Module 3: Introduction à la toxicologie industrielle PDF

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These notes cover introduction to industrial toxicology. The document details different types of toxicology and the effects of toxicity on the human body. Also included are the prevention methods and the rules and regulations in place for the safety of workers in the workplace in Quebec.

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Santé et sécurité au travail Notions de base Module 3 Introduction à toxicologie industrielle Albert Nantel Département de médecine sociale et préventive Faculté de médecine Université Laval Santé et sécurité au travail : notions de base 2 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle Équipe...

Santé et sécurité au travail Notions de base Module 3 Introduction à toxicologie industrielle Albert Nantel Département de médecine sociale et préventive Faculté de médecine Université Laval Santé et sécurité au travail : notions de base 2 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle Équipe de production Responsable du cours Michèle Bérubé Département de médecine sociale et préventive Conception pédagogique Marc Champagne, service des ressources pédagogiques Denise Vigneault, conseillère en APTIC Yves Cantin, département de médecine sociale et préventive Mise à jour 2022 Michèle Bérubé Traitement de texte Louiselle Desjardins Michèle Gagnon 3 Santé et sécurité au travail : notions de base 4 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle Table des matières Objectifs d'apprentissage................................................................................. 7 Introduction...................................................................................................... 9 1. Définition et rôle de la toxicologie industrielle................................ 11 1.1 Définition................................................................................. 11 1.2 Rôle de la toxicologie industrielle............................................ 12 2. Absorption, métabolisme et excrétion des substances chimiques..... 17 2.1 Les voies d'entrée des toxiques dans l'organisme.................... 17 2.2 Le métabolisme et l'excrétion des toxiques.............................. 19 3. Les effets toxiques............................................................................ 22 3.1 Les effets locaux...................................................................... 22 3.2 Les effets systémiques............................................................. 24 3.3 Les divers types d'intoxication................................................. 26 3.4 Facteurs qui influencent la toxicité d'un produit..................... 27 4. Prévention des risques d'intoxication................................................ 29 5. Les normes et les programmes de surveillance biologique............... 31 5.1 Les normes au Québec............................................................. 31 5 Santé et sécurité au travail : notions de base 5.2 La surveillance biologique et la surveillance environnementale des travailleurs exposés à un contaminant........................................ 32 Conclusion..................................................................................................... 34 6 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle OBJECTIFS D'APPRENTISSAGE À la fin de ce module, vous serez en mesure de : 1. Définir la toxicologie industrielle parmi les différentes catégories de toxicologie. 2. Situer la toxicologie industrielle parmi les autres disciplines de la santé au travail. 3. Distinguer l'intoxication aiguë, sub-aiguë et chronique. 4. Décrire les principes régissant le métabolisme de l'absorption à l'excrétion des toxiques. 5. Différencier les effets des toxiques selon leur site d'action. 6. Identifier les principaux facteurs qui influencent la toxicité d'un produit. 7. Différencier les moyens de prévention des intoxications. 8. Distinguer les principales valeurs-seuils utilisées au Québec. 9. Préciser le rôle de la surveillance biologique dans l'évaluation du risque toxique. 7 Santé et sécurité au travail : notions de base 8 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle INTRODUCTION La santé au travail, en raison de son caractère multidisciplinaire, fait appel à de nombreuses disciplines qui mettent en commun leurs efforts et leurs connaissances dans le but de prévenir toute atteinte à la santé et à l'intégrité des travailleurs. La toxicologie est l'une de ces disciplines. Elle s'intéresse à définir la toxicité de milliers de substances chimiques auxquelles sont exposés quotidiennement les travailleurs et les travailleuses dans leur milieu de travail. Lorsqu'on connaît la toxicité d'un produit, c'est-à-dire son mode d'entrée, sa transformation, sa distribution dans l'organisme et ses effets sur la santé, il faut définir des niveaux de risque. Un niveau de risque est défini par les effets possibles sur la santé d'une exposition à une certaine quantité d'un contaminant chimique durant une certaine période de temps. Pour les contaminants pour lesquels nous connaissons les niveaux de risque, il est possible par la suite d'établir des normes d'exposition. Au Québec, le Règlement sur la santé et la sécurité du travail ne réglemente que quelques centaines de produits chimiques sur les dizaines de milliers d'usage courant dans les entreprises. Dans une optique de prévention, l'élimination à la source demeure le meilleur moyen de protéger la santé des travailleurs et doit être envisagée avant toute autre action. Comme elle n'est pas toujours possible, l'intervention et le travail des toxicologues restent essentiels. 