Histoire et mémoires des conflits PDF
Document Details

Uploaded by StableCopernicium
Tags
Summary
Ce document explore l'histoire et les mémoires des conflits, avec un focus sur la Première Guerre mondiale. Il examine les causes, les enjeux politiques et la manière dont les historiens ont contribué à l'évolution de ces mémoires. L'analyse inclut le rôle du Traité de Versailles et l'instrumentalisation de l'histoire.
Full Transcript
**Histoire et mémoires des conflits** [[https://www.abracadabrahg.com/th3-histoire-m%C3%A9moires]](https://www.abracadabrahg.com/th3-histoire-m%C3%A9moires) cfc e site avec des idées de jeux sur 1ère GM et la guerre d'Algérie Les conflits, par nature douloureux et meurtriers, marquent durablement...
**Histoire et mémoires des conflits** [[https://www.abracadabrahg.com/th3-histoire-m%C3%A9moires]](https://www.abracadabrahg.com/th3-histoire-m%C3%A9moires) cfc e site avec des idées de jeux sur 1ère GM et la guerre d'Algérie Les conflits, par nature douloureux et meurtriers, marquent durablement la mémoire des groupes qui y ont pris part et donnent naissance à des mémoires plurielles et souvent opposées. Le travail de l'historien est alors essentiel: il doit produire le récit objectif des conflits pour contribuer à dépassionner les mémoires. Comment les mémoires des conflits se sont-elles progressivement construites ? Comment les historiens ont-ils contribué à les faire évoluer ? **I.Les causes de la 1^ère^ GM : un débat historique et ses enjeux politiques** **1.La question de la responsabilité de la guerre se pose déjà pendant le conflit** **a.Des causes multiples** Les causes du conflit sont multiples. Il faut distinguer : - **Des causes profondes :** - Le sentiment nationaliste de plusieurs peuples européens exacerbés depuis le Congrès de Vienne : c'est le cas notamment du peuple Serbe qui aspire à créer une grande Serbie. - l'impérialisme de nombreux pays européens, nourri par les querelles coloniales et par les guerres du XIXème siècle (Guerre franco-Prusse de 1870 par exemple). - Le militarisme qui règne à l'époque dans de nombreux pays. - **Des causes immédiates :** - La mise en place d'un système d'alliances entre plusieurs nations européennes dans les années qui précédent le conflit. On distingue la Triple Entente (France, Russie, Grande-Bretagne) et la Triple Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie). - L\'attentat de Sarajevo commis contre l'héritier de l'Empire d'Autriche-Hongrie par un étudiant nationaliste serbe, Gabriel Princip, le 28 juin 1914. Après l'assassinat de François-Ferdinand d'Autriche, l'engrenage des alliances entraîne l\'Europe dans un conflit dont l\'ampleur n\'avait pas été imaginée ni désirée par les gouvernements. Ce conflit fait presque 20 millions de morts civils et militaires, quasiment autant de blessés et il détruit des régions entières. **b. « L'autre » est forcément coupable** Dès le début du conflit, la question de la responsabilité dans le déclenchement du conflit, voire même de la culpabilité, est posée. Chaque pays belligérant tente de justifier les sacrifices imposés en rejetant la faute sur l'ennemi et en se présentant comme l'agressé menant une guerre défensive ou une « guerre du droit » : - La France se présente comme victime de l'agression allemande : dès 1915, les sociologues et historiens Emile Durkheim et Ernest Denis publient un ouvrage intitulé « Qui a voulu la guerre ? », qui conclue à la responsabilité de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie. - L'Allemagne revendique de mener une guerre préventive contre la menace russo-française. - Lénine accuse quant à lui le système impérialiste et capitaliste : pour lui, la guerre a été voulue par les puissants pour renforcer leur domination. Ainsi les opinions publiques des différents pays sont durablement marquées par cette idée de leur « non-responsabilité ». En temps de guerre, même si la responsabilité est le plus souvent multiple, les dirigeants préfèrent véhiculer des schémas simplistes pour susciter la haine de l'ennemi. **c.Le Traité de Versailles : les vainqueurs imposent leur Histoire.** En 1919, les puissances victorieuses se réunissent à Versailles pour décider du sort des vaincus. Pour la 1^ère^ fois, ceux-ci ne sont pas conviés aux négociations qui s'achèvent par le Traité de Versailles. Très dur, ce traité fait porter la responsabilité de la guerre sur les Allemands (article 231), et leur impose un lourd tribut, une réduction drastique de leurs forces armées, des pertes territoriales, l'occupation de certains territoires par les pays vainqueurs,... Avant de le signer, le gouvernement allemand l'a fait contester par une commission de 4 historiens allemands : ils estiment que le « risque de guerre avait été envisagé », mais sans la volonté de déclencher une guerre générale. Ils insistent sur la nécessité de nommer une commission d'enquête impartiale pour juger la responsabilité des Etats dans cette guerre, sans quoi le traité est partial et donc non recevable. Cette commission