Histoire du droit privée

La Filiation au Moyen Âge et à l'Époque Moderne

• L'Église tente de légitimer les enfants nés hors mariage à travers deux techniques : la légitimation par mariage subséquent et la légitimation par lettre.
• La légitimation par mariage subséquent se produit lorsque les parents se marient après la naissance de l'enfant.
• La légitimation par lettre est accordée par le pape ou le roi de France, principalement pour les membres de la noblesse.
• La filiation légitime crée des droits et des devoirs entre parents et enfants, notamment le devoir de respect et d'obéissance des enfants, et le devoir d'obligation alimentaire des parents.
• L'autorité parentale, appelée "mainbournie", permettait au père de corriger ses enfants, et les parents étaient responsables des délits et dommages causés par leurs enfants.
• La majorité de l'enfant était déterminée par les coutumes locales, et l'autorité parentale prenait généralement fin lorsque l'enfant quittait le domicile familial.
• L'enfant légitime héritait de la "vocation successorale", ce qui lui permettait de succéder aux biens de ses parents.

La Filiation Hors Mariage

• La filiation hors mariage était considérée comme illégitime et naturelle.
• L'homme était considéré comme fautif et devait porter les conséquences de ses relations sexuelles illicites.
• Une exception existait pour les femmes "diffamées", qui pouvaient intenter une action en frai de gésine pour couvrir les frais liés à l'accouchement, et une action en recherche de paternité pour obtenir la reconnaissance et l'entretien de l'enfant.
• Les juges accordaient une grande importance à la parole de la mère pour prouver la paternité.
• L'enfant illégitime ne bénéficiait pas de la "vocation successorale", mais pouvait être entretenu par son père.
• En l'absence d'enfant légitime, l'enfant illégitime pouvait hériter de son père, notamment dans le cas de la noblesse.

La Filiation Légitime: L'Influence du Père

• L'enfant né dans le cadre du mariage était considéré comme légitime.
• La preuve du mariage était basée sur le consentement des époux, ce qui était difficile à établir.
• La présence d'une dot sur des tablettes de mariage constituait une preuve du mariage.
• En l'absence de preuve, la présomption de mariage pouvait être utilisée si une femme vivait habituellement avec un homme, à moins qu'ils soient liés par le sang ou que la femme soit une courtisane.
• La présomption de paternité supposait que l'enfant était né au moins six mois après la conclusion du mariage et moins de dix mois après sa dissolution.
• Le père avait le pouvoir absolu de choisir d'intégrer ou de rejeter un enfant de sa famille, même si ce dernier était légitimé legalement.
• Les enfants refusés par leur père étaient souvent ceux présentant des malformations ou les filles.
• La volonté du père était sans limites et n'était pas soumise à des règles.

L'Encadrement de la Filiation par l'Église

• L'Église a institué un régime unique de filiation, imposant des sanctions religieuses pour les transgressions.
• Les sanctions religieuses pouvaient inclure des prières, des contributions financières à l'église, des pèlerinages imposés, et l'excommunication.

L'Unité du Modèle Généalogique

• L'Église a lutté contre les tendances germaines qui ne différenciaient pas les enfants légitimes et naturels, promouvant ainsi la filiation dans le mariage.
• L'enfant né de parents mariés devenait un "enfant légitime", un statut qui pouvait être contesté et prouvé par plusieurs moyens.
• La "possession d'état d'enfant légitime" se basait sur trois éléments : la nomination, le tractatus, et la fama (réputation).
• La "présomption de paternité" concernait le mari de la mère, et ne pouvait être écartée que dans les cas de longue absence ou d'impuissance du mari.

L'Encadrement Monarchique des Rapports de Filiation

• Au XVIe siècle, la question de la filiation est tombée sous le contrôle de l'État.
• L'État a mis l'accent sur l'ordre moral et la légitimation des enfants.
• La présomption de paternité a été étendue au-delà du vraisemblable, incluant des cas où l'enfant naissait plusieurs années après la mort du mari.
• Les modes de légitimation existants pendant le Moyen Âge ont été restreints, comme la légitimation par mariage subséquent et la légitimation par lettre.

Fin De La Puissance Paternelle

• La puissance paternelle peut prendre fin si le père perd sa citoyenneté romaine en raison d'un acte grave, comme la trahison.
• L'émancipation est un acte grave qui met fin à la puissance paternelle et rompt tous les liens entre l'émancipé et sa famille.
• Les enfants nés hors mariage ou rejetés, appelés "vulgo concepti", sont "sui iuris" dès la naissance et n'appartiennent à aucune "gens".

