Génétique Moléculaire 2 BSc1 - Printemps 2024 PDF
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Université de Lausanne
2024
Yolanda Schaerli
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Summary
This document is lecture notes for a molecular genetics course on transposable elements, specifically focusing on their roles in evolution and biological processes. The author, Yolanda Schaerli, from the University of Lausanne, introduces different types of transposable elements and their impact on genetic variation.
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Génétique moléculaire 2; BSc1 – printemps 2024 Les éléments transposables Prof. Yolanda Schaerli Université de Lausanne; Département de Microbiologie Fondamentale Bonjour et bienvenue au cours de génétique moléc...
Génétique moléculaire 2; BSc1 – printemps 2024 Les éléments transposables Prof. Yolanda Schaerli Université de Lausanne; Département de Microbiologie Fondamentale Bonjour et bienvenue au cours de génétique moléculaire sur les éléments transposables. 1 Les éléments transposables 2 – pourquoi les étudier ? Les génomes ne sont pas fixes mais évoluent constamment au cours des générations. La séquence de l’ADN peut être changées de diverses façons: par transposition d’éléments génétiques mobiles, par mutations ponctuelles, ou par des changements chromosomiques à plus large échelle. Les éléments génétiques mobiles, ou transposons peuvent se déplacer vers une position différente dans le génome, souvent en se multipliant. Ils représentent jusqu’à 50% de l’ADN de nos chromosomes! Ils existent dans tous les organismes. L'insertion des transposons peut produire de nouveaux phénotypes et influence l'évolution. Leur fonction est inconnue: on parle parfois de «selfish DNA». La dernière fois, nous avons vu qu'il y avait beaucoup de séquences répétitives dans le génome. Il s'agit notamment d'éléments mobiles également appelés transposons. Dans le cours d'aujourd'hui, nous parlerons de ces transposons. Pourquoi sont-ils importants ? 2 Les éléments transposables – objectifs 3 d’apprentissages Comprendre les expériences ayant mené à la découverte des transposons Comprendre les principes d’éléments mobiles autonomes et non-autonomes Connaître les mécanismes principaux de transposition: conservative, réplicative et par rétro-transposition Connaître quelques manifestations phénotypiques des éléments mobiles et leur utilisation dans la recherche Connaître les parallèles entre rétrovirus et rétro-transposons Lecture associée: IAG Chapitre 15 les objectifs d’apprentissages de aujourd’hui. 3 Exemple où les transposons influencent les 4 phénotypes: coloration des animaux Trends in Genetics 2023 39624-638, DOI: (10.1016/j.tig.2023.04.005) Au cours des deux prochaines heures, nous nous pencherons principalement sur le maïs, c'est là que les transposons ont été découverts. Cependant, avant de commencer, je voulais vous donner deux exemples montrant que les transposons sont également importants pour l'évolution d'autres organismes - y compris nos animaux de compagnie et nous-mêmes. Les premiers exemples sont des animaux où les transposons sont responsables des changements de coloration. 4 Exemple où les transposons influencent les 5 phénotypes: perte de la queue Nature 626, 1042–1048 (2024). https://doi.org/10.1038/s41586-024-07095-8 Le deuxième exemple est un transposon appelé alu qui est responsable de l'absence de queue chez nous (les hominoïdes). Les chercheurs ont pu montrer que les souris porteuses de cette mutation n'ont pas de queue. 5 6 Découverte des transposons par Barbara McClintock Grains de maïs mouchetés (mosaïque) en raison de l’activité d’un élément transposable chez le maïs. Barbara McClintock, 1929 (Prix Nobel 1983) Ok, voyons comment les transposons ont été découverts et ce qu'ils sont! Pour commencer, nous allons faire un retour à la génétique classique pour un petit moment. La découverte des transposons dates de la première moitié du 20ème siècle. Elle a été faite par Barbara McClintock, que vous voyez sur l’image, qui travaillait sur le maïs. Beaucoup de souches de maïs sauvage montrent des taches sur les grains. Elle a pu déterminer que cette apparence mouchetée est due à l’activité d’un transposon. 