n'est finalement pas prise en compte par les vainqueurs. Ce traité montre que ce sont les vainqueurs qui imposent leur vision du conflit, leur « Histoire officielle ». En Allemagne, ce traité est perçu comme un « Diktat » et il est fortement contesté par la population allemande qui le vit comme une injustice et une humiliation. **2.Au lendemain de la guerre, une Histoire prisonnière des enjeux immédiats, parfois instrumentalisée** **a.Le travail de l'Historien au lendemain du conflit** Le travail de l'Historien au lendemain du conflit est difficile pour trois raisons : -L'historien a lui-même vécu la guerre et a forgé sa propre mémoire du conflit. Prendre le recul nécessaire pour construire un récit objectif est impossible. -Il vit dans un Etat où circule une vision dominante du conflit à laquelle il lui est difficile d'échapper. -L'accès aux sources n'est pas toujours possible : les archives sont interdites à la consultation plusieurs années après le conflit et certaines sources ne sont pas encore publiées (comme par exemple le nombre de victimes). **b.Dans les années 1920, une approche différente en France et en Allemagne** - **La plupart des Historiens des deux pays alimentent l'Histoire officielle** La plupart des Historiens français écrivent une histoire inspirée de l'Histoire officielle et défendent la thèse de la culpabilité allemande. Mais il s'agit d'une Histoire diplomatique, qui se focalise sur l'action des dirigeants et ne prend pas en compte les aspirations nationales. En Allemagne, le Diktat de Versailles nourrit un fort sentiment d'injustice. Les travaux des historiens allemands de l'immédiat après-guerre insistent sur la responsabilité franco-russe et le caractère agressif de la politique de Raymond Poincaré. Pour eux, l'Allemagne n'est pas responsable : encerclée, elle a été contrainte d'entrer en guerre. - **En France cependant, certains historiens commencent à remettre en cause cette Histoire officielle : l'unanimité à propos d'une « responsabilité unique de l'Allemagne » se fissure** - Des pacifistes comme Mathias Morhardt, secrétaire de la Ligue des droits de l'homme, et des communistes, cherchent à montrer que Raymond Poincaré (Président de la République de 1913 à 1920) a toujours mené une politique de haine contre l'Allemagne, avant 1914 et après 1918. - [Les origines immédiates de la Guerre], de l'historien Pierre Renouvin, livre publié en 1925, fait évoluer la vision française des causes de cette guerre. Pour Renouvin, l'Allemagne n'est pas seule responsable : l'Autriche-Hongrie et la Serbie portent elles-aussi leur part de responsabilité. Il minimise cependant le rôle de la France. **c.Dans les années 1930, l'Histoire de la 1^ère^ GM devient un enjeu très politique** - **Côté français, on voit apparaitre des historiens qui comprennent qu'il faut apaiser le débat pour éviter de nourrir un nationalisme qui pourrait conduire à la guerre.** C'est le cas de l'historien pacifiste Jules Isaac : il refuse qu'une Histoire revancharde ou triomphaliste soit enseignée à la jeunesse. Pour lui, il est important d'élever les enfants dans la haine de la guerre. Inspecteur général de l'Instruction publique, il rédige donc un manuel scolaire qui va dans ce sens. Dans son ouvrage [Un débat historique : le problème des origines de la guerre], publié en 1933, il insiste sur les responsabilités partagées entre les différents pays. Le roman de Erich Maria Remarque, [A l'Ouest rien de nouveau], paru en 1929 et adapté au cinéma en 1930, aide aussi la population française à comprendre que les Allemands ont eux-aussi beaucoup souffert de cette guerre. Il décrit la 1^ère^ GM vue par un jeune soldat allemand volontaire engagé sur le front Ouest, c'est-à-dire français. - **Côté allemand, les nazis instrumentalisent l'Histoire de la 1^ère^ GM** Les mémoires de la guerre sont instrumentalisées par Hitler. Le parti nazi attire de nombreux anciens combattants en promettant la revanche face à l'humiliation du Traité de Versailles. Il participe à une véritable « brutalisation » de la société, c'est-à-dire, d'après l'historien américain Georges Mosse, à une banalisation de la violence. Il offre à ces anciens combattants humiliés et souvent privés d'emploi suite à la crise de 1929 une nouvelle occasion de briller en portant l'uniforme SS et en leur donnant l'occasion de remettre l'ordre en Allemagne. Les dénonciations du Diktat de Versailles et du « mensonge de la culpabilité allemande » sont largement encouragées sous le nazisme : elles flattent l'opinion publique allemande tout en justifiant un réarmement. Cette instrumentalisation des mémoires et de l'Histoire montre à quel point elles servent des enjeux politiques. **3.Une Histoire récente plus apaisée** **a.La « bombe » Fischer** En 1961, Fritz Fischer publie un livre qui fait l'effet d'une bombe : [Les buts de guerre de l'Allemagne impériale 1914-1918]. Il affirme que la responsabilité de l'Allemagne est grande dans le déclenchement de la guerre. Pour lui, la Grande Guerre serait le