C7 Synthèse: Comment se construisent et évoluent les liens sociaux - PDF

Summary

Le document explore comment les liens sociaux se forment et évoluent, en commençant par la diversité des groupes sociaux et leur impact. Il examine ensuite l'individualisme croissant et ses effets sur les liens. L'auteur analyse également comment la société est passée d'une solidarité mécanique à une solidarité organique ainsi que les facteurs qui affaiblissent les liens sociaux.

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Chapitre 7 – Comment se construisent et évoluent les liens sociaux ? Les hommes vivent en société, mais celle-ci est bien plus qu’une simple somme d’individus. Par quoi les individus sont-ils reliés au sein de ce tout que forme la « société » ? C’est ce que nous allons étudier en observant les...

Chapitre 7 – Comment se construisent et évoluent les liens sociaux ? Les hommes vivent en société, mais celle-ci est bien plus qu’une simple somme d’individus. Par quoi les individus sont-ils reliés au sein de ce tout que forme la « société » ? C’est ce que nous allons étudier en observant les différents groupes sociaux auxquels nous appartenons. Nous allons aussi nous interroger sur l’évolution de ce lien social, avec notamment le développement des réseaux sociaux numériques, et chercherons à comprendre comment il peut être affaibli, voire rompu. I. La diversité des groupes sociaux à l’origine de la construction des liens sociaux. Les groupes sociaux sont divers, tant par la taille que par les enjeux autour desquels ils se constituent, et par les relations qu'entretiennent les individus y appartenant. Les groupes sociaux n’ont pas tous le même degré de cohésion sociale, ni le même impact sur les individus et sur la société. A. Qu’est-ce qu’un groupe social ? A. A partir de quel moment un ensemble d’individus peut-il être considéré comme un groupe social ? Un groupe social n’est ni un simple agrégat physique (par exemple une file d’attente ou le public d’un spectacle), ni une simple catégorie statistique (groupes d’âge…). Il ne suffit pas que les individus concernés présentent des similitudes. L’appartenance à un groupe social se traduit par des liens entre les individus qui le compose, et a des incidences sur les comportements. Dans sa définition la plus générale, « groupe social » qualifie un ensemble relativement homogène d’individus ayant des caractéristiques sociales spécifiques, communes, déterminant ou rendant compte de positions ou comportements collectifs distincts de ceux des autres. Un groupe social forme une unité sociale durable dont les membres ont des liens internes - directs ou indirects - plus ou moins intenses. Les interactions au sein d’un groupe ne sont pas nécessairement « directes » : les membres ne se sont pas tous rencontrés. Ces individus ont conscience d’une appartenance commune (familles, collectifs de travail, associations...). Ils se reconnaissent et sont reconnus par les autres comme membres d'un groupe particulier. Ils cherchent à agir en tant que membre du groupe. La notion de groupe est liée à celle de rôle. B. Le groupe joue un rôle dans les comportements de ses membres. Le sentiment d'appartenance et la reconnaissance comptent pour les individus et sont susceptibles d'intervenir dans les comportements : par exemple - Les Femmes sont reconnues comme un groupe différent des hommes : on adopte à leur égard des comportements particuliers (qui vont de la galanterie à la discrimination). - Parce qu'elles se reconnaissent cette spécificité, elles adaptent leurs comportements à cette appartenance (de l'acceptation au rejet de l'identité féminine ou à la défense des droits des femmes). - L’existence du groupe « femme » est attestée par l'existence d'un rôle « femme ». NB : Une catégorie peut devenir groupe social : Les personnes attendent un bus ne forment pas, par ex un groupe social, elles ne sont pas liées entre elles par des relations. Si, par contre, les usagers mécontents du retard du bus commencent à discuter et à protester, ils deviennent un groupe social : situation mérite d'être distinguée de ce qu'elle était auparavant. Il n’est pas utile qu'ils forment une organisation appelée « association » : Il suffit qu'il existe des interactions entre eux, le groupe pouvant avoir une durée de vie très courte. Définition : Le lien social est l’ensemble des relations qui unissent les membres d’une société ou d’un groupe qui font que les individus ont un sentiment de former une collectivité. Le lien social est donc ce qui permet aux individus de vivre ensemble et de « faire société ». Il est constitué de relations sociales, d’adhésion à des normes (modèle de comportement), de valeurs communes (idéaux) qui attachent les individus et les groupes sociaux les uns aux autres et les rendent solidaires. 1 B. Familles et groupes de pairs permettent de construire des liens sociaux. Les individus appartiennent à plusieurs groupes. Par exemple : on est un homme ou une femme, mais aussi un élève ou un enseignant, un Français ou un étranger ou les deux (cas des binationaux), etc. On distingue plusieurs types de groupes sociaux, groupes au sein desquels les relations sont différentes. Les individus s’associent au sein de groupes primaires et secondaires. Tous les groupes sociaux ne se valent pas aux yeux des individus La distinction groupe primaire/groupe secondaire s'appuie sur deux axes essentiels : - Le degré d'intimité d'une part, - Le type de relation en jeu au sein du groupe (directes ou indirectes) d'autre part. Le degré de solidarité entre les membres du groupe 1. Au sein de groupe primaire : La famille relie les individus. Ce sont des groupes restreints, rassemblant peu de personnes (famille, amis, groupe de pairs, groupe de voisinage, gang, etc.). La famille est le groupe primaire par excellence. Ils sont caractérisés par : - Des relations directes (face à face) et une interconnaissance au sein du groupe - Un fort degré d’intimité. L’engagement personnel est élevé - Un minimum de solidarité. De ce fait, ils sont relativement stables dans le temps. Intimité et solidarité ne signifient pas forcément fusion harmonieuse ; - Les conflits internes peuvent y être aigus, - Les interrelations donner lieu à des jeux d'alliance, à des luttes pour l'ascendance au sein du groupe. 