6 7 Premières observations de Barbara McClintock (~1940) Caryotypes d’une souche de maïs montrant une rupture fréquente du chromosome 9 Découverte une séquence Ds (Dissociator) associé avec la cassure du chromosome sans cassure: C/c c avec cassure: -/c C C et c = allèles du gène colorless C = allèle sauvage => coloré (violet) IAG 15-2 c = allèle récessif => non-coloré Ses premières observations sont liées à l’observation du caryotype du maïs. Les chromosomes du mais sont très grands et peuvent donc être observé par microscopie optique. Barbara McClintock a identifié une souche de maïs dans laquelle le chromosome 9 se rompt. Elle a identifié une séquence appelée Ds (pour dissociator), associé avec la cassure du chromosome. Elle a remarqué aussi un lien entre cette cassure et la couleur des grains de maïs: violet dans le cas intact, jaune lors de cassure. Ceci est dû à la présence d’un gène (appelé C, colorless) déterminant la couleur sur l’extrémité perdue du chromosome 9. Le chromosome qui peut se casser contient un allèle dominant qui confère la couleur violette. Lors de cassure, cet allèle est absent et les grains ont la couleur jaune. Ainsi, si Ds est absent, la dominante allèle C est présente et la couleur est violette. Si Ds est présent, il y a une cassure du chromosome 9 et la dominante allèle C est perdue et le grain n'est pas coloré. Knobs are conspicuous heterochromatic regions found on the chromosomes of maize 7 and its relatives (En effet le chromosome 9 a une structure particulière, avec un renflement (Verdickung) à une extrémité – vous l’avez vu déjà dans le cours de génétique générale dans des expériences sur le cross-over. Lors d’une cassure, ce renflement est absent.) 7 8 Premières observations de Barbara McClintock Découverte d’un élément génétique non lié, Ac (Activator), nécessaire pour l’activité de Ds. Difficulté à cartographier Ac Soupçons qu’il s’agit d’un élément génétique mobile c C C et c = allèles du gène colorless C = allèle sauvage => coloré (violet) IAG 15-2 c = allèle mutant récessif => non-coloré - Elle a découvert ensuite que un autre élément Ac (activator) est nécessaire pour l’activité de Ds et donc pour la cassure des chromosomes. - En effet Ds n’est actif que si Ac est présent - Par contre, elle a rencontré de grandes difficultés lorsqu’elle essaya de cartographier Ac. Cette première observation l’amena à soupçonner qu’il s’agit d’un élément qui n’est pas fixe dans le génome, mais qui a la capacité de se déplacer. 8 9 Activité de Ac/Ds pendant la mitose v v v v pendant la mitose v v v Rares grains de maïs Hypothèse de cassure pendant la mitose: Changement du phénotype d’une cellule au cours du développement Transmission de ce phénotype à toutes les cellules filles Plus la cassure se produit tôt dans le développement, plus la tache non-colorée est grande IAG 15-3 Dans cette même souche de maïs, elle a aussi observé de rares grains qui montrent un phénotype mosaïque. L’interprétation de ce phénotype est que la cassure a eu lieu pendant la division mitotique des cellules du grain en développement. Toutes les cellules descendant de celle dans laquelle la cassure a eu lieu sont jaunes car elles ont perdu l’extrémité de chromosome avec l’allèle C sauvage. 9 2 s'il était homozygote, nous aurions toujours une copie de l'allèle responsable de la couleur violette, même en présence de la cassure. 10 Observations d’une souche dérivée avec un allèle instable 11 v v v v v - Pas de cassure du chromosome - Phénotype mutant instable Interprétation: l’allèle Ds s’est inséré dans le gène C, l’inactivant (allèle c-Ds) Une excision (transposition) de Ds pendant la mitose restaure le gène C sauvage, permettant la synthèse du pigment violet et la formation de taches dont la taille dépend du moment auquel la transposition a eu lieu. IAG 15-3 Elle a ensuite identifié une autre souche dans laquelle les grains montrent une apparence mouchetée: des taches violettes sur fond jaune. Mais, elle n’observa pas de cassure du chromosome dans cette souche. L’interprétation de ces observations est que Ds s’est déplacé et s’est inséré dans le gène C, le rendant ainsi inactif. Les grains sont donc jaunes. Si la souche contient aussi As, qui se trouve ailleurs dans le génome, alors Ds peut être activé, et peut se déplacer à nouveau en s’excisant du gène C et en restaurant sa fonction. Cela conduit à la formation de taches violettes. Plus l’excision a lieu tôt pendant le développement, plus la tache est grande. Par contre si la souche ne contient pas As, alors les grains restent jaunes homogènes. 