Structures Cognatique

• Au deuxième siècle de notre ère, le modèle de parenté agnatique est remis en question.
• La réalité biologique de la parenté maternelle est reconnue, menant à la création de liens de parenté avec la mère.
• La mère peut léguer son patrimoine à ses enfants et ceux-ci peuvent être reconnus comme ses héritiers.
• À la fin de l'empire, les liens de sang priment sur les liens de droit, et les enfants héritent de leurs deux parents.
• La situation des enfants naturels s'améliore avec l'introduction d'une obligation alimentaire pour les parents.

Pragmatisme Germain

• À partir du IIe siècle, des populations germaniques s'installent dans l'empire romain, menant à la formation de nouvelles entités politiques.
• Les coutumes germaniques, comme le Code d'Euric, la loi Gombette et la loi Salique, témoignent de la réalité de la famille germaine.
• La famille germaine est souple et peu institutionnalisée, privilégiant la réalité biologique aux définitions juridiques.
• Un grand ritualisme caractérise la famille germaine, le droit étant créé par des rites et des gestes précis accomplis devant des témoins.
• Le mariage germain est une affaire de famille, une alliance entre deux familles visant à garantir la paix sociale.

Le Mariage Germain

• Le mariage germain est constitué par un rituel en trois étapes : la desponsatio, le mariage et la cohabitation.
• La desponsatio est l'engagement réciproque des familles sur les modalités du mariage.
• La femme a droit à une compensation (le tiers de collaboration) en cas de rupture du mariage.

La Parenté Germaine

• La famille germaine se compose de la famille étroite (couple et enfants) et de la Sippe, une famille élargie comprenant tous les alliés.
• La Sippe est mobilisée en cas de difficulté, notamment pour la Faida (vengeance privée) ou pour la Conjuration (serment collectif pour soutenir l'accusé ou la victime).

Les Fiançailles Chrétiennes

• Les fiançailles, conclues par l'accord des fiancés, sont révocables sans motif à la majorité.
• L'Église incite aux fiançailles publiques, mais ne les impose pas.
• Les fiançailles peuvent avoir des effets définitifs : elles constituent un empêchement au mariage et peuvent être accompagnées de relations sexuelles, considérant le mariage comme définitivement conclu.

Le Consensualisme

• Le consentement est nécessaire et suffisant pour former le mariage, quelle que soit la forme de l'expression.
• Le mariage consensuel n'exige pas de cérémonie, de témoins ou de prêtres, ce qui rend difficile la preuve de son existence.
• L'Église introduit des cérémonies avec un prêtre et des témoins, mais celles-ci n'ont aucune valeur juridique.
• L'Église accepte les mariages entre absents, avec consentement par écrit ou par procuration.

Le Régime Communautaire

• Le régime communautaire comprend les biens propres de l'époux, les biens propres de l'épouse et les biens communs (acquêts).
• Le mari administre les biens propres de l'épouse et dispose des biens communs.

Liquidation des Régimes Matrimoniaux

• La liquidation de la communauté est problématique uniquement dans le cadre du régime communautaire.
• Le décès du conjoint est la principale cause de dissolution de la communauté.
• La communauté peut être poursuivie entre le conjoint survivant et les enfants du couple ("la communauté continuée").

Dissolutions de la Communauté

• La séparation de corps, prononcée par les juges de l'église, met fin à la vie commune sans rompre le mariage.
• La séparation de biens est une invention des juristes de l'église.
• La liquidation de la communauté est gérée par les tribunaux laïques.

Les Fiançailles

• Les fiançailles sont révocables et se concluent par l'accord des fiancés.

• L'Église encourage les fiançailles publiques, mais ne les impose pas.

• Les fiançailles peuvent être conclues à partir de l'âge de 7 ans, car les théologiens considèrent que les enfants de cet âge sont capables de s'engager.

• Les fiançailles conclues par des mineurs peuvent être rompues sans motif à leur majorité.

• Les fiançailles conclues par des majeurs peuvent être rompues d'un commun accord ou par un des deux fiancés pour un juste motif, jugé par les officialités.

• La rupture sans juste motif entraîne une amende et des dommages et intérêts pour le fiancé ou la fiancée qui rompt.

• Les fiançailles ont des effets définitifs, notamment en étant un empêchement au mariage entre un ex-fiancé et un parent de son ancien fiancé.

• L'Église considère les relations sexuelles pendant les fiançailles comme un mariage conclu.

Le Mariage Consensuel

• Le consensualisme est caractérisé par le consentement nécessaire et suffisant pour former le mariage, exprimé librement par les futurs époux, y compris s'ils sont mineurs.
• La consommation du mariage n'est pas nécessaire sauf dans certains cas.
• L'absence de cérémonie, de témoins et de prêtres rend difficile la preuve de l'existence du mariage, ce qui donne lieu aux "mariages clandestins".
• L'Église propose une cérémonie avec un prêtre et des témoins, mais celle-ci n'a aucune valeur juridique.