2. Au sein de groupe secondaire : Les groupes de pairs (école, quartier, associations de jeunes…) relient les individus. Les groupes primaires sont opposés aux groupes secondaires. Les groupes secondaires sont des groupes de grande envergure dans lesquels les relations sont indirectes, médiatisées par des institutions. Il s'agit aussi bien de groupes organisés, délimités ou encore des « nations ». Dans les groupes secondaires les relations sont plus souvent indirectes et ils ont un plus faible degré d'intimité. Les relations se limitent aux rôles sociaux et aux rapports « fonctionnels ». À noter qu'il s'agit là d'une différence de degré : il n'existe pas de frontières nettes entre ces deux types de groupes. Cependant, les différences de degré finissent par devenir des différences de nature : groupes primaires et secondaires se différencient tant par le mode de fonctionnement que par l'emprise qu'ils peuvent exercer sur les individus. Entre les deux pôles, quantité de groupes de taille intermédiaire contribuent à former le tissu social : collectivités locales (villages, quartiers urbains), groupements économiques (collectivités de travail, associations professionnelles), ou encore groupements volontaires (clubs sportifs, syndicats, associations culturelles, partis politiques, etc.). Foule Primaire Secondaire Degré d’organisation Très faibles Elevé Très élevé interne/ Différenciation des rôles Nombre d’individus Grande Petit Moyen (à grand) Relations entre individus : Contagion des Riches/fortes Fonctionnelles émotions/imitation Conscience des buts : Faible Élevée Faible à élevée Actions communes Inexistantes Importantes, Importantes, Spontanées voire Habituelles et novatrices planifiées 2 C. Les réseaux permettent de construire des liens sociaux. Le terme de « réseaux sociaux » est devenu extrêmement banal depuis quelques années. Il désigne un type particulier de sites Internet qui proposent aux utilisateurs de créer des pages personnelles qui les lient avec celles de leurs « amis ». (Facebook, LinkedIn, Diaspora). Ces réseaux numériques sont une illustration de ce que des économistes et des sociologues analysent depuis déjà longtemps. Ces approches montrent que l'individu s'inscrit dans des relations diverses, que les individus sont « encastrés » dans des réseaux relationnels, c'est-à-dire que leurs actions doivent se comprendre à partir des relations qu'ils entretiennent avec les autres. 1. Qu’est-ce qu’un réseau social ? Pour un sociologue des réseaux sociaux, le réseau désigne l’ensemble des liens qui existent entre des individus et/ou entre des groupes sociaux. Ces liens peuvent être de différentes natures (amicaux, professionnels...) et peuvent véhiculer différentes ressources (conseils, informations...). Un réseau social est constitué d'un ensemble d'unités sociales (acteurs) et des relations que ces unités sociales (acteurs) entretiennent les unes avec les autres, directement, ou indirectement, à travers des chaînes de longueurs variables. Ces unités sociales peuvent être des individus, des groupes informels d'individus ou bien des organisations plus formelles, comme des associations, des entreprises, voire des pays. Les relations entre les éléments désignent des formes d'interactions sociales qui mettent les acteurs en contacts. Elles peuvent être elles de natures diverses : transactions monétaires, transferts de biens ou d'échanges de services, transmissions d'informations... 2. L’analyse des réseaux de sociabilité Le réseau existe parce que des actions individuelles significatives mettent en relation les individus composant le réseau. Les réseaux sociaux rassemblent diverses formes de sociabilité. De nombreuses enquêtes permettent de cerner les « facteurs » déterminants de l'intensité et des formes des réseaux de sociabilité. (Variables sociodémographiques, socio-économiques). i. Qu’est-ce que la sociabilité ? La sociabilité désigne l’ensemble des relations effectives, vécues des individus. Les relations de sociabilité sont des relations interpersonnelles entre individus ou groupes sociaux. La sociabilité concerne l’ensemble des relations amicales, mais aussi familiales, associatives. Un exemple : Les rallyes mondains, des rencontres pour tisser des liens Les personnes concernées par les rallyes mondains sont les enfants de l’aristocratie et plus généralement ceux de la haute bourgeoisie. Ce type d’organisation permet à ces enfants de développer des relations, ces dernières peuvent s’avérer utiles dans l’obtention d’un stage par exemple. En d’autres termes, cela permet de développer un réseau de conseils, d’aides. Une analyse de réseaux portant sur les rallyes mondains pourrait chercher à mettre en évidence les liens entre les participants et les ressources qui circulent entre eux. ii. Une distinction est importante, celle entre des liens faibles et des liens forts. Prend en compte l'investissement des individus dans ces relations ainsi que leur fréquence : - Lien fort = relation entre deux individus qui se rencontrent fréquemment et qui sont généralement en contact avec un ensemble d’individus identiques. - Lien faible = relation entre deux individus qui se côtoient de manière occasionnelle et qui n’ont généralement pas ou peu de liens communs avec des tiers. Exemple de formes de sociabilité qui s'appuient sur des relations informelles et des liens faibles : Réseaux électroniques, Associations d'anciens élèves de certaines grandes écoles iii. Autre distinction possible : Relations électives (amitié par exemple) et relation semi-élective (famille) ou non-élective (relations professionnelles). Le critère de cette distinction : degré de liberté du choix de la relation par ceux qu'elle relie. 