fruit d'une volonté des élites politiques, industrielles et militaires allemandes. Il démontre le caractère impérialiste et belliciste du 2ème Reich, et estime que ce militarisme est responsable du nationalisme nazi. Il heurte l'opinion publique, remettant en cause l'histoire officielle qui avait fini par reconnaitre une responsabilité partagée des belligérants. Il ouvre ainsi la porte à de nombreux travaux d'historiens qui acceptent d'étudier les causes de la guerre sous ce nouveau prisme. **b.Une Histoire utilisée par les politiques pour apaiser les relations franco-allemandes** - **Dans les années 1950** La mémoire des souffrances endurées durant les temps de guerre peut permettre de dépasser les tensions interétatiques. C'est surtout vrai après 1945 : les groupes de mémoire et les gouvernements utilisent les symboles des destructions pour rétablir des relations apaisées entre les peuples. Ainsi la France et l\'Allemagne s'appuient sur le souvenir de la Grande Guerre pour sceller leur rapprochement après la 2^nde^ GM : en 1962, De Gaulle rencontre Adenauer devant la cathédrale de Reims, détruite par les Allemands pendant la 1GM. Les mémoires des conflits peuvent aussi conduire à des rapprochements institutionnels : en Europe de l\'Ouest, les massacres de la Seconde Guerre mondiale et le souvenir de la Grande Guerre conduisent à la création de la CECA (Communauté européenne de charbon et d'acier, ancêtre de l'UE). - **Dans les années 1980** A partir des années 1980, les hommes politiques des deux pays intensifient ces signaux d'apaisement. Le geste qui symbolise cette réconciliation franco-allemande est la fameuse poignée de mains échangée entre Helmut Kohl et François Mitterrand lors d'une célébration en l'honneur des victimes de la 1^ère^ GM devant l'ossuaire de Douaumont en septembre 1984. **c.Vers une Histoire plus apaisée ?** Le travail des Historiens est alors plus apaisé car moins soumis à des injonctions politiques. Il est aussi plus facile : les archives de cette guerre s'ouvrent une à une, et de plus en plus d'Historiens qui travaillent sur ce sujet sont nés après 1919 et n'ont donc pas vécu la guerre. Il leur est plus facile de prendre du recul. On assiste également à des travaux communs, entre historiens allemands et français. C'est ainsi qu'en 2006 parait la 1^ère^ édition d'un manuel d'histoire commun franco-allemand. Dans ce manuel, on a fait le choix de souligner la pluralité des causes et des responsables. Dernièrement, la polémique a cependant été relancée par deux historiens : - L'Australien Christopher Clark, dans [Les somnanbules], paru en 2012, fait porter la responsabilité au système, pas à un Etat ou un autre. Selon lui, tous les dirigeants européens se sont dirigés vers la guerre comme « des somnambules ». - L'Allemand Gerd Krumeich s'est alors repenché à son tour sur la question dans [Le feu aux poudres : qui a déclenché la guerre en 1914?,] paru en 2014. Son argumentation est sans appel : l'Allemagne n'a pas chargé seule le baril de poudre qui a explosé en 1914, mais c'est elle qui y a mis le feu. Pourtant, malgré ces travaux, l'idée d'un partage des responsabilités semble désormais bien acquise : d'après un sondage mené en 2014, 59 % des Allemands sont convaincus de l'absence de responsable principal dans le déclenchement de la Grande Guerre. Ce recul de la « culpabilité allemande » sert aujourd'hui d'argument politique majeur en faveur d'un réajustement de la place de l'Allemagne dans le monde (pays privé de siège permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU, etc.). Encore une fois, Histoire et mémoires présentent bien des enjeux politiques... **d.De nouveaux champs d'étude** Mais la plupart des Historiens qui travaillent sur la Grande Guerre depuis les années 1980 ont préféré abandonner cette question des responsabilités pour se concentrer sur de nouveaux sujets : désormais, ce ne sont plus les questions militaires ou diplomatiques qui les intéressent, mais les conditions de vie des soldats, la violence du front, les rapports entre le front et l'arrière,... Les historiens s'intéressent davantage aux individus, ils écrivent une histoire plus humaine en se penchant sur des mémoires plus intimes comme les lettres de Poilus. Leur but est désormais de comprendre comment les populations ont tenu pendant ces 5 ans de guerre. L'histoire du genre les intéresse également : quelles relations entre les hommes et les femmes pendant le conflit ? Quelle place le conflit donne-t-il aux femmes ? Quid de la pratique du viol comme arme de guerre ? Toutes ces nouvelles problématiques se retrouvent dans les musées consacrés à la Grande Guerre, comme le Mémorial de Péronne, inauguré en 1992, qui est aussi un centre de recherche. Le centenaire de la guerre est également l'occasion de renouveler l'approche que les Historiens ont de ce conflit et de collecter de nouvelles sources. Dès 2012, l'Etat français lance la mission du centenaire 14-18. Rassemblant de nombreux historiens, elle initie des projets