9 Santé et sécurité au travail : notions de base 10 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle 1. DÉFINITION ET RÔLE DE LA TOXICOLOGIE INDUSTRIELLE 1.1 Définition La toxicologie n'est pas une science faisant référence à une seule discipline comme la chimie, la physique, les mathématiques ou la biologie, Au contraire, il s'agit d'un secteur d'activités multidisciplinaire. Ce qui caractérise ce secteur d'activités, c'est qu'il s'intéresse tout particulièrement aux divers poisons que l'on peut retrouver spontanément dans la nature ou qui ont été synthétisés, c'est-à-dire produits par l'homme. Le toxicologue s'emploie donc à déterminer les risques, pour diverses espèces vivantes, à une exposition à une ou à plusieurs substances toxiques. Le champ d'activités de la toxicologie est donc au départ très vaste. C'est pourquoi, en pratique, on le subdivise en secteurs plus restreints. Pour y arriver, plusieurs approches peuvent être utilisées. On peut classifier ces divers facteurs d'activités de la toxicologie en fonction des espèces qui sont visées. On parle alors de toxicologie humaine ou clinique, de toxicologie animale ou vétérinaire, de toxicologie marine, de toxicologie botanique, etc. On peut aussi classifier la toxicologie en fonction des substances qui sont étudiées, comme par exemple, la toxicologie médicamenteuse, la toxicologie des poisons biologiques, etc. On peut aussi relier la toxicologie à d'autres secteurs d'activités comme par exemple, la toxicologie médico-légale, la toxicologie expérimentale, « l'immuno-toxicologie » etc. Enfin, on peut définir la toxicologie en fonction des populations qui sont étudiées comme la toxicologie de l'environnement, la toxicologie industrielle. Comme on peut le constater, la toxicologie industrielle peut se définir soit par la population étudiée, c'est-à-dire les travailleurs, soit en fonction des substances toxiques qui sont visées, c'est-à-dire les substances chimiques qui sont utilisées en milieu de travail. 11 Santé et sécurité au travail : notions de base Il y a plus de 100 000 produits chimiques qui sont utilisés actuellement dans l'industrie et, à chaque année, on introduit à peu près trois mille nouveaux produits pendant que certains autres disparaissent. Plusieurs de ces substances sont connues comme dangereuses pour la santé, depuis celles qui provoquent de faibles irritations de la peau jusqu'aux poisons mortels et aux produits cancérigènes. Certains produits thermiques provoquent des dommages instantanés. C'est le cas des substances corrosives comme les acides ou les bases caustiques; il y en a d'autres par contre dont les effets ne se feront sentir qu'après de nombreuses années d'exposition. Il sera alors probablement trop tard pour aider les travailleurs qui auront été exposés à ces substances, année après année. 1.2 Rôle de la toxicologie industrielle Nous savons très peu de choses sur la très grande majorité des substances chimiques produites ou utilisées dans l'industrie et encore moins sur leurs effets à long terme. C'est le rôle de la toxicologie industrielle de déterminer, d'une part, quelle est la toxicité d'une substance et, d'autre part, quel est le risque réel qu'encourt un travailleur lorsqu'il est exposé durant une certaine période de temps à une certaine quantité de cette substance. 1.2.1 Évaluation de la toxicité L'évaluation de la toxicité d'un produit consiste en gros à déterminer quels dommages peuvent être causés à un organisme vivant par une certaine quantité de ce produit. Cette évaluation est faite pour tous les médicaments, les cosmétiques et les additifs alimentaires. Elle permet de constater par exemple que l'ingestion d'une très petite quantité de cyanure de potassium peut être mortelle chez le rat et que l'ingestion d'une même quantité de sel n'aura pas d'effet. Ces expériences sont réalisées une première fois chez l'animal dans le cas des médicaments, puis chez des volontaires et finalement chez des patients. Dans le cas des substances chimiques utilisées dans l'industrie, ces expériences peuvent également être faites chez l'animal, mais c'est plutôt rare. En effet, sur les dizaines de milliers de produits d'usage courant, seulement quelques centaines ont été testées. Ces tests ne sont bien sûr pas réalisés chez l'être 12 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle humain; il serait en effet complètement aberrant d'exposer quelqu'un à une substance chimique pour en connaître les effets. 1.2.2 Évaluation du risque En toxicologie industrielle, ce qui nous intéresse surtout c'est le côté pratique, c'est-à-dire déterminer le RISQUE RÉEL qu'encourent les travailleurs exposés à de telles substances chimiques, ainsi que les moyens efficaces de contrôler ces risques. Pour arriver à évaluer les risques qui découlent d'une exposition en milieu de travail, la toxicologie fait appel à deux autres disciplines, soit l'hygiène industrielle et l'épidémiologie, que nous aborderons dans les prochains modules de ce cours. L'hygiène industrielle s'intéresse à l'identification, à la mesure et au contrôle des contaminants qui se retrouvent dans le milieu de travail. Ces connaissances sont essentielles pour déterminer la dose d'exposition des travailleurs à un ou plusieurs contaminants. La dose est fonction de deux variables : 1er la concentration du ou des contaminants dans le milieu de travail et 2e le temps d'exposition, c'est-à-dire la période de temps durant laquelle le travailleur est exposé à cette quantité de contaminant. Si l'hygiène industrielle permet de connaître la dose d'exposition d'un groupe de travailleurs à un contaminant, le toxicologue ou le médecin du travail pourront par la suite examiner ces travailleurs pour tenter de découvrir si cette dose a eu des effets dommageables pour leur santé et par la suite déterminer le niveau de risque associé à l'exposition d'un contaminant. On sait de plus que des milliers de