11 12 Eléments autonomes et non-autonomes Ou cassure du chromosome Elément transposable non-autonome Elément transposable autonome IAG 15-4 En résumé, les divers phénotypes de couleur des grains de maïs peuvent être expliqués par la perte ou l’inactivation du gène C par l’élément Ds inséré dans le même chromosome suivi d'une cassure ou directement dans le gène. Ds est donc aussi un élément transposable, mais non-autonome, car il a besoin de la présence de Ac. D’autres souches ont été isolées dans lesquelles ce n’est pas Ds, mais Ac qui est inséré et inactive le gène C. Dans ce cas, le phénotype est toujours instable. Ac est donc un élément transposable autonome. Il n’a pas besoin d’aide externe pour pouvoir se transposer. 12 13 Comment la cassure se produit-elle ? fourche de réplication bloquée “Double-strand break”: cassure Je me suis demandé comment le élément transposable D conduisent à la rupture. Ce n'est pas une enzyme qui couperait l’ADN. Le mécanisme n'est malheureusement pas expliqué dans le livre, et je ne m'attends pas à ce que vous l'appreniez pour l'examen. Mais je pense que cela aide à comprendre le phénomène. Ds est une séquence répétitive. Les séquences répétitives forment souvent des structures secondaires telles que des « hairpin » et « stem-loop ». Cela peut conduire à des fourches de réplication bloquées. Si la réparation ne réussit pas, cela peut conduire à des cassures double brin. 13 14 Eléments transposables Lorsqu’un gène code pour une transposase (= enzyme qui favorise la recombinaison aux séquences répétées inversées), le transposon est autonome et peut se déplacer sur d’autres chromosomes. Lorsque l’élément génétique mobile ne contient pas de transposase, il est non- autonome, et sa transposition dépend de la transposase d’autres transposons de la même famille. Les éléments génétiques mobiles sont flanqués de courtes séquences répétées inversées (IR), nécessaires à leur mobilité. Leur partie interne comporte souvent également un ou des gènes. IAG 15-21 Voyons maintenant quelle est la structure moléculaire des transposons. Pour ce faire, nous examinerons d'abord les transposons découverts chez les bactéries. Les transposons autonomes codent pour une transposase, une enzyme qui permet la recombinaison aux séquences inversées répétées. Les éléments non-autonomes ne contiennent pas de transposase, mais l’expression d’une transposase d’un autre élément peut conduire à la recombinaison et donc l’excision et intégration des éléments non-autonomes. Tous les transposons sont flanqués de courtes séquences répétées inversées (IR, en violet) qui sont nécessaires à leur mobilité. L'un des rôles des séquences répétées inversées terminales est d'être reconnues par la transposase. 14 15 Organisation des transposons procaryotes Éléments IS (“insertion sequence”) IR IAG 15-6 Il y a trois types d’éléments transposables autonome chez les bactéries: - Il y a des séquences d’insertions, ou éléments IS (pour « insertion sequence » en anglais), qui sont des séquences courtes contenant une transposase, et donc capables de se déplacer eux-mêmes, mais sans porter d’autres gènes. Ceux-ci sont équivalents à l’élément Ac que nous avons vu chez le maïs. - Il y a d’autres transposons, dits transposons simples, qui ils sont comme des éléments IS, mais ils codent également des gènes supplémentaires - Et il y a des transposons qui sont plus complexes. Les transposons composites. Ceux- ci sont encadrés par deux éléments IS. La transposase de l’un ou l’autre de ces éléments catalyse la transposition de l’entier du transposon qui contient aussi d’autres gènes, souvent des gènes de résistance aux antibiotiques. Les éléments IS de ces transposons composites ne se transposent pas seuls en raison de mutations dans leur répétition inversées. 