Théories de la souveraineté moderne

Le concept de souveraineté, qui signifie le pouvoir ultime et indépendant d'un État, est une idée moderne qui a ses racines dans la pensée théologique. Avant la Renaissance, la souveraineté était attribuée à Dieu.

Machiavel, un penseur italien de la Renaissance, a joué un rôle crucial dans la définition de la politique comme une affaire humaine distincte de la religion. Il a soutenu que l'État devait être autonome et indépendant de toute influence religieuse.

Machiavel a introduit l'idée d'une fondation de l'État, suggérant que l'objectif principal de la politique est de créer et de maintenir le pouvoir de l'État. Il a utilisé le terme « État » pour désigner cet ensemble politique indépendant.

L'émergence de l'État moderne au 15ème et 16ème siècles en Europe est caractérisée par un processus de centralisation du pouvoir politique. Les pouvoirs dispersés sont progressivement rassemblés sous une autorité unique.

L'émergence de l'État moderne s'accompagne également d'une institutionnalisation du pouvoir, ce qui signifie la création de structures et de règles formelles pour exercer le pouvoir. Les monarques et les états se dotent d'institutions pour faire respecter leurs décisions.

Avant le 15ème et 16ème siècles, il n'existait pas d'États au sens moderne. La polis grecque, la Civitas romaine, les empires et les seigneuries médiévales n'étaient pas des États modernes car ils ne possédaient pas un monopole de la violence ou un pouvoir permanent.

Jean Bodin, Thomas Hobbes et John Locke, des philosophes du 16ème et 17ème siècles, ont largement utilisé le concept de « République », « Commonwealth » ou « Gouvernement » pour décrire l'organisation politique, en s'éloignant du terme « État » qui ne s'est imposé que progressivement.

La souveraineté populaire est une théorie politique qui place le peuple comme source ultime du pouvoir. Elle est opposée à la souveraineté absolue du monarque.

L'approche politique qui se concentre sur le fonctionnement réel du pouvoir et les nécessités pratiques de la gouvernance. Elle s'éloigne des idéaux et se focalise sur la réalité immédiate du pouvoir dans un État terrestre.

Le but principal de l'approche réaliste est la conservation du pouvoir de l'État. Il s'agit de garantir la stabilité et l'ordre pour assurer la paix et la sécurité.

La vertu du dirigeant dans l'approche réaliste ne repose pas sur des valeurs morales mais sur sa capacité à s'adapter aux circonstances et à utiliser la force ou la ruse pour maintenir le pouvoir.

L'usage de la force est une des stratégies possibles pour le dirigeant réaliste afin d'inspirer la crainte et de dissuader les ennemis de l'intérieur et de l'extérieur.

La ruse est une stratégie politique qui permet au dirigeant de gagner la faveur du peuple.

Le concept de la souveraineté est un élément clé du concept d'État défini par Bodin.

La souveraineté est « perpétuelle », c'est-à-dire que c'est une institution permanente et stable qui ne dépend pas de la personne du souverain.

La souveraineté est « absolue », c'est-à-dire qu'elle est indivisible, intransmissible et ne peut être partagée.

La forme de gouvernement peut varier (monarchie, aristocratie, démocratie), mais la nature juridique de l'État, caractérisée par sa souveraineté, reste constante.

Le pouvoir de l'État est de faire et de casser les lois. Ce pouvoir est indépendant de la nature et de Dieu.

Bodin souligne que la puissance publique doit être utilisée pour le « bien commun », en veillant aux intérêts du peuple.

Le peuple n'a aucun pouvoir politique dans la pensée de Bodin. Le souverain fait le « citoyen » et n'est pas son représentant.

L'approche réaliste de Machiavel, qui se focalise sur la conservation du pouvoir, a eu une postérité difficile, notamment au siècle des Lumières.

Machiavel est considéré comme le premier à penser que l'homme n'a pas pour maître la nature ou Dieu, mais seulement d'autres hommes.

L'accord par lequel les individus renoncent à leur liberté naturelle pour créer un État, une personne fictive, capable de garantir la paix et la sécurité communes.