travailleurs ont été exposés dans leur milieu de travail à de nombreuses substances chimiques pendant de nombreuses années. Il est donc prévisible que chez ces populations de travailleurs, certains effets de ces substances chimiques se fassent sentir. Cette assertion justifie à elle seule les efforts de prévention qui doivent être entrepris dans les milieux de travail pour ÉLIMINER À LA SOURCE MÊME les dangers pour la santé et la sécurité. Une science 13 Santé et sécurité au travail : notions de base peut aller étudier de façon rétrospective les effets sur la santé de ces expositions, c'est l'épidémiologie. L'un des rôles de l'épidémiologie est d'aller mesurer les effets observés sur la santé à la suite d'une exposition des travailleurs à des substances chimiques précises et d'essayer de déterminer le risque potentiel de ces substances pour la santé. Dans ce contexte, la toxicologie industrielle se situe à l'intérieur d'un ensemble plus grand qui est celui de la santé au travail. En effet, à ce niveau, on ne peut isoler la toxicologie industrielle et négliger les autres facteurs qui peuvent influencer négativement la santé des travailleurs, c'est-à-dire les facteurs thermiques, les facteurs de bruit, les facteurs de radiation nonionisante, les facteurs « ergonomiques », etc. Le toxicologue en milieu industriel doit donc travailler en collaboration étroite avec de nombreux autres professionnels oeuvrant dans des secteurs complémentaires. Son intervention en milieu de travail est donc aussi multidisciplinaire. 14 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle FIGURE 1 : Démarche d'évaluation du risque associé à une exposition à un contaminant Études expérimentales sur les animaux Expériences antérieures Études expérimentales sur les humains (pour les médicaments) Toxicité d'une substance chimique Risque associé à l'exposition à une substance chimique Niveau d'exposition Effets sur la santé Hygiène industrielle Épidémiologie 15 Santé et sécurité au travail : notions de base 16 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle 2. ABSORPTION, MÉTABOLISME ET EXCRÉTION DES SUBSTANCES CHIMIQUES 2.1 Les voies d'entrée des toxiques dans l'organisme Si l'on fait exception des substances qui peuvent causer des dommages locaux par contact direct, comme les acides ou des irritations et des inflammations de la peau, un grand nombre de substances exercent leurs effets toxiques une fois qu'elles sont entrées à l'intérieur de l'organisme humain. Alors que pour les médicaments, les principales voies d'accès dans l'organisme sont la voie orale, la voie intramusculaire et la voie intraveineuse, pour les substances toxiques en milieu de travail, les voies d'absorption sont très différentes. 2.1.1 La voie pulmonaire La voie principale d'entrée des toxiques dans l'organisme est sans contredit le poumon. Ainsi, comme les diverses substances toxiques retrouvées en milieu de travail existent sous forme de gaz, vapeurs, de fumées ou de poussières, celles-ci peuvent être inhalées par les travailleurs et par conséquent être absorbées dans tout l'organisme. Tout polluant de l'air présente un danger potentiel d'être inhalé, respiré. On peut classer en cinq catégories les polluants de l'air : les brouillards, les poussières, les fumées, les gaz et les vapeurs. Les poussières sont des particules solides en suspension dans l'air; elles sont habituellement produites par le broyage, le mélange, le sablage ou la manipulation de matériaux solides. Les fumées sont des particules très fines formées par le chauffage ou la combustion de substances solides. Les travaux de soudure ou la fonte des métaux produisent beaucoup de fumées métalliques. 17 Santé et sécurité au travail : notions de base Les fumées et les poussières très fines (invisibles à l'œil nu) sont plus dangereuses que les grosses particules parce qu'elles peuvent entrer très profondément dans les poumons et être alors absorbées dans la circulation sanguine. Une partie des poussières inhalées peut être évacuée progressivement du poumon à l'aide d'un processus normal d'évacuation appelé le processus « ciliaire ». Ces poussières se retrouvent alors dans la gorge mêlées aux diverses sécrétions des voies respiratoires supérieures et elles peuvent à ce moment être avalées, puis, par la suite, absorbées dans l'organisme par le tube digestif. Un brouillard est composé de gouttelettes de liquide en suspension dans l'air; les brouillards se forment souvent lorsqu'on fait mousser un liquide, qu'on le pulvérise ou qu'on le fait éclabousser. On connaît bien les brouillards de peinture qui se forment lorsqu'on peint au pistolet. Les gaz ne sont ni solides ni liquides et ils se dilatent pour occuper la totalité de la pièce où ils se trouvent. Les vapeurs, quant à elles, se forment lorsqu'on chauffe une matière qui existe normalement sous forme solide ou liquide. Par exemple, l'eau s'évapore très lentement à la température de la pièce et très rapidement si elle est chauffée. Même sans application directe de chaleur, des vapeurs peuvent se former en tout temps lorsqu'un liquide est exposé à l'air libre; c'est le cas de solvants qui sont très volatiles. 