Initiation à une approche esthétique des Arts - CM PDF

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This document provides an introduction to the aesthetic approach to the arts. It explores the concept of art from different perspectives, starting with the historical context and continuing with examination of philosophical ideas. The author discusses the different ways to perceive and classify the arts based on historical figures, philosophies and methodologies.

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# Initiation à une approche esthétique des Arts - CM ## INTRODUCTION ### 1/ La notion de l’art - Notion instable : Au Moyen Âge, l’art n’existait pas. Les objets aujourd’hui considérés comme art étaient des objets cultuels transmettant des savoirs aux fidèles. - Esthétisme : concept récent (début...

# Initiation à une approche esthétique des Arts - CM ## INTRODUCTION ### 1/ La notion de l’art - Notion instable : Au Moyen Âge, l’art n’existait pas. Les objets aujourd’hui considérés comme art étaient des objets cultuels transmettant des savoirs aux fidèles. - Esthétisme : concept récent (début XIXe siècle). Avant, l’art était jugé selon les règles académiques. - L’époque des Lumières, en instituant le droit de vote, a permis l’expression des goûts personnels, influençant notre perception de l’art. - Van Gogh : non reconnu de son vivant, célèbre aujourd’hui. Qu’en sera-t-il demain ? - L’ikebana : art japonais pas toujours reconnu en Occident. - → L’art nécessite une appropriation culturelle dès le plus jeune âge. - L’art exige une intention et une acceptation sociale. Il est donc lié aux codes sociétaux, évoluant avec le temps. - Le contexte influence la valeur artistique : - Une statue comme cale-porte perd sa valeur artistique. - Un objet exposé au musée gagne en prestige. - ⇒ L’art dépend des facteurs socioculturels, pas des objets eux-mêmes. ### 2/ Un artefact - Artefact: Un objet créé par l’homme pour un usage spécifique. - Un artefact est différent d’un élément naturel. Il est fabriqué en modifiant des matériaux existants. - George Dickie, _Defining_ _Art_ - Selon Dickie, même les objets non modifiés peuvent devenir des artefacts s’ils sont utilisés comme outils. C’est l’usage qui transforme un objet simple en objet complexe. - Marcel Duchamp, _Fontaine_ - Duchamp a changé la fonction d’un objet ordinaire : un urinoir est devenu une œuvre d’art appelée “Fontaine”. Cela montre comment un objet banal peut devenir une œuvre d’art complexe. ## 3/ Une procédure de désignation - Définition simple de l’art selon George Dickie : L’art est un objet créé par l’homme pour être présenté à des personnes qui comprennent ce qu’est l’art. - Les œuvres d’art sont comme des candidats. Elles passent par un processus de sélection, un peu comme une élection. Ce processus détermine si elles peuvent être considérées comme de “vraies” œuvres d’art. - En résumé, il y a deux étapes principales : 1. Les œuvres d’art sont d’abord des objets créés par l’homme qui pourraient devenir de l’art. 2. Ensuite, ces objets sont choisis ou “élus” pour être officiellement reconnus comme de l’art. ## A/ CE QUE REPRÉSENTER VEUT (VRAIMENT) DIRE ### 1/ Platon, _La République_ - Une société idéal : la démocratie et le monde des idées - La connaissance de la beauté transcende l’expérience sensorielle. Pour saisir l’essence du beau, il faut dépasser les cas particuliers. - → La science esthétique étudie la beauté pure, sans matérialité. - → Pour atteindre l’idée, il faut s’affranchir de la matière qui l’altère. - Le monde des idées : un monde idéal immuable. - L’instabilité du monde sensible empêche la connaissance certaine. Le changement perpétuel anéantit toute stabilité nécessaire au savoir vrai. - La connaissance est dépendante des perceptions individuelles. La subjectivité introduit un relativisme si X trouve une rose belle et Y non, peut-on atteindre une connaissance objective ? - La théorie des idées : Platon développe une science purement intellectuelle pour atteindre la vérité. - → Connaissance vraie indépendante du sensible et de l’interprétation personnelle - → Réalité immatérielle, immuable et universelle : Implique un créateur unique (dieu) - → Monde sensible limité aux opinions subjectives - → Philosophie dualiste : sensible comme copie dégradée de l’intelligible - L’art et les artistes selon Platon : - Pour Platon, une société idéale n’aurait ni femmes ni artistes. Il pensait que cela éviterait les conflits entre la raison et les émotions. - Selon lui, l’artiste est comme un magicien qui nous trompe : - Il nous fait croire à des choses qui ne sont pas vraies - Il imite seulement l’apparence des choses - Il nous éloigne de la