15 16 Plasmides: porteurs de transposons Example: plasmide R (résistance) apparenté au plasmide F (cf. cours de génétique générale) Les plasmides bactériens sont souvent porteurs de transposons conférant la résistance à des antibiotiques. IAG 15-7 Ces transposons se trouvent souvent sur des plasmides et peuvent aussi se transposer dans le génome. Cette dia vous donne un exemple d’un plasmide R (résistance) qui porte un grand nombre de transposons avec diverses résistances aux antibiotiques. Ce type de plasmide est apparenté aux plasmides F que vous avez vu dans le cours de génétique générale. Ici, divers transposons sont insérés les uns à l’intérieur des autres, comme par exemple Tn3 à l’intérieur de Tn4. Tn3, Tn4, Tn5, Tn10, etc sont tous des familles de transposons différents: ils ont chacun leur transposase spécifique. 16 2 et 4 Pourquoi pas 3) ? Tn3-4-5 ne se déplacent pas ensemble. Tn 5 n'est pas à l'intérieur de 4. Mais lorsque Tn4 se déplace, tn3 se déplace également avec lui. 17 4 18 19 Transposition conservative vs. réplicative «couper-coller» «copier-coller» IAG 15-8 Ces divers transposons peuvent se propager soit de manière conservative. Cela signifie qu'il est coupé et inséré ailleurs : «cut and paste/couper-coller» Ac et Ds dans le maïs sont des éléments transposables conservatifs. D'autres transposons se propagent de manière réplicative. Dans ce cas, il y a une duplication du transposon qui reste dans le site source en plus de s’intégrer dans le site cible. 19 20 Mécanisme de transposition conservative: Ac et Ds chez le maïs Les transposases se lient aux extrémités répétées des transposons, et elles sont capables de couper et lier les brins d’ADN pour provoquer la recombinaison de deux doubles hélices d’ADN. Il s’agit d’une transposition conservative (non-réplicative), ou mécanisme cut-and- paste (couper-coller). Ac/Ds représentent une famille de transposons. Beaucoup d’autres existent chez les eucaryotes et procaryotes, avec un mécanisme de transposition similaire. Chaque famille de transposons a une transposase spécifique à ses séquences répétées. IAG 15-19 Examinons de plus près les deux mécanismes : Cette dia vous montre le mécanisme de transposition de Ds et Ac chez le maïs. La transposase codée seulement par Ac se lie aux extrémités des éléments Ac et Ds et induit le clivage de l’élément par recombinaison entre les séquences répétées des deux extrémités. La transposase sur l’élément maintenant libéré catalyse ensuite l’insertion en une nouvelle position du génome. Comme l’élément est excisé et ré-inséré, il s’agit d’une transposition conservative. On parle aussi de mécanisme cut and paste. Le nombre de copies reste constant. Il existe beaucoup d’autres transposons avec un mécanisme similaire, mais chaque famille de transposons a une transposase spécifique à ses propres séquences répétées. 20 21 L’insertion d’un transposon induit une séquence répétée IAG 15-10 Une des caractéristiques de l’insertion des transposons et que celle-ci induit la formation d’une séquence répétée. Vous voyez sur cette image, comment cela se passe pour un transposon générique. La transposase va couper le site cible d’une manière décalée (similaire à certaines enzymes de restriction), puis le transposon sera inséré. La cellule hôte va réparer les brèches deux côtés et remplissent la séquence les deux côtés, formant ainsi des répétitions de quelques paires de base. Au site d’insertion, il y a donc une répétition directe du site d’insertion, ce qui signifie que la séquence est dans la même direction. Il y a aussi encore des répétitions inversées présentes aux extrémités du transposons. Lorsque le transposon s’excise, les séquences répétées directes restent dans le génome et contribuent à la formation des séquences répétées observées. 21 22 Transposition réplicative (exemple de Tn3) La transposase catalyse la formation d’un intermédiaire entre le plasmide donneur et le site cible, puis sa résolution en deux plasmides distincts. Il s’agit d’une transposition réplicative, ou mécanisme copy-and-paste (copier- coller). IAG 15-9 Le mécanisme de transposition réplicative, qu’on appelle aussi copy and paste (copier- coller), est montré dans cette dia avec l’exemple du transposon simple Tn3. Après une coupure simple-brin de Tn3 et une coupure décalée dans le site cible, les deux fragments d’ADN sont liés, ce qui conduit à un intermédiaire, qu’on appelle le plasmide intégratif. L’ADN est ensuite répliqué, ce qui conduit à la duplication du transposon. Finalement, un événement ressemblant à la recombinaison scinde le plasmide intégratif en deux plasmides distincts. 