L'idée que la souveraineté de l'État découle du consentement des gouvernés, c'est-à-dire du peuple.

L'État est conçu comme une personne artificielle, créée par la volonté des individus, qui lui confèrent le pouvoir d'agir pour leur bien.

L'État, le Léviathan, représente la volonté de tous les individus, agissant en leur nom et pour leur sécurité.

Le concept selon lequel quelqu'un assume la personnalité d'un autre et agit en son nom.

Le peuple, en créant le Léviathan, se donne un souverain absolu qui leur permet de se protéger de la guerre de tous contre tous.

Le pouvoir du Léviathan est issu du peuple, mais il n'est pas limité par celui-ci.

Le peuple, en créant le Léviathan, continue d'obéir à soi-même, car il a délégué sa volonté au souverain.

Une critique du concept de Léviathan, affirmant que le pouvoir absolu de l'État est dangereux et qu'il faut limiter ses prérogatives.

L'idée qu'il faut distinguer la source du pouvoir, le peuple, de son exercice, l'État.

La souveraineté du peuple comme fondement de l'autorité politique.

L'individu possède des droits naturels, non négociables, qui précèdent et limitent l'autorité de l'État.

L'État trouve sa légitimité dans le respect des droits individuels et la protection des libertés.

Le concept selon lequel la propriété privée est un droit naturel fondamental et doit être protégée par l'État.

La notion d'État, qui symbolise l'autorité et la puissance, trouve ses origines dans le contexte du XVIIème siècle, marqué par l'essor de la monarchie française et le développement d'un réalisme politique.

Hobbes, influencé par la philosophie de Descartes et les sciences modernes, rejette la théologie et le catholicisme, privilégiant une approche rationnelle de la philosophie. Il défend l'idée que l'État est le garant de la paix et permet de sortir de l'état de nature.

Hobbes, dans un contexte d'Angleterre déchirée par des guerres civiles, défend l'idée d'un pouvoir absolu comme solution pour garantir l'ordre et la sécurité. Cette position, qui oppose Hobbes à la fois aux théories de la souveraineté absolue et au droit naturel, le place au centre d'un débat important.

Pour Hobbes, l'état de nature est un état de guerre de tous contre tous, où l'homme est un loup pour l'homme. L'instauration d'un État civil, par le biais d'un contrat social, devient la solution pour sortir de cet état et garantir la sécurité.

Le contrat social chez Hobbes se décline en deux aspects : l'association qui fonde l'État et la soumission des individus à celui-ci. Ce contrat, qui ne prévoit pas nécessairement deux pactes distincts, implique une acceptation collective de la puissance de l'État.

Hobbes admet la possibilité de révolte lorsque l'État ne respecte pas sa part du contrat, à savoir garantir la sécurité des individus. Cette nuance montre que son concept d'absolutisme n'est pas sans limite.

Hobbes, bien qu'il s'intéresse peu aux libertés publiques, reconnaît la liberté de conscience individuelle. Il s'agit d'une distinction importante dans sa pensée politique.

Hobbes, à travers une approche géométrique et scientifique, présente un modèle universel et définitif de l'État. Sa théorie est fondée sur la nature humaine, en particulier la peur de la mort violente et les passions destructrices.

Dans le chapitre 17 du Léviathan, Hobbes définit l'État comme une puissance absolue et le justifie par sa finalité ultime : garantir la paix et la sécurité, car l'état de nature représente une menace constante pour l'existence.

L'« ultima ratio », la raison ultime qui motive la création de l'État, est la préservation de la vie humaine, qui n'est pas garantie à l'état de nature. Les passions naturelles, comme la vanité et la vengeance, menacent les lois de nature, provoquant une situation de peur et d'incertitude. La raison ultime de l'État est de garantir la sécurité des individus.

Le simple regroupement d'individus ne suffit pas à garantir la sécurité, car les instincts et les jugements individuels créent des divisions. Pour Hobbes, la sécurité nécessite un pouvoir unique et permanent, un « Dieu mortel » capable d'inspirer la terreur et de maintenir l'ordre.