3 3. Quels sont les liens sociaux les plus utiles ? : La thèse de la « force des liens faibles », exemple de la recherche d’emploi. Une enquête réalisée par Mark Granovetter 1 sur la recherche d'emploi (cadres, Boston) montre comment fonctionnent les réseaux sociaux sur le marché du travail. Lors d’une recherche d'emploi, le passage par le réseau est la plus efficace des méthodes, Ce sont les liens faibles, c'est-à-dire les connaissances éloignées, qui sont les plus efficaces. L’efficacité est généralement mesurée par la rapidité avec laquelle on trouve un emploi et le degré de satisfaction que celui-ci donne, par exemple au travers de son adéquation avec la formation de la personne i. Comment l'expliquer ? Les liens forts sont « redondants » : si A connait B et C, il est probable que B et C se connaissent également. Par conséquent, les individus entre lesquels s'établissent des liens forts sont plus souvent semblables et partagent la même information. Au contraire, les liens faibles permettent à l'individu d'avoir accès à d'autres sous-réseaux et lui apportent donc une information différente et nouvelle, plus intéressante. ii. Une thèse à relativiser Dans les milieux sociaux moins favorisés, ce sont principalement les liens forts qui peuvent être utiles, les liens faibles étant insuffisants. En définitive, les réseaux sociaux peuvent aussi bien jouer : - Un rôle de facilitateurs parce qu'ils permettent la circulation de l'information, parce qu'ils assurent la confiance entre les partenaires - Un rôle d’obstacles parce qu'ils enferment les individus, parce qu'ils leur font respecter des obligations sociales plutôt que de s'occuper rationnellement de leurs entreprises. D. Une typologie des liens sociaux. Rappel : Le lien social est l’ensemble des relations qui unissent les membres d’une société ou d’un groupe qui font que les individus ont un sentiment de former une collectivité. Le lien social est donc ce qui permet aux individus de vivre ensemble et de « faire société ». Les liens sociaux prennent différentes formes : - Ils sont des relations entre des personnes, entre les membres d’un groupe, d’une communauté ou même d’une société, les liens sociaux horizontaux unissent les individus à ces groupes d’appartenances, ces liens se tissent à l’occasion de contact direct, dans la famille, avec des amis etc., - Les liens sociaux peut-être aussi verticaux, ils unissent les individus à la société et par le sentiment d’appartenir à un groupe abstrait : la société française, les jeunes, être parisien, se sentir citoyen…. Le lien marchand aussi constitué par des contrats reliant les salariés les consommateurs sur un marché Ces relations sont multiples liens familiaux, relations de voisinage, et peuvent prendre des formes multiples, discussions, conversations téléphoniques, chat sur Internet, repas de quartiers tous types de relations entre les individus qui forment un groupe ou une société Serge Paugam2 insiste sur le pluriel car il existe plusieurs types de liens sociaux. Sa typologie des liens sociaux se fonde sur la distinction suivante préalablement établie : - Le lien social peut se comprendre comme protection : « compter sur » - Le lien social peut se comprendre comme reconnaissance : « compter pour » A partir de cette distinction, Serge Paugam construit une typologie du lien social qui définit quatre « idéaux- types » : iii. Lien de filiation = « liens » iv. Lien de participation élective = « relation » v. Lien de participation organique = « intégration sociale » vi. Lien de citoyenneté = « citoyenneté » En général, la notion de liens sociaux est appréhendée positivement et le délitement des liens sociaux est considéré comme un problème. Le lien peut effectivement être insuffisant mais ce peut être aussi un lien qui étouffe, qui oppresse, un obstacle à l’autonomie. 1 Dans son article sur la force des liens faibles (« The Strenght of Weak Ties »), publié en 1973 2 Paugam S., Le lien social, PUF, Que sais-je ? , 2e édition 2010. 4 II. L’univers professionnel (PCS) permet de décrire la structure sociale A. Les critères de construction des professions (PCS). Le classement des individus est pluridimensionnel (sept critères) et partiellement hiérarchisé. Le classement en catégorie socioprofessionnelle est ancien (1945 par l’INSEE, revue en 1982 pour tenir compte des évolutions des professions). Quel est l’objectif de ce classement ? Il s’agit de représenter la société, pour analyser les comportements sociaux. L’INSEE a défini des catégories – des groupes - ayant une forte homogénéité sociale Quels sont les critères de classement ? L’INSEE a créé une nomenclature qui permette de répartir la population totale en huit PCS. Le principe de construction est celui d’une pyramide (professions, catégories socioprofessionnelles, groupes socio- professionnels). La nomenclature classe les personnes à partir de leur profession, puis regroupe les différentes professions en fonction de plusieurs critères : - Profession individuelle - Statut de l’individu : salarié ou non salarié - Qualification - Position dans la hiérarchie de l’entreprise - Taille de l’entreprise, pour les non-salariés - Activité économiques ou secteur d’activité : primaire, secondaire, tertiaire - Statut de l’employeur : fonction publique ou secteur privé La nomenclature repose sur 489 rubriques de professions, regroupes en 42 CS (catégories socioprofessionnelles), elles-mêmes regroupées en 8 groupes, 6 groupes d’actifs et 2 groupes d’inactifs. Le classement reste complexe mais la profession détermine le niveau de vie, qui oriente un certain nombre de conditions de vie : lieu de vie, accès à la consommation, temps libre, certaine culture de métier. On peut donc penser qu’il y a une certaine homogénéité dans les comportements (type de cons, vote…). B. L’analyse de la structure sociale par la nomenclature des PCS Les PCS mettent en évidence les mutations de la structure sociale française depuis les années 1950, marquées par le déclin du secteur primaire, le développement du salariat, la désindustrialisation et la tertiarisation. Les PCS qui ont le plus progressé au cours des dernières décennies sont les cadres et les professions intermédiaires, tandis que cakes qui ont le plus diminué sont les agriculteurs et les ouvriers. La classification en PCS permet aussi de montrer des inégalités économiques, en matière de revenu et de patrimoine. Ainsi, le niveau de vie des cadres est en moyenne deux fois supérieur celui des ouvriers. Cette classification met en évidence les inégalités sociales et culturelles, en matière d’espérance de vie, de pratiques de loisir ou d’accès aux études supérieures, pour ne citer que quelques exemples. 