22 Vue d'ensemble des transposons JoVe vidéo Conservative On va regarder une vidéo pour une vue d’ensemble des transposons. 23 24 Rétro-transposition (Classe I) Chez les eucaryotes, on rencontre aussi des éléments transposables d’origine virale, ressemblant à des rétrovirus, qui se propagent grâce un intermédiaire d’ARN. Il s’agit de rétro-transposons. Le transposon est transcrit en ARN. L'ARN est traduit pour produire une enzyme appelée transcriptase inverse. La transcriptase inverse copie l'ARN en ADN. L'ADN copié est ensuite inséré à un nouvel endroit du génome par une enzyme appelée intégrase. La transcriptase inverse et l’intégrase sont souvent une seule et même protéine, probablement d’origine virale. IAG 15-13 Comme vous l'avez vu dans la vidéo, en plus des transposons qui ont un mode de transposition conservatif ou réplicatif, il existe aussi des transposons qui utilisent un intermédiaire d’ARN pour se transposer. On parle alors de rétro-transposons. Ils sont également appelés transposons de classe 1, tandis que les transposons basés sur l'ADN sont appelés transposons de classe 2. Leur mode de transmission est le suivant: -Le transposon est d'abord transcrit en ARN -L'ARN est ensuite traduit pour produire une enzyme appelée transcriptase inverse. -La transcriptase inverse copie l'ARN en ADN -L'ADN copié est ensuite inséré à un nouvel endroit du génome par une enzyme appelée intégrase. Ces rétro-transposons sont typiquement très compacts, et il arrive souvent que les activités de transcriptase inverse et d’intégrase soient au sein d’une même protéine. Les rétro-transposons sont apparentés aux rétrovirus, dont ils sont probablement dérivés. 24 25 Mode de propagation des rétrovirus IAG 15-11 Je fais donc un petit détour par les rétrovirus, dont le cycle de propagation est très similaire à ce que nous venons de voir. Le rétrovirus le plus connus est probablement le VIH, le virus de l’immunodéficience humaine qui cause la maladie du SIDA. Le rétrovirus contient un génome d’ARN empaqueté dans une capside entouré d’une enveloppe. La capside pénètre dans la cellule. Un fois à l’intérieur, la capside se rompt et l’ARN est libéré. Elle est utilisée pour coder pour la transcriptase inverse qui va synthétiser de l’ADN à partir de l’ARN. L’ADN viral es intégré dans l’ADN du génome de l’hôte. La production de nouveaux virus se fait lorsqu’il y a transcription du rétrovirus intégré. L’ARN est de nouveau empaqueté dans la capside et l’enveloppe et relâché à l’extérieur de la cellule. 25 26 La transcriptase inverse – une entorse au dogme central ADN ARN Protéine transcription traduction réplication * transcription inverse comme vous le savez le dogme central de la biologie moléculaire dit que l’information est conservée dans l’ADN et est transcrit en ARN puis traduite en protéine. Ce dogme est généralement tout à fait correct, mais la transcriptase inverse lui fait entorse puisqu’elle permet de remonter de l’ARN à l’ADN. La dernière fois, nous avons déjà vu comment la transcriptase inverse est utilisée pour générer de l'ADNc. 26 27 Utilisation de la transcriptase inverse pour détecter SARS-CoV-2 échantillonnage RT-PCR (reverse transcriptase PCR) : ARN viral Transcription Amorce 1 inverse SARS-CoV-2 : ADNc virus à ARN Amorce 2 ADN double-brin Isolation de l’ARN J’aimerais faire une petite halte supplémentaire sur cette transcriptase inverse, car elle est aussi essentielle dans les tests de détection des virus à ARN, comme le coronavirus SARS-CoV-2 causant le COVID. Ces virus ne sont pas des rétrovirus, mais conservent leur génome sous forme d’ARN. Pour détecter la présence de virus avec un test PCR, il faut d’abord faire un échantillonnage au fond de la cavité nasale, puis on isole l’ARN. On utilise ensuite la transcriptase inverse pour amplifier l’ARN en ADN complémentaire à partir d’une amorce spécifique au génome du coronavirus. Cet ADN complémentaire est ensuite utilisé dans une réaction de PCR avec une deuxième amorce pour amplifier un fragment qui indiquera la présence d’ARN du virus, et donc une probable infection. Ce type de réaction est appelée RT-PCR pour reverse transcriptase – polymerase chain reaction. (COVID-19 rapid antigen