vraie connaissance - Platon conclut donc que l’imitation (ce que font les artistes) ne peut pas nous aider à acquérir de vraies connaissances. - Exemple : René Magritte, _La Trahison des images_ (1929) ## 2/ Aristote, _Poétique_ - _Poétique_ : Un livre qui explique comment écrire des pièces de théâtre - Ce livre d’Aristote donne des conseils pratiques pour écrire des pièces de théâtre. - Contrairement à Platon, Aristote ne critique pas l’imitation dans l’art. Il pense que l’imitation peut être positive et utile. - Aristote compare deux approches d’écriture : - Poète : crée le vraisemblable, impliquant choix et construction - Historien : rapporte les faits réels (ex: guerre de Troie) - Les deux imitent le monde, mais le poète intègre la création. - Le poète crée des épisodes nécessaires menant à un dénouement attendu. Contrairement à l’historien, il raconte ce qui pourrait arriver selon la vraisemblance. - Le vraisemblable répond au principe de nécessité. Le poète mêle actions simples et complexes, liées par causalité ou temporalité, pour créer un retournement de l’action. - La finalité est l’émotion menant à la catharsis (purification des passions). - Théâtre : outil sociétal pour purger les passions, permettant de vivre par procuration des actes interdits. - Les fictions : leçons de vie instructives et apaisantes. - Le théâtre doit être convenable, cohérent, et inspirer l’imitation de personnes exemplaires. - Nouvelle conception : imitation organisée (procédés variés pour captiver le public) produisant des émotions sans inciter à l’action réelle. / Élément nécessaire dans une démocratie. ## 3/ Digression : la classification des arts au fil des siècles ### La situation à la fin du Moyen-Age - La société était imprégnée de religion, avec le divin au centre de tout. La vie terrestre était vue comme une préparation à l’au-delà. L’<< art >>> désignait un savoir-faire technique, hiérarchisé selon les pratiques : - Arts libéraux divisés en Trivium et Quadrivium : - → Trivium : grammaire, dialectique, rhétorique (pouvoir de la langue) → Quadrivium : arithmétique, musique, géométrie, astronomie (pouvoir des nombres) - Arts mécaniques - Les arts mécaniques désignent les pratiques techniques ou artisanales, axées sur l’utilité pratique plutôt que sur l’intellect. Ils s’opposent aux arts libéraux, considérés comme plus théoriques. ### Au XVIIIe siècle : Kant (1790) classe les arts en 3 catégories : - Arts plastiques : sculpture, architecture, peinture (expression des idées par les sens) - Arts de la parole : éloquence et poésie - Arts des sensations : musique et art des couleurs ### Au début du XIXe siècle, Hegel classe cinq arts selon leur expressivité et matérialité, du moins expressif mais plus matériel au plus expressif mais moins matériel: - l’architecture - la sculpture - la peinture - la musique - la poésie ### Au XXe siècle, la liste s’élargit : - 1er art : l’architecture - 2e art : la sculpture - 3e art : les <<< arts visuels », regroupant peinture et dessin - 4e art : la musique - 5e art : la littérature, qui regroupe la poésie, les romans et tout ce qui se rattache à l’écriture - 6e art : les << arts de la scène », c’est-à-dire la danse, le théâtre, le mime et le cirque - 7e art : le cinéma - 8e art : les << arts médiatiques », qui regroupent la radio, la télévision et la photographie - 9e art : la bande dessinée, le manga et les comics - 10e art : le jeu vidéo ## 4/ Leon Battista ALBERTI, _De Pictura_ - Renaissance - → L’art est désormais considéré comme une activité intellectuelle, transcendant la simple pratique manuelle. - → Un nouveau statut de l’artiste émerge : présentation sur le marché, promotion active, et obtention de commandes. Cette évolution marque une reconnaissance accrue par rapport à l’époque médiévale. - → On assiste à l’émergence d’un capitalisme artistique : une relation vendeur-acheteur s’établit, accompagnée d’une revendication de paternité artistique. La rémunération est désormais basée sur le talent plutôt que sur le temps de travail. - → La notion de propriété artistique s’affirme : l’artiste se positionne comme créateur, remettant en question le rôle divin dans la création artistique. ### _De Pictura_ : - Alberti présente une méthode pour devenir un peintre reconnu, mettant l’accent sur deux domaines clés : - La géométrie : Alberti théorise la perspective pour représenter la réalité, organiser une peinture, et comprendre l’espace personnellement. - Cette approche scientifique rapproche la peinture des arts libéraux, la transformant en : 1. Un outil de connaissance 2. Un moyen d’expression avancé 3. Un espace de réflexion - Léonard de Vinci qualifie plus tard la peinture d’«activité mentale». - La