BTS BLANC JANVIER 2025 Culture Générale et Expression - PDF

Summary

This document is a past paper for a French BTS exam, specifically the Culture Générale et Expression section. It features multiple documents and questions related to the topic, "A table! Forms and issues of the meal", covering different perspectives on the topic and includes a second part on essay questions.

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Culture Générale et BTS BLANC Expression Janvier 2025 Durée : 3 heures Aucun matériel n’est autorisé...

Culture Générale et BTS BLANC Expression Janvier 2025 Durée : 3 heures Aucun matériel n’est autorisé « À table ! formes et enjeux du repas » Document 1 : Laurent GAUDE, Le Soleil des Scorta, 2004, Actes Sud. Document 2 : Jean-Jacques BOUTAUD, « La table, communication symbolique et métaphore de la communication », avant-propos de L’imaginaire de la table, L’Harmattan, 2004. Document 3 : Albert FOURIE, Un repas de noces à Yport, 1886, huile sur toile, musée des Beaux-Arts de Rouen. PREMIERE PARTIE : QUESTIONS SUR LE CORPUS (10 points) Une réponse développée et argumentée, qui s’appuiera sur des éléments précis des textes et documents, est attendue pour chacune des trois questions. Question 1 : Documents 1 et 2 À la lumière des documents 1 et 2, expliquez comment manger permet de « créer du lien par la nourriture » (document 2). Question 2 : Documents 2 et 3 Quels liens établissez-vous entre les documents 2 et 3 ? Question 3 : Documents 1, 2 et 3 En quoi la table peut-elle être un lieu de rencontre ? DEUXIEME PARTIE : ESSAI (10 points) Vous traiterez, au choix, l’un des deux sujets d’essai : Sujet 1 : Selon vous, mange-t-on des aliments seulement pour se nourrir ? Vous traiterez le sujet de façon personnelle et argumentée en vous appuyant notamment sur vos lectures, sur le travail de l’année, sur le corpus et sur votre culture personnelle. Sujet 2 : Considérez-vous que la table est un « théâtre de saveurs […] mais aussi [un] théâtre des valeurs » (Jean-Jacques BOUTAUD, « La table, communication symbolique et métaphore de la communication », – Document 2) ? Vous traiterez le sujet de façon personnelle et argumentée en vous appuyant notamment sur vos lectures, sur le travail de l’année, sur le corpus et sur votre culture personnelle. DOCUMENTS Document 1 : Laurent Gaudé, Le soleil des Scorta (2004), Actes Sud Dans une modeste famille de pêcheurs du sud de l’Italie, un repas de famille est organisé. Ils étaient une quinzaine à table et ils se regardèrent un temps, surpris de constater à quel point le clan avait grandi. Raffaele rayonnait de bonheur et de gourmandise. Il avait tant rêvé de cet instant. Tous ceux qu’il aimait, étaient là, chez lui, sur son trabucco1. Il s’agitait d’un coin à un autre, du four à la cuisine, des filets de pêche à la table, sans relâche, pour que chacun soit servi et ne manque de rien. Ce jour resta gravé dans la mémoire des Scorta. Car pour tous, adultes comme enfants, ce fut la première fois qu’ils mangèrent ainsi. L’oncle Faelucc’ avait fait les choses en grand. Comme antipasti 2 , Raffaele et Giuseppina apportèrent sur la table une dizaine de mets. Il y avait des moules grosses comme le pouce, farcies avec un mélange à base d’œufs, de mie de pain et de fromage. Des anchois marinés dont la chair était ferme et fondait sous la langue. Des pointes de poulpes. Une salade de tomates et de chicorée. Quelques fines tranches d’aubergine grillées. Des anchois frits. On se passait les plats d’un bout à l’autre de la table. Chacun piochait avec bonheur de n’avoir pas à choisir et de pouvoir manger de tout. Lorsque les assiettes furent vides, Raffaele apporta sur la table deux énormes saladiers fumants. Dans l’un, les pâtes traditionnelles de la région : les troccoli à l’encre de seiche. Dans l’autre, le risotto aux fruits de mer. Les plats furent accueillis avec un hourra général qui fit rougir la cuisinière. C’est le moment où l’appétit est ouvert et où l’on croit pouvoir manger pendant des jours. Raffaele posa également cinq bouteilles de vin du pays. Un vin rouge, rugueux, et sombre comme le sang du Christ. La chaleur était maintenant à son zénith. Les convives étaient protégés du soleil par une paille, mais on sentait, à l’air brûlant, que les lézards eux- mêmes devaient suer. Les conversations naissaient dans le brouhaha des couverts – interrompues par la question d’un enfant ou par un verre de vin qui se renversait. On parlait de tout et de rien. Giuseppina racontait comment elle avait fait les pâtes et le risotto. Comme si c’était encore un plaisir plus grand de parler de nourriture lorsqu’on mange. On discutait. On riait. Chacun veillait sur son voisin, vérifiant que son assiette ne se vide jamais. Lorsque les grands plats furent vides, tous étaient rassasiés. Ils sentaient leur ventre plein. Ils étaient bien. Mais Raffaele n’avait pas dit son dernier mot. Il apporta en table cinq énormes plats remplis de toute sorte de poissons pêchés le