La pensée économique antique

La pensée économique antique

• De l'Antiquité au Moyen Âge, la réflexion économique est dominée par les interrogations suscitées par le développement de l'économie marchande, d'un point de vue moral.
• La pensée économique antique s'est développée en parallèle dans diverses régions du monde, notamment en Grèce, Chine, Japon, Inde et Rome.
• La civilisation grecque est considérée comme l'une des plus importantes en matière d'idées économiques, assurant la continuité de la réflexion vers la science économique.
• Les premières conceptualisations de l'ordre social ont été le fait de philosophes abordant des questions liées à la richesse, à l'échange de marchandises et à la monnaie, ainsi qu'au rôle de l'État dans la cohésion sociale.

Contexte général de la pensée antique grecque

• La Grèce antique se caractérise par un émiettement du pouvoir politique entre plusieurs cités indépendantes.
• Athènes (berceau de la démocratie) et Sparte (oligarchie militaire) ont joué un rôle prééminent.
• La cité athénienne a connu de profondes transformations économiques, évoluant d'une économie naturelle vers une économie marchande.
• Ce développement a été rendu possible par un essor économique dans trois activités principales : l'agriculture, le commerce et l'artisanat.
• L'agriculture était fondamentale pour l'économie grecque, basée sur le triptyque méditerranéen (céréales, huile d'olive et vigne).
• L'économie était largement basée sur l'autosuffisance des familles grâce à une production agricole importante utilisant souvent des esclaves.
• Un développement important du commerce maritime a permis aux Grecs d'échanger avec l'Égypte, l'Italie et la Cyrénaïque (Libye).
• Les Grecs importaient du blé, du papyrus et du bois, et exportaient de l'huile d'olive, du vin et des céramiques.
• L'artisanat était également très développé, notamment dans la céramique, le métal, le bois et les textiles.
• L'atelier était l'unité de travail de base dans l'artisanat grec, et le travail forcé y était parfois utilisé.
• L'utilisation généralisée de la monnaie, la figure des banquiers et l'apparition de grands marchands ont marqué de grandes avancées économiques.
• Athènes a rencontré Sparte, la cité de l'intérieur, dans son processus de développement. La guerre du Péloponnèse s'est terminée par la victoire de Sparte.
• Une crise politique et sociale a suivi à Athènes.
• L'expansion commerciale a entraîné un développement des inégalités et des frustrations.
• La reconcentration des terres a provoqué l'exode des petits agriculteurs vers les villes, où ils ne pouvaient trouver du travail, réservé aux esclaves.
• Les "nouveaux riches" (marchands et financiers) n'avaient pas d'influence politique.
• L'équilibre social a été compromis, conduisant à un débat politique et économique entre philosophes.

Réflexions économiques dans l'antiquité grecque

• La connaissance économique était principalement le fait des philosophes, qui privilégiaient l'éthique.
• L'économie n'existait pas en tant que telle mais comme une branche de la philosophie basée sur la morale et l'éthique.
• La perception de la place de l'économie dans la société antique est abordée par Xénophon, Platon et Aristote.

Xénophon : l'économique comme art de la gestion domestique

• Xénophon (vers 426-354 av. J.-C.), élève de Socrate, est l'auteur du terme « économie ».
• Ses ouvrages (L'économique et Les revenus) traitent d'administration patrimoniale.
• "L'économique" se réduit aux règles de bonne gestion domestique.
• Xénophon s'intéresse principalement à l'administration des domaines ruraux et à l'importance de l'agriculture.
• L'Économique retrace un dialogue entre Socrate et Ischomaque sur l'administration d'un domaine agricole.
• Xénophon met en avant l'idée que la pensée économique antique est liée à l'administration domestique.
• L'ouvrage comprend des stratégies d'accroissement des richesses, comme l'achat de terres à bas prix pour les revendre plus cher après les avoir défrichées.
• L'art de l'économie est celui du bon gestionnaire. Le rôle revient à la femme d'entretenir la maison. La politique est l'affaire des hommes, et le travail est réservé aux esclaves.
• Les Revenus propose de multiplier les exploitations agricoles et d'exploiter les mines du Laurion.
• Xénophon aborde des concepts comme la demande, la valeur des biens, et le rapport entre eux.
• Les ouvrages de Xénophon portent sur la gestion d'un domaine agricole, c'est-à-dire sur l'économie domestique.
• Les enseignements de Xénophon sont applicables ailleurs et situent l'économie comme l'art de satisfaire les besoins d'une société.

