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This document appears to be an overview of the literary works and theories of Arthur Rimbaud. It includes discussions on topics such as the theory of inspiration and different poetic styles. The document is not a past paper, it is an overview of an author and their work.

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Amorces : Rimbaud - Théorie de l’inspiration : poésie raisonnée et longuement travaillée Arthur Rimbaud écrit dans sa lettre du 24 mai 1870 à Théodore de Banville : “Ces vers croient; ils aiment; ils espèrent : c’est tout”. Rimbaud s’inspire ici de la théorie de l’inspiration de Platon, qui...

Amorces : Rimbaud - Théorie de l’inspiration : poésie raisonnée et longuement travaillée Arthur Rimbaud écrit dans sa lettre du 24 mai 1870 à Théodore de Banville : “Ces vers croient; ils aiment; ils espèrent : c’est tout”. Rimbaud s’inspire ici de la théorie de l’inspiration de Platon, qui énonce que l’inspiration du poète provient d’une force supérieure qui le contrôle. Néanmoins, le poète aux semelles de vent s’émancipe de cette vision car pour lui, l'inspiration doit être travaillée longuement et cette démarche est un processus raisonné. Cette conception de la poésie se perçoit dès les prémisses de son art dans Les Cahiers de Douai, un recueil poétique de jeunesse écrit en 1870. Rimbaud - Théorie de l’inspiration : dépossession de soi Rimbaud écrit les mots “Je est un autre” dans sa Lettre du Voyant à Georges Izambard, son professeur de lettres. En effet, pour Rimbaud, le processus de création poétique nécessite un détachement/dépossession entre soi et son statut de poète. Dans ce sens, Rimbaud voit le poète comme un vecteur d’une force supérieure. Cette théorie de l’inspiration, une véritable conception de la poésie, se perçoit dès les prémisses de son art dans Les Cahiers de Douai, un recueil poétique écrit en 1870. Présentation de l’oeuvre : Les Cahiers de Douai est un recueil de jeunesse que Arthur Rimbaud écrit à l’âge de 16 ans. Dans cet ensemble de vingt-deux poèmes écrit durant l’année 1870 et publié en 1893 à titre posthume par Paul Demeny, le génie rimbaldien sonne la révolte par son audace, et s’émancipe petit à petit à la fois de l’enfance, de la tutelle familiale et des conventions littéraires du Parnasse. Dans ces premiers écrits, les figures poétiques antérieures sont autant tutélaires qu’objets de rejet. Ouvertures : Blaise Cendras La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France de Blaise Cendrars est un long poème qui partage avec Rimbaud une certaine conception de la poésie : un absolu et un infini à atteindre pour dépasser ce qu’offre le réel le plus fermé. Sous parties: L’éloge d’une harmonie avec une nature nourricière : un héritage romantique La poésie rimbaldienne revêt une teinte romantique, à travers l’éloge d’une harmonie avec une nature nourricière. Pour le romantisme, la nature est un refuge qui permet aux artistes de s’éloigner des aléas du siècle mais c’est également une source d’inspiration. Dans “Première Soirée”, les “Grands arbres” encadrant le poème sont personnifiés comme étant “indiscrets”. Ce trait de caractère qui leur est attribué donne un rôle nourricier à la nature, comme la protectrice de leur amour. Cette image renvoie une connotation très romantique de communion avec la nature. En outre, cette éloge de l’harmonie avec la nature est soulignée dans le poème “Le dormeur du val” où la nature enveloppe le corps du soldat mort, le berçant comme une mère bercerait son nourrisson. De plus, dans “Sensation”, non seulement la nature permet de se reposer, mais également de s’évader, comme le montre le vers “j’irais loin, bien loin”. Pour les artistes romantiques, la nature est une source d'inspiration et d'évasion, un refuge face au tumulte du monde moderne. → Lamartine utilise la nature d’une façon similaire, notamment dans son poème “Le lac” où celle-ci permet de retranscrire la mélancolie du poète à travers la métaphore filée de l’eau. Donc l’image de la nature est au service du travail poétique de ces deux poètes. Une aspiration à atteindre la beauté idéale : le Parnasse Rimbaud