nature : Le peintre doit représenter la création divine, tout en respectant l’importance de la religion. ### Fable de Zeuxis : - La fable de Zeuxis illustre un peintre exceptionnel qui s’inspire d’une beauté idéale plutôt que de copier la réalité imparfaite. Il y a une tension entre : 1. Représenter fidèlement la nature 2. Créer une version idéalisée de la réalité - Les artistes s’inspirent du monde réel mais l’embellissement, créant ainsi une beauté supérieure. Cette approche transforme l’art en une création originale, où la beauté émane à la fois de la nature et de l’imagination de l’artiste. - Exemple : - Leonardo Da Vinci, _L’Homme de Vitruve_ (1490) : Idéal masculin géométrique - Giorgione, _Vénus endormie_ (1510) : Perfection féminine idéalisée - Courbet, _Les Baigneuses_ (1853) : Femmes réalistes, non embellies (controverse) - Edouard Manet, _Olympia_ (1863) : Regard provocateur, nudité questionnante - Alexandre Cabanel, _La naissance de Vénus_ (1863) : Codes Renaissance, mythologie irréelle - → L’imitation en art ne se limite pas à copier la réalité. Elle permet aussi aux artiste d'inventer et d'améliorer ce qu'ils voient. Ainsi, ils peuvent représenter les choses non pas exactement comme elles sont, mais comme elles pourraient être dans leur meilleure version. ## 5/ Charles BATTEUX (1713–1780), _Les Beaux-arts réduits à un même principe_ - Il unifie les pratiques artistiques dans “_Les Beaux-arts réduits à un même principe_”. Il propose l’imitation de la nature comme principe commun, considérant l’art comme un concept unique. - Batteux définit la fonction des arts comme la transposition des traits naturels dans des objets artificiels. Il catégorise les arts selon leur but : - Arts mécaniques : visent l’utilité pratique - Beaux-arts : procurent plaisir et agrément - Éloquence et architecture : allient utilité et plaisir - Emploi vs imitation : - Les arts mécaniques : emploient la nature telle qu’elle est, uniquement pour l’usage - L’éloquence et l’architecture : emploient la nature en la perfectionnant, pour l’usage et l’agrément - Les beaux-arts : n’emploient pas la nature, ils ne font que l’imiter, chacun à sa manière - Les beaux-arts selon Charles Batteux : - → Le génie artistique doit imiter la nature. Les arts sont des imitations qui ressemblent à la nature sans être la nature elle-même. - → Cependant, l’artiste ne doit pas copier la nature exactement. L’art se concentre sur le vraisemblable plutôt que sur la réalité pure (idée inspirée d’Aristote). - → Le goût joue un rôle important. C’est lui qui juge si l’art a bien choisi et imité la nature. - Nouveautés apportées par Batteux : - Il introduit la notion de goût dans l’appréciation de l’art. - Le goût devient le garant de la bonne imitation et du beau. - Cette idée introduit une part de subjectivité dans le jugement artistique. - Malgré cette subjectivité, une œuvre d’art doit toujours respecter certains critères objectifs prédéfinis. - ! Les personnes qui apprécient l’art, souvent issues de milieux proches du monde artistique, reconnaissent la beauté selon ce qu’on leur a enseigné. Leur perception du beau est donc influencée par leur éducation et leur environnement social. ## 6/ Denis Diderot (1713–1784) ### Les salons - Denis Diderot, passionné d’art, rédigeait des critiques d’expositions de peinture. Ses “_Salons_” couvraient les expositions biennales de l’Académie royale de peinture et de sculpture au Salon Carré du Louvre (1759–1781). Ces textes commandés étaient publiés dans “_La Correspondance littéraire_” de Frédéric Melchior Grimm. ### La querelle dessin vs couleur - Le débat entre dessin et couleur en peinture, né en Italie au 16ème siècle, opposait les partisans de Raphaël aux coloristes. L’Académie favorise le dessin pour son enseignement aisé et ses règles précises, tandis que la couleur représentait l’aspect sensible. - Ce débat risquait de remettre en question le statut noble de la peinture. L’Académie préférait le dessin pour ses avantages : - Facilité d’enseignement - Règles précises - Jugement objectif des œuvres - Cette préférence avait aussi une dimension politique. ### Roger de Piles : résumé de son éloge de la peinture (le “fard”) et ses deux conclusions principales - << Il est vrai [à propos d’un tableau de Rubens] que c’est un fard, mais ce serait souhaitable que tous les tableaux d’aujourd’hui soient fardés de cette manière. On sait bien que la peinture n’est qu’un fard, qu’elle a pour but de tromper, et que le meilleur peintre est celui qui trompe le mieux. >>> 1. Une nouvelle façon de voir la peinture : elle devient un art indépendant avec ses propres règles (cela va à l’encontre de l’idée que la peinture doit imiter la poésie). 