Philosophie Q2 - 45-75 PDF

Summary

This document provides an overview of the question of good and evil in philosophy. It discusses various perspectives on the nature of evil and explores examples of philosophical arguments and concepts related to morality and human nature. A key theme is the nature of the human condition and its role in understanding the concept of evil.

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Tess Van der Eecken Chapitre 2 : L’être humain peut-il vouloir le mal pour lui- même ? D’après Platon, l’être humain ne peut pas vouloir faire le mal... il veut le bien! S’il ne le fait pas, c’est par ignorance ou parce que sa volonté manque de f...

Tess Van der Eecken Chapitre 2 : L’être humain peut-il vouloir le mal pour lui- même ? D’après Platon, l’être humain ne peut pas vouloir faire le mal... il veut le bien! S’il ne le fait pas, c’est par ignorance ou parce que sa volonté manque de force... mais en droit, sa volonté est bien orientée Avec Aristote, les choses se compliquent un peu, car le bien est le but suprême de toutes les actions humaines, mais ce but ne peut pas être l’objet d’une connaissance transcendante possible. Selon Aristote, l’action n’est ni nécessairement vertueuse et l’action vertueuse n’est pas nécessairement accompagnée ni suivie de bonheur, mais surtout l’action ne peut pas être guidée par une connaissance qui nous dirait, en droit, ce qu’est le bien et comment agir. Cependant, il n’y a pas chez Aristote de véritable réflexion sur le fait que l’être humain pourrait être foncièrement mauvais, que sa volonté serait tendue vers le mal. La volonté du bien est moins déterminante que chez platoon mais la volonté reste orientée vers le bien. Pendant la période médiévale, la philosophie morale connaît une grande révolution avec l’idée que la volonté humaine pourrait être foncièrement viciée, ou pourrait l’être... Apparaît alors la question de la perversité possible de l’âme humaine, avec la figure du diable Est-il si évident que l’on ne peut pas vouloir le mal? ? Introduction ; la difficile définition du mal A première vue, le mal se définit par opposition au bien : le bien serait le but et le mal serait les obstacles qui empêchent d’atteindre le but. le bien est ce que l’on doit rechercher, la fin que l’on doit donner ou souhaiter à nos actions Platon, Banquet 205a : « C’est en effet […] par la possession des choses bonnes que les gens heureux sont heureux. Et il n’y a plus lieu à demander en outre : « En vue de quoi souhaite-t-il d’être heureux, celui qui le souhaite ? » Tout au contraire, c’est à un terme ultime que semble toucher la réponse en question. » Introduction - la difficile définition du bien La définition du mal découle naturellement de cette définition : serait mal tout ce qui s’oppose à la réalisation du bien. 45 Tess Van der Eecken ➔ La définition du mal apparaît ici relative à un idéal (celui du bien): serait mal ce qui nous empêche d’atteindre le bien. Et l’idée de mal suppose donc que l’on regrette une différence entre ce que le monde est et ce qu’il devrait être. ➔ Il n’y a de mal que si on pense que le monde n’est pas exactement comme il devrait être, pour qu’il y ait du mal il faut un idéal. Un écart entre le monde tel qu’il est et le monde tel qu’on voudrait qu’il soit. Mais alors : multiplicité des formes du mal ! 1/ Scandale du mal physique Denise Legrix, Née comme ça (sans bras ni jambes) Comment vivre ainsi? D'où vient ce mal ? 2/ Le problème du mal moral (pas la maladie mentale !) Comment l’homme peut-il choisir le mal alors qu’il vise le bien ? N’y a-t-il pas une contradiction interne à ce choix ? Saint Augustin dans son cabinet de travail (Botticelli) – l’épisode des fruits volés où il voulait le mal pour lui. Augustin invoque une double loi qui interdit le vol : les commandements gravés, la loi de pierre la loi du cœur, celle de la conscience morale : c’est là qu’il y a autonomie. C’est une instance qui dicte le bien lorsqu’on commet le mal. Le voleur lui-même sait qu’il commet le mal, la preuve étant qu’il ne supporte pas d’être volé à son tour. Le cas étudié ici est un vol sans nécessité matérielle, donc une méchanceté suprême. Le mal est choisi pour lui-même. C'est un cas de méchanceté volontaire. Comment expliquer ce désir de transgression qui pousse au choix du mal pour le mal? 46 Tess Van der Eecken 3/ Le problème du mal métaphysique Idée que la condition humaine elle-même ne correspond en rien, qu’elle est absurde. Car la condition humaine est le fait que la vie humaine est finie : l’être humain est borné, mortel, se trompe. Ce concept pose la question de la raison d’être de l’homme. Pourquoi la finitude de l’homme ? pourquoi suis-je borné, mortel, sujet à l’erreur et à la faute ? La condition humaine apparaît comme absurde. Le concept de « mal métaphysique » pose la question de la raison d’être de l’homme. Pose le pb de l’estime de soi, comment accepter cette vie médiocre ? 47 Tess Van der Eecken Dans Les pensées, Pascal décrit la misère de l’homme. Pascal décrit ici l’ignorance de l’homme de sa propre condition, sa déréliction (= sa solitude morale), la contingence de sa condition (dans l’espace, dans le temps, le fait qu'il se perd entre deux infinis...) Pourquoi cette déchéance ontologique ? Pascal, Pensées, édition Michel Le Guern, Paris, Gallimard, fragment 185 « Disproportion de l’homme » (pp. 155-160) « Car enfin, qu'est-ce qu'un homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout, infiniment éloigné de comprendre les extrêmes. La fin des choses et leurs principes sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable. Également incapable de voir le néant d'où il est tiré et l'infini où il est englouti, que fera-t- il donc, sinon d'apercevoir quelque apparence du milieu des choses, dans un désespoir éternel de connaître ni leur principe ni leur fin ? Toutes choses sont sorties du néant et portées jusqu'à l'infini. Qui suivra ces étonnantes démarches ? L'auteur de ces merveilles les comprend. Tout autre ne le peut faire. Manque d’avoir contemplé ces infinis, les hommes se sont portés témérairement à la recherche de la nature comme s’ils avaient quelque proportion avec elle. C’est une chose étrange qu’ils ont voulu comprendre les principes des choses et de là arriver jusqu’à connaître tout, par une présomption aussi infinie que leur objet. Car il est sans doute qu’on ne peut former ce dessein sans une présomption ou sans une capacité infinie, comme la nature. (…) Connaissons donc notre portée. Nous sommes quelque chose et nous ne sommes pas tout. Ce que nous avons d’être nous dérobe la connaissance des premiers principes qui naissent du néant, et le peu que nous avons d’être nous cache la vue de l’infini. (…) Voilà une partie des causes qui rendent l’homme si imbécile à connaître la nature. Elle est infinie en deux manières, il est fini et limité ; elle dure et se maintient perpétuellement en son être ; il passe et est mortel. Les choses en particulier se corrompent et se changent à chaque instant. Il ne les voit qu’en passant. Elles sont leur principe et leur fin. Il ne conçoit ni l’un ni l’autre. Elles sont simples et il est composé de deux natures différentes. » 4/ "L'anti-final" kantien Il pose le problème de l’injustice de la condition de chacun. Pourquoi les justes ne se voient pas rendre justice ? Pourquoi les scélérats ont-ils droit à la jouissance totale voire à la félicité ? Cela pose le problème de l’organisation du monde, qui apparaît comme un chaos mal fait dans lequel la justice ne règne pas. Comment se fait-il que les méchants triomphent ? -> L'histoire de Job (Ancien Testament) : homme pieux et heureux qui a jamais commis d’injustice, il est riche – prototype de l’homme moral et heureux mais dieux se met un défi par Satan et Job est mis à l’épreuve ; Job conserverait-il la piété si il était soumis à la souffrance ? Et dieu parie que oui donc le diable lui envoie de la souffrance. Job est 48 Tess Van der Eecken confronté à une souffrance qu’il n’a pas mérité (pauvre, enfants morts) mais il ne va pas se détourner de dieu. Il dit « le seigneur a donné, le seigneur