5 III. Les évolutions des liens sociaux. A. L’individualisation et l’évolution des formes de solidarité. Définition : L’individualisme se caractérise par l’accroissement de l’autonomie des individus par rapport aux règles collectives : ce processus a permis le relâchement voire la disparition de tutelle, parenté, religion, communauté qui déterminent les choix, les modes de vie et les croyances. 1. Une individualisation de la société La montée de l’individualisme désigne le phénomène de différenciation des individus qui se trouvent moins animés par une conscience collective. On l’assimile souvent un repli sur la sphère privée, mais l’individualisme reflète surtout l’autonomie croissant de l’individu vis-à-vis du groupe, par opposition à des logiques communautaires selon lesquelles les personnes sont liées par une forte conscience collective et une similarité des conditions de vie. Cet individualisme traverse toute la société, s’il fragilise le lien social, met-il en cause la cohésion sociale ou transforme-t-il la nature des liens sociaux? L’individualisme est un processus historique long lié à des facteurs multiples. La modernité et l’individualisme ne sont pas synonymes de la fin du lien social. Cette montée de l’individualisme s’est faite au détriment des communautés traditionnelles, l’individualisme fait partie des grands bouleversements de la révolution industrielle et démocratique. La modernité a conduit Durkheim à s’interroger sur la transformation des liens sociaux (voir ci-dessous.) L’individu devient la cellule de base de la société alors que la société traditionnelle refusait à l’individu la possibilité d’exister dans sa singularité en dehors des normes et des valeurs de la société. Dans les sociétés modernes, les individus deviennent plus autonomes. Les craintes à propos l’individualisme portent sur la fragilité du lien social et l’émergence dans nos sociétés d’un individu isolé. i. L’affirmation du primat de l’individu : le processus d’individualisation et ses facteurs. En effet avec le passage à la société moderne, les individus sont coupés du cadre protecteur qui existe dans les sociétés traditionnelles, où de nombreux supports servent à produire de la solidarité : la communauté villageoise où tout le monde se connaît, la religion qui contrôle les croyances, la pratique collective du métier qui produit des croyances identiques. Le XIXe siècle apporte des bouleversements qui mettent à mal le lien social : l’urbanisation et l’industrialisation qui développent le salariat, produisent une nouvelle forme de société. De plus, la fin des hiérarchies traditionnelles comme les sociétés d’ordre avec l’égalité des droits donnent des possibilités, de choix du métier, du conjoint, des opinions et des croyances. Avec, la 2e modernité à partir du milieu du XXe siècle, à partir des années 1960, l’individualisme s’approfondit : plusieurs facteurs se conjuguent. - L’entrée massive des femmes sur le marché du travail : par le salariat les femmes ont une source de revenu indépendant de la famille et de leur mari. Il faut ajouter les droits qui leur ont été reconnus et qui font progresser l’égalité hommes, de femmes, par exemple la possibilité d’ouvrir un compte à leur nom sans l’autorisation du mari, d’en disposer librement 1965. - L’extension l’État-providence (au sens large) s’ajoute aux droits politiques et civils : par l’affirmation du droit à l’éducation avec la massification scolaire, par la protection sociale qui donne des droits à une protection contre les risques sociaux. « La solidarité anonyme et généralisée » apportée par les droits sociaux contribue à l’autonomie des individus par rapport à la solidarité familiale. ii. Les caractéristiques de l’individu moderne L’individualisme progresse et tend à rendre les liens sociaux plus personnels, plus électifs, plus contractuels. Doc 6 et Doc 7 - L’individualisme ne se traduit pas par la suppression de l’ensemble des liens sociaux mais par leur diversification, il est un assouplissement des appartenances collectives. Pour de Singly l’individualisme ne peut se réduire à l’égoïsme ou au repli sur soi. L’individualisme permet le développement de l’autonomie individuelle. Il autorise un plus grand respect des individus et des différences. - « L’individu n’existe que par les liens sociaux ». Les individus sont présents dans différents les cercles sociaux d’appartenance, familiaux, politiques, religieux, professionnels, locaux, associatifs et ces 6 appartenances font ressortir la singularité de chacun ; l’individu désormais revendique que l’on reconnaisse son originalité. Plus le l’individu appartient à un nombre de cercles élevés et variés et plus il prend conscience de son individualité, et mieux il se réalise. Lorsque les différents cercles sociaux se juxtaposent, l’autonomie personnelle devient maximale et donnent une plus grande liberté de choix aux individus. iii. Les manifestations de l’individualisme : des exemples L’usage des portables et d’Internet est individualisé. Ils permettent de constituer des réseaux. Pour les jeunes, ces réseaux de sociabilité sont des espaces relativement autonomes vis-à-vis des parents. Les liens sociaux qui correspondent à un espace d’autonomie peuvent être relativement fragiles et faibles et les relations sont plus ou moins électives, choisie. Bilan sur les effets de l’individualisme 2. De sociétés dominées par une solidarité mécanique à des sociétés dominées par une solidarité organique. Durkheim s’inquiète de la montée de l’individualisme dans les sociétés occidentales. L’ordre social traditionnel (par exemple en France la société