2. La peinture est maintenant appréciée pour le plaisir qu’elle procure et sa capacité à séduire le spectateur (cela ouvre la voie à l’appréciation de l’art pour lui-même). ### Salon de 1763 : - Chardin se démarque par ses scènes quotidiennes et natures mortes, peu valorisées à l’époque. Diderot, ému par ses œuvres mal placées, innove dans sa critique : - <<< Ce sont des couches épaisses de couleur appliquées les unes sur les autres et dont l’effet transpire de dessous en dessus. D’autres fois, on dirait que c’est une vapeur qu’on a soufflée sur la toile; ailleurs, une écume légère qu’on y a jetée. >>> - Diderot analyse la technique picturale plutôt que le sujet, distinguant l’objet peint de la manière de peindre. - "<<< Approchez-vous, tout se brouille, s’aplatit et disparaît; éloignez-vous, tout se recrée et se reproduit. >>> - Cette observation révèle que l’émotion naît autant de la technique que du sujet, offrant une nouvelle perspective d’appréciation de l’art. - ⇒ Innovation de Diderot : Évaluation de l’art par sa technique, privilégiant le “comment” au “quoi”. - ⇒ L’œuvre de Chardin transcende sa représentation, existant comme art au-delà de son sujet. - ⇒ “_La Laitière_” de Vermeer illustre cette évolution : scène quotidienne devenue iconique. Le contexte protestant de Vermeer favorisa l’intérêt pour les sujets ordinaires. ## 6*/ La musique du tableau - William Turner (1757–1851) : D’abord connu pour ses dessins, son style évolua radicalement. “_Le Naufrage_” et “_Tempête de neige en pleine mer_” illustrent ce changement, remplaçant les formes nettes par des tourbillons de couleurs. - “_L’Incendie du Parlement de Londres_” poursuit cette nouvelle approche. Turner privilégie désormais l’évocation d’émotions plutôt que la représentation d’objets identifiables. - Ses œuvres furent décrites comme “des peintures de rien, mais qui font toujours penser à quelque chose”, évoquant des idées ou des sentiments plutôt que des objets précis. - “_La musique du tableau_” : Inspirés par la musique, les peintres créent des “symphonies visuelles”, cherchant à susciter des émotions plutôt qu’à représenter la réalité. - John Ruskin, critique d’art anglais, critiqua le “_Nocturne en noir et or_” de Whistler, le comparant à un pot de peinture jeté sur une toile. Cette expression fut plus tard appliquée aux Fauves, dont les couleurs vives choquaient, notamment celles de Matisse. - Le “_Impression, Soleil levant_” de Monet représente une scène ordinaire d’une manière novatrice, capturant l’impression personnelle du peintre plutôt qu’une représentation exacte. - <center>Court métrage : _Dreams Van Gogh_, Akira Kurosawa</center> - <center>“<<< Approchez-vous, tout se brouille, s’aplatit et disparaît; éloignez-vous, tout se recrée et se reproduit. >>></center> ## 7/ Eugène Delacroix (1798–1863) - <<< Il y a un genre d’émotion qui est tout particulier à la peinture; rien dans l’autre n’en donne une idée. Il y a une impression qui résulte de tel arrangement de couleurs, de lumières, d’ombres, etc. C’est ce qu’on appellerait la musique du tableau. Avant même de savoir ce que le tableau représente, vous entrez dans une cathédrale, et vous vous trouvez placé à une distance trop grande du tableau pour savoir ce qu’il représente, et souvent vous êtes pris par cet accord magique; les lignes seules ont quelquefois ce pouvoir par leur grandiose. C’est ici qu’est la vraie supériorité de la peinture sur l’autre art, car cette émotion s’adresse à la partie la plus intime de l’âme. Elle remue des sentiments que les paroles ne peuvent exprimer que d’une manière vague (...) » - “_La musique du tableau_” évoque des formes colorées autonomes, sans représentation précise. Les couleurs s’expriment pour elles-mêmes, au-delà de l’imitation. Même vue de loin, une telle peinture suscite une émotion purement picturale, née uniquement de l’agencement des couleurs et des formes. ### Une nouvelle autonomie pour la peinture : - “L’artiste ne cherche pas à copier exactement ce qu’il voit. Son but est de toucher l’esprit du spectateur.” - Quand un peintre crée un tableau, il veut faire réfléchir le spectateur. - On compare maintenant la peinture à la musique. La musique n’imite rien de concret, et pourtant elle nous touche. De la même façon, la peinture peut créer des émotions sans forcément représenter quelque chose de précis. C’est une nouvelle façon de voir l’art qui ne dépend plus des mots pour s’exprimer. - En résumé, la peinture s’éloigne de l’idée qu’elle doit raconter une histoire comme un poème. Elle devient une façon de penser à travers les sens, sans avoir besoin de mots. ==End of OCR for page 11==

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