a repris ». Le diable lui envoi une maladie contagieuse et il est isolé. Il sait qu’il est innocent donc il demande à dieu « Pq moi ? » Dans tous ces cas, il paraît clair que les choses ne sont pas bonnes, qu’il y a du mal, de différentes formes, dans l’existence. Pourtant, peut-être que ces différentes formes de malheur sont la condition nécessaire pour qu’il y ait du bien ? y aurait-il un bien moral s’il ne nous était pas possible de choisir de faire le mal ? (Quel valeur pour le bien si on ne peut pas vouloir le mal ?) et quelle serait la bonté de Dieu s’il était impensable qu’il puisse faire le mal ? de même, quel serait le prix du plaisir et de la tranquillité, quelle serait la valeur du bonheur si l’on ne faisait jamais l’expérience de la souffrance ? Ne faut-il pas qu’il y ait du mal pour qu’il y ait du bien ? Peut-être que notre impression qu’il y a du mal en telle occasion vient du fait qu’on se trompe sur ce qui serait le vrai bien, sur l’idéal du bien ? donc peut-être que ce mal n’est qu’un moindre mal. Plus de mal = plus de bien… Exercice ; Faux, c’est Pascal Faux c’est vouloir le mal pour lui-même Faux Vrai Vrai 49 Tess Van der Eecken I. Le mal est-il la condition du bien ? (Anselme de Cantobery) Philosophie du Moyen-âge et religion L'une des entreprises majeures de la philosophie du Moyen-Âge a été de penser ensemble la science et la religion, la raison et la foi - la religion occupait une place importante et la vie sociale et religieuse étaient entremêlées - il s’agissait donc pour les philosophes d’articuler et de concilier l’exercice critique de leur raison avec la foi et ses principes, auxquels tou.te.s croyaient, d’accorder la pensée qui nous a été donnée par Dieu avec Son existence et Ses vérités. La Q étaient comment articuler les 2 dimensions de l’eisntence humaine ? On imaginait pas ne pas croire, on se demandait juste comment accorder notre intelligence avec l’existence de dieu. Ex : Anselme de Cantorbéry, moine bénédiction du XIe siècle (1034-1109) et son "argument ontologique" en faveur de l'existence de Dieu – cet argument a eu bcp d’importance dans l’histoire de la pensée. Son argument ; dieu par définition est parfait donc il ne peut rien lui manquer donc il ne peut pas lui manquer l’existence donc dieu existe (première forme de l’argument) ; deuxième forme ; l’homme est imparfait, or il parvient a avoir dans son esprit l’idée d’un être parfait – dieu – or comme l’homme n’est pas parfait il a dû recevoir cette idée d’un autre être parfait donc de dieu. Donc il faut bien que dieu existe pcq on en a l’idée. L’idée d’être parfait doit venir d’un être parfait. Kant a critiqué cet argument. La question de l’origine du mal Anselme a développé le même type d’argument pour l’existence du mal. Comment est-il possible d’expliquer que l’homme puisse vouloir le mal ? Problème difficile à résoudre dans un contexte religieux et dans une religion ou le monde a été créé par dieu. Donc, l’existence du mal est particulièrement problématique car si dieu a tout crée ça laisse penser que dieu a crée le mal. Et sinon, qui a pu le créer ? Chaque religion a trouvé son explication pour arriver à penser le mal ; dans le polythéisme la concurrence entre les dieux suffit en partie à expliquer son origine, mais dans le christianisme, l'existence du mal des questions cruciales dans un monde créé et réglé par un Dieu infiniment bon et puissant : puisque Dieu a tout créé, a-t-il aussi créé le mal ? Si non, qui ? Si oui, pourquoi ? Pourquoi le permet-Il ? Pourquoi laisse-t-Il souffrir ses créatures ? Pourquoi laisse-t-Il les hommes faire le mal ? Le diable comme origine du mal -> Emergence d'une réponse qui fait du diable l'origine du mal Le diable est le personnage théorique et théologique qui permet d’expliquer, de donner une origine au mal. Cette figure prend de nombreuses formes et devient le responsable du mal sur terre. 50 Tess Van der Eecken Mais problème redoublé : si on lui attribue trop de pouvoir, un être éternel et indépendant de dieu, un principe équivalent à celui du bien et bien l’existence du diable contredit l’existence de dieu, sa nature parfaite. Si le diable corrompt les humains, quelle est l'origine du mal qui existe en lui puisqu'il est par nature une créature de Dieu comme les autres, tout aussi bonne et juste que les anges ? Il y a des théories manichéismes ; penser qu’il y a le bien et le mal qui se contrebalancent sans cesse – principes équivalents, éternelles et indépendants. Contradictoire avec la toute puissance de dieu. Il faut penser une origine du mal qui permet de préserver la bienfaisance divine mais sans contredire la toute puissance divine… que dieu soit tout puissant et expliquer qu’un mal soit possible sans que ce soit de sa faute. En admettant que le diable est la cause du mal on doit se demander qui l’a corrompu lui – quel est l’origine du mal qui est en lui ? Car par nature à l’origine il est une créature de dieu comme les autres. Donc qsq explique que le diable est devenu le diabl, qu’il doit une créture corrompue ? Il est un ange déchu. Le problème de l’origine du mal devient alors le problème de l’origine du diable. De casu diaboli, d'Anselme de Cantorbéry étude du chapitre XXVII du Traité Ce titre veut dire « de la chute du diable » comprendre comment le diable sui était un ange a chuté, comment il a été corrompu. Anselme tente de résoudre les problèmes théologiques liés à cette Q de l’origine du mal par un examen rationnel et argumenté de cette question du mal. Idée que la foi nous dit ce qu’on doit penser, parfait, mais la raison des hommes butte sur la compréhension. La tache du philo, Anselme a une visée terapeutique qui doit soigner les âmes qui comprennent mal les chaises. 51 Tess Van der Eecken On a un maître et un dispile donc un qui sait et un qui ne sait pas. "Disciple : Mais ne sois pas lassé (d’avoir) à répondre brièvement à ma sotte question, pour que je sache quelle réponse (faire) à ceux qui questionnent de la même façon. Assurément il n’est pas toujours facile de répondre de manière sensée à qui questionne de manière insensée." 52 Tess Van der Eecken Le disciple va d’abord demander au maître de reprendre brièvement le raisonnement entamé depuis le début de l'ouvrage pour en faire une synthèse claire pouvant être transmise à d'autres qui poseraient les mêmes questions. L’enjeu est de saisir l’enchaînement des arguments pour écarter le doute. Il faut donc aitre convaincant mais ce doute est qualifié de sort = bête. L'emploi des termes "sot" et "insensées" est rhétorique : Anselme sait qu'il est important de répondre à ces questions car il voit bien ce que la possibilité d'une existence du mal entraînerait comme contradictions profondes dans la doctrine chrétienne. Mais douter de Dieu est le plus grand des péchés... donc il assure que l'argumentation est plus à l'usage des autres que d'eux-mêmes – il se préserve de se pécher – il dit que ce n’est pas pour lui qu’il veut écarter le doute ! Le fait de devoir justifier par la raison une réalité affirmée par les textes est un vacillement de la foi c’est pq il assure que c’est pour remettre ceux qui sont perdus sur le droit chemin. Travail de mise à distance du doute et donc de justification du fait de devoir répondre au doute. "En un mot, je demande d’où, en premier (lieu), est venu dans l’ange qui a été fait juste, le mal que nous disons injustice ou péché." Le mal est initialement un ange juste (créé par dieu) qui est devenu mauvais. La question est posée, et il s'agit de celle de l'origine. Quelle est l'origine du mal, d'où est-il venu dans un monde qui n'est au départ fait que de bonté ? Problématique car le monde est tout l’univers, pas de l’au-delà du monde. Donc d’où a pu venir le mal ? Il n'y a pas d’extérieur ! L'interrogation est formulée de façon « simple », à partir du langage commun, et toute la tâche du maître-philosophe va être de préciser et reformuler la question pour cerner ce qui fait véritablement problème d’une manière qui va pouvoir recevoir une réponse. Le dialogue va servir à déconstruire les termes de la Q et écarter les erreurs de raisonnement. Elles