s’inspire du Parnasse à travers une plume dominée par un lyrisme impersonnel et une attention minutieuse à l’harmonie aux sein des vers. Ce mouvement littéraire prône l’art pour l’art, soit la création sans utilité ou visée politique, et a marqué de nombreux poèmes de Rimbaud. Nous pouvons par exemple nous intéresser à “Ophélie”. Ce poème en alexandrins reprend le topos parnassien de la mort d’Ophélie, héroïne tragique d’Hamlet, noyée dans une rivière. Ce poème, ainsi que “Soleil et Chair” et “Sensation”, ont été envoyés à Théodore de Banville au début de la carrière de Rimbaud, au moment où il aspirait à faire partie du cercle des parnassiens, ce qui témoigne de la teinte parnassienne que revêt nombreux de ses poèmes. Rimbaud respecte à la règle la beauté formelle, avec notamment la coupure à l'hémistiche. Il utilise également l’harmonie suggestive, comme dans le vers 2 “La blanche Ophélia flotte comme un grand lys”, suggérant le bruit de l’eau à travers l’allitération en “l”. De plus, la diérèse dans le prénom “Ophéli/a” ajoute de l’harmonie au vers. Ainsi, nous pouvons dire que Rimbaud s’inscrit dans un héritage fort du Parnasse et dans ce sens se montre apprenti-poète dans ce recueil poétique. Un voleur de feu apportant aux hommes un simple fantasme, une illusion perdue ? Toujours dans le conditionnel, le futur Dans “Les Reparties de Nina” → futur “ça sentira”, “nous regagnerons” → fantasme, conte de fée, rêve d’évasion Dans “Ma Bohème”, Rimbaud écrit “que d’amours splendides j’ai rêvées !”. Ici, les “amours” sont simplement “rêvés”, et non réalisés. De plus, le participe “rêvées” rime avec “crevés” au vers 1, donnant l’impression que le reste irréalisable et voué à l’échec. → réalise/conscient lui-même de l’illusion, qu’il crée, mais aussi illusions plus subtiles : Prône une harmonie idyllique avec la nature avec Ophélia qui est mise en même plan que les étoiles, de l’ordre du fictif, l’espoir nous tue en quelque sorte. Veut une émancipation politique et collective, mais inaction, échec → “Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-Treize” la démocratie à laquelle les émancipés purs ont aspiré est inatteignable → leurre le lecteur en le faisant espérer. Rimbaud considère la poésie comme activité libératrice et émancipatrice, porteuse de grandes aspirations pour l’Homme (sujet sérieux). Il nous incite à nous détacher de tout dogme religieux et de vivre selon nos désirs et en harmonie avec la nature. C’est une philosophie de vie. → Baudelaire dans le poème en prose “Chacun sa Chimère” essaye de dénoncer ce piège que peuvent tendre certains artistes en nous faisant espérer. En effet, il dénonce le rêve et les ambitions des hommes comme des poids oppressants, symbolisées par des chimères. Mais la chute du poème montre la fatalité poétique qui touche Baudelaire et l’illusion que se font les poètes eux-mêmes de devenir voyant et voleurs de feu. L’art de la provocation à travers la critique de la religion Rimbaud conçoit la religion comme un obstacle dans sa quête de liberté et de marginalité. Il n’hésite pas à utiliser la poésie comme arme pour critiquer l’Eglise et ses concepts de péchés et de culpabilité. “Le châtiment de Tartufe” provocation dans l’image obscène que lance le début → scène de masturbation publique (le “coeur” désigne le sexe masculin), répétition du participe présent “tisonnant” qui prend une valeur d’insistense sur la perversion du personnage → plaisir qu’il prend de créer une image provoquante à partir de l’étude de Tartuffe en cours/à l’école, dénonce hypocrisie de l’église Éloge de la chair (=tentation pour chrétiens, un péché) → “Ô splendeur de la chair !” dans “Soleil et Chair” Une conception renouvelée du topos poétique de la nature : un “je” lyrique retravaillé Rimbaud se détache de la posture romantique face à la nature. En effet, il ne la perçoit pas comme une source éternelle de contemplation ou une muse poétique absolue mais comme une réalité physique. Les deux premiers quatrains de “Sensation” expriment le plaisir qu’éprouve le poète à marcher, durant les “soirs bleus d’été” dans la nature. Cette dernière est comparée à une femme dans le deux derniers vers “Par