aristocratique avant la révolution française) est bouleversé par les révolutions démocratique et industrielles qui mettent en place de nouveaux rapports sociaux économiques et politiques, alors que l’influence de l’église recule, celle de la famille sur la destinée sociale est mise en cause par l’idéal méritocratique d’égalité. Durkheim s’interroge sur les problèmes sociaux qui se posent à la société dans un cadre d’une analyse théorique. Rappel de la prolactine Durkheim : Comment se fait-il que tout en devenant plus autonome, l’individu dépende de plus étroitement de la société ? Comment peut-il être à la fois plus personnel et plus solidaire ? Les sociétés européennes modernes sont autant stables que les sociétés anciennes, mais leur stabilité découle d’une autre forme de lien social. Durkheim analyse le lien social dans les sociétés industrielles, il se demande comment dans les sociétés industrielles, le travail a permis de créer une forte interdépendance des individus et ainsi est devenu une source de cohésion sociale. Cette forme de cohésion sociale des sociétés industrielles qu’il qualifie de solidarité organique tend à remplacer ou à compléter les formes de solidarité qualifiée de mécanique que connaissaient les sociétés traditionnelles. Les formes de solidarité (de liens sociaux) : les transformations de la solidarité sociale Le changement social modifie les formes de solidarité sociale. Dans les sociétés traditionnelles, le fondement du lien social reposait sur le village, la religion, le corps de métier, la famille. Les sociétés modernes construisent leur cohésion sociale sur d’autres bases, Durkheim analyse ce passage comme étant celui de la solidarité mécanique à des sociétés à solidarité organique - Solidarité mécanique : lien social des sociétés traditionnelles - Solidarité organique : lien social des sociétés modernes industrielles La division du travail social (il s’agit d’une division des tâches, des fonctions sociales, pas limitée aux métiers) ne cesse de se développer dans tous les domaines de la société, elle est à l’origine cette évolution La solidarité mécanique Les sociétés traditionnelles sont relativement homogènes, elles connaissent peu de différenciation (sociale) individuelle ; la division du travail est faible. Les divisions sociales apparaissent surtout fondées sur la parenté, l’âge et le sexe. 7 Le lien social repose surtout sur la ressemblance entre les individus, les individus sont interchangeables et les croyances identiques. La socialisation va donc consister à ce que les individus intègrent le plus parfaitement possible les valeurs et les normes de la société traditionnelle. La conscience collective, le sentiment commun, les croyances communes absorbent la conscience individuelle, la personnalité individuelle ; les individus sont semblables parce qu’ils partagent la même conscience collective, la même culture, la même origine. La cohésion sociale repose sur solidarité mécanique ou solidarité par similitude, elle est fondée de conformité des individus aux normes et aux valeurs et aux rôles sociaux traditionnels. Les individus sont très attachés à la tradition qui guide les comportements, la contrainte sociale est très forte. Ces sociétés ne sont pas individualistes et plutôt communautaires. La conscience individuelle correspond la conscience collective. La solidarité organique Les sociétés modernes (par exemple la France après la révolution industrielle) sont complexes, la division du travail social ne cesse de se développer, elle provoque une différenciation des individus et modifie la cohésion sociale. La division du travail social correspond à la répartition des tâches au sein de la société, entre les individus ou les groupes sociaux différents, correspond la spécialisation des rôles sociaux, pas seulement des différents métiers ; exemples : à l’école professeur élève, dans la famille homme/ femme, parents/ enfants… Le lien social entre les individus repose sur la complémentarité, la division du travail social entraîne une interdépendance vis-à-vis des autres, nous avons besoin des autres et la dépendance à la société est accrue. Cette spécialisation des fonctions conduit les individus à se différencier, les individus deviennent plus autonomes et la conscience individuelle se développe au détriment de la conscience collective. Chacun peut développer des pratiques particulières, développer une conscience plus autonome, une capacité à faire des choix, alors que la dépendance à la société s’accroît. Nous avons tous besoin d’un boulanger, d’un coiffeur, d’un policier, de juges …. Cette multiplication des fonctions est créatrice de dépendance qui est à l’origine d’une coopération, créatrice de liens sociaux, il ne s’agit plus de la croyance commune comme dans les sociétés traditionnelles. L’interdépendance est le résultat du fonctionnement la société, et développe l’individualisation croissante des personnes, la société est constituée d’individus tous spécifiques, ayant des activités, des taches différentes, des horizons divers, des aspirations et des représentations multiples. Chez Durkheim, la division du travail créé donc du lien social, la solidarité est à rechercher du côté des différences entre les membres de la société, plus précisément de leurs complémentarités et de leur interdépendance. Les individus deviennent interdépendants. Il s’agit dans l’esprit de Durkheim d’une division sociale du travail concernant tous les domaines de la vie, droit, politiques, vie conjugal… Remarque : Persistance de la solidarité mécanique dans nos sociétés contemporaines. B. Les facteurs d’affaiblissement/rupture des liens sociaux. L’intégration nécessite des instances ou lieux d’intégration tels que la famille école, le travail, qui favorisent la cohésion sociale. Cette intégration se fait par des groupes restreints en contact direct avec des liens de proximité, famille, école, groupe de travail, elle repose sur des échanges interpersonnels, ainsi que par des groupes de tailles plus importantes qui reposent sur un système de valeurs et de normes (les syndicats, les associations, les entreprises, la nation et l’école…), où les relations se limitent à des rôles sociaux et renvoient à des solidarités collectives. L’affirmation de l’individualisme traverse les instances d’intégration (famille, école, travail) qui ont connu des transformations importantes depuis une trentaine d’années. L’intégration des individus dans la société en est affectée. 