sont au nombre de trois. Mal poser la Q est une erreur mais est aussi un péché !!! Implique des compréhensions fautives. A. Le mal n’existe pas (première déconstruction) "M. Dis-moi, toi, d’où vient (le) NEANT dans QUELQUE CHOSE ? D. (Le) NEANT ni ne vient ni ne se retire. M. Pourquoi alors demandes-tu d’où vient l’injustice qui est NEANT ? " Première idée qu'Anselme va devoir déconstruire : le mal existe dans le monde (idée qui pose la question de son origine, et de la tolérance de Dieu à son égard : pq dieu l’autorise) Réponse d'Anselme: le mal n'existe pas. C’est comme dire que l’injustice n’existe pas. Il n'est pas quelque chose, une entité en tant que telle, mais est l'absence de bien, de 53 Tess Van der Eecken justice = c’est un NÉANT. Le mal est un mot qui désigne un manque de bien. Ce n’est pas pcq il existe un mot que qqch existen dans la réalité – les mots existe et et peuvent donner l’illusion que ce qu’ils désignent existe aussi dans la réalité MAIS c’est une erreur logique de faire ça – de confondre l’existence d’un mot et l’existence de la réalité qu’ils désignent. Donc tout ce qui existe positivement doit être bon car dieu a crée tout ce qui existe. Qd qqun « n’est pas » il n’est pas nécessaire de penser que cette chose a été créé par dieu et donc pas nécessaire de penser que cette chose est bonne car elle ne dépend plus de dieu. Dès lors, la responsabilité de Dieu n'est plus engagée : il les fait juste « arrêter d'être », ce qui n'occasionne de façon directe aucun mal. Il y a seulement un vide laissé par le Bien lorsqu’il disparait. Il ne faut pas être dupe des mots – leur existence ne prouve pas ce qu'ils désignent existe. Cependant, si le mal est l’absence du bien, il va falloir expliquer cette absence – comment est-il possible qu’il manque le bien. Comment est-ce possible que le monde ait été créé de manière imparfaite ? D. Parce que nous disons, lorsque la justice se retire d’où elle était, que l’injustice arrive. M. Dis donc ce qui se dit de manière plus appropriée et plus claire, interroge-toi sur le retrait de la justice. S’il est vrai qu’une interrogation appropriée libère souvent la réponse, et qu’une (interrogation) inepte la rend plus difficile. D. Pourquoi la justice s’est-elle retirée de l’ange juste ? M. Si tu veux parler proprement, elle ne s’est pas retirée de lui, mais (c’est) lui (qui) l’a abandonnée en ne voulant pas ce qu’il devait. D. Pourquoi l’a-t-il abandonnée ? Intérêt du travail philosophique du langage : celui-ci libère de l’erreur quand il est employé de manière appropriée et avec justesse. Le disciple va devoir reformuler sa question jusqu'à atteindre la forme la plus pertinente. La question sur l'origine s'est changée en question sur la cause, car on ne va plus parler ici de l’origine du mal, puisqu'il n'existe pas, mais plutôt des raisons d’une absence, et plus précisément des raisons du choix de l’abandon de la justice par le diable, car c’est bien ce choix qui a causé sa chute. Il n’y a pas de manque dans la justice en elle-même – le pb est la cause de son abandon par le diable. On ne cesse d’avoir des pb.. si le viable a abandonné la justice cela veut dire que dieu lui a laissé la posisbilité de l’abandonner. Pb : Dieu n'a-t-il pas rendu possible le choix du mal ? Or, on ne peut pas vouloir le NÉANT, on veut tjs qqch donc si il a abandonné la justice, c’est pcq le diable a voulu qqch d’autre ! Donc on pourrait se demander si le mal étaient un objet de choix possible pour le diable. B. Le Diable n’a pas voulu le mal, mais il a mal voulu (deuxième idée) Le mal n’était pas l’objet de son choix – s’il a abandonné la justice c’est qu’il a voulu autre chose sans vouloir le mal. Vouloir qqch de pas mauvais mais dont la volonté correspond a l’abandon de la justice. 54 Tess Van der Eecken M. Quand je dis : il l’a abandonnée en voulant ce qu’il ne devait pas, je montre ouvertement pourquoi et comment il l’a abandonnée. Car, s’il l’a abandonnée, c’est parce qu’il a voulu ce qu’il ne devait pas vouloir, et c’est de cette manière, en voulant ce qu’il ne devait pas, qu’il l’a abandonnée. D. Comment cela ? M. Il a donc péché en voulant quelque commodité qu’il n’avait ni ne devait alors vouloir, et qui pouvait cependant lui procurer un accroissement de bonheur. Or il a voulu être non seulement l’égal de Dieu parce qu’il s’est arrogé une volonté propre, mais encore plus grand (que Dieu) en voulant ce que Dieu ne voulait pas qu’il veuille puisqu’il a placé sa volonté au-dessus de la volonté de Dieu. La cause de la chute: Le diable a détourné sa volonté du bien fixé par Dieu pour vouloir quelque chose qu'il ne devait pas vouloir. Mais attention, s'il était dénué de la volonté du bien... Dieu, de nouveau, pourrait en être responsable !? La réponse d'Anselme va donc porter sur l'objet qu'a visé cette volonté, sachant donc que cela ne peut pas être quelque chose de mal... Il faut que ce soit un objet bon ! Mais comment le fait de vouloir un objet bon peut-il être interdit par Dieu ?? ➔ Introduction de la dimension du temps Le diable a chuté parce qu'il a désiré une commodité bonne qu'il ne devait pas vouloir à ce moment-là ! C'est un péché d'orgueil, car il a voulu autre chose que ce que Dieu lui avait donné. Et ce péché d'orgueil est lui-même dû à un péché d'envie, car le diable désire ce que Dieu possède... et qu'il ne lui a pas encore donné Et si le Diable a ce désir prématuré, c'est parce qu'il doute... il doute que Dieu lui donne un jour ce qu'il désire Le plus grand des péchés, c'est donc le doute en la parole de Dieu "Fondamentalement, le péché est méfiance à l'égard de la parole de vérité et d'amour que le Créateur propose à la créature. Adam et Ève redoutent que Dieu ne les trompe et décident donc de préférer la voix triomphante, innocente et illusoire du serpent à la parole confiante, exigeante et réaliste de Dieu. Caïn se méfie des avantages qu'il suppose à Abel son frère et il le tue. Le péché, primordialement, ne consiste ni dans l'orgueil et l'arrogance, ni dans le désir et la concupiscence, mais dans la méfiance. C'est pourquoi il a bibliquement pour effet non pas tant de transformer la nature de l'homme ou de constituer en animal déchu un ange supposé que de changer radicalement la situation relationnelle de la créature. À la confiance originaire, qui caractérise la création, succède la méfiance originelle, qui qualifie désormais l'histoire" A-M. Dubarle et A. Dumas, «Le péché originel » L’homme d’après le péché originel serait un homme de la méfiance et cela explique la chute du diable qui avait peur que dieu ne lui donne pas donc il l’a pris avant. 55 Tess Van der Eecken L’action du diable n’est pas tant de faire le mal que d’empêcher les hommes de croire… Le grand péché de l'"acédie" (première réception du christianisme qui on caractérisé la véritable nature du mal comme l’acédie) ; La véritable nature du mal, c'est donc le doute. cf. le plus grand péché selon les Pères du désert : l'acédie (α privatif) : alliance rompue avec Dieu, confiance perdue. La faute ne réside pas dans l'objet que le diable a convoité (qui aurait été interdit), mais vient du fait que sa volonté a délaissé ce qu'il devait faire à ce moment-là pour une commodité à laquelle il n'avait pas droit. Mais alors, n'est-ce pas la volonté elle-même qui porte les germes du mal puisqu'elle n'a pas pu persévérer dans le bien ? Pourquoi Dieu ne l'a-t-il pas faite suffisamment forte pour surmonter le péché ? Pq il a pas fait l’homme assez fort pour surmonter tout ça ? Exercice ; Faux Faux – tout ce qu’on reçoit de dieu est bon Faux – ca en pose plein d’autres Vrai – le doute est à l’origine de l’envie qui est à l’origine d l’orgueil Faux – c’est l’acédie C. La volonté n’est pas mauvaise, mais libre D. Pourquoi a-t-il voulu ce qu’il ne devait pas ? M. Nulle cause n’a précédé cette volonté, sauf qu’il pouvait vouloir. D. S’il a voulu, est-ce parce qu’il pouvait (vouloir) ? 