Platon : de la cité « réelle » à la « Cité idéale »

• Platon (428-348 av. J.-C.) a développé des réflexions économiques dans La République axées sur la justice.
• Il trace les voies d'une cité idéale basée sur un contrôle collectif des pratiques et des relations économiques.
• La cité platonicienne est composée de classes.
• Les gardiens dirigeants (sagesse) et les guerriers (courage) défendent la cité.
• Gardiens et guerriers sont astreints à un régime rigoureux et écartés de toute activité économique.
• La famille et la propriété privée, sources de passions acquisitives, sont abolies pour ces classes.
• Les agriculteurs et les commerçants conservent la jouissance de la propriété privée, et les esclaves travaillent la terre.
• Le gouvernement idéal de Platon s'apparente à un "communisme d'élite" où l'État fixe les règles de production et de répartition des richesses.
• L'activité commerciale doit être contrôlée par l'État afin d'éviter les inégalités sociales.
• Dans Les Lois, Platon confirme que la prospérité et la richesse ne doivent pas être une fin en soi, mais que la justice et l'harmonie sociale doivent être les quêtes principales.

Aristote : la condamnation morale de l'enrichissement

• Aristote a abordé les questions économiques dans l'Éthique à Nicomaque et La Politique.
• Aristote s'oppose à l'égalitarisme de Platon et défend la propriété privée.
• Aristote distingue trois types de régimes politiques : la Royauté, l'Aristocratie ou la République.
• Il estime que l'État doit prévenir la "vertu" des citoyens.
• L'économie contribue à la vie heureuse en fournissant les biens et services nécessaires.
• Aristote développe ses idées économiques sous le terme de "chrématistique".

Chrématistique naturelle et chrématistique mercantile

• Aristote distingue deux formes de chrématistiques : la chrématistique naturelle (biens indispensables à la vie) et la chrématistique mercantile (biens superflus).
• L'économique consiste pour le maître à acquérir et à utiliser la "véritable" richesse. La finalité de l'existence n'est pas l'enrichissement, mais "la vie heureuse".
• Aristote condamne l'enrichissement, en opposant la chrématistique naturelle à la chrématistique mercantile (accumulation de richesses comme fin en soi).
• Il condamne l'usure.

Réflexions sur la valeur et la monnaie chez Aristote

• Aristote distingue deux formes de justice : la justice distributive (répartition des richesses) et la justice commutative (égalité dans les échanges).
• Il cherche un critère objectif pour juger de l'équivalence des échanges.
• Aristote parle de la quantité de travail nécessaire pour produire un bien et du besoin d'un étalon commun de mesure.
• Il distingue valeur d'usage (satisfaire un besoin) et valeur d'échange (acquérir un autre bien). Le rôle des échanges commerciaux doit demeurer limité chez Aristote, complétant un système économique autarcique.
• La monnaie joue un rôle essentiel en facilitant les échanges et la distribution des biens.
• Aristote distingue deux usages de la monnaie : l'usage naturel (échange de biens nécessaires) et l'usage contre-nature (thésaurisation et prêt à intérêt).
• La monnaie ne devrait servir que d'intermédiaire dans les échanges.
• Aristote distingue trois fonctions de la monnaie : étalon de mesure de la valeur, instrument des échanges et instrument d'épargne.
• Il s'oppose à l'idée d'intérêt et condamne les pratiques spéculatives et monopolistiques.
• La philosophie d'Aristote condamne le prêt à intérêt.
• Aristote voit la monnaie comme un outil nécessaire qui doit être encadré et utilisé dans un but d'échange et de distribution équitable des richesses, et non de thésaurisation et d'accumulation personnelle.