Doctrines politiques modernes de l'État

La souveraineté, initialement un concept religieux signifiant le pouvoir absolu de Dieu, trouve son application dans le domaine politique avec l'essor de l'État moderne. L'État s'autonomise du pouvoir religieux et se proclame politiquement souverain, sans aucune autorité supérieure.

L'État moderne se distingue des formes antérieures de pouvoir (polis, empire, seigneuries) par le monopole de la violence légitime, la permanence du pouvoir, et l'absence d'autorités supérieures.

L'émergence de l'État moderne en Europe est un processus de concentration du pouvoir dans les mains d'un unique centre décisionnel (centralisation) et d'institutionnalisation de ce pouvoir, donnant naissance à des structures durables (institutionnalisation).

Machiavel, auteur de « Le Prince », est considéré comme le précurseur des théories modernes de l'État. Il s'interroge sur la manière de fonder et de conserver le pouvoir sans se soucier de la moralité.

Bodin, dans son œuvre « Les Six Livres de la République », définit la souveraineté comme un pouvoir absolu et indéfini, appartenant à l'État, et non au roi.

Hobbes, dans « Le Léviathan », présente une théorie du contrat social où les individus cèdent leur pouvoir à un souverain en échange de la sécurité, la liberté et la protection de leurs droits.

Locke, dans son « Traité sur le Gouvernement Civil », établit une distinction entre le pouvoir politique et le pouvoir social, affirmant que l'État a des limites dans son pouvoir et protège la liberté individuelle.

Rousseau, dans « Du Contrat Social », défend la souveraineté populaire, affirmant que le pouvoir appartient au peuple et que la volonté générale doit prévaloir.

Après la Glorieuse Révolution anglaise de 1688, le contexte politique et social était favorable à la promotion de John Locke et de ses idées. Ses écrits, comme le Traité du gouvernement civil, ont servi de référence au siècle des Lumières et ont contribué à façonner le libéralisme politique.

John Locke, plutôt qu'un fervent défenseur de l'absolutisme, prônait l'idée de la souveraineté populaire, où le vrai souverain est l'individu.

Le droit de propriété, concept essentiel chez Locke, est vu comme le droit de jouir du fruit de son travail, à l'image de "l'homme qui a faim".

Pour Locke, la propriété privée est liée au travail de la terre et à l'économie marchande, pas encore à la marchandisation du travail et à l'accumulation du capital.

La tolérance est un principe politique, non moral, selon Locke. Il était lui-même un croyant, mais il pensait que la foi est une affaire de conscience individuelle, privée.

Locke était opposé à l'athéisme et à la conversion forcée, qui est non seulement regrettable mais contraire à la paix civile.

L'Essai sur la tolérance de Locke, publié en 1667, ne demande pas aux gens d'être tolérants, mais il pose les bases de la liberté de conscience.

John Locke, dans son Traité sur le gouvernement civil, développe les notions de droits individuels, de souveraineté populaire et de droit de propriété, thèmes clés du libéralisme politique.

L'abandon par chaque individu du droit de se gouverner soi-même à condition que tous fassent de même. Cette union de la multitude crée une volonté unique et puissante, personnifiée par l'État, qui assure la paix et la sécurité.

L'État exerce une puissance absolue sur les citoyens. Son pouvoir est supérieur à celui de chaque individu.

L'État est le résultat d'un contrat social qui établit les règles de la vie en société. Les citoyens renoncent à leur liberté individuelle en échange de la protection de l'État.

L'État est nécessaire pour maintenir l'ordre et la sécurité. Il garantit la paix et la protection des citoyens contre la violence et la guerre.

L'homme est naturellement égoïste et animé par la recherche de la satisfaction personnelle. Cette nature le pousse à la violence et à la guerre.

La loi naturelle est fondée sur la recherche de l'auto-préservation et implique un respect mutuel. Cependant, cette loi a peu d'impact dans l'état de nature où la violence règne.

Le pouvoir du souverain est absolu et non limité. Les citoyens doivent lui obéir sans conditions car il est l'unique garant de la paix et de la sécurité.

Le problème de la représentation consiste à trouver un moyen de représenter la volonté de la multitude dans une seule personne ou un seul organe. La représentation est une relation de confiance où le représentant agit au nom des représentés.

La pensée politique de Machiavel se démarque radicalement des conceptions précédentes car elle met l'accent sur la réalité du pouvoir politique et son fonctionnement pratique. Elle rompt avec les visions idéales de la cité ou de la cité de Dieu et se concentre sur les moyens d'obtenir et de maintenir le pouvoir.

Machiavel s'intéresse aux moyens concrets qu'un prince doit utiliser pour gouverner et maintenir son pouvoir, en tenant compte des réalités politiques et sociales. Il se focalise sur les actions du prince et sur les stratégies pour atteindre ses objectifs.