scientifiques, artistiques, commémoratifs et pédagogiques nombreux, à toutes les échelles (nationale, internationale). La mémoire du conflit est réactivée. Son histoire aussi. Ainsi une « grande collecte » est organisée avec succès pour inciter les gens à venir déposer leurs archives privées : ces documents privés sont autant de sources nouvelles pour les historiens. Le centenaire permet aussi de faire émerger une mémoire internationale du conflit. Longtemps, la guerre était restée une affaire surtout européenne. À l\'occasion du centenaire, de l\'Inde à l\'Australie, en passant par la Nouvelle-Zélande, le Canada et même l\'Amérique latine, le souvenir de la Grande Guerre est commémoré partout. **Cl :** Les mémoires de la Grande Guerre ont bien évolué depuis 1919 et les Historiens ont réussi à les dépassionner pour écrire une Histoire plus objective des causes de ce conflit. Mais une mémoire de cette guerre reste très polémique : celle du génocide arménien (1915-1916). Reconnu officiellement par la France, les Etats-Unis et une trentaine de pays grâce aux travaux des historiens et à la mobilisation des descendants des victimes arméniennes, cet événement est toujours rejeté par la Turquie qui refuse de le reconnaitre. **II.Mémoires et histoire d'un conflit : la guerre d'Algérie** La guerre d'Algérie est une guerre de décolonisation particulièrement douloureuse. Elle est à l'origine de mémoires plurielles et parfois opposées, mais aussi d'Histoires plurielles, qui ont évolué dans le temps et selon qu'elles ont été écrites en France ou en Algérie. Pourquoi est-il difficile d'aboutir à des mémoires apaisées et à une histoire commune des guerres de décolonisation ? **1.Une guerre de décolonisation aux multiples blessures** **a.Une « sale guerre », longue et complexe** L'Algérie est une colonie française depuis 1830. Colonie de peuplement, elle est à la fois tellement proche et importante pour la France que celle-ci en fait une région française à partir de 1847. Mais dans cette région, la discrimination est de mise et les Algériens n'ont pas les mêmes droits que les Français. Humiliés et exploités, certains décident de se révolter en 1954... - **Le déclenchement du conflit:** Le 1er novembre 1954, le FLN (Front de libération nationale) lance une série d\'attentats. En ce jour de fête catholique (Toussaint), plus d\'une trentaine d\'attentats visant des Européens et des Algériens francophiles sont menés. C\'est la "Toussaint rouge". Le gouvernement français réplique immédiatement en envoyant des militaires sur place. C\'est le début de la guerre d\'Algérie. Toutefois, le gouvernement français n'utilise pas le mot « guerre » et préfère parler des « événements d'Algérie »... - **Trois guerres en une:** - ***Une guerre franco-algérienne :*** Suite à la Toussaint rouge, le FLN multiplie les attaques sur tout le territoire algérien. La France intensifie la répression, et décide, en 1956, de faire appel au contingent (= jeunes français de métropole envoyés combattre en Algérie dans le cadre de leur service militaire. Ils sont 2 millions à se battre en Algérie entre 1956 et 1962). L\'armée a de plus en plus recours à la torture pour lutter contre le FLN ("la gégène" = torture par électrocution, ou "la baignoire" = torture par simulation de noyade). En 1957, le FLN multiplie les attentats à Alger: les militaires répliquent en lançant la "bataille d\'Alger", menée par le Général Massu. Il parvient, par l\'emploi de la torture, à arrêter les principaux chefs du FLN. Mais les exactions menées par l\'armée française encouragent l\'essor du nationalisme. De plus en plus d\'Algériens luttent pour leur indépendance. En métropole, les Algériens manifestent contre cette "sale guerre", mais la police réprime sauvagement ces manifestations, comme le prouvent les événements d\'octobre 1961, où plus d\'une centaine d\'Algériens sont assassinés par la police et jetés dans la Seine. - ***Une guerre algéro-algérienne :*** Tous les Algériens ne soutiennent pas le FLN. Certains se rangent du côté de la France, allant parfois, comme les Harkis, jusqu\'à combattre avec elle (= Algériens musulmans rattachés à des unités combattantes de l\'armée française. Ils représentent environ 200 000 hommes). D\'autres militent au MNA, Mouvement National Algérien fondé par Messali Hadj, parti nationaliste rival du FLN, auquel le FLN livre une guerre féroce. - ***Une guerre franco-française :*** L\'opinion publique métropolitaine est d\'abord indifférente au conflit. Mais elle devient de plus en plus hostile à mesure que de jeunes Français sont réquisitionnés pour combattre en Algérie et que la presse révèle l\'emploi de la torture et les exactions de l\'armée française. On voit alors deux camps se dessiner : - celui des pieds-noirs, soutenus par certains Français attachés aux colonies, qui souhaitent absolument "garder" l\'Algérie. Ils mettent en place l\'OAS, l\'Organisation Armée Secrète, créée en 1961 par des pieds-noirs radicaux qui souhaitent empêcher l\'indépendance de l\'Algérie. L\'OAS