56 Tess Van der Eecken M. Non, car le bon ange pouvait semblablement vouloir et n’a pourtant pas voulu. Nul en effet ne veut ce qu’il peut vouloir (simplement) parce qu’il peut, sans autre cause, quoiqu’il ne veuille jamais s’il ne (le) peut pas. D. Pourquoi alors a-t-il voulu ? M. Uniquement parce qu’il a voulu. Car cette volonté n’eut aucune autre cause qui la poussât ou attirât quelque peu, mais elle-même fut à elle-même, s’il on peut dire, cause efficiente et effet. Anselme dmd si la volonté du diable est à l’origine de son pêché. Dieu a bien donné au diable la volonté juste (par nature, celle-ci n'est donc jamais mauvaise) : la responsabilité de la faute va au diable, qui a librement décidé de s'en défaire ! Le diable et le bon ange ont la bonne volonté et ont tous 2 la possibilité de vouloir et de ne pas vouloir, la même possibilité de choix. Ils ont une volonté juste qui leur permet de désobéir et aucun n’est soumis à une cause qui les pousseraient à désobéir. Ce qui fait le propre du diable est qu’il a voulu désobéir sans qu’on puisse rapporter cette désobéissance à une autre cause. Le diable avait la volonté juste, la responsabilité pleine de la faut vient au diable. C’est lui qui a décidé de se défaire de la liberté. Conclusion du raisonnement La chute du diable n'est pas imputable à Dieu qui n'a pas créé le mal, et qui a bien donné aux anges la volonté de bonheur et donc de bien, ainsi que la persévérance pour s'y maintenir. La faute primordiale du diable n'est due qu'à lui-même, et à son libre arbitre qui a refusé la justice délibérément, le bien alors qu’il avait tout ce qu’il fallait pour le faire. Mais alors… Mais pourquoi Dieu a-t-il instauré le libre choix ? et pourquoi Dieu n'a-t-il pas sauvé le diable, après qu'il a chuté dans l'injustice ? Car il fallait que le libre choix du mal soit possible pour que le libre choix du bien soit aussi possible. La possibilité du mal rend le monde meilleur (thèse d’Anselme) Dieu tolère l’injustice pour qu’on puisse être responsable du fait qu’on va se repentir. Il faut que dieu ne sauve pas l’ange déchu pour qu’il puisse se repentir. Pour être juste il faut choisir la justice – impossible s’il n’y a pas d’autre choix. C’est grâce à la chute du diable qu’apparaît le bien Le mal n’est jamais absolu, le mal est tjs un mal pour un bien = le bien gagne. Anselme de Cantorbéry, De casu diaboli, chap. 18 1. De la possibilité du libre choix « C’est de Lui en effet que les deux ont reçu d’avoir et de pouvoir tenir, et de pouvoir abandonner. Dieu leur a donné ce dernier (pouvoir) à cette fin qu’ils pussent, d’une certaine façon, se donner la justice. Car s’ils n’avaient pu d’aucune façon se l’enlever, ils 57 Tess Van der Eecken n’auraient pu d’aucune façon se la donner. Qui donc se l’est donnée de cette façon a reçu cela même de Dieu afin qu’il se la donnât. » Ibid., chap. 18, p. 343. 2. Du non-sauvetage de l'ange déchu « Ainsi, de même que le bon ange s’est fait juste en ne s’enlevant pas la justice alors qu’il le pouvait, de même Dieu fait le mauvais ange injuste en ne lui rendant pas la justice alors qu’il le pouvait. » Ibid., chap. 18, p. 343. Exercice Faux Faux Vrai Vrai Vrai Le diable a une fonction paradoxale -> faire apparaître le bien. Par la négative en incarnant son opposé. Le mal n’est qu’une apparence car il est toujours source de bien. Il n’est que la surface d’un bien supérieur. Donc la tentation peut nous prendre mais les humains ont comme devoir de résister à la tentation et cette possibilité est inscrite dans l’existence de la tentation. Le mal selon Anselme n’existe pas, n’est qu’une apparence, ce qui compte est la capacité de notre volonté à vouloir ce qu’on doit vouloir et le fait de pouvoir le vouloi ou non en fait sa grandeur. On voit que le mal ne peut donc dans ce cadre jamais être voulu pour lui-même car il est toujours un mal pour un bien. 58 Tess Van der Eecken Ce genre de logique parait difficile à tenir quand on pense à des êtres humains qui revendiquent vouloir le mal sans considération du bien -> difficile de tenir la théorie …. On se demande si on peut vouloir le mal pour lui-même sans que l’on puisse considérer qu’il est un mal pour un bien. Est-ce qu’il est possible d’identifier une volonté du mal qui ne soit pas la condition d’un bien + profond. Peut-on penser la vérité d’un mal absolu ? II. Et si on pouvait vouloir le mal pour lui-même ? 1. Le bien semble être, par définition, ce qui est voulu pour lui-même mais la volonté humaine semble parfois s’en détourner volontairement En disant que nul n’est méchant volontairement Socrate instaure une longue tradition selon laquelle le mal serait toujours le fruit d’un aveuglement sur soi, sur son intérêt véritable, ce serait le résultat d’une privation, un échec, mais le mal ne serait pas revendiqué par une volonté pleinement consciente d’elle-même. Mais n’y a-t-il pas des moments où l’action humaine manifeste de la perversité, une inversion des valeurs ? Cf. l’épisode des poires volées... Ou: « on m’a rapporté le fait suivant et je l’ai cru : Léontios, fils d’Aglaïon, remontait Pirée en suivant le mur extérieur du Nord, et il aperçut des cadavres qui gisaient a milieu des exécutions publiques. Il était à la fois pris du désir de regarder, et en même temps il était rempli d’aversion et se détournait de cette vue. Pendant un certain temps, il aurait résisté et se serait voilé le visage, mais finalement subjugué par son désir, il aurait ouvert grands les yeux et, courant vers les suppliciés, il aura dit « voilà pour vous, génies du mal, rassasiez-vous de ce beau spectacle ! » (Platon, République IV, 439e, trad. G. Leroux, Paris, GF, 2004, p. 249.) Ce genre d’exemple n’est pas problématique. On voit le combat entre sa force de sa volonté (pas regarder) et son désir (fascination morbide) – il ne veut pas faire le mal mais sa fascination est + forte. On cherche à penser un mal qui serait une force autonome, qu’il aurait une énérgie propre. Un mal qui existerait volontairement et qui ne serait pas une simple privation. Est-ce que le mal peut être un but authentique ? Et si le mal pouvait être véritablement choisi, comme un bien ? Que dire de celui qui choisit explicitement, sciemment le mal ? La figure du mal volontaire est ce qui a de plus scandaleux pour la morale car elle fait chuter les certitudes. Exemple de la pensée du Marquis de Sade ; il y a un contenu théorique, ce qui intéresse Sade c’est le mal. Dans sa pensée il y a une revendication de la recherche du mal pour le mal. 59 Tess Van der Eecken Est-ce que les libertins des “120 journées de Sodome”, écrit par le marquis de Sade (1740-1814) peuvent être considérés comme des ignorants du mal alors qu’ils revendiquent haut et fort leur méchanceté ? N’est-ce pas illusoire de penser que les hommes font le mal par erreur, ou par impuissance, et non par faute délibérée ? Les libertins sont les personnages centraux – ici, c’est un type de personnage qui ont des caractéristiques peu pacifiques. Point de départ ; les libertins revendiquent leur méchanceté et le fait qu’ils ne font pas le mal par erreur, ni pas impuissance mais pcq ils le veulent, ils en ont fait un choix. Chez Sade, la “pensée libertine” n’est pas du tout une position libérale tolérante et respectueuse des autres, qui proposerait une modèle de société où chacun pourrait jouir de ce qui lui plaît tant que cela ne dérange pas les autres. La seule liberfté en jeux est celle du libertin lui-même !! La philosophie sadienne se donne comme une représentation du mal pour le mal. La liberté cherche la jouissance, certes, mais cette jouissance se fonde avant tout sur la transgression et le goût pour le mal (= sadisme) la liberté est secondaire au déésir de faire le mal. NB : de ce point de vue, le rapport à la sexualité est un moyen, un instrument plus qu’un but. C’est cela qui nous intéresse ici, le rapport de la pensée de Sade au mal « Ce n’est pas l’idée de libertinage qui nous anime mais l’idée du mal » (Marquis de Sade, Les 120 Journées de Sodome, Huitième Journée) Les personnages libertins sont caractérisés par un goût prononcé pour le mal, avec la certitude que le crime est le seul moyen de parvenir au plaisir le plus complet. Le mal chez Sade n’est pas un pur accident : il est fait de manière intentionnelle et organisée. Il s’agit d’orchestrer