2.1.2 La voie cutanée La deuxième voie d'absorption qui a son importance en milieu de travail est la voie cutanée. En effet, de nombreuses substances sont susceptibles de traverser la barrière protectrice que représente la peau et de pénétrer dans la circulation sanguine pour être ensuite distribuées à travers tout l'organisme humain. C'est le cas par exemple du phosphore et des produits qui en contiennent comme le parathion, le diazinon et le malathion, trois insecticides d'usage domestique qui sont également utilisés en grande quantité en agriculture. La plupart des substances chimiques qui peuvent traverser la peau pénètrent également dans l'organisme par voie pulmonaire. Lors de l'épandage d'un insecticide qui contient du phosphore (les organophosphores), l'agriculteur qui n'utilise pas de protecteurs sera exposé à 18 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle de minuscules gouttelettes de ce produit en suspension dans l'air qui se déposent sur sa peau et qui sont présentes également dans l'air qu'il respire. Les effets seront d'abord localisés dans les poumons, au niveau oculaire s'il y a contact avec les yeux et au niveau digestif après absorption dans l'organisme. Plusieurs solvants comme le toluène et le xylène entrent également dans l'organisme par la peau et les poumons. 2.1.3 La voie digestive Les intoxications par voie orale ou digestive se retrouvent surtout chez les enfants qui ingèrent accidentellement des médicaments, des produits de nettoyage, des insecticides, etc. En milieu industriel, elles sont plutôt rares, mais certaines substances se prêtent bien à ce type d'intoxication. Le plomb en est un bon exemple. Dans les fonderies, les entreprises où l'on récupère les vieux accumulateurs (batteries) et celles qui utilisent le plomb à un moment ou à un autre du procédé de fabrication, plusieurs cas d'intoxication par ingestion de plomb ont été rapportés. Le fait de fumer ou de manger sans s'être lavé les mains après avoir manipulé du plomb est suffisant pour ingérer assez de plomb pour s'intoxiquer au point de nécessiter à long terme un retrait du travailleur de son poste de travail ou même, dans certains cas, une hospitalisation. Une fois que ces substances ont réussi à pénétrer dans la circulation sanguine, elles vont être distribuées de façon plus ou moins homogène à travers les différents organes et tissus du corps humain. 2.2 Le métabolisme et l'excrétion des toxiques Une fois que la substance est entrée dans l'organisme, elle est absorbée par le sang et peut alors être distribuée dans les tissus ou les organes. Certaines substances ont des affinités pour des tissus ou des organes particuliers : le plomb, par exemple, a une affinité pour les tissus osseux. À la longue, il s'accumulera dans les os. L'organisme va alors essayer de se débarrasser de cette substance. Pour ce faire, l'organisme doit la transformer chimiquement par le foie : c'est ce qu'on appelle la bio-transformation ou le métabolisme. L'objectif 19 Santé et sécurité au travail : notions de base principal de cette transformation des substances chimiques est principalement de les rendre moins dangereuses, plus solubles dans l'eau et, par conséquent, plus facilement éliminables. Il arrive cependant que l'inverse se produise. Certaines substances qui, d'une façon initiale, étaient peu toxiques pour l'organisme humain, sont activées par cette transformation dans le foie et deviennent beaucoup plus dangereuses pour l'organisme de l'homme. C'est le cas entre autres d'une certaine proportion de substances dites cancérigènes. Il arrive qu'une substance soit transformée chimiquement à plusieurs reprises en autant de nouveaux produits avant de pouvoir être éliminée par les poumons, les urines, les selles ou les sécrétions. Le rein demeure cependant la principale voie d'excrétion des produits toxiques. 20 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle FIGURE 2 : Les diverses voies que peuvent emprunter les toxiques Voies d'entrée des toxiques dans l'organisme Distribution et transformation du toxique dans le corps humain Voie digestive Voie pulmonaire Tube digestif Poumons Foie (transformation) Voie cutanée Sang (distribution) Bile Excrétion de la substance toxique transformée à l'extérieur du corps humain Tube digestif (selles) Poumons (air expiré) Reins (urine) 21 Santé et sécurité au travail : notions de base 3. 3.1 LES EFFETS TOXIQUES Les effets locaux Les effets locaux sont ceux qui se produisent lorsqu'il y a contact entre une substance toxique et une partie du corps humain. Sur le plan local, ces substances agissent soit par des effets irritants, soit par des effets corrosifs ou enfin par des effets sensibilisants. 3.1.1 Les effets irritants Les effets irritants sont théoriquement réversibles Cependant, leur intensité va varier en fonction de la concentration du produit qui est mis en contact avec les tissus humains. Si l'on prend l'exemple d'un gaz irritant comme l'ammoniac, à faible concentration, celui-ci va produire une irritation des tissus les plus sensibles, c'est-à-dire les muqueuses des yeux, du nez ou de la gorge. À mesure que la concentration augmente et que le temps de contact s'allonge, le phénomène irritatif va devenir de plus en plus sévère, c'est-à-dire qu'il va s'attaquer à de plus en plus de tissus et pénétrer de plus en plus profondément à l'intérieur des voies respiratoires. L'effet passera donc d'une sensation désagréable d'irritation, d'échauffement ou d'un phénomène comme le larmoiement, l'écoulement nasal, l'irritation de la gorge et la toux, à un effet beaucoup plus important au poumon. Si la substance est capable de pénétrer profondément dans les poumons, il y aura tout d'abord une réaction de défense des bronches qui vont se contracter. C'est ce que l'on appelle le « bronchospasme » et qui ressemble en pratique à une crise d'asthme. Si la substance réussit à pénétrer encore plus profondément dans les poumons, c'est-à-dire jusqu'aux alvéoles, là où se font les échanges entre l'air et le sang, ces tissus pourront être affectés au point d'augmenter la quantité de liquide à l'intérieur du poumon et de créer ce qu'on appelle un œdème pulmonaire. À ce stage, la mort peut survenir rapidement. 