisis les dirigeants : on parle en ce cas de suffrage indirect. Cependant, au-delà des apparences, le Consulat est en fait un régime personnel. En effet, le Premier Consul, Napoléon Bonaparte, détient l’essentiel du pouvoir – les deux autres consuls n’ont qu’un rôle consultatif. Il possède le pouvoir exécutif ; il est aussi le seul à pouvoir proposer des lois. Le pouvoir législatif est clairement affaibli car il est émietté en 4 assemblées. En outre, Bonaparte peut ne pas consulter les assemblées en organisant des plébiscites, c’est-à-dire des consultations électorales directes des citoyens. Bonaparte en fait usage pour conforter son pouvoir : en 1799 pour valider la constitution, en 1802 pour faire accepter que Bonaparte devienne Premier Consul à vie, puis en 1804 quand il devient « Empereur des Français ». Malgré ce caractère très personnel, le Consulat n’est donc pas une véritable dictature car le peuple est consulté et représenté par des assemblée. On parle plutôt d’un régime autoritaire, d’autant que les oppositions sont étroitement surveillées (cf. III.B.2). 2. Le rétablissement de la paix intérieure et extérieure A son arrivée au pouvoir, Bonaparte sait que les Français aspirent au retour au calme, après dix ans de révolution. C’est pourquoi il mène à l’intérieur une politique de réconciliation nationale. Tout d’abord, il donne aux émigrés le droit de rentrer en France. Ensuite, pour mettre fin aux divisions religieuses, il signe en 1801 le Concordat avec le pape Pie VII : cet accord garantit l’exercice du culte catholique et la rémunération des clercs par l’Etat. Cela met fin à la politique anti-chrétienne des Montagnards et du Directoire. En contrepartie, les évêques sont nommés par la France et soumis à un serment de fidélité. L’Eglise renonce aussi aux biens confisqués en 1789. Ces mesures d’apaisement permettent de négocier avec les royalistes de l’intérieur et de mettre fin aux guerres civiles dans l’Ouest, en Vendée notamment. En parallèle, Bonaparte fait la paix avec ses derniers ennemis extérieurs, en 1801 avec l’Autriche et ses alliés, en 1802 avec le Royaume-Uni. Pour la première fois depuis 1792, la France n’est alors plus en guerre. 3. La volonté de consolider certains héritages de la Révolution Bonaparte désire terminer la Révolution. Pour ce faire, il en consolide les principales réalisations, mais il adopte aussi certaines réformes que lui-même a comparé à des « masses de granit » visant à stabiliser le pays. Sur le plan administratif, il conserve les départements créés en 1790, mais décide en 1800 de placer à leur tête des préfets, nommés par lui, chargés de le représenter et d’y faire appliquer sa politique. A l’échelle des villes, les maires sont nommés par l’empereur ou par le préfet. Ainsi, l’administration est plus hiérarchisée et centralisée, c’est-à-dire contrôlé par un centre, en l’occurrence Bonaparte. Sur le plan juridique, Napoléon Bonaparte est à l’origine de l’adoption en 1802 du Code civil (aussi appelé Code Napoléon). Ce texte qui règlemente les relations entre individus confirme l’égalité en droits acquise en 1789, mais rétablit un principe d’autorité, au détriment de certaines libertés. Le Code institue en effet l’autorité du père sur ses enfants, du mari sur sa femme et du patron sur les ouvriers. De même, l’esclavage est rétabli en 1802, après avoir été aboli par la Convention en 1794, à la suite de la révolte des esclaves dans la colonie française d’Haïti. En ce qui concerne l’économie, le Consulat a vu naître la Banque de France, seule à pouvoir émettre des billets et le franc germinal, une nouvelle monnaie qui grâce au contrôle de l’Etat sera stable jusqu’en 1914. Enfin, le Premier Consul a adopté des réformes sociales, notamment la création des lycées pour former les futures élites et de l’école militaire de Saint-Cyr pour former les officiers de l’armée. La légion d’honneur est également créée afin de récompenser les services rendus à la nation. Ainsi, Bonaparte reste fidèle à l’idéal révolutionnaire, puisqu’il favorise la promotion au mérite, ce qui s’oppose aux privilèges d’Ancien Régime. Ainsi, il apparaît que Napoléon n’a pas tout conservé de l’héritage révolutionnaire. Il a fait le tri, en retenant ce qui lui a paru viable ; il a rétabli parfois certains principes qui lui semblaient devoir être restaurés ; il a aussi apporté quelques nouveautés. Les acquis de la Révolution ont donc été remaniés par Napoléon Bonaparte qui 8 en a réalisé une synthèse originale qui s’est révélée particulièrement durable, puisque toutes ces réformes ont perduré au XIXe siècle, voire jusqu’à nos jours. B. L’Empire (mai 1804-juin 1815) : un retour à l’Ancien Régime ? 