Le contrat social implique une alliance qui crée une volonté unique, une puissance absolue, et un abandon de la liberté individuelle. La puissance de l'État repose sur la soumission des individus, qui acceptent de perdre leur droit de se gouverner eux-mêmes pour garantir leur sécurité.

La capacité de l'État à exercer une force coercitive est essentielle pour Hobbes. Les hommes, contrairement aux fourmis, ne sont pas spontanément solidaires et ont besoin d'un pouvoir extérieur pour les obliger à respecter des règles et garantir la paix.

Chez Locke, le droit de propriété est défini comme le droit de jouir du fruit de son travail. C'est un droit naturel qui précède la société politique.

La propriété privée chez Locke est liée à la terre et à l'échange marchand, pas à la marchandisation du travail et à l'accumulation du capital.

John Locke est considéré par certains comme un fondateur du libéralisme politique, mais cette vision est une reconstruction a posteriori.

La tolérance chez Locke n'est pas un principe moral mais politique. Il prône la tolérance religieuse parce que la foi est un domaine privé et ne doit pas être imposée.

Pour Locke, l'homme n'est pas un être de péché, mais un être pensant et intelligent qui accède à la vérité par l'expérience.

Contrairement à Hobbes, Locke pense que l'homme n'est pas fondamentalement un loup pour l'homme et que c'est la faim plutôt que la peur qui le pousse à entrer en société.

Locke soutient que le gouvernement civil est fondé sur un contrat limité et révocable, et que la souveraineté est limitée par les droits naturels des individus.

Locke définit des limites constitutionnelles au pouvoir de l'État. Ces limites incluent la séparation des pouvoirs, le respect de la loi et la représentation.

Pour Locke, les individus ne renoncent à leur liberté naturelle qu'à un degré limité lorsqu'ils entrent en société.

Locke a jeté les bases du libéralisme politique dans un contexte de mercantilisme et de grande propriété foncière, s'opposant à l'absolutisme monarchique.

Locke critique les doctrines radicales de la démocratie en affirmant que le pouvoir du peuple et celui de ses représentants doivent se limiter mutuellement.

Locke pense que la société est fondée sur les libertés naturelles des individus, y compris le droit à la propriété , sans nuire à autrui.

Locke définit l'homme comme un animal propriétaire et travailleur. Le droit de propriété est conditionné par un état de nature où l'on ne prend que ce que l'on peut consommer et où l'on laisse aux autres.

Locke ne formalise pas les limites à la propriété dans son œuvre, pensant que les conditions de principes suffisent.

En se concentrant sur la représentation du peuple, les libéraux contribuent involontairement à l'émancipation du pouvoir exécutif.

Le droit fondamental de posséder des biens, selon Locke, est lié au travail et ne possède pas de limites naturelles.

Locke pense que le droit de propriété est lié à la consommation et à la non-nuisance des autres.

Les conditions naturelles qui devraient limiter le droit de propriété sont progressivement abolies car Locke les considère comme non-naturelles.

Locke pense que les ressources naturelles sont infinies et que le bornage ne limite pas les autres car il y a toujours suffisamment de ressources.

L'économie devient le fondement de la vie sociale et politique, ce qui soulève la question des limites à l'accumulation de la richesse.

Rousseau soutient que la souveraineté appartient au peuple et non au monarque, ce qui marque une rupture avec l'absolutisme.

Rousseau définit deux exigences pour que le peuple soit souverain : l'unité et l'autonomie.

La volonté générale de Rousseau est un concept complexe : elle représente ce que chacun peut vouloir rationnellement en adoptant le point de vue de tous.

La loi reflète la volonté générale, mais pour être légitime, elle doit être acceptée par tous.

La volonté générale est une utopie, car elle est difficile à réaliser dans des sociétés divisées en factions.

Rousesaau recommande de penser l'idéal pour pouvoir juger ce qui est.

La volonté générale est un concept complexe car il n'est pas simple de l'incarner dans une seule personne.