tests (RATs) detect antigenic proteins on the surface of the SARS-CoV-2 coronavirus) 27 28 Structure apparentée des rétrovirus et rétro-transposons eucaryotes LINE = long interspersed nuclear elements LTR = long terminal repeats gag = gène codant pour une protéine nécessaire à la maturation de l’ARN pol = gène codant pour la transcriptase inverse/intégrase env = gène codant pour la protéine structurale de l’enveloppe virale IAG 15-12 Revenons-en aux rétro-transposons. Vous voyez ici une comparaison entre l’organisation d’un rétrovirus (a) et celle de quelques rétro-transposons (b-d). La différence principale est l’absence, chez les rétro-transposons, du gène codant pour l’enveloppe du virus (env). Le transposon ne quitte donc pas la cellule, mais se réintègre dans le génome de la même cellule. Pol code pour la transcriptase inverse et intégrase. Gag sert à la maturation de l’ARN. Les LINE (long interspersed nuclear éléments) sont des rétro-transposons les plus fréquents chez les humains. Ils contiennent deux cadres de lecture, l’un qui joue un rôle similaire à gag (ORF 1), et le 2ème qui code pour la transcriptase inverse (pol, ORF2). (LTR est l'acronyme de long terminal repeats. ces séquences contiennent des promoteurs permettant de démarrer la transcription des gènes Vous pouvez encore observer que les rétrotransposons ne contiennent pas tous de long terminal repeats. ) The presence of a poly(A) tract also allows ORF2p to bind and mobilize RNAs in trans. Thus, a 3′ poly(A) tract is critical for the retrotransposition 28 29 Transposons dans le génome humain LINE: long interspersed elements (longs éléments dispersés) SINE: short interspersed elements (courts éléments dispersés), probablement dérivés des LINE Le génome humain contient 20x plus d’ADN dérivé d’éléments génétiques mobiles que de séquences codant pour des protéines. IAG 15-21 Les LINE sont donc des éléments autonomes. Par contre, les SINE (ou short interspersed elements) ne contiennent pas de transcriptase inverse et ne sont donc pas autonomes. Ils dépendent de la transcriptase exprimée dans les LINE pour la rétrotransposition. Ces deux types de rétrotransposons sont de loin les séquences répétées les plus fréquentes dans le génome humain et occupent respectivement 21% et 13% de notre génome. Les transposons d’ADN occupent environ 3% de notre génome. Au total, tous les transposons contribuent à 20 fois plus de séquences dans nos génomes que les gènes. 29 30 Expérience démontrant la présence d’un ARN intermédiaire Modification par génie génétique d’un élément Ty1 sur un plasmide: - Ajout d’un intron - Ajout d’un promoteur inductible Transformation dans la levure et induction du promoteur. Identification des éléments Ty1 transposés, qui ne contiennent plus d’intron. Comme l’épissage ne se fait que sur les molécules d’ARN, cela indique qu’un ARN a été produit pour générer les nouvelles copies de Ty1. IAG 15-14 Comment a-t-on montré que la transposition des rétro-transposons utilise un intermédiaire d’ARN? L’expérience a été faite avec un élément génétique mobile de la levure appelé Ty dont on soupçonnait qu’il utilisait un mécanisme de transposition similaire aux rétrovirus. Cet élément a d’abord été modifié de deux façons: un intron a été ajouté, ainsi qu’un promoteur inductible. L’élément a d’abord été intégré dans le génome de la levure dans des conditions où le promoteur était inactif. Puis, le promoteur a été activé ce qui a conduit à la transcription de Ty. On a ensuite identifié de nouveaux sites d’intégration de Ty, ailleurs dans le génome. Lorsque ceux-ci ont été isolés, on a remarqué qu’ils étaient tous sans intron. Comme l’épissage a lieu sur les molécules d’ARN et non celles d’ADN, on peut en conclure que le rétro-transposon a passé par un intermédiaire d’ARN avant de se réinsérer. Cet intermédiaire indique qu’il y a eu transfert d’information d’ARN à ADN. 30 2 31 2 ils ne quittent donc pas les cellules et ne peuvent pas infecter d'autres cellules 32 Non! l’épissage a lieu sur les molécules d’ARN et non celles d’ADN et les transposons de l'ADN ne passent pas par un intermédiaire ARN 33 34 Le génome dynamique https://en.wikipedia.org Sans se limiter à l'homme,, quelle est la prévalence des transposons et rétro- transposons dans les génomes? Vous