22 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle 3.1.2 Les effets corrosifs L'effet corrosif se caractérise, lui, par une lésion irréversible des tissus. En effet, les substances corrosives vont détruire les membranes cellulaires entraînant ainsi la destruction des cellules et des tissus. Si le corrosif est sous forme solide, il peut n'affecter qu'une surface limitée du corps humain. Ceci se produirait par exemple si l'on touchait avec ses doigts un granule de soude caustique. Il se produira alors une brûlure locale au point de contact. Si, par contre, le corrosif existe sous forme de vapeur ou de gaz, il peut alors affecter beaucoup d'autres tissus tels les yeux, le nez, la gorge ou les voies respiratoires. Les dommages causés seront alors beaucoup plus sévères et, dans certains cas, pourront être mortels. Sous forme liquide, les produits corrosifs exercent surtout leurs effets après un contact avec la peau ou les yeux. Les acides et les bases caustiques sont des liquides corrosifs largement utilisés. Les bases caustiques sont généralement utilisées pour fabriquer des engrais, des savons, des détergents, des nettoyeurs liquides ainsi que des agents de blanchiment. En ce qui concerne les acides, il y a des risques d'exposition dans les opérations de nettoyage ou de décapage des métaux, la galvanoplastie et l'affinage des métaux, de même que dans tous les laboratoires. Les contacts avec les liquides corrosifs sont souvent le résultat d'accidents : bris de récipients, éclaboussures lors de déversements, lors de mélanges. Il arrive très souvent qu'une personne soit brûlée au moment où elle ajoute de l'eau à l'acide, ce qui fait bouillir et gicler la solution. Si on doit faire un mélange d'acide et d'eau, il faut toujours verser l'acide dans l'eau et non l'inverse. Lorsqu'on utilise des acides ou des bases caustiques, il est essentiel de porter des gants et un tablier de caoutchouc en plus d'une visière pour le visage et des lunettes pour les yeux. Il faut également que le lieu de travail soit équipé de douches d'urgence et de douches oculaires pour un arrosage rapide des yeux ou des parties du corps touchées. 23 Santé et sécurité au travail : notions de base 3.1.3 Les effets sensibilisants Les substances qui agissent comme sensibilisants sont des substances qui produisent des allergies ou une dermite. Leurs effets peuvent être très limités et se produire localement sur la peau, ou encore, ils pourront être beaucoup plus sévères si ces substances existent sous une forme qui leur permet de pénétrer profondément dans les voies respiratoires. Dans le premier cas, lorsque ces produits entrent en contact direct avec la peau, ils produisent une dermite, c'est-à-dire une inflammation de la peau, des rougeurs, des démangeaisons ou des « ampoules ». Par exemple, les solvants, l'essence, les diluants et les huiles de coupe constituent une importante source de dermite dans l'industrie, parfois en raison du fait qu'on les utilise, à tort, pour enlever les graisses et les saletés de la peau. Il est également possible de développer une réaction allergique à des substances comme les résines époxydes qui, normalement, ne sont pas irritantes au premier contact. À l'autre extrême, le toluène d'isocianate ou TDI, produit qui se dégage lors de la fabrication du polyuréthane, peut pénétrer profondément dans les voies respiratoires et entraîner une sensibilisation des tissus provoquant ainsi des problèmes asthmatiques. Dans ce cas, on parlera plutôt d'effet systémique. C'est pourquoi les effets des produits sensibilisants peuvent être classés tantôt comme locaux, tantôt comme systémiques. 3.2 Les effets systémiques Les effets systémiques sont ceux produits par des substances qui agissent sur un ou plusieurs systèmes physiologiques : système nerveux, système sanguin, système urinaire, etc. C'est le cas pour un très grand nombre de substances toxiques. Par exemple, le benzène attaquera la moelle osseuse, perturbant ainsi la production des globules rouges, ce qui entraînera de l'anémie. L'oxyde de carbone provenant des gaz d'échappement des véhicules moteurs dans les garages fermés, les postes de paysage, les stationnements couverts ou les entrepôts où il y a beaucoup de chariots élévateurs, provoquera, en fonction de sa concentration dans l'air et du temps d'exposition, des tensions au front, des maux de tête, de la somnolence, un affaiblissement, des vertiges, des nausées et des vomissements. Les fumées de zinc qui se dégagent de la soudure sur l'acier galvanisé provoqueront de la fièvre et des 24 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle frissons dans la soirée ou la nuit suivant l'exposition à ces fumées. Les métaux lourds comme le plomb, le mercure, le cadmium auront une foule d'effets spécifiques sur le système digestif, le système nerveux et le système urinaire. La liste des effets systémiques des divers produits chimiques pourrait s'allonger encore beaucoup et plusieurs embûches guettent le travail du toxicologue lors de l'évaluation de ces effets : - Les effets de nombreuses substances chimiques sont encore inconnus. - En milieu de travail, les travailleurs sont souvent exposés à plusieurs contaminants chimiques en même temps et il est difficile de déterminer lequel cause les problèmes de santé observés. - Parfois, l'exposition à plusieurs contaminants aura un effet synergique, c'est-à-dire que les effets des diverses substances chimiques présentes dans le milieu de travail vont se multiplier au lieu de s'additionner. - Il existe parfois une période de temps très longue entre le moment où le travailleur est exposé à une substance chimique et les effets sur la santé. Par exemple, il se passe une vingtaine d'années entre l'exposition au chlorure de vinyle et l'apparition d'un cancer du foie. - Les symptômes d'une intoxication chronique (de petites doses sur une longue période de temps) sont diffus. On retrouve le plus souvent des symptômes vagues : fatigue, insomnie, perte d'appétit, maux de tête, nervosité etc. - Enfin, les effets