les plaisirs et de soumettre la jouissance à des règles implacables pour un maximum de mal. Sade distingue “le libertin à sang froid”, apathique, flegmatique, qui calcule, délibère, organise, il est apathique = il ne subit pas, il est tranquille, posé, il organise. “le libertin à sang chaud”, qui agit sous l’impulsion de la passion, de l’enthousiasme, qui veut mal le mal, il est inférieur au libertin à sang froid car lui il subit la passion et il croit qu’il veut le mal mais en réalité il veut mal le mal car son crime manque de perfection. Il peut même avoir du remord après avoir torturé qqun. Il profite d’une situation qui s’est offerte à lui, il ne le fait pas de manière délibérée c’est pq son crime n’est pas parfait. Il est victime d’une forme d’imprudence et de désorganisation. En particulier, il n’a pas pris toutes les précautions pour éviter d‘être puni. Ex : dans Juliette ou les prospérites du vice, Juliette ne peut être reconnue comme membre de la société des amis du crime (les libertins) car le crime de Juliette est miné 60 Tess Van der Eecken par des fautes graves. Ell a manqué de prudence, emportée par l’enthousiasme de son crime. Elle a été trop enthousiaste et donc manqué d’organisation. Donc le modèle est vraiment le libertin à sang froid = le mal est VOULU rationnellement. Méchanceté radicale et organisée. Il s’agit d’une rationalisation du crime, d’une méchanceté radicale Pour le dire en termes sadiens, il faut mettre “un peu d’ordre dans ces orgies”, mettre l’intellect au service de l’orgie. Il faut préméditer, organiser, suivre des règles : - Agir seul (pour ne pas être dénoncé) – pas de confiance en autrui - Attendre avant de tirer profit du crime (pour éviter la suspicion) - Contrôler ses expressions - Combattre le remord (pour ne laisser voir un regret qui nous trahirait) Exercice Vrai / Faux ? 1. A l’idée que l’on n’est jamais méchant volontairement s’oppose l’idée que l’on fait parfois le mal librement 2. Le libertinage défini par Sade est une pratique égalitaire et tolérante entre adultes consentants 3. Chez Sade, le mal est censé être l’objet d’une volonté délibérée, et non d’une impulsion passionnelle 4. Chez Sade, le “libertin à sang chaud” est davantage valorisé que “le libertin à sang froid” Réponses ; Faux Faux Vrai Faux Quelles justifications à cette revendication du mal pour le mal ? Crime : transgression des lois de la société et l’idée est de rechercher la transgression et en particulier ce qu’il y a de + transgression. C’est pq Sade valorise 3 types de crimes ; la cruauté (faire souffrir l’autre), le blasphème et la sodomie. 1/ Justification hédoniste : la transgression des valeurs morales procure un plaisir extrême – le mal est un motif de jouissance. Le libertin recherche la douleur de l’autre, qui suscite les émotions les plus fortes donc il se tourne vers la douleur physique (de l’autre) car elle affecte bien plus vivement que le plaisir, l’ébranlement le plus violent. Le but du libertin est de ressentir les émotions les + fortes possibles, or, ce qui provoque le + d’effet en nous selon Sade est la douleur d’autrui -> provoque de l’électricité dans le corps et augmente le plaisir -> explications pseudo-physiologiques, en lien avec “l’électricité”, notamment parce que, selon lui, les effets de la douleur chez l’autre sont plus évidents que les effets du plaisir. L’electricité suscite des émotions fortes et empêche de s’ennuyer. 61 Tess Van der Eecken Pb : comme le libertin se lasse, il faut inventer de nouveaux crimes. Donc le libertin va rechercher la douleur de l’autre mais surtout le mal moral, c’est-à-dire la transgression de la norme sociale car le mal moral est une transgression + puissante que la simple douleur de l’autre qui est répétitive et assez banale. On peut penser la recherche de la douleur par rapport au plaisir. « Le bonheur tient moins dans la jouissance que dans le désir de briser les freins qu’on oppose à son plaisir ». Qd on s’ennuie, ce qui est excitant est d’aller tjs + loin et de lutter contre les obstacles. Ce qui est excitant est le fait de transgresser. Donc le + gd plaisir est lié à la + gd abomination – plis c’est abominable meilleur c’est. Le fait même de transgresser apporte du plaisir. Cette idée parait problématique car la jouissance du libertinmplique la souffrance d’autrui : comment peut-on légitimer la recherche de son propre plaisir au détriment d’autrui ? « Est-il charitable de faire du mal aux autres pour se délecter soi-même ? » (Un personnage demande) 2/ Justification naturaliste : le libertin se fonde sur la nature qui lui prescrit preferer ce qu’il sent aux sensations des autres. La nature nous incite à préférer ce que nous sentons à ce que nous ne sentons point. La souffrance du prochain est indifférente : au sens physique, nous ne la ressentons pas. Du coup, elle l’est aussi au sens moral, car elle ne nous concerne pas. Cette souffrance d’autrui que nous ne sentons pas produit en nous une sensation délicieuse : de quel droit nous priverions-nous d’un plaisir alors que nous ne sentons pas la douleur de l’autre ? Une morale fondée sur la peur de la vengeance (pas faire de mal par la peur qu’il nous fasse pareil) est une morale de faible, hypocrite et médiocre. De plus, la nature nous donne des exemples de cruauté : « rien n’est égoïste comme sa voix ». Suivre la nature en nous est rechercher le plaisir par n’importe quel moyen. La civilisation condamne la cruauté et donc s’oppose à la nature -> l’homme est naturellement cruel. Une morale des forts ; De ce point de vue, la morale qui nous dit de ne pas faire de mal à autrui et qui condamne la cruauté est hypocrite et animée par la seule peur de la vengeance. Le libertin, lui, ne craint pas la vengeance (même s’il fait tout pour l’éviter), il lance un défi, provoque la guerre et souhaite seulement être le plus fort pour satisfaire ses pulsions. « La cruauté n’est autre que l’énergie de l’homme » = ce qui met l’homme en mouvement est la cruauté, le désir du mal et pas la peur de la vengeance. Sade en vient à justifier le meurtre par les lois de la nature : elle connaît des métamorphoses et des destructions en permanence. La mort est une réorganisation de la matière. Donc il n’y a pas de crime aux yeux de la nature ! La thèse du transformisme 62 Tess Van der Eecken justifie le meurtre : il n’y a pas de véritable destruction, la nature est indifférente à ce qui apparaît et disparaît. La mort n’est donc jamais une destruction totale mais une réorganisation de la matière sous d’autres formes. Du point de vue de Sade il n’y a pas de crimes aux yeux de la nature. « Et voilà donc ce que c’est que le meurtre ; un peu de matière désorganisée, quelques changements de combinaison, quelques molécules rompues et posées dans le creuset de la nature qui les rendra dans quelques jours sous une autre forme. » Transgression ou abolition de la morale ? Il s’agit d’une véritable méchanceté, d’une véritable perversion des valeurs (de perverto : bouleverser, renverser, abattre) et non d’une inversion : le mal d’autrui n’est pas choisi parce qu’il est bien pour moi (la jouissance n’est jamais considérée comme étant “bonne”), mais le mal est choisi pour lui- même. Car ce qui est recherché, en faisant du crime la nouvelle règle, c’est de renverser la morale. Chez Sade il y a une perversion des valeurs, un renversement -> le mal est choisi pour lui- même. Le pervers n’est pas seulement celui qui inverse les valeurs mais celui qui les détruits. Sade abolit les différences entre le bine et le mal – il récuse la morale. Mais alors, on ne peut pas vraiment parler de transgression (qui suppose qu’on reconnaisse une loi ou une morale à transgresser), car il n’y a plus de bien opposé au mal : Sade abolit la morale (faire disparaître), il se situe en fait par-delà le bien et le mal. Il faut briser toutes les valeurs, non leur désobéir. Il faut que le mal devienne la règle, mais si le mal devient la règle il n’y a plus de règles pcq il n’y a plus de bien à mettre en place. Il ne remplace pas le bien par le mal mais il dit que la seule chose qui compte est la transgression. = philosophie