1. Un régime de type monarchique En mai 1804, Napoléon Bonaparte devient empereur sous le titre de Napoléon Ier et se fait sacrer le 2 décembre 1804 dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, en présence du pape Pie VII. Les institutions restent quasi-identiques à celles du Consulat ; cependant, les assemblées ne sont plus convoquées. L’abandon du plébiscite après 1804 confirme le remplacement de la souveraineté nationale par une souveraineté monarchique. Outre le sacre et la concentration du pouvoir entre les mains d’un homme, le régime reprend d’autres caractéristiques de la monarchie. Une cour réapparaît autour de Napoléon – composée de généraux, de ministres, de préfets, mais aussi de savants et d’artistes qui reçoivent de Napoléon des titres et des pensions. Une noblesse d’empire est même créée, avec des titres héréditaires, mais sans privilèges. 2. L’encadrement de l’opinion et la restriction des libertés Dès le Consulat, Bonaparte avait renforcé la surveillance de la population, confiée au ministre de la police Fouché de 1799 à 1810, afin de contrer l’hostilité de la droite monarchiste et celle de la gauche sans-culotte. Les salons contestataires sont fermés, comme celui de Mme de Staël qui s’exile à partir de 1803. De même, l’écrivain Chateaubriand, très critique sur l’Empire, est chassé de Paris par Napoléon Ier en 1807 et se retire dans sa résidence de la Vallée-aux-loups près de Sceaux. Les ouvriers sont aussi étroitement contrôlés, car jugés proches des milieux révolutionnaires : le livret ouvrier créé en 1803 permet aux autorités de contrôler et de limiter leur circulation. Enfin, l’opinion est encadrée par la censure, c’est-à-dire le contrôle des publications et des spectacles avant leur diffusion : de nombreux textes sont ainsi interdits de publications et sur les 45 journaux existant en 1799, il n’en reste plus que 2 en 1814. La propagande pro-impériale, autrement dit l’action répétée visant à faire accepter le régime, passe par la presse et les arts, notamment par la peinture (avec les nombreux portraits de l’empereur, par Ingres, David, Gérard ou Gros) ou par l’architecture (avec les arcs de triomphe parisiens du Carrousel et de l’Etoile ou la colonne Vendôme, recouverte du bronze des canons pris à l’ennemi). 3. De nouvelles réformes qui poursuivent l’œuvre du Consulat Sous l’Empire, Napoléon poursuit les réformes avec les mêmes ambitions que sous le Consulat. Pour limiter l’instabilité économique, la Cour des comptes est créée en 1807 afin de surveiller les comptes publics (des administrations et des ministères). Sur le plan social, est fondé en 1808 le baccalauréat, diplôme d’Etat sanctionnant la fin des études secondaires au lycée et permettant d’accéder à l’université. Enfin, le Code pénal, adopté en 1810, vient compléter l’œuvre juridique du Consulat, en définissant les infractions et les peines prévues. Ces réformes se sont elles aussi révélées remarquablement durables. A contrario, les institutions napoléoniennes n’ont guère duré. C. Extension et chute de l’Empire 1. Les conquêtes et la diffusion des principes révolutionnaires en Europe La paix de 1802 ne dure guère. Dès 1804, se forme une nouvelle coalition de puissances inquiètes de l’influence française et la guerre reprend en 1805, à l’initiative de l’Autriche et de la Russie, puis de la Prusse. Après la défaite face à la flotte anglaise à Trafalgar (en 1805), la « Grande Armée » (surnom donné à l’armée napoléonienne) l’emporte sur l’Autriche et la Russie (à Austerlitz en 1805), puis sur la Prusse (à Iéna en 1806). La puissance militaire française est due à l’habileté de ses officiers sortis du rang – Napoléon en premier lieu, mais aussi Murat ou Masséna – mais aussi à ses effectifs importants (grâce à la conscription et à l’intégration de soldats issus des pays conquis). En 