systémiques d'une substance varieront considérablement en fonction de toutes sortes de facteurs, tels la concentration des produits dans l'organisme, l'organe cible, c'est-à-dire celui qui est le plus affecté par la substance toxique, le temps d'exposition, la sensibilité du sujet, etc. 25 Santé et sécurité au travail : notions de base Pour toutes ces raisons, il est très souvent difficile de diagnostiquer une intoxication industrielle. Dans la très grande majorité des cas, ces intoxications passent inaperçues. Le travailleur a certains symptômes comme la nervosité, la fatigue et la perte d'appétit mais il ne consulte pas son médecin et attribue ses symptômes à autre chose qu'à son exposition à un ou plusieurs contaminants dans son milieu de travail. Même lorsque le travailleur consulte son médecin celui-ci fera rarement le lien entre les symptômes et une exposition à un contaminant. Il est donc très important, lorsqu'on ressent de tels malaises depuis un certain temps, d'informer le médecin sur la nature du travail exécuté et sur les contaminants chimiques auxquels on est exposé. 3.3 Les divers types d'intoxication Lorsqu'il est exposé à un contaminant chimique, l'individu, dans son milieu de travail, peut subir divers types d'intoxication. 3.3.1 L'intoxication aiguë L'intoxication aiguë est celle qui survient à la suite d'une exposition unique à une substance toxique. Ceci n'a rien à voir avec la sévérité de l'intoxication qui peut être soit bénigne, soit même mortelle. Si, par exemple, à la suite de l'arrêt inhabituel d'une hotte de ventilation, la concentration d'un quelconque produit chimique (fumée de soudure, ammoniac, chrome) augmente et que le travailleur perçoit des symptômes comme des problèmes gastro-intestinaux ou l'irritation du nez ou de la gorge, on peut dire qu'il s'agit là d'une intoxication aiguë. L'intoxication aiguë survient généralement à la suite d'un accident : rupture d'une canalisation, déversement accidentel, bris du système de ventilation. Ce n'est cependant pas toujours le cas. Les intoxications qui surviennent en milieu agricole sont très souvent des intoxications aiguës : exposition aux pesticides lors d'arrosage, exposition aux gaz d'ensilage, exposition aux gaz de fermentation du purin, etc. Ces types d'intoxication sont parfois mortels. 26 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle 3.3.2 L'intoxication sub-aiguë L'intoxication sub-aiguë, quant à elle, est caractérisée par des expositions répétitives mais évidemment non mortelles à une ou des substances toxiques. Elle survient assez fréquemment en milieu de travail. Elle peut se produire dans diverses circonstances comme, par exemple, le transvidage de contenants de substances toxiques; des opérations de nettoyage à l'aide de solvant; des procédures de dégraissage de pièces métalliques; la mise en marche d'un moteur à combustion, etc. 3.3.3 L'intoxication chronique Enfin, l'intoxication chronique est celle qui survient lors d'une exposition faible ou modérée à des substances toxiques, mais qui se prolonge sur une longue période de temps, parfois plusieurs années. À la suite de ce type d'intoxication, des problèmes de santé vont se manifester, soit parce que le poison s'accumule dans l'organisme, c'est-à-dire que la quantité absorbée est plus grande que ce que l'organisme élimine (c'est le cas des intoxications au plomb), soit parce que les effets du toxique s'accumulent. L'intoxication chronique est celle que l'on voit certainement le plus souvent en milieu de travail, mais c'est aussi celle qui est la plus difficile à cerner et à contrôler. Les symptômes peuvent se faire sentir après plusieurs années d'exposition et sont souvent très diffus. Il est donc difficile de les associer à une exposition à un ou plusieurs contaminants en milieu de travail. 3.4 Facteurs qui influencent la toxicité d'un produit De nombreux facteurs vont influencer le degré de toxicité d'un produit industriel. Tout d'abord vient sans contredit la composition chimique même du produit. Par exemple, une très faible quantité de cyanure de potassium pourrait être mortelle pour un individu alors qu'il lui faudra ingérer de très fortes quantités de chlorure de sodium (du sel) avant de subir quelque effet toxique que ce soit. 27 Santé et sécurité au travail : notions de base Vient ensuite la forme physico-chimique sous laquelle le produit se retrouve. Par exemple, une quantité importante de plomb à l'état solide peut ne présenter que très peu de risque pour la santé. Cependant, si l'on chauffe ce produit ou si on le ponce en produisant ainsi une fine poussière, le plomb sera alors susceptible d'être absorbé à travers les voies respiratoires ou le tube digestif pouvant ainsi créer une intoxication sévère. On doit donc tenir compte tout autant de la forme sous laquelle le produit se présente que de la composition chimique des produits. On peut illustrer ce point par un autre exemple : le mercure qui, sous forme métallique, peut être ingéré en grande quantité sans causer aucune intoxication. Cependant, même une faible quantité répandue sur le sol va passer spontanément en phase vapeur à la température de la pièce et, sous cette forme, sera absorbée très facilement par les voies respiratoires et pourra ainsi causer une intoxication aiguë. Les poussières quant à elles, seront influencées grandement, en termes de risques d'absorption, par le diamètre des particules ainsi que par leur degré de solubilité dans l'eau, par conséquent dans les muqueuses des voies respiratoires supérieures. Enfin, divers facteurs individuels peuvent influencer le niveau de toxicité d'un produit dans l'organisme humain. Les plus évidents sont sans contredit l'âge, le sexe, l'état de grossesse et, enfin, certains états pathologiques comme une maladie des reins ou du foie, etc. On a cependant trop tendance à invoquer ce facteur de sensibilité individuelle pour expliquer le fait que, parmi un groupe de travailleurs, quelques individus sont affectés négativement par la présence d'une ou de plusieurs substances toxiques en milieu de travail. Dans la plupart de ces cas, après une analyse plus approfondie, nous réalisons qu'il s'agit en fait d'un niveau d'exposition différent d'un travailleur à un autre. 