Rousseau soutient que le peuple doit pouvoir transformer la société pour être réellement souverain.

La loi permet au peuple de s'émanciper en garantissant son autonomie

Dans la pensée de Rousseau, la loi doit être issue de la volonté générale, c'est-à-dire la volonté de tous. Elle doit donc tendre vers l'unanimité pour être légitime. C'est un idéal utopique car il est difficile d'obtenir l'unanimité dans une société.

La loi doit permettre au peuple de s'autogouverner et de déterminer sa propre histoire. C'est une rupture avec la conception paternaliste qui considérait le peuple comme enfant à éduquer.

L'émancipation du peuple se réalise par la loi, qui doit être issue de la volonté générale. C'est un idéal qui s'oppose à la conception paternaliste du peuple comme une entité à éduquer.

Kant définit l'État comme l'unification d'une multitude d'hommes sous des lois juridiques, et non seulement morales. Il distingue la source du pouvoir (le peuple) de l'exercice du pouvoir, qui doit être confié à des représentants.

Kant distingue la source du pouvoir (le peuple) de l'exercice du pouvoir, qui doit être confié à des représentants. Cette distinction vise à résoudre le problème pratique de la souveraineté populaire.

L'idéal de l'émancipation se réalise par la loi et non par la recherche du bonheur privé ou la satisfaction des plaisirs dans une société de temps libre.

Rousseau rejette le gouvernement représentatif car il le considère comme une forme d'aristocratie qui ne permet pas au peuple de participer réellement à la décision. Il privilégie la démocratie directe.

Les théories libérales de la souveraineté limitée distinguent la source du pouvoir (le peuple) de l'exercice du pouvoir (représentants). Elles s'opposent à la souveraineté absolue du peuple.

Locke vise à limiter le pouvoir de l'État en défendant le droit naturel de l'individu à la vie, à la liberté et à la propriété. Cette conception du pouvoir limitée est à l'origine du libéralisme.

Les conservateurs et réactionnaires du XVIIIe siècle s'opposent à l'idée des droits universels de l'homme, à la souveraineté du peuple et à la révolution.

Marx critique le caractère abstrait des droits-libertés individuels et l'hypocrisie de l'État bourgeois dans le contexte de la révolution industrielle. Il appelle à une nouvelle révolution sociale qui abolira la propriété privée et la société de classes.

Harmand, député à la Convention, souligne que l'égalité de droit est une illusion sans l'égalité de fait. Il appelle à une loi agraire et au partage des fortunes pour atteindre l'égalité réelle.

Les théories de l'absolutisme et celles de la souveraineté populaire ne distinguent pas la source du pouvoir (le peuple) de l'exercice du pouvoir.

A la fin du XVIIIe siècle, les conservateurs et réactionnaires s'opposent aux idées des Lumières, comme la souveraineté populaire, les droits de l'homme et la révolution.

Le concept de droits naturels est défini comme des droits inhérents à chaque individu à l'état de nature. Ils sont limités par les droits d'autrui et fondés sur la capacité de raisonnement humaine.

La loi naturelle est un ensemble de principes moraux et pratiques que Locke considère comme innés à l'homme. Elle conduit les individus à se conserver eux-mêmes et leur propriété.

Locke attribue à chaque individu en état de nature le pouvoir de punir les violations de la loi naturelle. Cependant, cette sanction n'est pas équivalente au droit d'autodéfense.

La théorie de Locke souligne la nécessité d'un État pour faire respecter la loi naturelle, car elle est imparfaite en état de nature. L'État est créé par le transfert de certains droits individuels à une instance commune.

Locke a une vision positive de l'homme, mais il reconnaît que la loi naturelle est limitée. Il est nécessaire de créer un État pour la faire respecter et assurer une compréhension commune.

Le concept de souveraineté populaire a été critiqué par les conservateurs et les réactionnaires, car il remet en question l'ordre social établi et les traditions du passé.

Les critiques de la doctrine des droits de l'homme soulevées au XIXème siècle s'articulent autour du contraste entre les droits théoriques et la réalité sociale.