Machiavel met l'accent sur l'autonomie de la politique par rapport à d'autres domaines comme la religion. Il affirme que la politique a ses propres règles et objectifs, indépendants des valeurs morales ou religieuses.

Le terme « État » tel qu'on le comprend aujourd'hui apparaît à la Renaissance. Machiavel utilise ce terme pour désigner l'entité politique souveraine et indépendante, dotée d'un pouvoir sur les individus.

Machiavel définit la politique comme l'art d'obtenir et de conserver le pouvoir. Il souligne l'importance de la force et de la ruse pour garantir la stabilité de l'État.

Le « machiavélisme » est souvent associé à une vision cynique et opportuniste de la politique. On accuse Machiavel de justifier l'usage de la force et de la tromperie pour atteindre ses objectifs.

Machiavel est considéré comme un précurseur de la théorie politique moderne car il établit les bases d'une analyse réaliste et pragmatique du pouvoir.

L'homme n'est pas considéré comme un être de péché à la merci du pouvoir politique. Il possède une raison et cherche le bonheur sur Terre, non le salut dans l'au-delà.

À l'état de nature, ce n'est pas la peur des autres qui pousse les hommes à accepter le gouvernement, mais plutôt la recherche d'un intérêt commun, notamment en termes de sécurité.

Le gouvernement civil ne supprime pas la liberté naturelle des individus, mais la limite en échange de la protection des droits fondamentaux.

Les individus conservent des droits fondamentaux inhérents à leur nature que l'État ne peut pas violer. Il s'agit notamment du droit à la vie, à la liberté et à la propriété.

Locke privilégie un État minimal qui se limite à garantir les droits fondamentaux des individus. L'État ne doit pas intervenir dans tous les aspects de la vie.

Le gouvernement est issu d'un accord entre les individus et est donc limité, conditionnel et peut être révoqué si nécessaire.

Locke propose une séparation des pouvoirs, inspirant Montesquieu, pour empêcher la concentration du pouvoir dans les mains d'un seul individu.

Le respect de la loi est fondamental, y compris pour les gouvernants. C'est le fondement de l'État de droit et du constitutionnalisme.

Le libéralisme, selon cette définition, se distingue de la démocratie par sa conception de la souveraineté du peuple. Il affirme que la souveraineté ultime réside dans l'individu et ses droits naturels, notamment la propriété, la liberté et la vie. Le pouvoir du peuple, selon le libéralisme, doit être limité, notamment par la représentation.

Le libéralisme ne correspond pas à la démocratie dans sa forme classique au XVIIIe siècle. Cette idée est liée à l'idée d'un individu souverain doté de droits naturels et à la limitation du pouvoir du  peuple. Le libéralisme met l'accent sur la protection de la propriété privée et de la liberté individuelle, ce qui le distingue de la démocratie, qui met l'accent sur la volonté collective.

Le libéralisme se distingue de la démocratie au XVIIIe siècle car elle met l'accent sur la limitation du pouvoir populaire et la suprématie des droits individuels, notamment la propriété. Le libéralisme s'oppose à la souveraineté absolue du peuple, car il croit que le peuple peut être influencé par des passions ou des intérêts particuliers et que la protection des droits individuels doit être assurée.

Les critiques réactionnaires (XVIIIe) et marxistes (XIXe) du libéralisme s'opposent à l'idée de droits universels de l'homme, en particulier la liberté et l'égalité. Ils critiquent la souveraineté du peuple et la révolution, arguant que ces concepts sont abstraits et ne tiennent pas compte de la réalité sociale.

Les critiques réactionnaires du XVIIIe siècle s'opposent aux idées révolutionnaires de liberté et d'égalité pour tous. Ils considèrent ces concepts comme abstraits et dangereux pour l'ordre social existant. Ils estiment que ces idées ne tiennent pas compte de la complexité des relations sociales et des hiérarchies naturelles.

La critique marxiste du XIXe siècle s'oppose au libéralisme en dénonçant l'hypocrisie de l' « État bourgeois » qui promet des droits-libertés individuels tout en favorisant les inégalités sociales causées par la révolution industrielle et la propriété privée. Marx prône une révolution sociale qui abolisse la propriété privée et la société de classes.

La critique de Marx vise à achever la révolution politique bourgeoise par une révolution sociale. Il ne s'agit pas de revenir en arrière mais de poursuivre la transformation sociale pour abolir la propriété privée et les inégalités sociales. Cette critique trouve ses racines dans la Révolution Française, où certains révolutionnaires radicaux envisageaient une redistribution de la propriété pour garantir l'égalité de fait.

La critique de Marx s'inspire des révolutionnaires radicaux de la Révolution Française qui plaidaient pour une égalité de fait. Pour ces révolutionnaires, les droits de l'homme devaient se traduire par des changements concrets dans la société, incluant la redistribution de la propriété.