28 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle 4. PRÉVENTION DES RISQUES D'INTOXICATION Le meilleur moyen de prévention des intoxications est sans contredit l'abolition de l'exposition à la substance dangereuse. Par exemple, l'utilisation des herbicides pour contrôler les mauvaises herbes sous les lignes électriques à haute tension, sur les fermes ou en forêt peut être efficacement remplacée par des méthodes mécaniques. Il s'agit alors de bien considérer les avantages et les désavantages relatifs des deux méthodes et de choisir la meilleure, en tenant compte de la protection de la santé des travailleurs. Il est évident que cette solution idéale n'est pas toujours applicable. Cependant, on peut facilement songer, dans certains cas, à remplacer le produit hautement toxique par un produit de composition différente ayant les mêmes propriétés que celles recherchées initialement, mais dont la composition varie et qui présente un risque moindre sur la santé. C'est ainsi, par exemple, que l'on a progressivement remplacé l'usage du benzène, qui s'est avéré une substance cancérigène, par l'usage d'autres solvants équivalents comme le toluène ou le xylène, qui ne présentent pas ce danger. Si l'on ne peut ni éliminer la substance toxique, ni lui substituer une autre substance moins nocive, on doit alors par tous les moyens tenter de limiter l'exposition des travailleurs. Différentes approches peuvent alors être utilisées. Une première approche consiste à réviser le procédé industriel qui nécessite l'usage d'une substance toxique afin de vérifier si on ne peut pas lui en substituer un autre qui fonctionne en circuit fermé. On élimine donc, ainsi, tout contact entre le travailleur et les substances chimiques qu'il manipule. Cette approche n'est évidemment pas possible dans tous les cas. Si l'on n'a pas d'autres solutions, la deuxième approche consiste alors à chercher à réduire l'exposition au minimum par divers moyens de protection. 29 Santé et sécurité au travail : notions de base Les plus efficaces, et ceux que l'on doit privilégier, visent à l'élimination des émanations à la source. On peut par exemple modifier la procédure de travail au cours de laquelle les substances chimiques sont manipulées. Ainsi, un solvant très volatil pourrait être utilisé à température plus basse, limitant ainsi son niveau de volatilisation dans l'air ambiant. Dans le cas d'une substance dangereuse, on peut utiliser un produit humide qui réduit le degré de dispersion de la poussière dans l'air, diminuant ainsi le risque d'absorption par les voies respiratoires. Dans d'autres cas, l'amélioration des conditions de ventilation permettront de réduire de façon adéquate le niveau d'exposition des travailleurs. La ventilation locale qui vient capter le contaminant à sa source d'émission est nettement meilleure que la ventilation générale puisqu'elle respecte le principe du contrôle à la source. La ventilation générale est cependant suffisante pour contrôler la chaleur, l'humidité et les poussières nuisibles comme les poussières de céréales et les poussières de coton. Enfin, s'il n'y a aucune autre solution de rechange, on devra recourir aux moyens de protection individuels. Ceux-ci seront choisis en fonction de leur efficacité mais aussi en fonction du confort du travailleur. On doit prendre en considération la voie possible d'exposition, c'est-à-dire respiratoire, cutanée ou mixte. Si l'on doit utiliser un masque, celui-ci devra être adapté à la classe de substances chimiques contre laquelle on désire se protéger. De la même façon, si l'on doit choisir des gants ou des habits protecteurs, il est essentiel de s'assurer qu'ils sont fabriqués à l'aide de matériaux qui résistent aux produits chimiques concernés. Il faut également retenir que ces moyens de protection individuels ne doivent être utilisés qu'en dernier ressort. En effet, il est bien connu qu'à cause des nombreuses contraintes qu'elles imposent aux travailleurs, ces mesures ne sont pas toujours suivies à la lettre et que, par conséquent, ceux-ci peuvent être exposés à des niveaux inacceptables de produits toxiques sans que personne ne s'en rende compte. 30 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle 5. LES NORMES ET LES PROGRAMMES DE SURVEILLANCE BIOLOGIQUE 5.1 Les normes au Québec On utilise, au Québec, deux normes différentes dans le but d'assurer une protection adéquate des travailleurs. Ces normes sont contenues dans Le règlement sur la santé et la sécurité du travail.. La première établit la concentration maximale d'une substance toxique dans l'air ambiant durant une période qui ne doit pas dépasser 15 minutes consécutives (valeur d'exposition de courte durée VECD). Cette norme s'applique particulièrement à des substances irritantes ou corrosives, ainsi qu'à des substances qui peuvent provoquer de l'asphyxie comme l'éther. Enfin, cette norme de concentration maximale sert à protéger le travailleur contre un risque d'intoxication aiguë ou sub-aiguë. Une autre norme vise à le protéger contre les risques d'intoxication chronique. C'est une norme de concentration moyenne qui est pondérée pour une semaine de travail de cinq jours, à raison de huit heures par jour (valeur d'exposition moyenne pondérée VEMP) Elle définit la concentration moyenne qui ne doit pas être dépassée durant une journée de travail. Il est évident que ces normes doivent