Santé des détenus: Troubles psychiatriques

Santé des détenus: Troubles psychiatriques et post-détention

• Présentation du 09/12/2024 par le Dr Tatiana SCOUFLAIRE.

Epidémiologie carcérale

Population carcérale

• 11 millions de personnes sont incarcérées dans le monde.
• 3 millions de personnes incarcérées sont en détention provisoire.
• 187 établissements pénitentiaires sont recensés en France.
• Au 1er novembre 2024, 80 130 personnes étaient incarcérées en France.
• La densité carcérale est de 128% en France, atteignant 155% dans les maisons d'arrêt.
• Le DISP de Lille compte 7758 personnes détenues.
• 97% des détenus sont des hommes.
• 3% des détenus sont des femmes, dont 1% sont mineurs.
• L'âge moyen des détenus est de 31,7 ans.
• Une proportion importante de la population carcérale vit dans une extrême précarité.
• 49% des détenus ont moins de 800 euros par mois.
• 72% des détenus sont sans emploi.

Santé mentale en détention (études internationales)

• 10% des hommes présentent un trouble dépressif caractérisé, contre 14% chez les femmes.
• Les troubles psychotiques touchent 4% des hommes et des femmes.
• Le TSPT concerne 6% des hommes et 21% des femmes.
• Les troubles liés à l'usage de l'alcool touchent 26% des hommes et 20% des femmes.
• Les troubles liés à l'usage de substances concernent 30% des hommes et 51% des femmes.
• Le TDAH affecte 17% des hommes et 18% des femmes.

Santé mentale en détention (études françaises)

• 31% des détenus présentent des troubles de l'humeur, comparativement à 29% dans une autre étude.
• Un épisode dépressif caractérisé touche 27% des détenus.
• Les troubles anxieux affectent 44% des détenus.
• 5% des détenus souffrent de TSPT.
• La dépendance à l'alcool concerne 24% des détenus.
• La dépendance à une substance touche 27% des détenus.
• 7% des détenus présentent des troubles psychotiques.
• Environ 2/3 des hommes présentent un trouble psychiatrique ou addictologique avant la sortie.
• Environ 3/4 des femmes présentent un trouble psychiatrique ou addictologique avant la sortie.
• Un homme sur 10 souffre de troubles psychotiques, comparativement à une femme sur 6.
• Un homme sur 3 souffre de troubles anxieux, comparativement à une femme sur 2.
• Un homme sur 3 présente un trouble thymique; une femme sur 2.
• Un détenu sur deux souffre d'un trouble d'usage de substance.
• 73,9% des hommes et 86,3% des femmes ont été exposés à au moins un traumatisme durant l'enfance.
• Les problèmes de santé mentale sont 4 à 10 fois plus élevés qu'en population générale.
• Plus de 40% des sujets ont 2 troubles ou plus.
• 85% des sujets en population générale ont un trouble max.
• Le taux de suicide est important, avec plus de 100 personnes par an.
• Ce taux est 7 fois plus élevé qu'en population générale.

Soins psychiatriques en détention

• Le niveau 1 est constitué des soins ambulatoires.
• Le niveau 2 est constitué des hospitalisations de jour.
• Le niveau 3 est constitué des hospitalisations à temps complet.
• Les soins sans consentement sont fournis par le secteur de psychiatrie générale et l'UHSA.
• Des soins consentis et des soins libres sont fournis à L'UHSA
• Des SMPR et USMP existent.
• Une UHSA est située à Seclin, dans le DISP de Lille.
• 3 SMPR sont situés dans le DISP de Lille.
• 17 unités sanitaires sont présentes dans le DISP de Lille.
• Le pôle de psychiatre, médecine légale et médecine est situé en milieu pénitentiaire du CHU de Lille.
• L’UHSA de Seclin a 60 places.
• L'UHSA propose trois unités: admissions libres, soins sans consentement et réhabilitation.
• HDJ d'Annœullin a 18 places.
• Séjours de rupture, sessions d'évaluation, appropriations diagnostiques, sessions addictologiques sont proposées.
• Un présence soignante est assurée de 8h à 18h.
• Des activités thérapeutiques et l’éducation thérapeutique sont proposées.
• L'Unité Sanitaire en Milieu Pénitentiaire (USMP) offre un dispositif de soins somatiques.
• L'Unité Sanitaire en Milieu Pénitentiaire (USMP) offre des consultations de médecine générale, dentiste, gynécologue, kinésithérapeute, radiologie.
• L'Unité Sanitaire en Milieu Pénitentiaire (USMP) propose un dispositif de soins psychiatriques.
• L'Unité Sanitaire en Milieu Pénitentiaire (USMP) propose des consultations psychiatriques, psychologiques, infirmières et une prise en charge socio-éducative.
• CATTP et CSAPA sont disponibles.
• Des contraintes pénitentiaires pèsent sur l'organisation des soins (escortes, créneaux imposés).
• La temporalité judiciaire et les relations avec les intervenants judiciaires peuvent être complexes.
• L'environnement carcéral a un impact.
• Une stigmatisation existe.
• Des difficultés avec les locaux peuvent se présenter.

La période de la libération

• La période de libération est une période de grande vulnérabilité nécessitant un accompagnement spécifique.

Mortalité après la libération dans le monde

• Le taux de mortalité est très élevé.
• 18% est lié aux drogues.
• 9% est lié aux suicide.
• 8% est lié aux overdoses.