1. Des liens fragilisés par l’individualisme… Il existe des risques de la montée de l’individualisme lié à l’approfondissement de la division du travail et à l’affaiblissement des solidarités organiques. La division du travail social ne produit pas toujours des liens sociaux suffisamment forts pour assurer une cohésion sociale. En progressant la division du travail social peut prendre des formes anormales et mettre en cause la solidarité organique affaiblissant le lien social et ne permettent pas une cohésion sociale. Les formes anormales de division du travail sont les dysfonctionnements qui empêchent la division du travail de produire les solidarités ; elles menacent l’intégration des individus dans la société et donc affectent la socialisation et la régulation sociale. L’isolement social est aussi le résultat de la fragilité des liens sociaux. Les réseaux communautaires de solidarité de proximité n’ont pas disparu dans nos sociétés mais sont largement déclins. Il existe des formes 8 pathologiques de la division sociale qui rend moins naturelle l’intégration sociale et peut conduire la désaffiliation : La désaffiliation est un processus au cours duquel du fait de la précarité économique et d’une fragilité relationnelle un individu peut perdre progressivement l’ensemble des liens sociaux et économiques qui le rattachent aux autres membres de la société. L’autonomie est un facteur d’isolement social. L’intégration nécessite des instances ou lieux d’intégration tels que la famille école, le travail, qui favorisent la cohésion sociale. Cette intégration se fait par des groupes restreints en contact direct avec des liens de proximité, famille, école, groupe de travail. L’affirmation de l’individualisme traverse les instances d’intégration (famille, école, travail) qui ont connu des transformations importantes depuis une trentaine d’années. L’intégration des individus dans la société en est affectée. 2. … par ruptures familiales… Depuis le début des années 1970, la famille connaît des bouleversements importants. La crise de la famille est souvent évoquée, des familles moins stables, moins hiérarchisée sont présentées comme des illustrations des liens familiaux qui se défont à l’origine d’une fragilité de la famille. La capacité de la familiale à intégrer est interrogée. Plusieurs phénomènes se sont accumulés pour mettre en cause les représentations traditionnelles la famille, la montée des divorces et de l’union libre en sont des illustrations. Mais, en réalité, plus que d’une crise, il s’agit plutôt d’une transformation de la famille qui désormais ne répond plus à un modèle unique. On observe une augmentation croissant de l’individualisme dans les relations familiales, la famille devient plus relationnelle. La famille nucléaire stable, composée du père de la mère et des enfants, a été de plus en plus transformée et concurrencée par d’autres modèles, les formes familiales semblent moins de moins normées. Le modèle institutionnalisé de la famille s’établissant sur des normes comme le mode d’entrée dans le couple par le mariage associé à la sexualité, le mariage qui a vocation à durer toute la vie et dont l’objectif d’avoir des enfants, cette forme unique n’est plus. Le lien conjugal apparaît désormais fragilisé, les modèles familiaux se sont diversifiés. i. Les formes familiales sont de moins en moins normées, il n’existe plus un seul modèle familial. On observe une augmentation croissante de l’individualisme, une plus grande liberté dans le choix des vies familiales, surtout conjugale (vie en couple) qui influent sur les relations familiales. - Cela se traduit par une diminution de la taille des ménages, moins d’enfants par famille, cependant moins de famille sans enfants. Les couples veulent construire une histoire familiale où leur solidarité ne passe plus nécessairement par le mariage. Le mariage ne va plus de soi. On constate ainsi une multiplication des situations familiales autrefois marginales : vie en solitaire, concubinage, familles monoparentales surtout après divorce, familles recomposées, PACS, mariage homosexuel. le système de relations familiales n’est plus stable. - La volonté d’être libre peut conduire à l’instabilité des liens familiaux, le choix conjugal est électif. Le lien conjugal devient plus fragile s’il repose sur des choix amoureux, si le sentiment amoureux disparaît les raisons de rester ensemble disparaissent. Le mariage n’est plus le lieu privilégié pour donner naissance aux enfants, les naissances hors mariage explosent. Les naissances concernent maintenant des femmes de plus de 30 ans, il faut relier l’âge du premier enfant à relier, au recul de l’âge d’entrée dans la vie active et la forte progression des unions libres qui nécessitent d’être stabilisées avant d’envisager la maternité. ii. Des effets différenciés sur le lien social Si les ménages sont moins stables et leur taille plus réduite, les liens familiaux que l’individu a dans la famille sont moins nombreux, moins durables et exposent à des risques d’isolement. (Les relations de soutien sont difficiles à construire pour les populations les plus fragiles,). Les ruptures familiales présentent un risque qui peut en effet provoquer l’isolement. Les ruptures conjugales, des divorces, peuvent rendre vulnérable : il s’agit d’une caractéristique des moins qualifiés, des plus exposés au chômage, à la précarité et au risque d’isolement en cas de rupture familiale. - Les mères célibataires, et les familles monoparentales sont plus fréquentes elle augmente avec la divortialité, le lien avec le père est plus souvent fragilisé. - L’autorité parentale peut être bousculée par le chômage, la précarité du travail, ou le divorce. Dans ces familles monoparentales il existe, pour l’adulte, des difficultés pour concilier, la présence dans la famille et le travail salarié. Lorsque s’ajoute l’absence ou la faiblesse du revenu du travail, la pauvreté, l’intervention de l’État Providence est nécessaire et elle peut être stigmatisante. 