voyez ici un graphique montrant le rapport entre la taille du génome sur l’axe des X et le nombre de gènes codant pour des protéines sur l’axe des Y. Chaque point correspond à un génome séquencé. Dans le centre du graphique, il y a une corrélation assez forte entre ces deux valeurs, en particulier chez les bactéries et les archébactéries. Par contre, dans la partie droite du graphique, vous pouvez voir que la courbe s’applatit: pour un nombre de gènes donnés, on trouve des génomes de taille très diverses. Notez que l’échelle est logarithmique. On peut trouver des organismes ayant le même nombre de gènes, mais avec un génome jusqu’à près de 100 fois plus grand. Cela est dû à la présence de transposons qui peuvent très rapidement augmenter la taille du génome. 34 35 Exemple des céréales 5.3Gb 430Mb 700Mb 2.5Gb gènes séquences répétées Ces génomes ont un contenu en gènes et une organisation très proches. Mais ils se distinguent par leur taille. La distance entre les gènes est plus grande chez l’orge et le maïs à cause des éléments mobiles. IAG 15-23 On peut prendre l’exemple des graminées dont l’ancêtre commun date d’environ 70 millions d’années. On peut voir que ces 4 espèces (orge, riz, sorgho et maïs) ont un génome de taille variant plus de 10 fois. Pourtant l’organisation des gènes et leur nombre sont très similaires. Ce qui change, c’est la distance entre les gènes qui chez certaines de ces espèces contient un très grand nombre de séquences répétée provenant principalement de transposons. 35 36 Distribution des éléments transposables dans le génome Gène humain Alu est le SINE le plus fréquent IAG 15-22 Les éléments génétiques mobiles sont le plus souvent observés dans des régions hétérochromatiques du génome ne contenant pas de gènes, ou dans les introns des gènes. Rares cas de transposition dans des gènes, par exemple dans les gènes BRCA2 (cancer du sein) et du facteur de coagulation IX (hémophilie) chez l’humain. On explique ce phénomène par: 1. La sélection négative 2. Une intégration ciblée de certains éléments génétiques mobiles Cela pose la question de savoir pourquoi les transposons se retrouvent principalement entre les gènes, et non dans les gènes. C’est le cas chez les graminées que nous venons de voir. C’est aussi le cas chez l’être humain: les transposons sont principalement concentrés dans les régions hétérochromatiques du génome qui ne contiennent pas ou très peu de gènes. Il y a deux raisons principales à une intégration préférentielle dans les régions hétérochromatiques : La première est qu’il y a une sélection contre les intégrations dans les séquences codantes. En effet, une telle intégration tend à inactiver le gène dans lequel le transposon est inséré et donc causer un phénotype de perte de fonction qui correspond en général à une perte de fitness pour l’individu. La sélection darwinienne va donc contribuer à éliminer ces individus. En effet, il y a des maladies dont la cause est la transposition dans des gènes codants, comme le cancer du sein ou l’hémophilie. La seconde raison est que certains transposons ont une intégration ciblée. Par exemple le rétrotransposon Ty de la levure utilise une protéine qui reconnaît certaines séquences d’ADN pour préférentiellement intégrer l’élément à cet endroit. 36 2+3 37 introns are non-coding 2, 4, 5 Correct 2: Cela entraînera un décalage de cadre de lecture, car un codon a une longueur de 3 pb. 4: entraînera un défaut d'épissage 5: cela conduira à un gène réprimé alors qu'il devrait être exprimé Faut: 1: Cela entraînera un acide aminé supplémentaire. Cela peut être un problème, mais souvent cela n'aurait pas de conséquences graves sur la fonction du gène. 3: La modification de la longueur d'un intron n'a pas d'impact majeur, car il n'est pas traduit 38 Utilisation des transposons pour la recherche TnSeq: séquençage d'insertion de transposons (bactéries) Le séquençage d'insertion de transposons (TnSeq) est une approche puissante qui peut être largement appliquée à la définition des loci qui sont nécessaires à la croissance bactérienne dans diverses conditions Nat Rev Microbiol 14, 119–128 (2016) On utilise également les transposons pour la recherche. Un exemple est le séquençage d'insertion de transposons (Tn-seq). Il combine la mutagenèse d'insertion de