1811, l’Empire est à son apogée et domine l’essentiel de l’Europe. La France a annexé des territoires de Hambourg à Rome et compte 130 départements. Elle est entourée d’Etats vassaux ou soumis, à la tête desquels Napoléon a placé des membres de sa famille ou des fidèles. La Prusse, la Russie et l’Autriche sont devenus des Etats alliés. Seule l’Angleterre continue la guerre, mais la France espère l’affaiblir économiquement par le blocus continental (qui interdit aux produits britanniques d’entrer sur continent européen). La présence française en Europe aboutit à des réformes qui détruisent l’Ancien Régime dans les pays conquis. Des constitutions et des codes civils sur le modèle français y sont adoptées. Ces textes permettent l’abolition 9 des privilèges, ils garantissent l’égalité en droits et de nouvelles libertés nouvelles, comme la liberté de conscience ou le droit d’accéder à tous les métiers. 2. La montée des difficultés et la chute de l’Empire Même si les Français sont parfois accueillis à leur arrivée comme des libérateurs, une hostilité à la présence française se développe peu à peu dans les pays conquis. En effet, le poids de l’occupation française est de plus en plus mal supporté, à cause des prélèvements matériels et de la conscription. Le rejet de la présence étrangère favorise dans ces pays l’éveil du sentiment national (le sentiment d’appartenance à un même groupe, partageant des valeurs communes). C’est le cas en Espagne où les rivalités régionales étaient fortes avant la conquête française en 1808. Le rejet anti-français entraîne des révoltes, notamment celle du 2 mai 1808, immortalisée par Goya dans sa toile intitulé Dos de Mayo, de même que la répression française du Tres de Mayo. Jusqu’en 1813, la révolte se transforme en guérilla et s’installe dans tout le pays. En France aussi, le mécontentement monte, à cause des guerres incessantes, de leur coût financier et humain (plus de deux millions de victimes, dont 600 000 Français). L’échec de la campagne de Russie en 1812 marque un tournant, le « début de la fin » selon Talleyrand, car, pour la première fois, la Grande Armée est repoussée, mais aussi car les anciens ennemis de la France napoléonienne rejoignent la coalition : la Prusse, la Suède, l’Autriche se joignent à la Russie et à l’Angleterre. En infériorité numérique, les Français doivent battre en retraite, jusqu’au 30 mars 1814, lorsque les armées étrangères défilent dans Paris. Le 6 avril, Napoléon est contraint d’abdiquer, autrement dit de renoncer au trône. 3. Les Cent-Jours (mars-juin 1815) ou l’échec du retour de Napoléon Ier Napoléon est exilé sur l’île d’Elbe, entre la Corse et l’Italie. En France, Louis XVIII, frère de Louis XVI, devient roi : c’est la première Restauration, mais celle-ci dure moins d’un an. En effet, le 1er mars 1815, Napoléon débarque avec quelques fidèles près de Toulon, se dirige vers Paris où il reprend le pouvoir laissé vacant par la fuite du roi. Sa popularité maintenue dans les campagnes et dans l’armée favorise l’acceptation de son retour. Cependant, les puissances européennes forment une nouvelle coalition. L’armée française est vaincue à Waterloo en Belgique le 18 juin 1815 et le 22 juin, Napoléon doit abdiquer une seconde fois. Il est cette fois envoyé sur l’île de Sainte-Hélène, au milieu de l’Atlantique sud. Conclusion : Comment la Révolution a-t-elle transformé la nation française ? Bilan : La période révolutionnaire a donc joué un rôle clé dans la construction de la nation et ce, pour au moins trois raisons : - La Révolution a d’abord parachevé l’unité nationale, en mettant fin aux particularismes (sociaux ou administratifs) de la France d’Ancien Régime. - La Révolution a aussi accéléré la prise de conscience de l’appartenance à une communauté nationale – autrement dit, elle a renforcé le sentiment national. - Enfin, sur le plan politique, la Révolution a permis le transfert de la souveraineté du roi à la nation – bref, elle a vu l’émergence de la nation comme acteur politique. Ouverture : La Révolution est-elle véritablement achevée en 1799 ou même en 1815 ? Il est permis d’en douter, car le XIXe siècle est marqué d’abord par la restauration de la monarchie puis par d’autres révolutions qui se réclament de 1789. 10