Mortalité après la libération en France

• La mortalité est environ 3 à 4 fois supérieure à celle retrouvée en population générale.
• Elle est largement supérieure à celle identifiée en détention.
• La mortalité est de 5.3% sur une durée de 5 ans après la libération.
• Des aménagements de peine diminuent le risque de décès.
• Les peines de plus de 5 ans diminuent le risque de décès.
• Les infractions à caractère sexuel et celles liées aux substances sont associées à un risque diminué.
• Le poids important des troubles de l'usage de substances sont importantes.
• La probabilité est de 10% en cas d'usage contre 3% sans usage.
• Une diminution de la tolérance aux produits après une période d'abstinence en incarcération
• Utilisation de plusieurs drogues de manière concomitante
• Manque de conseils avant la libération (prévention, accompagnement adapté)
• Manque de suivi post-libération, rupture des soins débutés en incarcération, absence de lien fait avec les services de soins extérieurs
• Manque d'identification des patients à risque
• Le délai médian 2020: 21 jours.
• Dates de libération impromptues.
• Préparation à la libération très limitée par les dispositifs de soins intra-carcéraux.
• Sectorisation parfois floue (difficultés de logement, SDF, etc.).
• Méconnaissance des dispositifs de soins par les patients: choc de la libération.
• Les patients difficiles ont des comorbidités, un insight limité, un isolement.
• Une stigmatisation de la population carcérale existe.

Suicide après la libération

• Le pic de suicide se situe entre 2 et 4 semaines après la libération.
• Les taux sont encore plus élevés qu'en détention.
• Le taux à 6 mois est égal au taux en détention.
• Une hospitalisation en psychiatrie pendant l'incarcération peut être un facteur de risque spécifique.
• De courtes peines répétées présentent un plus grand risque qu'une longue peine.
• Multiples difficultés se posent pour les personnes libérées.
• Difficultés Matérielles (logement/finances/travail) et Juridico-administratives et Psychosociales.

L'enjeu de la continuité des soins

• Des soins insuffisants à la libération, même en cas de troubles psychiatriques sévères.
• Des soins non adaptés aux besoins.
• Consommation de soin chaotique et non planifiée à la libération.
• Des services d'urgence sont nécessaires.
• Une étude a été réalisée auprès de 39 CMP du Nord.
• Patient << fictif » âgé de 24 ans souffrant d'un trouble bipolaire avec trouble de l'usage de cannabis associé.
• Les deux situations suivantes ont été étudiés:
• Libération de prison dans les 48h
• Déménagement dans les 48h

Equipe Mobile Transitionnelle

• Projet pilote en France et ouvert le 1er septembre 2020.
• Equipe pluridisciplinaire.
• Objectif: Accompagner les personnes souffrant de troubles psychiatriques et addictologiques et sortant de prison.
• Dispositif d'interstice, intervention de 6 mois.

Prise en charge EMOT

• Le dispositif est un relais vers le secteur de psychiatrie générale.
• Phase 1 : Entrée dans le dispositif.
• Phase 2 : Accompagnement EMOT.
• Phase 3 : Sortie du dispositif.
• Structures de prise en charge intra-carcérales.
• Structures de prise en charge extra-carcérales.

Accompagnement des patients

• Infirmiers, projet de soins, suivi psychiatrique et addictologique, psychiatres.
• Educateurs spécialisés, projet éducatif, vie quotidienne, étayage social.
• Projet de vie du patient.
• Projet social, hébergement, accès aux droits, assistants de service social.
• L'équipe EMOT s'occupe des patients suivis au sein des structures de psychiatrie en milieu pénitentiaire du CHU de Lille.
• Environ 2000 libérations/an.
• Orientation par l'unité sanitaire (mail) dans les 2 mois précédant la libération.
• Projet de soins préparé par l'unité sanitaire en milieu pénitentiaire.

Les étapes EMOT

• Avant la libération: Rencontres avec les patients et : Explication des missions et objectifs, Rappel du cadre d'intervention, Recueil du consentement, Évaluation standardisée.

• Lien avec les équipes des unités sanitaires +/- la justice

• Accompagnement le jour de la libération

• Période immédiate après la libération: Démarche d'« aller-vers », Évaluations cliniques rapprochées, Premiers contacts et relais de soins, Accès aux ressources et aux droits, Sécuriser les besoins primaires et Honorer les rendez-vous judiciaires.

• Période de stabilisation: Mise en place d'un suivi parle secteur de psychiatrie générale, Relais vers les partenaires médicaux et sociaux et Autonomisation.

• Période de consolidation: Rompre l'isolement, Mise en place d'un étayage individualisé, Espacement des interventions de l'EMOT et acter la fin de l'accompagnement auprès de la personne et des partenaires.

• Suivi de: 163 patients suivis achevés, 32 suivis en cours.

• 88% d'hommes et 12% de femmes

• Moyenne d'âge =36 ans

• Troubles psychotiques: 66 %, Trouble de la personnalité: 11%, Troubles bipolaires: 8%, TSPT: 7% , Troubles anxio-dépressifs: 7%

• Comorbidité addictive quasi-systématique , 1 personne sur 4 avec protection juridique

• Avant suivi: Appel téléphonique, Mail ou SMS, Accompagnement ou RDV, Synthèse EMOT, RDV non honoré.

• Difficultés principales rencontrées en: Absence de préparation de la libération - 1 personne sur 2 sans hébergement à la sortie, inscription SIAO non systématique, 1 personne sur 5 sans piece d’identité/ sans CSS - Sorties inopinées non préparées + Difficultés en milieu libre: logement de droit commun impossible et Accès au travail difficile, patient en situation irrégulière.

• Difficultés psychiatriques: Multiples ruptures de soins du Fait de la sectorisation, stigmatisation de l'extérieur, problème de densité médicale en CMP.

• Des mots des patients: « Je ne sais pas comment je ferai sans l’EMOT », « Dehors, je sais que je ne vais pas y arriver tout seul », « Je n’aurais jamais réussi à tenir si longtemps dehors sans l’EMOT »

• Le dispositif tente d'aider puis essaimer au niveau national.