la Nature / – Heureux comme avec une femme”. Ici, Rimbaud érige la nature au personnage féminin aimant et sensuel. Ainsi, le poète retravaille le topos de la nature en la présentant comme une puissance créatrice lumineuse, presque comme un compagnon dans son émancipation. De plus, dans “Le Mal”, Rimbaud s’inscrit dans un nouveau type de fusion puisque le poète se reconnaît dans cette nature abimée. En effet, dans le vers 8 “Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !...”, la nature personnifiée est souillée par l’avidité des hommes. Ici, le poète est pris de compassion pour cette nature sacrée mais détruite. Rimbaud fait donc une utilisation nouvelle du poncif poétique de la nature. Elle est ni l’objet de rejet ni source unique de contemplation mais lieu d’expériences sensorielles, tactiles du “je” poétique. De plus, le “je” lyrique porte une âme collective, car les sensations dépassent l’individu et le subjectif. Satire de topoï littéraires Rimbaud fait un parodie de la poésie traditionnelle amoureuse et du genre bucolique, entre autres dans le poème “Les Reparties de Nina”. En effet, Rimbaud commence ce poème par décrire un décor champêtre et pastoral avec les expressions “frais rayons” ou “ton rire fou”. Cependant, il détourne petit à petit ce genre bucolique en introduisant des éléments grossiers comme “Les fesses luisantes et grasses / Du gros enfant” ou le “fumier chaud”. Finalement, la chute finale “– Et mon bureau ?” brise complètement l’atmosphère bucolique, revient à la réalité des contraintes. Dans “Vénus Anadyomène”, Rimbaud détourne le topos de la déesse de la beauté → image morbide et repoussante, sorte de prostituée (tatouage “Clara Venus”), contre-blason du haut vers le bas. Il finit par rime “Vénus”/”Anus” → paroxysme de la critique, provocation, cherche la réaction du rejet morale des adultes. Le titre avec le mot savant “anadyomène” (=qui sort de l’eau) contraste avec ce qu’il va suivre. Il nous montre que la laideur peut être source d’inspiration poétique, “belle hideusement”. Il affirme avoir trouvé la beauté dans la laideur. (Baudelaire avec “La Charogne”). “Bal Des Pendus” (poème de 9 quatrains alexandrins + 2 quatrains octosyllabiques). Rimbaud décrit la danse macabre des pendus s’entrechoquant au vent. Les pendus symbolisent le poète, en marge de la société, qui conteste l’ordre social. Il parodie le texte de Villon qui dans “Ballade des pendus”, (un texte pathétique qui incite la charité chrétienne) fait parler les morts avec les vivants (vers 35) en ayant recours à la prosopopée (= faire parler quelqu’un qui normalement ne peut pas parler). Ce texte, d’origine sérieuse, est parodié par Rimbaud avec humour noir. Il profane le sacré. Les pendus sont comparés à des danseurs (cadavre!). Ceci témoigne d’un désir de parodie, d’émancipation et de provocation des codes poétiques établis. Critique de la guerre : une pensée politique Dans le poème “Le Mal”, Rimbaud utilise un registre épique pour mettre en scène l’horreur des combats. Les nombreuses allitérations en “r” ou en “k” rappellent la violence sonore de la guerre. De plus, les hommes sont nommés par leurs couleurs d'uniformes : “écarlates” pour les Français et “verts” pour les Prussiens. Outre l'uniformisation créée par cette métonymie, les soldats sont dépossédés de leur humanité en étant réduits à des ensembles. Le célèbre poème “Le Dormeur du val” s’inscrit également dans cette perspective critique. Tout le texte repose sur le contraste entre le cadre bucolique “c’est un trou de verdure où chante une rivière”, la nature source de vitalité et la mort, entendue dans la violence chute “Il a deux trous rouges au côté droit”. La jeunesse du soldat, figure de l’innocence, renforce la violence et donc la portée critique du sonnet. Une émancipation de l’enfance : l’éveil des émois amoureux De nombreux poèmes placent le jeune poète en pleine découverte de l’amour, du corps, des femmes. Se dégage alors de ces pièces une extrême sensualité ou les sentiments côtoient des sensations nouvelles poétiquement exploitées. Par exemple, un champ lexical du corps et de la nudité est particulièrement visible comme le montre le poème “Première soirée” (titre évoque la nouveauté amoureuse) avec “nue”, “sein”, “déshabillée”. Le poète lie cette sensualité au “rire”, reflétant un certain malaise adolescent enrobant l’érotisme de cette scène. De plus, ce poème a été publié dans un hebdomadaire sous le titre de “Trois Baisers”. Des baisers se réfèrent aux baisers aux chevilles, aux yeux, aux seins. Rimbaud insiste ici sur le caractère érotique par la nudité progressive de la femme et s’oppose à la poésie traditionnelle qui ne revet pas de caractère érotique autant exarcerbé. Nous pouvons également nous intéresser au poème “Rêvé pour l’hiver”. Dans ce conte de fée idyllique, Rimbaud peint “à Elle” un scénario érotique. Les baisers s’incarnent notamment sous la comparaison d’une “folle araignée”. Cette métaphore filée inattendue rappelle l’insouciance de l’adolescent Rimbaud et le jeu qu’il prête à la relation amoureuse. Images d’adolescence : couleur verte = vitalité (“les tilleuls verts” dans “Roman”) Passage l’enfance à l'âge adulte avec image antithétiques comme dans “Roman” avec “des bocks et de la limonade” Références purement enfantines sont visibles dans les textes, comme “les doux froufrous” de “Ma Bohème” ou encore les “tartines” du “Cabaret-Vert” → lexique léger et malicieux, recueil pas “sérieux” Dans la poésie rimbaldienne, qui se veut très corporelle, le fait d'appréhender ses sensations est un point de départ nécessaire à l’écriture et la création. Par le “long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens” (Lettre du Voyant), Rimbaud explique qu’il faut bouleverser la façon de voir le monde et de le ressentir afin de le retranscrire. Il faut libérer les émotions, les vivre pleinement pour qu’elles permettent d’appréhender le monde autrement. La théorie de l’inspiration : une incompréhension de certains écrits : une limite au génie rimbaldien ? Dans les “Reparties de Nina”, Rimbaud conte ses aventures avec une femme aimée, mais elle n’arrive que à lui répondre “Et mon bureau ?”. De cette façon, Rimbaud est incompris d’elle, mais aussi du lecteur. En effet, aucune réponse unique a été trouvée à ce vers en opposition avec le reste du récit de “LUI” → écrits indéchiffrables car une force supérieure le contrôle ? Dans “Vénus Anadyomène”, le langage dégradant de la femme a été interprété par certains comme féministe, comme pour Steve Murphy, car c’est plutot une plainte de cette prostituée, violence par les société et les artistes. D’autres voient ce sonnet comme misogyne. → l’imagination écrit à la place de Rimbaud, rendant des bribes de ses textes incompris ? “Rêvé pour l’hiver” → Versification originale pour un sonnet : alternance entre des alexandrins et des hexasyllabes (1er quatrain et tercets), et entre octosyllabes et alexandrins (2eme quatrain) → traduire un désordre propre au rêve ? reproduire le bruit du train sur les rails ? Une contrainte vraiment ? Faire partie du jeu de l’auteur peut-être, amusant de jouer avec les mots ? Un poète conscient des limites de sa propre liberté Rimbaud a conscience des limites de la liberté et des risques provoqués par les esprits qui s’écartent du droit chemin. Dans le poème “Ophélie”, Rimbaud voit un double dans l’héroïne tragique shakespearienne qui est en marge de la société et incarne une quête de liberté dans une société qui ne la comprend pas. Il utilise ici le mythe d’Ophélie plus que le personnage d’Hamlet stricto sensu et donc se libère de la tradition en mettant en scène une femme incomprise qui s’est libérée grâce à la mort. La liberté est décrite dans ce poème comme une illusion : “Liberté ! Quel rêve, ö pauvre folle !”