multiplie les attentats en Algérie et en métropole pour faire entendre sa voix. - celui des Français qui soutiennent le mouvement d\'indépendance des Algériens. Certains s\'organisent pour les aider dans leur lutte: c\'est le cas du mouvement des "porteurs de valises" ou "Réseau Jeanson", qui collecte de l\'argent et fournit des faux papiers aux membres du FLN. - **La fin de la guerre** En 1958, de Gaulle est appelé au pouvoir par les Pieds-Noirs et l'armée, inquiets de la tournure que prend le conflit. Ils pensent pouvoir compter sur lui pour garder l'Algérie française. Mais de Gaulle évolue rapidement : comprenant que le temps de la décolonisation a sonné, il se rapproche du FLN. L'armée française se retourne alors contre lui (putsch d'Alger en avril 1961) mais il parvient à faire face en s'appuyant sur le contingent, peu enclin à poursuivre cette guerre. Le 18 mars 1962, l\'Etat francais et le FLN signent finalement les accords d\'Evian, qui prévoient l\'indépendance de l\'Algérie. Cette indépendance est ratifiée par référundum en Algérie (99, 5% de oui) et en France, où les citoyens se déclarent favorables à l\'indépendance à plus de 90%. Au mois de juillet 1962, l\'Algérie est officiellement indépendante. Commence alors en Algérie une campagne contre les pieds-noirs et les Harkis qui se traduit par une vague d\'assassinats. Pris de panique, 800 000 Juifs et pieds-noirs quittent l\'Algérie dans la précipitation. Les Harkis sont abandonnés par la France et se font massacrer : seuls 43 000 parviennent à s\'enfuir et sont installés dans des camps en France où ils sont victimes de discrimination. **b.Des mémoires plurielles** - **Un bilan humain difficile à établir** Dès la fin du conflit, le bilan humain devient un enjeu mémoriel et politique, car le décompte des victimes algériennes est complexe (le FLN étant une organisation clandestine). Chaque groupe de mémoire a intérêt à gonfler ou à sous-estimer le bilan. Ainsi, le FLN crée très vite le mythe du « Un million et demi de victimes » alors que les estimations tournent autour de 300 000. Les historiens croisent les sources pour tâcher de proposer des chiffres vraisemblables, mais la question suscite des débats encore aujourd'hui. - **Des mémoires nombreuses et opposées** Malgré la paix, de nombreuses blessures restent ouvertes, donnant naissance à différents groupes de mémoire, qui ont des lectures cloisonnées, émotionnelles et contradictoires de la guerre d'Algérie : Une image contenant texte, Police, capture d'écran, diagramme Description générée automatiquement **2.De 1962 à 1992 : des mémoires divisées, une Histoire difficile à construire** **a.Côté français : l'Histoire face à l'amnésie** - **Une amnésie collective** A partir de 1962, on entre dans une période d'amnésie encouragée par l'Etat français qui met en place une certaine censure et vote des lois d'amnistie des crimes commis, occultant ainsi les débats possibles autour de la torture. Il s'agit d'oublier le conflit, d'en parler le moins possible. D'ailleurs, la France refuse de parler de « guerre » : pour elle, il ne s'agit que des « événements » d'Algérie. Il n'y a donc aucune reconnaissance ou commémoration officielle pour cette « guerre sans nom ». L'Etat veut également faire oublier aux français l'humiliation de la perte de l'empire. Les raisons du silence sont nombreuses : -Certaines sont purement politiques : de Gaulle adopte une politique ouvertement anti-impérialiste et anticoloniale pour grandir sa stature à l'étranger, et sur le plan national, il organise l'oubli pour masquer les divisions internes et recréer une unité nationale. Il ne veut pas non plus que les violences commises au nom de la Raison d'Etat soit étalées au grand jour (Raison d'Etat : principe permettant à l'Etat de violer le droit au nom d'un intérêt supérieur) -D'autres sont plus d'ordre psychologique et social : il s'agit d'oublier une série de défaites et la perte de l'Empire (1940, 1954, etc.) et d'évacuer le traumatisme des 2 millions de jeunes soldats appelés au total sur la période. - **Le travail des Historiens permet de sortir lentement de cette amnésie** Certains historiens commencent à écrire des articles ou des essais sur la guerre d'Algérie alors même qu'elle n'est pas finie : - Pierre Vidal-Naquet, militant anti-torture : il se penche dès 1958 sur la disparition suspecte de Maurice Audin pendant la bataille d'Alger et publie la même année un ouvrage, [L'Affaire Audin], où il défend la thèse qu'il serait mort torturé par l'armée française. Dix ans après la fin du conflit, il publie un essai, [La torture dans la République] (1972). - Yves Carrière : [Histoire de la guerre d'Algérie], (1968 -1971). Il s'agit bien sûr d'une Histoire militante, subjective. Les archives étant encore fermées, les deux historiens se basent essentiellement sur un travail d'enquête, recueillant des témoignages précis sur l'utilisation de la torture. Ces livres sont critiqués par certains généraux français comme le général Massu. En 1983, les « événements