Sociologie des Banlieues : Approche et Définition

Sociologie des Banlieues 2 : Une Approche par le Bas

• Le cours porte sur les habitants des banlieues et leur rapport à l'État, plutôt que sur l'étude des banlieues en tant qu'espaces.
• L'objectif est de comprendre comment l'État influence et est influencé par les habitants de ces quartiers, principalement les classes populaires.

Définition Historique de la Banlieue

• L'origine du mot « banlieue » remonte au terme féodal « ban », désignant la loi seigneuriale.
• Initialement, la banlieue désignait l'étendue de pays autour d'une ville, soumise au pouvoir d'un seigneur.
• Au XIXe siècle, le terme prend une connotation péjorative, désignant un espace périphérique arriéré.
• En 1889, le terme « banlieusard » apparaît, utilisé de manière péjorative pour désigner les habitants des banlieues, perçus comme ruraux et réactionnaires.
• Progressivement, le terme évolue pour désigner les travailleurs, ouvriers et employés, vivant en banlieue et travaillant à Paris.

Approches Méthodologiques du Cours

• Sociohistorique : analyser les configurations actuelles.
• Sociologie politique : comprendre le rapport aux institutions et le rôle de l'État.
• Sociologie du droit : saisir les liens juridiques qui se créent ou se défont.
• Sociologie des classes populaires : comprendre comment ces groupes sont affectés par les transformations de l'État social.
• L'objectif est d'introduire une réflexion générale sur le sujet en croisant ces différentes perspectives disciplinaires.

Chapitre 1 : Historicisation - Le Capitalisme Industriel et la Société Salariale

• Robert Castel situe l'ère du capitalisme industriel du XIXe siècle au tournant des années 1970.
• Cette période est marquée par l'avènement de la société salariale, où le salariat devient central, d'abord pour les ouvriers, puis pour les autres catégories socioprofessionnelles.
• Le salariat est la contrepartie sociale à la garantie de la propriété privée issue de la Révolution française de 1789.
• Le contrat de travail salarial donne accès à des droits et des protections sociales garanties par l'État.
• Robert Castel souligne que si le salariat implique un rapport de subordination, il n'annihile pas l'indépendance sociale grâce aux ressources et soutiens permettant à l'individu de mener sa vie.
• Le travail est l'épicentre de la question sociale, l'emploi stable étant le socle de l'intégration à la société.

Le "Grand Retournement" (1945-1980) et l'Évolution de la Justice Sociale

• La Déclaration de Philadelphie de 1944, par l'Organisation internationale du travail (OIT), visait à faire de la justice sociale une pierre angulaire de l'ordre juridique international.
• Cette déclaration prône le droit au service du développement social et humain.
• Cependant, cette déclaration de principe n'aura pas une longue durée.
• L'expérience libérale de 1929 et le discrédit de ses promoteurs ont favorisé un réencastrement de l'économie et de la politique.
• En parallèle, les partisans d'un État minimaliste se sont progressivement régénérés.
• Friedrich Hayek souligne l'incompréhension de l'économie de marché par ceux qui n'en ont jamais pratiqué les règles.
• Selon Hayek, les revendications d'une juste distribution sont un atavisme fondé sur des émotions originelles.
• Selon Hayek, il faut mettre "l'ordre spontané" du marché à l'abri du pouvoir des urnes.
• Alain Supiot note que les normes scientifiques et religieuses sont les seules à échapper au débat politique, il faut donc faire croire que l'économie relève de la science.
• La doctrine ultralibérale considère que l'insécurité économique stimule la productivité et la créativité des travailleurs.
• Cette doctrine nie le lien entre liberté de pensée et sécurité matérielle.
• Elle refuse l'assujettissement de l'organisation économique à des objectifs sociaux et impose aux États la sécurité financière par des institutions soustraites à tout contrôle démocratique.
• Cette perspective prône une répartition du travail et de ses fruits issue de l'ordre spontané du marché, sans intervention publique.
• Ce corpus a inspiré les politiques menées aux États-Unis, en Angleterre (There Is No Alternative - TINA), puis la Commission européenne.
• Le tournant des années 1970/80 marque le passage du capitalisme industriel au capitalisme financier.
• Pour Robert Castel, ce changement correspond au passage de la société salariale à la société post-salariale.