transposons avec le séquençage massivement parallèle des sites d'insertion de transposons afin d'identifier les gènes contribuant à une fonction d'intérêt chez les bactéries. Tout d'abord, on insére des transposons au hasard dans les génomes d’une population de bactéries. Ensuite, on cultive les bactéries dans différentes conditions par exemple sur une plaque en laboratoire et lors de l'infection d'une souris. On séquence ensuite les bactéries qui ont survécu et se sont multipliés et on détermine où les transposons ont été insérés. Si un transposon est trouvé dans un gène spécifique dans une condition A, mais pas dans la condition B (comme le mutant 1), cela signifie que ce gène est important ou essentiel dans la condition B. Les cellules qui ont le transposon dans ce gène ne survivraient pas et ne sont donc pas séquencées. Dans notre exemple, cela signifie que le gène 1 est important pour l'infection de la souris. Le gène 3 est essentiel dans les deux conditions. 39 40 Utilisation des transposons pour la recherche (drosophile) Gène d’intérêt Elément P Elément P avec non-autonome transposase, qui ne peut pas s’exciser IAG 15-16 En génétique classique, pour créer des mutants et chercher des phénotypes d’intérêt En génétique inverse, pour intégrer des gènes dans le génome IAG 15-20 Un autre exemple pour les transposons en recherche est chez la drosophile. Pour la drosophile, un groupe important de transposons est appelé éléments P. On peut utiliser des vecteurs qui contiennent un élément P et les injecter directement dans le cytoplasme d’un nouvel embryon de mouche. Typiquement, on utilise un élément P non-autonome et un élément P qui contient la transposase mais qui ne peut pas se transposer par exemple à cause de mutations dans les séquences répétées inversées des extrémités. Dans l’élément P non-autonome, on aura inséré un gène qui permet la sélection des individus dans lesquels il s’est inséré. Dans l’exemple ici, on a un gène, rosy, qui confère la couleur rouge aux yeux. Les mouches qui ont une mutation du gène rosy dans leur génome ont des yeux roses. Si un élément P contenant le gène rosy sauvage s’intègre dans la lignée germinale, certains descendants auront les yeux rouges. Ce processus sert par exemple à utiliser les éléments P comme agent mutagène: par insertion dans le génome, les éléments P vont pouvoir s’insérer dans les gènes et donc perturber leur fonction. On pourra alors chercher les individus qui présentent un phénotype d’intérêt. Il est relativement facile ensuite d’identifier où l’élément P s’est inséré et donc l’inactivation de quel gène cause le phénotype observé. Ceci est typiquement une approche de génétique classique que vous avez vue dans le cours de génétique générale, dans laquelle on part du phénotype et on remonte au gène correspondant. 40 Il est aussi possible d’utiliser les éléments P en génétique inverse, c’est-à-dire pour aller directement manipuler un gène donné et observer le phénotype qui en découle. On peut par exemple manipuler un élément P qu’il contienne en plus de rosy un gène d’intérêt qui pourra être exprimé dans la mouche de façon à comprendre l’effet qu’il a. 40 1+2 le plasmide auxiliaire est généralement dégradé ou perdu dans les cellules hôtes et ça évite les transpositions multiples et incontrôlées. 41 42 En conclusion La séquence des chromosomes reflète la présence d’éléments génétiques mobiles, dont certains sont encore fonctionnels et d’autres non. Les éléments fonctionnels sont capables de se déplacer ou de se recopier dans le génome grâce à l’activité de protéines spécifiques (transposases, etc). L’insertion (ou l’excision) de ces éléments peut avoir des conséquences observables sur le phénotype si elle affecte des séquences fonctionnelles du génome comme les gènes. Il existe des éléments génétiques mobiles ne se propageant que sous forme d’ADN (transposons), alors que d’autres éléments appelés rétro-transposons ont un intermédiaire d’ARN. Les rétro-transposons ressemblent aux rétrovirus, mais ils semblent avoir perdu certaines propriétés des rétrovirus. Ces éléments sont utiles en génétique classique (mutagenèse par transposition) et en génétique inverse (transfert de gènes). Voilà qui conclut ce deuxième cours de génétique moléculaire. Merci de l’avoir suivi. 42