d'Algérie » sont abordés pour la 1^ère^ fois dans les programmes scolaires d'Histoire. En 1988 a lieu le premier colloque universitaire sur l'histoire de la guerre d'Algérie. Pour l'historien Benjamin Stora, la guerre n'est alors plus occultée mais elle est encore « ensevelie » sous le poids des mémoires et le déni de l'Etat français... - **Le rôle du cinéma** Le cinéma a aussi joué un rôle important dans cette prise de conscience. Deux films ont particulièrement marqué les esprits : -[La Bataille d'Alger], 1966, de l'italien Gillo Pontecorvo met en scène les exactions du FLN face auxquelles un colonel de l'armée française, le colonel Mathieu est contraint d'utiliser la torture. Cette pratique est présentée comme nécessaire et efficace. Malgré tout le film est d'abord censuré sous la pression de certains groupes de rapatriés, et deux cinémas projetant le film sont la cible d'attentats. Ce film témoigne des difficultés à aborder sereinement la question des violences de guerre. -[Avoir 20 ans dans les Aurès], 1972, René Vautier. Ce film témoigne d'une évolution dans la perception de la Guerre d'Algérie. Antimilitariste et basé sur des témoignages d\'anciens appelés, le film dénonce les méthodes de l\'armée française. Il met en scène un groupe d'appelés réfractaires qui sombre dans l'escalade de la violence. **b.En Algérie : une mémoire qui instrumentalise l'Histoire** - **Des mémoires confisquées** En 1962, le FLN met en place une République à parti unique dirigée par Ben Bella. Il fait le choix de taire certains faits pour présenter cette guerre comme une « guerre de libération », comme une révolution fondée sur un antagonisme total entre des Algériens exploités et soumis et des colons français sans foi ni loi. L\'insurrection du 1er novembre 1954 (Toussaint rouge) entre dans le préambule de la Constitution comme un acte révolutionnaire et devient une fête nationale (« Fête de la Révolution »). Très vite, l'Etat algérien impose une Histoire officielle et univoque et contrôle la recherche historique. Cette tendance se renforce à partir du putsch de 1965, perpétré par le colonel Boumédiène et qui renforce le pouvoir de l'armée. Cette Histoire officielle met uniquement en avant les principaux faits d'armes du FLN et les « figures héroïques » ; Elle montre un peuple uni derrière le parti et reprend le slogan déjà utilisé pendant la guerre : « Un seul héros, le peuple ! ». Cette histoire officielle nie l'existence de tensions et de divisions au sein de la société algérienne pendant la guerre : ainsi, le rôle joué par Messali Hadj et son MNA, concurrent du FLN, sont passés sous silence. Les manuels scolaires se font l'écho de cette histoire officielle. Le pays se couvre de monuments à la gloire des martyrs. A partir de 1965, les commémorations se multiplient. Le monument national des martyrs est inauguré en grande pompe à Alger en 1982. L'Etat organise ce que l'historien français Guy Pervillé a appelé « une hyper commémoration obsessionnelle ». A travers chacune de ces commémorations, le parti au pouvoir chante finalement ses propres louanges. Les objectifs de cette histoire officielle sont essentiellement politiques : - Elle fonde la légitimité du FLN, reconnu comme seul acteur de la victoire. - Elle sert à justifier « la place de l'armée dans l'État depuis l'indépendance ». - Elle cherche aussi à promouvoir l'unité de l'Algérie en développant une mémoire unanimiste : la pluralité des mémoires est étouffée. - **Le difficile travail des historiens :** Des historiens algériens travaillent très tôt sur l'histoire de l'indépendance. Dès 1972, les autorités lancent d'ailleurs une grande campagne pour retrouver et rassembler des archives. Mais leur travail est rendu difficile : -par l'Etat algérien qui impose sa propre vision de l'Histoire, centrée sur le FLN. -par l'absence de sources : le FLN et le MNA, considérés comme terroristes, ont laissé peu de traces pour ne pas qu'elles tombent entre les mains des soldats français. Les Historiens qui dévient de la ligne officielle fixée par l'Etat sont contraints de s'exiler en France. C'est le cas par exemple de Mohammed Harbi, suite au coup d'État de 1965, de Mahfoud Kaddache ou de Belkacem Saadallah. Ces trois historiens travaillent essentiellement en français, ce qui limite leur influence en Algérie où, depuis 1966 on a arabisé l'enseignement primaire, secondaire et universitaire. **3.Depuis 1992 : une Histoire et des mémoires en voie d'apaisement ?** Les années 1990 sont des années tournant pour l'Histoire de la guerre d'Algérie. Deux événements majeurs changent effectivement la donne : -côté algérien, une guerre civile oppose le gouvernement dirigé par des militaires à des groupes islamistes de 1991 à 2002. Cette guerre civile se termine par un échec des islamistes, mais elle fait prendre conscience à l'armée que la société algérienne a évolué et supporte de moins en moins son pouvoir autoritaire. En 1999, Abdelaziz Bouteflika est élu président de la République algérienne : il s'attache à « civiliser » son régime, c'est-à-dire à le rendre moins dépendant des militaires (ce qui ne veut pas dire qu'il le démocratise pour autant). -côté français, 1992 est une date fondamentale : elle correspond à l'ouverture des premières archives françaises de la guerre d'Algérie (il y aura ensuite une 2^ème^ ouverture en 2013, sous François Hollande, puis en 2021 sur la volonté d'Emmanuel Macron, qui ouvre les archives judiciaires plus tôt que prévu). **a.En France, du réveil des mémoires à la reconnaissance mémorielle** - **La parole se libère...