. La liberté a donc des limites car Ophélie n’est libre que dans l’errance de la finitude. De la même façon, Rimbaud n’est libre que dans l'irréel et la folie. La nostalgie joue un rôle important dans le recueil. En effet, se libérer est un acte salvateur, mais c’est aussi une source d’angoisse et de mélancolie. Dans “Ma Bohème”, la nostalgie est mise en valeur à travers l’hypallage “souliers blessés”, qui casse l’image classique de la douleur poétique. Ce texte programmatique annonce la suite de son oeuvre tout en présentant la nostalgie aux portes d’un monde que l’on quitte. Une poésie impersonnelle : une prise de liberté synonyme de solitude Rimbaud prône une poésie objective et impersonnelle, témoignant de son émancipation des Anciens. En effet, le romantisme utilise une poésie subjective où le “je” lyrique parsème les vers. Cependant, Rimbaud déclare que ce type d’écriture est narcissique. En effet, il essaie d’élaborer une poésie surplombante où il endosse un rôle de Poète quasi-divin. Par exemple avec Dans “Ophélie”, Rimbaud dit “Et le Poète dit :”. Mais cette prise de liberté/impersonnalité est également le témoin d’une solitude. En effet, Rimbaud semble ne pas appartenir à la société/être en marge de la société par son statut de poète et être rattaché à elle avec seulement à travers des métaphores Comparaisons : “comme un bohémien” (“Sensation”), “comme un étudiant” (“A la Musique”) Ophélie avec ses visions qui “t’avaient parlé de l’âpre liberté” → se voit dans cette figure de Shakespeare le “IL” dans les “Reparties de Nina” → endosse des rôles, mais reste un albatros seul ? image du poète seul dans sa tour d’ivoire, poète en marge → Baudelaire peint une image similaire du poète à travers son poème “l’Albatros” du recueil poétique Les Fleurs du mal de 1861. Dans cette auto-représentation allégorique, l'oiseau capturé, ridiculisé et maltraité, incarne l'artiste incompris et rejeté. Transformation des codes artistiques engendrant la création de mondes nouveaux “Le Buffet” semble relever de la peinture à travers des descriptions très picturales et de l’usage du présent de description. Rimbaud insiste sur l’odeur qui oscille entre le vieux et des parfums plus doux. Rapidement, le vieux buffet passe de la banalité à la création d’une émotion. En effet, il est personnifié au vers 12 et devient l’allégorie du souvenir qui “sait bien des histoires”. En poétisant ainsi un objet banal, Rimbaud fait preuve d’une grande modernité. Il dépasse le type canonique de la peinture de genre pour créer un univers sensoriel et émotionnel qui sera celui de son esthétique future. Il invite aussi à voir les choses du quotidien différemment. Il propose de dépasser les apparences et d’aller au- delà de ce que montre le réel en fabriquant une nouvelle réalité dans laquelle les sens et le sensible sont essentiels. Il nous apprends à vivre selon le “carpe diem”, c’est à dire à apprécier chaque petits moments de plaisir, chaque objet qui nous entoure. Le vagabondage : la “liberté libre” (Lettre à Izambard 1870), l’absolu rimbaldien, l’art de partir toujours plus loin Le poète aux semelles de vent fugue à plusieurs reprises et se réfugie notamment chez Izambard à Douai. Image des “pieds” dans “Première Soirée” qui fait écho au vagabondage et aussi à la sensation du toucher Cette errance s’exprime dans l’utilisation du verbe “aller”. Par exemple le sonnet “Sensation” débute par “Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers”, ou bien le poème “Roman” qui employe l’expression “nous irions”. L’utilisation respective du futur et du conditionnel rappelle l’aspiration/désir à l’évasion, la fuite, le départ de R. L’utilisation du verbe “aller” n’est pas anodin : c’est un vagabondage où il part dans l’inconnu, sans nécessairement atteindre un endroit précis. Ainsi, Rimbaud rêve d’un ailleurs, de grands espaces et de sphères illimitées, tant géographiques dans sa vie qu’imaginaires au sein des textes. Le Poème “Ma Bohème” solde cette image du poète voyageur et itinérant en quête de liberté. Il est l’artiste en marge “au bord des routes” qui évolue dans un espace immense et infini “J’allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal”. De plus, l’utilisation des noms communs “sentiers” (“Sensation”) ou “sillons” (“Morts de 92 et de 93”) rappellent que Rimbaud se crée un chemin dans un espace indéfini. C’est donc une errance qui s’universalise. Ainsi, l’imagination du lecteur peut se l’approprier plus facilement. La fusion entre sa vie et son écriture est reconnaissable : il fuit autant un monde bourgeois et conformiste qu’il poésie sclérosée par des règles rigides. Ainsi la fugue et l’écriture relèvent d’une double expérience. Un langage poétique novateur