de l’abolition de la morale. On est par delà le bien et le mal. Et c’est pour cela qu’il n’y a aucune règle morale, aucune règle universelle chez Sade, car poser une règle est postuler le fait que les hommes sont capables de se conduire tous de la même manière. Or, il est absurde de penser ca selon Sade. Et donc aucune justice à punir tel ou tel pour son comportement. « C’est une injustice que de considérer que des hommes de caractères inégaux puissent se comporter de manière égale » c’est pour cela qu’il ne faut pas les punir (méchant par nature = pas sa faute). Le libertin n’est pas coupable selon Sade. Ex : la calomnie 2 exemples de raisonnement pervers: le vol et la calomnie. Les arguments justes sont utilisés à l’envers Le vol n’est pas un mal pour Sade pcq dans l’histoire il na pas tjs été réprimé, par exemple, à Sartre, les voleurs étaient pas des êtres mauvais mais il ne fallait pas se faire prendre. D’autre part, le vol égalise les richesses entre les hommes et incite à faire attention à ses affaires. Le volé va être + vigilants. > il retourne les valeurs (perversion) en rélité ce n’est 63 Tess Van der Eecken pas pcq on est vovlé qu’on tient à nos affaires et de + les + gd voleurs ne sont pas nécessairement les + pauvres = argumentatation fallacieuse. La calomnie (dire des choses fausses) peut porter sur un homme pervers et dans ce cas elle peut être indifférente (au point ou on en est) et peut être positive (attire l’attention sur le fait que cet homme est mauvais). Soit on lui fait pas de mal soit on dit qqch qui élire. Et al calomnie sur un homme vertueux selon Sade lui permet de faire éclater sa vertu – elle l’incite à redoubler de vertu pour faire taire la calomnie, il sera encore + vertueux. Perversion car Sade ne considère pas le tord qui est fait. Et surtout, si un bien arriva à sortir de cela, cela ne veut pas dire que cette chose mauvaise était bonne. Sade argumente dans le sens qui l’arrange. Chez Sade, l’argumentation peut aller dans tous les sens selon ce qu’il essaye de démontrer. Perversion ! Il y a refus du principe de contradiction: la nature vient toujours cautionner le désir, en dépit des principes logiques et donc en réalité il n’y a chez Sade aucune vraie justification ni aucune vraie valeur Exercice Vrai / Faux ? 1. Sade propose une justification déontologique des pratiques qu’il prône 2. Selon Sade, le fait même de transgresser les normes morales procure du plaisir 3. Selon Sade, la nature justifie le meurtre et la destruction des autres, car elle-même nous offre le spectacle de destructions permanentes 4. En réalité, Sade propose une inversion du bien et du mal 5. Aucune justification n’est valide si elle ne respecte pas les règles de la logique Réponses ; Faux, la déontologie est une morale basée sur l’idée de devoir, il propose une justification hédoniste et naturaliste Vrai Vrai Faux ; il ne dit jamais que le mal qu’il prône est bien Faux 2. Paradoxe : la volonté du mal suppose la négation de l’existence du mal en tant que tel. Donc l’asymétrie entre bien et mal semble in fine intangible et irréductible Car si on veut le mal on ne veut pas le bien et le mal n’a de sans que par opposition au bine donc le mal est nié. Il y a une incohérence dans le système sadien : le libertin est animé par l’idée de mal, mais Sade nie par ailleurs le fait que le mal puisse être une valeur. Si le mal était une valeur on aurait une inervsion avec le bien mais Sade refuse que le mal soit une valeur. En réalité, malgré le discours de Sade, on a affaire, dans son système, à une logique de la 64 Tess Van der Eecken passion : la raison est utilisée comme instrument pour justifier un point de vue local et Sade ne répugne pas à utiliser le raisonnement contraire pour se tirer d’affaire L’argument le plus avantageux est toujours utilisé, dans le cadre d’une logique de la passion, qui asservit l’argument au désir. La société des libertins est une société secrète et hypocrite: elle utilise la protection des lois pour subsister, mais fait en sorte que ses victimes perdent tout crédit à ses yeux. Elle est de ce fait totalement conservatrice. Cf. débat du chevalier et de Dolmancey dans Philosophie dans le boudoir Le sentiment d’humanité est une chimère car les hommes ne le méritent pas : ils sont tous méchants et perfides. La cruauté est justifiée par est une méchanceté foncière de l’homme. Le sadisme repose sur une misanthropie fondamentale, qui généralise à l’échelle de l’humanité l’essence maléfique. Et pourtant, Sade dit qu’il faut saisir l’individualité de chacun, et en particulier celle des libertins pris sur le fait (pour leur éviter la condamnation à mort) Le libertin met en place une règle qui ne vaut que pour lui, parce qu’il en a la force et la volonté: «Fou, en un mot fou, c’est pour cela que tu es au monde. Aucune borne à tes plaisirs que celle de tes forces ou de tes volontés, aucune exception de lieu, de temps et de personne ». ➔ Le sadisme repose sur un pur rapport de force et son usage de la raison est instrumental (il justifie etc) c’est rhétorique. Rousseau dans le Contrat Social critique l’idée du droit du + fort. Peut-on fonder des principes sur des rapports de force ? C’est possible dans les faits, mais pas en droit ! La force est éphémère. L’expression du “droit du plus fort” est une absurdite, comme le montre Rousseau dans Le contrat social : Un droit, par définition, est un « pouvoir légitime et durable », fondé sur le consentement des sociétés. Un droit, par essence, est pérenne: Il doit valoir en tout temps et en temps lieu, puisqu’il est autorisé et fondé sur l’accord des volontés. La force ne remplit pas les conditions d’un droit car c’est une puissance physique éphémère, et quand bien même elle se prolongerait indéfiniment, elle ne dure que tant qu’elle a le pouvoir de s’exercer. S’opposer à la force, ce n’est pas violer un droit, c’est en instaurer un autre. La force ne peut être légitime puisqu’une chose légitime l’est pour toujours, par définition. 65 Tess Van der Eecken « Sitôt que c’est la force qui fait le droit l’effet change avec la cause ; toute force qui surmonte la première succède à son droit » = le problème est que si on dit que la force fait le droit, des que la force change le droit aussi – pas de sens ! Le droit ne rajoute rien à la force, ne garantit pas la force. Si on croit la logique du + fort, la logique a le droit d’essayer d’être le + fort « le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître » = le + fort est le + fort dans qu’il est le + fort -> jsq un autre soit + fort. Récapitulatif : Peut-on vouloir le mal ? Platon : nul ne peut vouloir le mal. On fait le mal par erreur, par ignorance de ce qu’est le vrai bien, ou du fait d’un manque de force de notre volonté, mais le mal ne peut être l’objet de notre volonté en tant que celle-ci est guidée par la raison Anselme s’interroge sur l’origine du mal en travaillant sur la “chute du diable”. Le mal n’existe pas réellement, il n’y a pas de “force du mal”: l’injustice est due au mauvais choix du diable, qui a voulu ce qu’il ne devait pas, par orgueil, envie et manque de confiance en Dieu. Ce mauvais choix n’a pas de cause. C’est la manifestation de la liberté que Dieu a laissée à ses creatures, liberté qui rend finalement la creation meilleure car elle y instaure la moralité. Chez Anselme, le mal est le résultat d’un manque et il correspond in fine à un plus grand bien. Avec Sade, nous cherchons s’il est possible de vouloir le mal pour lui-même, si le mal peut donc être un veritable but, ou une force réelle, et non la marque d’un défaut de volonté ? Cela a-t-il un sens de parler de “criminel accompli” ? De “genie du mal” ? Y a-t-il une excellence possible du côté du mal ? C’est ce que prétend Sade ! Sade défend l’idée que le libertin veut le mal pour lui-même, et non pour quoi que ce soit d’autre, que le mal est son but ultime. Il déploie différentes justifications de cette volonté du mal, sur des bases hedonistes, mais surtout naturalistes: par sa cruauté à l’égard d’autrui, le libertin ne ferait que suivre les “lois de la nature”, il ne faut pas le punir