9 3. … et par des précarités professionnelles. Le travail contribue à l’interdépendance sociale, en définissant une place dans la division du travail social, il est fondateur de la cohésion sociale dans les sociétés à solidarité organique selon Durkheim. Le thème du travail est essentiel dans le débat sur la cohésion sociale. Dans nos sociétés modernes, le travail a progressivement pris la forme majoritaire, mais pas seulement, d’emplois salariés. Le travail est principalement un travail rémunéré, il est un emploi, c’est-adire, une tâche définie dans le cadre d’organisation du travail, soit le travail des indépendants ou celui des salariés qui font l’objet d’un contrat de travail. L’exercice d’activités professionnelles joue un rôle central dans l’intégration. Dans quelle mesure les évolutions du marché du travail révèlent-elles les difficultés d’intégration ? i. Le travail contribue fortement à la cohésion sociale. Le travail permet donc un processus d’individualisation et la cohésion sociale est le résultat de la solidarité organique comme le pensait Durkheim. Ceux qui ont un emploi sont intégrés dans la division du travail social. Dans le cadre de la division du travail, le travail permet d’obtenir une place dans la société, le principe de la solidarité organique rend chacun complémentaire des autres. Au contraire, le chômeur lorsqu’il est vécu comme un « chômage total » se traduit par une perte de l’estime de soi : des chômeurs risquent de développer un sentiment d’être devenus inutiles, d’avoir perdu leur place dans la société. Cela peut se traduire par un sentiment de honte (c’est une possibilité pas plus, il faut assez nuancer), entraîne un repli sur soi et la rupture des liens de sociabilité habituelle - Le travail contribue à la construction d’identité sociale, il donne un statut, une place dans la société il est source de sociabilité et permet de construire une identité professionnelle. Il est créateur de richesses, il donne un revenu qui permet d’accéder à une consommation, au logement correspondant au statut…. L’activité professionnelle est aussi créatrice de liens non marchands, des liens de sociabilité électives, liens amicaux au travail mais aussi hors de l’activité professionnelle par exemple souvent liés aux loisirs. - Le travail est un lieu de sociabilité à travers les relations de travail qui sont un élément de la socialisation secondaire. Par la socialisation l’apprentissage des normes et des valeurs permet de maîtrisent un environnement professionnel et l’intégration dans des hiérarchies dans la sphère de l’emploi. La maîtrise de cet environnement est une source d’épanouissement personnel qui contribue à l’estime de soi. Enfin travail donne des droits sociaux qui permettent une couverture contre les risques sociaux. Le travail en offrant un statut social donne une reconnaissance et une autonomie aux individus. ii. Le rôle moins intégrateur du travail Le salariat est en partie déstabilisé par les évolutions économiques et sociales, essentiellement celle du marché du travail. La fragilisation du salariat rend plus difficile l’intégration par le travail, elle peut être un facteur d’exclusion sociale  L’organisation du travail peut être l’origine des difficultés pour construire un collectif, une solidarité. Les contraintes professionnelles peuvent être sources de mal-être. Travailler est ambivalent. Travailler est certes épanouissant, mais les relations de travail peuvent être aussi source de contraintes ; de souffrance, toutes les catégories sociales n’ont pas la même vision du travail. Les catégories les plus faiblement qualifiées où les perspectives de carrière sont faibles, le travail d’exécution, la division du travail comme une contrainte est plus présente. Alors que le travail source d’investissement intellectuel, affectif, vu comme un accomplissement personnel, est plus présent dans les catégories les plus qualifiés. Exemple : L’organisation peut conduire à l’isolement des individus. Les salariés sont moins en contact direct entre eux et la charge de travail augmente.  Les mutations de l’emploi affectent la fonction d’intégration du travail : la dégradation du marché du travail, le développement de nouvelles formes d’emploi menacent l’insertion professionnelle et l’intégration des individus. Les statuts dans l’entreprise se diversifient, les salariés présents dans l’entreprise ont des contrats de nature très différente, ainsi se côtoient des salariés en contrat à durée indéterminée (C D I) contrat stable et d’autres salariés en CDD, contrat de durée déterminée, d’autres intérims, d’autres encore en sous-traitance. Les emplois atypiques sont souvent précaires, ils fragilisent lien social : ils ne permettent pas aux individus de s’intégrer de manière durable dans l’emploi. Les précaires (en contrat à durée déterminée) et les chômeurs mesurent à quel point le manque de travail peut nuire au bonheur à travers les difficultés sociales et matérielles qu’il provoque. Le retour de la 10 question sociale se traduit par la montée de la pauvreté, et la fragilisation du statut des individus dans l’emploi, notamment à cause de la précarité de leur situation. Les précaires ont également un niveau moyen de rémunération plus faible, ils connaissent des périodes de chômage : l’accès à la consommation est donc plus limité (voir cours sur les politiques de l’emploi et la pauvreté) De manière plus générale les précaires ont du mal acquérir un statut social valorisant qui est souvent lié à l’emploi stable. La flexibilité croissante des contrats de travail peut déboucher sur une désaffiliation lorsqu’elle se à rajoute d’autres ruptures. Les conditions de vie économiques et sociales difficiles peuvent conduire à l’exclusion, le besoin