au plus proche du quotidien, du banal Tout d’abord, Rimbaud brutalise le sonnet grâce à de nombreux enjambements, comme au “Cabaret-Vert” avec “La table/Verte”. Ce retardement de l’adjectif “verte” ainsi mis en valeur témoigne d’un jeu avec la langue qui surprend le lecteur. De plus, Rimbaud utilise de nombreux néologismes comme “Robinsonne” dans “Roman”. Ici, Rimbaud explique la nécessité de la fuite dans les fictions pour échapper au réel. En association cette fuite à la figure de Robinson Crusoé, il joue avec le mythe de l’Homme isolé, coupé mais finalement heureux de s’être extrait de la masse informe du commun des mortels. Une marginalité à laquelle il aspire. Rimbaud utilise également des références prosaïques comme dans “Cabaret-Vert” avec les noms communs “jambon” ou “beurre”. Ce langage poétique novateur témoigne d’une volonté du jeune poète de décomposer ce qu’il connaît et d’ainsi créer un nouvel univers au plus proche de l’humain, du quotidien, du banal. Cette émancipation à l’égard de la tradition poétique, permet de réunir tous les mots délaissés par la poésie pour écrire des vers plus accessibles. Il montre ainsi, que tout est sujet poétique. Rimbaud se veut voyant, de trouver une nouvelle langue qui sache dire l’univers sans le trahir. → Cette émancipation, prenant naissance dans un univers poétique du quotidien, est également présente dans Le Parti pris des Choses de Francis Ponge, publié en 1942. Les poèmes de ce recueil s'attachent à décrire des éléments du quotidien, choisis chacun pour son extrême banalité. Ponge dédie par exemple des poèmes à “l'huître” ou “le cageot”. Oeuvre comme un récit, un roman Roman d’apprentissage (comment en le perçoit) vs roman de l’échec (comme Rimbaud le perçoit + plutôt désapprendre non ?) CDD est un récit car il fait la peinture des étapes de la relation amoureuse, du coup de foudre aux premiers sentiments, de la séduction au badinage amoureux Mise à distance avec le “on” englobant, maturité, conscient : “on est pas sérieux quand on a dix-sept ans !” Dans “Les Reparties de Nina” : sorte de dialogue, de rôles donnés entre “LUI” et “ELLE”, théâtrale, mise en scène Il est conscient de sa propre insouciance → le titre “Roman” marque une prise de distance du poète à l’égard de l’émotion qu’il a vécue → la perçoit comme romanesque, il revient à son monde antérieur avec “vous rentrez aux cafés éclatants” + titre transgresse les catégories littéraires des genres car il s’agit d’un poème, contient 4 chapitres comme ceux d’un roman La satire des bourgeoisie et de l’ordre établit S’en prend aux bourgeois de Charleville (bourgeoisie de province) dans le poème “A la musique” Le présent de description et d’habitude est à noter dès le premier quatrain très réaliste où est peint un univers triste et terne, sans fantaisie. On le voit par les expressions “mesquines” , “correct” → étroitesse, conformité suffocante, superficialité De plus, au cœur de ce monde très droit, les personnages des bourgeois sont présentés et caricaturés selon des codes connus des lecteurs : Marqué par l’embonpoint comme le montre le lexique de la rondeur “grosses”, “déborde” Ils sont socialement représentés par leurs objets portés souvent coûteux et mis en avant de manière ostentatoire. Par exemple dans l’expression “le notaire pend à ses breloques à chiffres”. Dans cette hypallage, le sens et la syntaxe sont inversés pour montrer le manque de raffinement de ces bourgeois et comment ils sont remplaçables, comme de simples “breloques” interchangeables. Face à cet esprit fermé, faux et ordonné, Rimbaud va se positionner comme une figure du désordre et de rupture. Une forme entre tradition et modernité Versifications classiques : 12 sonnets dont la plupart sont en alexandrins Dans certains vers, la césure classique est respectée (“Par les soirs bleus d’été, j’irai par les sentiers”, “Sentation”) Des poèmes en strophe (sauf “Le Forgeron” et “Soleil et chair”) 2 longs poèmes proches de la fresque épique sont présents : “Le Forgeron” et “Soleil et Chair” Thèmes typiques: La jeunesse: “Les Réparties de Nina” Le sentiment amoureux: “Revée pour l’hiver” La beauté de la nature: “Le dormeur du val” La