pour cela. Sade essaye donc de construire une “morale des forts”. PB : l’idée de “volonté du mal” et de “morale des forts” sont-elles cohérentes ? Non, pas vraiment ! Car vouloir le mal pour lui-même, ce n’est pas dire que ce que l’on considère comme un mal d’habitude (par ex. la souffrance, le vol…) est un bien, sinon il s’agit juste d’inversion des valeurs. Chez Sade, le mal n’est jamais bien : il aime la transgression pour elle- même. Il n’y a plus de difference du bien et du mal de son point de vue. Mais… et les justifications dont on a parlé ? Ce sont des leurres, des justifications pour les autres, aux yeux de la société, pour ne pas être puni, mais elles sont pleines de contradiction. La vraie logique de l’action de Sade est une logique de la passion et de la force. Or, comme on l’a vu avec Rousseau, la force ne fait pas droit. On ne peut fonder aucune morale, même “démoniaque”, sur la force et la passion. Le mal ne peut être voulu, uniquement désiré 66 Tess Van der Eecken Le libertin manifeste-t-il une vraie volonté, libre, de faire le mal ? Si la volonté suppose un libre choix, c’est plus un désir, un serf arbitre, qu’une volonté (un libre arbitre) C’est une volonté aliénée à la passion de dominer autrui, et soumis au regard de l’autre libertin (il doit être à la hauteur ! surenchère et rivalité). Chez les libertins il y a une logique de sur-enchère (être + cruel que son voisin). Le bourreau n’est pas maître de lui-même, esclave de ses passions. la seule réponse possible d’un point de vue vue éthique au système sadien consiste en la démystification de la caution juridique du libertinage : ça n’est pas un droit de nature, mais un rapport de domination. Pour vaincre, il faut résister à cette force injuste. Ces justifications sont des pseudo-justifications ; il n’y a pas de droit de suivre la nature !! L’exemple du libertin semble donc nous montrer qu’il n’y a pas de subversion possible du bien et du mal. L’idée même de volonté suppose la distinction de bien et de mal. Cette distinction suppose que nous usons de notre raison, ce que prouve le simple fait que nous parlons du bien et du mal, que nous entrons nécessairement dans le discours de la justification (même Sade le fait, mais de manière hypocrite…) Cependant, les atrocités commises au XXe siècle peuvent nous faire penser que l’homme est un être profondément méchant, animé de passions sinistres, mortifères... Exercice : Vrai Faux Faux Vrai Vrai III. Le mal comme absence de pensée (Hannah Arendt) Anna est une philosophe allemande du 20 e siècle, réfugiée aux États-Unis pendant la guerre et elle a traitré ; Le procès Eichmann en dates 67 Tess Van der Eecken Le 11 mai 1960 Adolf Eichmann, ancien dignitaire nazi (fonctionnaire), est enlevé en Argentine par des agents israéliens. Son procès débute le 11 avril 1961 pour s’achever le 14 août. Les attendus du jugement sont lus les 11 et 12 décembre 1961. Quatre jours plus tard Eichmann est condamné à mort. Un second procès en appel se tient à partir du 22 mars 1962 pendant deux semaines. Le premier jugement est confirmé le 29 mai 1962. Eichmann est pendu le 31 mai 1962. Un procès politique avec des enjeux qui dépassaient la personne de Eichmann. Capturé par des agents du Mossad, Eichmann va permettre au gouvernement israélien d'organiser son propre procès, à la suite de celui de Nuremberg. Il s'agit, dans l'esprit du premier ministre David Ben Gourion, d'adresser un message au reste du monde et aux jeunes juifs d'Israël qui ont du mal à admettre que des millions de Juifs se soient laissé conduire aux camps d'extermination sans opposer de résistance Les chefs d'accusation sont très nombreux Eichmann était à la tête du « bureau des affaires juives et de l'évacuation » pendant la guerre, l'homme en charge de la planification et de la logistique de la solution finale : de la déportation et de l'extermination, principalement dirigées contre les juif.ve.s (mais aussi contre les homosexuel.les, les handicapé.es et malades mentaux, les opposant.e.s au régime). Des journalistes du monde entier sont présents, le procès est intégralement filmé. Du fait de ces charges, il a comparu pour crime contre le peuple juif, contre l’humanité, crime de guerre et participation à une organisation hostile. Bcp de journalistes et procès très filmé. Hannah Arendt et le procès Eichmann Quand Eichmann est arrêté, la philosophe juive allemande Hannah Arendt (1906-1975), naturalisée américaine et enseignante aux Etats-Unis, est dans une période de sa vie particulièrement féconde d’un point de vue intellectuel, et vient de publier 3 ouvrages notamment consacrés à la crise de la modernité et au totalitarisme. Arendt se rendra en Israël pour assister au procès au titre de correspondante pour le journal The New Yorker. Cela va l'entraîner à revoir la question sur l'origine du mal. Elle en tirera des articles et un ouvrage : Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal (1963). Elle écrit « rapport sur la banalité du mal ». Deux visions du procès se superposent, et se confrontent L'Etat d'Israël, représenté par son procureur général, entend faire le procès-spectacle, sur son propre sol, de l’antisémitisme lui-même : « Ce n’est pas un individu qui était au banc des accusés et ce n’est pas le seul régime nazi ; c’est l’antisémitisme à travers toute l’histoire » (p. 69, Eichmann à Jérusalem). 68 Tess Van der Eecken Les trois juges quant à eux se positionnent dans une perspective plus strictement juridique, et veulent faire le procès de l’homme lui-même, pour ses actes, laissant de côté les questions plus générales (Pourquoi est-ce arrivé, et comment ? Pourquoi les Juifs ? Pourquoi les Allemands ? Quelle est la part de responsabilité des autres pays ? Pourquoi les Juifs ont-ils coopéré à leur propre anéantissement ? etc.) questions vives à l’époque. Hannah s’intéresse aussi à la personne, l’accusé. "Non coupable au sens de l'accusation" Eichmann reconnut son rôle dans la planification de l'extermination, mais soutient qu'il n'avait jamais tué personne directement. Mais il dit que si on lui avait demandé de tuer son père il l’aurait fait. Il ne regrettait aucunement ses actes car il n'avait fait qu'obéir aux ordres du Führer, ce qui était son devoir, comme à tous les Allemands. Il était même fier d'avoir si bien obéi et d'avoir été si ingénieux. Il comprenait qu’on le condamne a mort pour en faire un exemple pour les antisémites de la terre. Pq non coupable au sens de l’accusation ? Chefs d'accusation : action intentionnelle et mobiles abjects, du fait de la conscience du caractère criminel de ses actes Réponse : action intentionnelle, oui, mais mobiles non abjects... simple obéissance ! Son rôle en tant que fonctionnaire n’était pas de se poser des questions ! Beaucoup avaient plus de sang sur les mains que lui, qui en plus n'avait aucune "raison personnelle" de haïr les juifs... on retrouve la référence à la raison comme chez Sade (il se présente comme un administrateur modèle, indépendamment de sa raison). -> se présente comme un administrateur modèle, logisticien appliqué, qui avait simplement rempli au mieux les tâches qui lui étaient attribuées La "normalité", un défi moral et juridique Le drame, pour Arendt, c’est que personne ne le crut - les juges, incapables de croire en une telle indifférence morale, le prirent pour un menteur. Or le défi, selon Arendt, c'est précisément la NORMALITE d'Eichmann, les juges sont passés à coté du grand défi posé par cette affaire, défi moral, juridique, philosophie. Ce défi est que Eichmann est normal (ne veut pas dire que ses actions étaient justifiées mais veut dire qu’il n’est pas un diable et que ce qui l’a poussé à accomplir ces actes sont des ressorts ordinaires – la possibilité du mal réside dans des éléments présents chez chacun). « L'ennui avec Eichmann, c'est précisément qu'il y en avait beaucoup qui lui ressemblaient et qui n'étaient ni pervers ni sadiques, qui étaient et sont encore, terriblement et effroyablement normaux. Du point de vue de nos institutions et de nos critères moraux de jugement cette normalité était beaucoup plus effrayante que