changer au fur et à mesure que nos connaissances s'améliorent en regard des effets toxiques des diverses substances chimiques. Malheureusement, le Québec ne s'est pas encore doté d'une réglementation adéquate et autonome en ce qui a trait aux limites d'exposition acceptables pour les travailleurs. En effet, le Règlement sur la qualité du milieu de travail qui a été adopté en 1978, remplacé en 2000 par le Règlement sur la santé et la sécurité du travail est, pour certains contaminants, tout à fait désuet et ce malgré que certaines modifications aient été apportées au cours des années. De plus, il faut être très circonspect dans l'interprétation de ces valeurs seuils ou de ces niveaux acceptables d'exposition. En effet, on les interprète souvent comme étant des valeurs qui protègent de façon certaine le travailleur contre tout risque de surexposition ou même d'intoxication, alors que seule une faible proportion de ces normes ont été fondées sur des données scientifiques 31 Santé et sécurité au travail : notions de base sûres. Donc, même si la concentration d'un contaminant à un poste de travail est respectée, cela ne veut pas dire que le travailleur à ce poste ne court aucun danger. 5.2 La surveillance biologique et la surveillance environnementale des travailleurs exposés à un contaminant Lorsque le niveau d'exposition des travailleurs n'a pu être réduit à zéro ou même en dessous des normes acceptables, il devient alors important d'exercer une surveillance environnementale adéquate. Deux grandes approches peuvent alors être utilisées. Premièrement, il est possible dans certains cas de mesurer de façon simple et continue le niveau de concentration des substances toxiques dans l'air ambiant à l'aide d'appareils de mesures directes. Ceci s'applique très bien, par exemple, au cas du monoxyde de carbone. Par contre, d'autres substances sont beaucoup plus difficiles à mesurer, surtout sur une période relativement longue. On est alors obligé de procéder à des lectures ponctuelles qui ne reflètent pas toujours le niveau d'exposition réel des travailleurs. Dans certains cas, les mesures affectées dans l'air ambiant du milieu de travail ne nous donnent pas un indice fiable du risque d'exposition. C'est le cas de substances comme le perchloréthylène, qui est utilisé abondamment dans l'industrie du nettoyage à sec et qui s'accumule progressivement dans l'organisme au cours de la semaine. La conséquence est que le travailleur n'est pas incommodé le lundi mais peut le devenir le vendredi, même si le niveau d'exposition n'a pas changé. Un autre exemple de ce type est la poussière de plomb qui pénètre dans l'organisme surtout par des voies indirectes. Dans un tel cas, le niveau de poussière mesuré dans l'air ne nous aide pas beaucoup pour prédire le niveau d'exposition d'un travailleur en particulier. On peut parfois contourner cette difficulté en mesurant directement dans les milieux biologiques du travailleur, c'est-à-dire dans l'air expiré, dans le sang, dans l'urine ou même dans la salive des travailleurs, soit la substance toxique elle-même, soit certains de ses dérivés ou métabolites. C'est ce qu'on appelle 32 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle la surveillance biologique. Elle n'est possible que pour très peu de substances chimiques. Elle présente l'avantage de nous indiquer très précisément le niveau réel d'exposition d'un individu à ces substances. 33 Santé et sécurité au travail : notions de base CONCLUSION En santé et sécurité au travail, l'objectif ultime qui est poursuivi, c'est la protection de la santé et de la sécurité des individus dans leurs milieux de travail. L'élimination à la source des risques demeure le meilleur moyen d'atteindre cet objectif, mais elle n'est pas toujours possible, surtout à court terme. Dans ce contexte, un grand nombre de travailleurs et de travailleuses sont exposés actuellement au Québec à toutes sortes de contaminants chimiques. De plus, le Règlement sur la santé et la sécurité du travail ne concerne qu’environ 600 des dizaines de milliers de produits d'usage courant. Il n'est donc pas surprenant de voir chaque année de nombreux cas d'intoxication que le toxicologue pourrait tout au plus soigner. Il ne faut pas non plus oublier les nombreux cas d'intoxication qui ne sont même pas diagnostiqués et les cancers qui ne sont que très rarement attribués à une exposition à un contaminant dans le milieu de travail. La solution à tous ces problèmes ne réside pas dans l'augmentation du nombre de spécialistes en santé au travail, mais plutôt dans la volonté qu'auront les travailleurs et les employeurs à régler eux-mêmes, dans leur entreprise et avec l'aide des spécialistes, leurs problèmes de santé et de sécurité en faisant disparaître à la source les risques d'accident et de maladie. 34 Module 3 : Introduction à la toxicologie industrielle BIBLIOGRAPHIE Les ouvrages suivants sont assez faciles à consulter et contiennent une foule d'informations concernant un grand nombre de substances toxiques. On y traite des voies d'absorption, du métabolisme, des effets à court et à long terme des divers types d'intoxication et finalement des moyens de prévention qui doivent être utilisés dans chaque cas. Les fiches toxicologiques. Elles sont disponibles sur le site web du répertoire toxicologique de la CNESST (CSST) en cliquant sur Répertoire toxicologique. Il est important que chaque entreprise possède les fiches toxicologiques qui concernent les produits qu'elle utilise. LAUWERYS Robert, Précis de toxicologie industrielle et des intoxications professionnelles, éditions Duculot, Belgique, 1982. WEIL E., Éléments de toxicologie industrielle, éditions Masson 7 Cie.., 1975. 35 Santé et sécurité au travail : notions de base 36

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