aujourd’hui est celui d’un emploi stable et générateur de statut social plus que de protection contre les risques sociaux comme au dix-neuvième siècle voire R Castel : désaffiliation iii. Cependant la fragilité économique ne suffit pas engendrer un processus d’exclusion qui est une rupture progressive de l’ensemble des liens sociaux. La pauvreté et le chômage auxquels se rajoutent la fragilisation des liens familiaux et amicaux peuvent conduire à la désaffiliation sociale. Si les personnes bénéficient d’un soutien institutionnel de la part de l’État et de la protection sociale apportée par des revenus d’assistance, celles-ci peuvent s’accompagner d’une stigmatisation qui conduit à une disqualification sociale. Par la notion de disqualification sociale, Serge Paugam étudie pour sa part le processus par lequel s'accroît progressivement la vulnérabilité des individus désaffiliés en même temps qu'ils deviennent de plus en plus dépendants de dispositifs d'assistance et stigmatisés comme « pauvres ». La disqualification sociale est un processus qui conduit les individus à un statut social spécifique, inférieur et dévalorisé. Il marque profondément la manière dont ceux qui en font l'expérience se perçoivent et s’intègrent à la société. Ces évolutions, la précarité des statuts, l’individualisation des rémunérations mettent en cause la stabilité des emplois, et rendent plus difficile la constitution de liens dans l’emploi. Le lien social engendré par le travail est aujourd’hui fragilisé, cette fragilité est donc le résultat de l’augmentation de la précarité des emplois. La difficulté d’accéder à des droits sociaux, s’ajoute aux difficultés du travail. Par ailleurs lorsque la précarité s’ajoute à d’autres fragilités sociales, une faible qualification un isolement familial, ces difficultés contribuent à la désaffiliation sociale. C. Le développement des sociabilités numériques. 11 Avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de nouvelles formes de sociabilité se développent, qui s’ajoutent ou parfois se substituent aux formes plus traditionnelles. L’effet de cette transformât sur l’en social et la cohésion de ma société est donc à nuancer. 1. Une chance pour le lien social… Avec l’usage du téléphone mobiles multifonction et des réseaux sociaux numériques, les individus utilisent de nouvelles modalités de communication et d’échanges qui transforment la sociabilité. L’envoi de SMS et de message via les messageries instantanées, de courriels, la participation aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter) sont devenus des vecteurs courants de communication, dans un cadre privé, professionnel ou public. La sociabilité en ligne peut conduire créer une sociabilité physique, c’est même dans certains cas sa fonction essentielle. Les sites de rencontres via internet constituent par exemple un mode de constitution des coupes qi progresse fortement. Avec les technologies numériques, les individus peuvent intensifier les liens avec leurs connaissances (familles, amis). Plus qu’elle ne se substitue à la sociabilité physique, la sociabilité numérique vient la compléter et l’enrichir, en nourrissant liens forts et affinitaires au sein de collectifs de personnes qui se connaissent. Les pratiques de sociabilité en ligne permettent d’étendre le réseau relationnel, développement des liens entre individus éloignés et qui ne se connaissent que virtuellement. Cela permet d’étendre le réseau de « liens faibles » que chacun peut mobiliser en cas de besoin, créant d ponts entre des réseaux d’individus. Les réseaux sociaux permettent aussi d’objectiver à quel point le monde est petit. Antonio Casilli montre désormais que le degré d’interrelation est de 4 (calcul réalisé grâce à Facebook) (Milgram était à 5,2). Les réseaux sociaux numériques permettent de mobiliser le réseau beaucoup plus vite (notamment pour l’activation des liens faibles) tout en participant à la construction identitaire des individus. Théâtralisation de la vie sociale sur les réseaux numériques avec une valorisation du nombre d’amis. D’un autre côté, les liens faibles peuvent voler en éclat car on ne connaît que très peu les liens faibles et avec les réseaux sociaux numériques on peut connaître la vie de nos liens faibles.  Les outils de communication créent les conditions d’un monde rapproché, un « effet petit monde », étudié par Milgram à la fin des années 1960, qui se confirme. Retour sur l’expérience du petit monde : En 1967, le psychologue social Stanley Milgram a réalisé l’expérience « du petit monde » reprise de la « Théorie des 6 poignées de main » initiée par F. Karinthy en 1929. L’objectif était de montrer le degré de séparation entre deux individus qui ne se connaissent pas. Il s’agissait, pour les participants, de faire parvenir une enveloppe à un destinataire clairement identié (« l’individu-objectif »). Chaque participant remettait son enveloppe à une connaissance directe, et celle-ci le passait à une autre personne susceptible de pouvoir transmettre l’enveloppe à l’individu-objectif. La conclusion que retire Milgram de l’expérience est que « dans une société de masse, pratiquement tous les individus sont ensemble dans un vaste réseau ». 2. … Mais un impact limité. Les pratiques de sociabilité sur les réseaux sociaux numériques renforcent la solidarité mécanique et des liens de nature élective et horizontale. Elles exercent aussi des effets de contrôle social forts conduisant à exclure ceux qui ne partagent pas les normes, les valeurs et les croyances de la communauté. Ces collectifs, rapidement mobilisable grâce aux outils de communication numériques pour défende des causes, exprimer ou soutenir des revendications, sont aussi influençables et soumis à es discours ou à des fausses infirmations qui cherchent à manipuler. La socialité en ligne, quand elle se substitue à la sociabilité physique, est propice à favoriser des situations d’isolement, les liens numériques étant plus fragiles et moins aisés à mobiliser que les liens physiques de proximité. 12

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