Mariages Particuliers

• Le mariage entre absents se conclut par écrit ou par un représentant "procureur", appelé mariage par procuration.

Les Empêchements Au Mariage

Les Empêchements Dirimants Absolus

• L'âge : les enfants de moins de 7 ans ne sont pas considérés capables de consentir au mariage.
• L'impuissance physique.
• La condamnation d’impuissance est une situation complexe impliquant des questions de preuve et d’interprétation des lois.
• Le vœux solennel : les personnes qui sont entrées en religion sont frappées d’incapacité matrimoniale.
• L'existence d'un mariage antérieur non dissous, la bigamie.
  • Bigamie volontaire : sanction pénale et nullité du deuxième mariage.
  • Bigamie involontaire : le deuxième mariage est annulé, mais il n’y a pas de sanctions pénales.
• La disparité du culte : interdiction pour un chrétien d’épouser un non-chrétien.

Les Empêchements Dirimants Relatifs

• Ces empêchements concernent l’impossibilité, pour des personnes déterminées, de se marier en raison de liens existants antérieurement au mariage.

• Parenté naturelle (inceste)

• Parenté spirituelle : Interdiction de mariage entre la famille d'un baptisé/confirmé et la famille de ses parrains/marraines.

• Affinité : Rapports d'alliance créés entre un époux et la famille de son conjoint.

L'Affirmation D'une Tutelle Étatique

• Au XVIe siècle, l'État s'affirme sur toutes les autorités concurrentes, y compris dans le domaine du mariage, le considérant comme une institution sociale à contrôler.

La Législation Royale

• Le roi ne légifère pas directement sur le lien matrimonial, mais intervient sur la publicité du mariage et le consentement des parents.

Publicité du Mariage

• Édit de 1556: sanctionne les mariages clandestins, offrant aux parents la possibilité de déshériter l'enfant qui se marie en secret.
• Ordonnance De Blois (1579):
  • imposition d'une cérémonie devant l'église avec des témoins et la publication des bans.
  • fin des mariages présumés.
  • apparition du concubinage.
  • obligation pour les prêtres de tenir un registre des naissances, mariages et décès, marquant les prémices de l'état civil.
• Édit de 1606:
  • reconnaissance de la compétence des tribunaux de l'Église en matière de mariage.
  • imposition aux tribunaux d'église d'annuler les mariages contractés en violation des dispositions de l'Ordonnance de Blois.
  • réapparition du concubinage.

Consentement des Parents

• Édit de 1556 : impose le consentement du père jusqu'à l'âge de 25 ans pour les femmes et 30 ans pour les hommes.

La Libéralisation Des Rapports Personnels

• Fin du XVIIIe siècle : essor de l'individualisme et contractualisation, accélérés par la Révolution de 1789.

La Famille Refondée

• Les révolutionnaires, cherchant à fonder une nouvelle société, refondent le droit de la famille et proposent une conception égalitaire de la filiation.

La Liberté du Lien Matrimonial

• Sécularisation du mariage, qui devient exclusivement entre les mains de l'État.
• Le mariage est perçu comme un contrat, organisé par deux lois de septembre 1792.

L'État Civil des Citoyens

• Imposition d'une forme de mariage laïcisée devant la mairie avec la présence d'un officier d'état civil, des témoins et après la publication des bans.

La Liberté de la Filiation

• Abolition des dispositifs favorisant les enfants légitimes au détriment des enfants naturels, favorisant l'égalité.
• Suppression des actions en recherche de paternité, laissant la paternité naturelle volontaire.
• Les enfants naturels reconnus peuvent hériter de leur parent, à part égale avec les enfants légitimes.

La Loi sur les Successions (1793)

• Partage égalitaire entre tous les héritiers collatéraux, sans limitation de degrés.
• Écart des ascendants (parents, grands-parents) de l'héritage.
• Caractère rétroactif depuis le 14 juillet 1789, annulé suite au mécontentement de l'opinion publique.

Le Réalisme Révolutionnaire: L'Autorité du Père

• L'idée d'autorité au sein de la famille persiste, malgré la volonté d'instaurer l'égalité.
• Unification des règles de majorité à 21 ans, permettant aux majeurs de contracter un mariage sans autorisation parentale.
• L'autorité parentale, surtout paternelle, est indirectement limitée par la suppression de dispositifs permettant de l'exercer.

Suppression Des Dispositifs Traditionnels

• La lettre de cachet, symbole de l'arbitraire du roi, est supprimée.

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