** \- Celle des Harkis : En 1975, plusieurs révoltes de Harkis ont lieu dans les camps où ils sont internés depuis 13 ans. Elles sont surtout le fait des enfants de harkis, qui dénoncent leurs conditions de vie indignes et revendiquent une reconnaissance nationale de l'aide que leurs pères ont apporté à l'Etat français. L'Etat et de nombreux Français semblent alors redécouvrir qu'il y a des Harkis en France. Un premier plan d'action en leur faveur est mis en place. Leur parole commence à se libérer, des historiens s'intéressent à leur mémoire et prennent leur témoignage. Des associations de Harkis sont créées. Une nouvelle vague de révolte éclate en 1991. \- Celle des Pieds-Noirs, qui sont nombreux dans le Sud de la France, particulièrement en Provence. Ils créent des associations où ils se retrouvent pour se souvenir des jours heureux d'Algérie, créent des petits musées sur leur vie en Algérie, organisent des conférences... Ils cultivent ce que l'on appelle la « nostalgérie », c'est-à-dire une nostalgie de leurs années passées en Algérie. Leur mémoire s'exprime également par le biais de films, comme [Le coup de Sirocco] d'Alexandre Arcady, 1979, qui raconte les péripéties d'une famille de Pieds-Noirs qui s'installe à Paris. \- A partir des années 1990, la parole des anciens jeunes soldats appelés se libère également. Arrivés à un âge avancé, ils ressentent le besoin de se libérer des souvenirs douloureux de cette « sale guerre ». Cette tendance s'intensifie après la parution des mémoires du général Aussaresses en 2001, ancien chef du renseignement pendant la bataille d'Alger, qui reconnait le recours à la torture et l'assassinat de Maurice Audin. Ce livre lui vaut d'être condamné par la justice, mais il aide à libérer la parole de nombreux anciens conscrits. - **Les historiens travaillent plus facilement** A partir des années 1990, une nouvelle génération d'historiens se penche sur la guerre d'Algérie. Jeunes, ils n'ont connu cette guerre que dans leur enfance, comme Jean-Charles Jauffret (spécialiste des Appelés), voire pas du tout comme Raphaëlle Branche (spécialiste de l'histoire de la torture). Ils peuvent donc prendre le recul nécessaire à l'élaboration des récits historiques. L'ouverture des archives en 1992 et le réveil des mémoires des Harkis, des Pieds-Noirs et des anciens appelés leur donnent également accès à de nouvelles sources. Les historiens écrivent aussi certains pans oubliés de l'histoire, s'appuyant sur des mémoires qui ne s'étaient pas exprimées jusque-là, comme celle des appelés réfractaires (travaux de Tramor Quemeneur). Certaines de leurs enquêtes viennent également contredire la mémoire de certains groupes. Par exemple, Yann Scioldo-Zurcher a montré que contrairement au sentiment des Pieds-Noirs de n'avoir pas été bien accueillis, l'Etat français avait tout de suite pris des mesures pour leur trouver des logements,... - **Une reconnaissance mémorielle de la part de l'Etat français :** \- en 1999, sous la présidence de Jacques Chirac, lui-même ancien appelé en Algérie, le parlement vote à l'unanimité une loi qui reconnaît officiellement que l'Etat français a bien mené une guerre en Algérie. Cette décision a comme conséquence la reconnaissance du statut d'anciens combattants aux appelés de 1954-1962. -en 2002, Jacques Chirac inaugure au quai Branly le premier mémorial national aux soldats français et aux harkis morts en Afrique du Nord. Cependant, ce mémorial est critiqué par les associations d'anciens combattants car certains noms inscrits sont ceux de civils. -en 2005, une loi est votée qui « porte reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés », c'est-à-dire des Pieds-Noirs. -en 2012, François Hollande reconnaît la responsabilité de l\'État dans la répression de la manifestation du 17 octobre 1961, suite à la production l'année précédente du documentaire [Ici on noie les Algériens]. -en 2018, Emmanuel Macron a reconnu la responsabilité de l'État français dans la mort du militant pro-indépendance et communiste Maurice Audin. En 2021, il décide de faciliter le travail des historiens sur cette guerre en ouvrant les archives judiciaires, 15 ans avant la date prévue. Cette reconnaissance s'inscrit dans l'espace public où l'on voit fleurir des monuments, des plaques et des noms de rue qui commémorent la guerre d'Algérie. Les historiens sont cependant réticents face à ce devoir de mémoire qui se met petit à petit en place : ils lui préfèrent le devoir d'Histoire. **b.En