toutes les atrocités réunies car elle supposait - les accusés et leurs avocats le répétèrent mille fois à Nuremberg - que ce nouveau type de criminel, tout ennemi du genre humain qu'il 69 Tess Van der Eecken soit, commet des crimes dans des circonstances telles qu'il lui est pour ainsi dire impossible de savoir ou de sentir qu'il fait le mal. » La banalité du mal contre le génie du mal Loin d’être un « monstre », Eichmann est un humain ordinaire, ce qui rend ses actes presque plus terribles. Loin d’être un génie du mal, il s’agit d’un fonctionnaire ordinaire, d’un esprit médiocre, souvent ridicule, répétant des phrases toutes faites et des lieux communs, se réfugiant dans le langage administratif, dans un rapport au monde concret, pratique et dénué d’intelligence. « Plus on l’écoutait, plus on se rendait à l’évidence que son incapacité à parler était étroitement liée à son incapacité à penser– à penser notamment du point de vue de quelqu’un d’autre. Il était impossible de communiquer avec lui, non parce qu’il mentait, mais parce qu’il s’entourait du plus efficace des mécanismes de défense contre les mots et la présence des autres et, partant, contre la réalité en tant que telle. » Le langage doit intégrer les personnes, Eichmann fait comme si le monde était peuplé d’objets Incapavité à penser et à véritablement parler avec les autres Hannah dit que cette incapacité est qqch de très banal La banalité du mal, une idée hautement polémique Ce qui est terrifiant dans le procès Eichmann, ce n’est pas la grandeur macabre du nazi mais sa médiocrité, son insignifiance, sa banalité. Banal ne veut pas dire normal ni excusable, ne veut pas dire non plus que c’est présent partout. Il ne s’agit pas de dire que le mal est banal, au sens où il serait « normal », à la fois excusable et présent partout. Il faut le condamner et le traquer là où il se trouve. Il est banal au sens où il prend racine dans le quotidien des individus (ce n’est pas spectaculaire), à chaque fois que ceux-ci choisissent d’obéir sans se poser de questions, de laisser faire les choses sans exercer leur esprit critique, sans défendre des valeurs humaines fondamentales. NB : en énonçant cette idée, Arendt n'excuse pas Eichmann, elle fait son travail de philosophe qui déconstruit les évidences 70 Tess Van der Eecken Exercice ; Faux -> un haut fonctionnaire Faux Vrai Vrai Faux 71 Tess Van der Eecken "La question impossible à éluder était celle-ci : l’activité de penser en elle-même, l’habitude d’examiner tout ce qui vient de se produire ou attire l’attention, sans préjuger du contenu spécifique ou des conséquences, cette activité fait-elle partie des conditions 72 Tess Van der Eecken qui poussent l’homme à éviter le mal et même le conditionnent négativement à son égard ?" La pensée est l’examen de ce qui se produit, le fait de ne pas s’en remettre à des ordres mais d’avoir des habitudes qui nous permettent d’être vivant. Platon forever ? Il nous apprend l’importance de l’étonnement, interrogation qui constitue à ne pas se satisfaire des opinions faites et de se méfier de l’évident (ou se niche parfois le ma). Il faut être vigileant. Abandonner sa caapcité critique est être dans la même situation que Eichmann. Cet abandon de l’esprit critique est banal mais ca ne l’excuse pas. La epnsée est une faculté humaine, elle prend rien pour acquis et introduit de l’interrogation – son exercice relève de la responsabilité de chacun = il est de notre responsabilité à tous de faire usage de notre logos. Si on le fait pas pcq ca nous ennuie c’rest pas une bonne excuse. On a cette capcité. Eichmann est coupable d’avoir choisi d’obéir mécaniquement – le mal est d’adopter une obéissance aveugle. La banalité du mal par un psychiatre des tribunaux La banalité du mal : épisode 5/5 du podcast Daniel Zagury (radiofrance.fr) - L’intervenant: Daniel Zagury, psychiatre des tribunaux (par ex. M. Fourniret, G. Georges…) - La question: « pourquoi est-ce que les crimes les plus épouvantables sont commis le plus souvent par des hommes ordinaires, qui ne sont ni psychopathes, ni psychotiques, ni pervers? » Psychopathie: Déséquilibre psychique caractérisé par une déficience du contrôle des émotions et des impulsions, l'incapacité d'adaptation au milieu menant à des conduites antisociales. Psychose : maladie mentale qui entraîne une incapacité à discerner le réel et l’irréel Perversion : déviation des instincts… Constat : « j’ai très rarement vu des pathologies psychiatriques » L’enjeu : cf. correspondance entre Arendt et Jaspers : ne pas tomber dans la « grandeur satanique » alors qu’actes d’une grande « banalité » Les premières recherches en psycho : Douglas Kelley (« des hommes comme ça, on en trouve beaucoup en Amérique »), Stanley Milgram (expérience de soumission à l’autorité), Christopher Browning sur le 101e régiment (pas de refus de participer à la Shoah par balles) -> la « doxa Kelley-Milgram-Browning » - Des critiques : Eichmann n’était pas un criminal de bureau, mais un antisémitime passionné et convaincu… 73 Tess Van der Eecken - La these d’Arendt reprise par Zagury : “elle a mis le doigt sur qqc que la clinique d’après guerre va décrire en termes de “pensée opératoire”, d’aléxithymie, de carence elaborative” ➔ Pensée mécanique, descriptive, dépourvue d’affect. Pensée “non vivante”. “Vide de la pensée” (Ex des délinquants sexuels qui n’ont pas des scenarios riches. Immense pauvreté expressive.) Etude de “crimes passionnels”, de neonaticide, de crimes pour une cigarette refusée… 3 constats : 1/ pas de personnalité qui conduit au crime passionnel (donc pas d’êtres humains “à part) 2/ des processus transformatifs mènent des personnalités banales au bord de la possibilité du passage à l’acte. Cf. la question vertigineuse : “qu’est-ce que j’aurais fait ?”. Imaginez un climat collectif, une peur terrible, des incitations politiques, des legitimations, des alibis… 3/ le vide de la pensée ! (Surtout !!) Le criminel passionnel ne pense plus, il est au bord du débordement (état « semi- crépusculaire », « dissociation » …) - Doit-on passer de l’idée que seuls les monstres font le mal à l’idée que tout le monde peut le faire ? Non, il y a une différence : elle tient à la pensée (qui n’est pas synonyme ici de culture ou d’intelligence): c’est l’ouverture à l’affect, à l’émotion, càd l’articulation de l’éprouvé et du jugement, et la capacité à en débattre (Cf. question de l’absence du sentiment de culpabilité) Donc l’intelligence du mal est un mythe, c’est le mythe du diable « les imbéciles de la barbarie sont plus nombreux que les génies du mal » Il faut se méfier de notre tendance à amplifier le mal, à lui donner force et puissance - Parfois il y a des étapes de déshumanisation qui font partie des processus de passage à l’acte (la machette par S. tanner…) - Question de l’adéquation de l’acte et de la personne (critique de Foucault), et des circonstances exceptionnelles ((cf. le pb de la liberté… chapitre 3)) CCL: « Le mal est sans pourquoi » (A. Green), il est pure déliaison, pure destructivité. Un gardien à Primo Lévi: « ici, il n’y a pas de pourquoi ». Mais il peut y avoir des comment dit Daniel. Conclusion L'abandon de l'esprit critique est une démission morale, dont les conséquences peuvent être dramatiques n’est pas imposée de l'extérieur par quelque force insurmontable, mais le résultat d'un choix personnel, d’une démission de la conscience... L'exercice de la pensée, du doute, relève de la responsabilité de chacun ! 74 Tess Van der Eecken Le mal réside dans la normalité passive, dans l’habitude paresseuse, dans la soumission à des normes imposées de l’extérieur sans remise en question de leur contenu La pensée est donc un rempart contre les totalitarismes, et l’instance du tribunal réveille cette pensée en remettant l’individu à sa juste position : non plus rouage inconscient d’une machinerie qui le dépasse mais sujet pensant devant répondre de ses actions... Un présupposé cependant... nous avons une liberté d'action, une autonomie, une marge de manoeuvre. Mais est-ce évident ? Cf. chapitre 3 75

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