matin même. Des bars, des dorades. Un plein saladier de calamars frits. De grosses crevettes roses grillées au feu de bois. Quelques langoustines même. Les femmes, à la vue des plats, jurèrent qu’elles n’y toucheraient pas. Que c’était trop. Qu’elles allaient mourir. Mais il fallait faire honneur à Raffaele et Giuseppina. Et pas seulement à eux. A la vie également qui leur offrait ce banquet qu’ils n’oublieraient jamais. On mange dans le Sud avec une sorte de frénésie et d’avidité goinfre. Tant qu’on peut. Comme si le pire était à venir. Comme si c’était la dernière fois qu’on mangeait. Il faut manger tant que la nourriture est là. C’est une sorte d’instinct panique. Et tant pis si on s’en rend malade. Il faut manger avec joie et exagération. Les plats de poisson tournèrent et on les dégusta avec passion. On ne mangeait plus pour le ventre mais pour le palais. Mais malgré toute l’envie qu’on en avait, on ne parvint pas à venir à bout des calamars frits. Et cela plongea Raffaele dans un sentiment d’aise vertigineux. Il faut qu’il reste des mets à table, sinon, c’est que les invités n’ont pas eu assez. A la fin du repas, Raffaele se tourna vers son frère Giuseppe et lui demanda en lui tapotant le ventre : « Pancia piena ? »3 Et tout le monde rit, en déboutonnant sa ceinture ou en sortant son éventail. La chaleur avait baissé mais les corps repus commençaient à suer de toute cette nourriture ingurgitée, de toute cette joyeuse mastication. Almors Raffaele apporta en table des cafés pour les hommes... ______________________________________________ 1 tabucco : ponton en bois 2 antipasti : hors-d’œuvre 3 « Pancia piena ? » : Ton ventre est bien rempli ? Document 2 : Jean-Jacques BOUTAUD, « La table, communication symbolique et métaphore de la communication », avant-propos de L’imaginaire de la table, L’Harmattan, 2004 Disons-le tout cru. Manger c’est d’abord manger du symbolique. Si l’homme doit se nourrir pour vivre ou survivre, ce qu’il mange et cultive selon son bon goût est pétri de signes et de symboles. S’il consomme des nourritures, il incorpore en fait les aliments d’une culture et progressivement une culture des aliments, avec ses racines, ses traditions, mais aussi son désir d’innovation, de transgression. Bien sûr, la France a élevé, en arts, des prouesses culinaires héritières, nous dit-on, du plus grand patrimoine gastronomique : près de sept mille recettes, dans le Gringoire et Saulnier1 , au début du XXe siècle. Mais toutes les cultures ont le pouvoir d’inventer la table. Car au-delà des aliments, des recettes et des plats, c’est un imaginaire qui les combine, les compose, et crée la vie qui se déploie autour de la table. Il faut d’ailleurs entendre le terme dans toute l’extension métonymique des pratiques alimentaires2 : la table comme espace à part entière, de l’agencement le plus ordinaire au mobilier le plus étudié ; la table dressée pour les besoins du repas, avec objets et accessoires ; la table comme activité même de manger, au point de vivre la table comme plaisir, nécessité ou épreuve ; la table, en référence à la qualité de ce qui est servi, entre une bonne et une mauvaise table ; la table comme espace de partage alimentaire, avec des contraintes dans le respect des règles et des manières, et des libertés dans la recherche de la convivialité, du plaisir. Au-delà du besoin physiologique, manger, l’homme cultive un besoin non moins vital : manger ensemble. Changement d’échelle, car si la nourriture répond à un besoin primaire, la table met en scène la nourriture. Elle mobilise, d’une part, notre relation aux aliments, et, d’autre part, nos relations entre convives. […] Depuis la nuit des temps, et tout particulièrement depuis l’invention du feu, le partage des aliments nous renvoie à la part symbolique de nos échanges : créer du lien par la nourriture ; répartir les rôles ; établir et respecter des hiérarchies. […] Par son pouvoir de mise en scène des aliments, de théâtralisation des conduites et d’amplification des émotions, la table condense, dans son huis clos, toute la gamme des interactions humaines. Théâtre de saveurs, donc, riche de toutes les traditions et de toutes les audaces, mais aussi théâtre de valeurs, dans ce que la table peut offrir comme biens et comme liens. Parce que nous mangeons du symbolique, le sens des aliments est bien souvent lié à la saveur des relations. Comment ne pas voir alors la table, ce lieu symbolique d’échanges, comme une métaphore de la communication […]. _____________________________________________ 1 Gringoire et Saulnier sont les auteurs d’un livre de cuisine qui recense ces sept mille recettes dont il est question dans le texte. 2 dans toute l’extension métonymique des pratiques alimentaires : dans tous les sens du mot « table » que l’auteur énumère dans la suite du paragraphe. Document 3 : Albert FOURIE, Un repas de noces à Yport, 1886, huile sur toile, musée des Beaux-Arts de Rouen.

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