Algérie, des historiens encore soumis à l'utilisation politique de l'Histoire de la guerre par le pouvoir** L'arrivée au pouvoir de Bouteflika en 1999 donne un peu de liberté aux Historiens, qui ont désormais le droit de travailler sur l'œuvre de Messali Hadj et du MNA. Mais certains sujets restent interdits, comme les violences du FLN, le massacre des Harkis, ou encore les mémoires des Berbères. Certains historiens comme Mohammed Harbi sont autorisés à rentrer dans leur pays. Cependant, l'histoire officielle est de plus en plus remise en cause: - Par les Berbères, qui se révoltent en 1980 contre le FLN et l'arabisation forcée de leur culture, lors du « printemps berbère » : ils réclament que leur mémoire soit aussi entendue. - Par la jeunesse, qui, dans manifestations contre Abdelaziz Bouteflika en 2019, reprennent le slogan -- en français -- de 1962 (« un seul héros le peuple »), mais en le détournant de son usage initial puisque désormais, le peuple serait uni non plus contre les Français mais contre Bouteflika. **c.Vers l'élaboration d'une Histoire commune ?** - **Entre coopérations...** Dès 1962, la France et l'Algérie coopèrent étroitement, malgré les cicatrices du conflit. Cette coopération s'explique par des intérêts économiques mutuels, mais aussi par l'existence d'une très forte communauté d'origine algérienne en France. Cette coopération se renforce dans le temps. Un traité d'amitié franco-algérien est en préparation mais l'Algérie soumet sa ratification à la reconnaissance, par l'Etat français, des exactions coloniales et surtout à la présentation d'excuses de la part de la France. François Hollande a certes reconnu, dans un discours en 2012, le caractère brutal et injuste de la colonisation, mais la France n'envisage pas d'excuses officielles et rappelle que la violence a eu lieu des deux côtés. En 2004 parait la première [Histoire de la guerre d'Algérie] co-écrite par un historien français, Benjamin Stora, et un historien algérien exilé, Mohammed Harbi. En 2020, Emmanuel Macron confie à Benjamin Stora la mission de formuler des recommandations pour favoriser « la réconciliation entre les peuples algérien et français ». L'Etat algérien a lui-aussi nommé un historien algérien, Abdelmadjid Chikhi pour mener un travail de « vérité » sur les questions mémorielles des deux pays. - **Et tensions mémorielles** Mais des tensions demeurent, qui témoignent de mémoires non apaisées porteuses d'enjeux politiques forts. Même si 60 % des foyers algériens comprennent et/ou pratiquent le français, l\'Algérie refuse d'intégrer l\'Organisation Internationale de la Francophonie. Malgré la reconnaissance de la responsabilité de l\'État dans la répression de la manifestation du 17 octobre 1961, l'Algérie réclame des excuses officielles et demande à ce que la France reconnaisse que sa répression a été un crime contre l'humanité et non pas un crime de guerre. En France, les mémoires ne sont pas apaisées non plus et chaque décision politique concernant la mémoire de la guerre d'Algérie et de la colonisation continue de faire débat : - En 2005, la loi Mékachéra demande que « les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Cet article est supprimé l'année suivante, sous la pression des historiens qui refusent toute lecture « officielle » de l'histoire. - Difficulté de trouver une date pour commémorer « les victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie ». Le gouvernement a d'abord proposé la date du 19 mars, en souvenir des Accords d'Evian, ce que valident les anciens combattants. Mais les associations de Harkis et de Pieds-Noirs l'ont rejeté car ces accords ne signifient pas la fin des actes de violence à leur encontre... Finalement, l'Etat a retenu la date neutre du 5 décembre... **Conclusion :** L\'histoire est au centre de multiples enjeux, tant politiques que mémoriels. Pour expliquer les origines de la Grande Guerre, le débat historique - soumis à d'importants enjeux politiques - s\'est longtemps focalisé sur la question de la responsabilité, et donc de la culpabilité des vaincus. Après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de rapprochement franco-allemand, la question perd son caractère politique et les recherches historiques se déplacent vers de nouveaux objets. La polémique internationale est désormais close. L'exemple de la guerre d\'Algérie souligne, quant à lui, la manière dont histoire et mémoires s\'articulent. En France, la volonté d\'occultation du conflit par l\'État n\'a pu empêcher la résurgence des mémoires enfouies. Ces mémoires émanent, à partir des années 1970, des multiples acteurs de la guerre qui demandent reconnaissance ou réparation. Face à ces mémoires concurrentes, l\'ouverture des archives permet aux historiens d\'établir des faits vérifiables. Ces évolutions parallèles poussent les pouvoirs publics à entamer une politique de reconnaissance des multiples mémoires du conflit, même si cette reconnaissance demeure encore étouffée en Algérie, où l'État défend une histoire officielle.