Chapitre 2.1 : Une Société en Mutation (1970-2020)

• Le chômage a été multiplié par 3 depuis 1975.
• Augmentation des situations de pauvreté et de précarité.
• Ces conditions socio-économiques dégradées affectent environ 10% de la population.
• Elles ont des effets sur les conditions de vie, le logement, l'éducation et la santé.
• Cela génère des problèmes sociaux en matière de structures familiales, d'école, de santé et d'urbanisme.
• Qui se traduisent en instabilité, désaffiliation et déviances.
• Ces effets rendent cruciaux les réponses des politiques publiques et des services publics.
• Diminution du droit du travail et effritement de la sociéte salariale.

Chapitre 2.2 : Évolution et Transformation des Politiques et Services Publics (1970-2020)

• Efforts de maîtrise des dépenses publiques engagés en France, avec des mesures telles que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux et le principe de "faire mieux avec moins".
• Redéfinition des modalités de traitement des populations par les politiques publiques autour de l'individualisation, de la contractualisation et de la responsabilisation.
• Réformes du "nouveau management public" transformant le fonctionnement des administrations et services publics, avec des effets sur les relations avec le public (indicateurs de performance et de gestion, recours à des contractuels, dématérialisation).
• Cela résulte en l'augmentation des difficultés sociales et économiques pour une proportion croissante de la population.
• Il y a un redéploiement des politiques et services publics censés apporter des réponses.
• Les relations qui s'établissent entre les populations et les services publics sont directement affectés.
• Dégradation des conditions de vie, augmentation des besoins et instabilité.
• La montée des inégalités : classes, genre et générations face à la crise sanitaire.

Résumé et Perspectives

• Les politiques sociales reflètent les réponses des gouvernements en matière de de redistribution et de protection.
• Elles sont un facteur des configurations de travail rencontrées sur les terrains.
• Depuis les années 70, l'effritement de la société salariale a contribué à accroître les vulnérabilités sociales.
• Vulnérabilités qui mettent politiques à l'épreuve du délitement du lien social.

Chapitre 3 : Les banlieues et leurs habitants

• Ce chapitre vise à comprendre les principales transformations qui ont affecté la structure des quartiers populaires.
• Dans une perspective de stratification sociale , il interroge les notions de classe ouvrière et de classes populaires, en portant l’attention sur les ruptures et les continuités.

Classe ouvrière, classes populaires

La distinction entre la classe ouvrière et les classes populaires permet de préciser un ensemble de transformations qui affectent le même groupe social. Deux moments en ressortent : La capitalisme industriel d'avant 70 Celle qui correspond au capitalisme financier pour reprendre la distinction de Robert Castel.

La classe ouvrière (capitalisme industriel)

• Période de relatif plein emploi.
• Le statut de salarié régule les reports de force avec le patronat. ( Protection par le droit).
• Le CDI est la norme.
• Les salaires donnent accès à un statut et des droits (Droit en soi)
• Perspectives d’amélioration des conditions de vie possible pour soi et ses enfants. (Notamment grâce à l'école).
• Les diplômes conditionnent les les l’accès à l’emploi.

Les classes populaires (capitalisme financier)

• Période de chômage de masse.
• Multiplication des formes ( intérim, temps partiel, ubérisation.Le CDI à temps n’est plus la norme).
• La dépendance aux institutions est plus grande pour l’accès aux ressources et aux droits .
• Individualisation au rapport (Droit pour soi)
• Fragmentation de la conscience collective et plus forte différenciation interne.
• Peu de perspectives d’amélioration des conditions de vie ( logement, salaire notamment).
• Les diplômes conditionnent plus fortement l'accès à l'emploi.