théologie grecque “Vénus Anadyomène” et “Soleil et Chair” Histoire avec “Le Forgeron” (VU “souvenir de la nuit du 4”) Littéraire avec “Ophélie” (Shakespeare), “Le châtiment de Tartufe” Vocabulaire soutenu: une langue savante, comme avec “le syrinx” dans “soleil et chair” (=flute de pan) des termes MA, comme avec “féal” dans “Ma Bohème”. Un graphie grecque (Aphrodite et Europée dans “Soleil et Chair”). MAIS prémices d’une versification malmenée : Césure 6//6 n’est pas toujours respectée (“Il est pris. – Oh ! Quel nom sur ces lèvres muettes.”, “Rages de Césars”) Forte présence de rimes pauvres, compensées par des jeux de paronymes, comme dans “Le Mal” avec “damassées”/ramassées” Utilisation de tirets ne respectant pas les règles canoniques. Ils coupent brutalement un propos pour créer un rythme moins lourd que celui de la versification académique. Par exemple dans “Les Réparties de Nina” on a “Comme cela, – la belle tresse, / Oh ! – qui boirais” Les quatrains et les tercets ne sont pas toujours indépendants syntaxiquement. (“Au Cabaret-Vert” - “Ma Bohème”) Une alternance entre alexandrins et hétérosyllabes (hétérométrique) dans “Revée pour l’hiver”, qui illustre le rythme du train. (importance des sensations). Des thèmes modernes: scène de genres objets “Le Buffet” Il veut modifier notre regard sur le monde et y compris sur les choses et les moments simples. L’objet personnifié porte une réflexion, une certaine vision de la condition humaine, du temps qui passe ce qui peut rappeler les thèmes du carpe diem. Un vocabulaire prosaique: interjections: “Bal des Pendus” - “Hurrah” / “Ma boheme” - “Oh! là! là!” mot crus: “Vénus Anadyomène” - “Anus” (qui rime avec Vénus) / “Les Effarés” - “leurs culs en rond” vocabulaire du quotidien “Les réparties de Nina” - “Bureau” Vocabulaire populaire “A la musique” - “Piou-Piou” vocabulaire enfantin “L’éclatante Victoire de Sarrebruck” - “Dada” Néologisme (nouveaux mots): “malignement” dans “Premère soirée” / “Roman” - “Robinsonner” Ce sont des modifications légères. On ne peut pas dire que les CDD sont est un récit de révolte. Une invitation à l’action Rimbaud nous invite à nous libérer des dogmes religieux qu’il considère comme des superstitions. Il nous invite à avoir foi en l’amour tel qu’il l’était dans les cultes primitifs. Il nous invite à nous libérer des préoccupations matérielles pour nos désirs (“Les Réparties de Nina”). Plus généralement, il nous invite à nous défaire des contraintes de la société, de ses normes. C’est une invitation à la révolte envers l’ordre établi et toute forme d’autorité. Ce projet n’est pas réellement nouveau. L’idée de dénoncer les impostures, l’hypocrisie des individus de la société est déjà énoncée par Victor Hugo. Cependant, la manière dont Rimbaud s’exprime est rebelle, on sent toute la fougue de la jeunesse qu’Hugo n’a pas. Rimbaud écrit avec ses tripes, s’inspire de son vécu et y met moins de forme qu’Hugo. Il considère la poésie comme une arme au service de l’émancipation. Son audace ouvre la voie à la modernité; Dans Sensation, il nous fait part de son projet de fugue au futur, quelques mois plumard dans ma Bohème, il revient sur son expérience au passé. Il évolue à travers ses voyages. AUTRES Verlaine - Référence au Parnasse et au travail des vers Paul Verlaine écrit dans l’épilogue du recueil poétique les Poèmes Saturniens : “À nous qui ciselons les mots”. Ce vers fait référence aux cercles des parnassiens qui prône une attention minutieuse et rigoureuse du travail des vers, tel un sculpteur de marbre. Arthur Rimbaud s’inscrit également dans cette métaphore, notamment à travers son premier recueil Les Cahiers de Douai. Rimbaud s’inscrit dans le mouvement du symbolisme à travers sa vision du poète comme un voyant (=surnaturel, voir dans le futur, au-delà des communs mortels), un Prométhée apportant le feu et la vision pour ainsi décrypter des vérités cachées. D’autre part, dans “Ma Bohème”, Rimbaud compare des “élastiques” à des “lyres”. Or, la lyre, noble instrument antique, est un grand symbole de la poésie lyrique. Ce rapprochement inattendu ridiculise cette dernière.

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