Cours 1 (Version Détaillée) - Santé, Société et Humanité PDF
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Université Abderrahmane Mira de Béjaïa
2024
Dr CHALANE Smail
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Summary
This document is a course on health economics, focusing on the introduction to the subject. It covers the fundamental concepts and elements of healthcare economics. This course is targeted towards first-year medical students.
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Université Abderrahmane MIRA de Bejaia Faculté de Médecine Département des Sciences Médicales Module « Santé, Société et Humanité (SSH) » cours...
Université Abderrahmane MIRA de Bejaia Faculté de Médecine Département des Sciences Médicales Module « Santé, Société et Humanité (SSH) » cours « économie De la sanTé » 1ère année Médecine (2024-25) Dr CHALANE Smail COURS 1 : Introduction à l’économie de la santé (objet, méthodes et enjeux) 1. O B J E C T I F S P É DA G O G I Q U E S À la fin de ce cours, l’étudiant sera capable de : o comprendre la problématique, les domaines d’application et les concepts de base en économie de santé ; o cerner les spécificités du « regard économique » sur la santé par rapport à la perspective médicale ou épidémiologique. o saisir l’importance du concept de « coût d'opportunité » dans la détermination des choix collectifs. 1 2. PR O G R A M M E / C O N T E N U Le cours est structuré autour de quatre thèmes abordés successivement : INTRODUCTION : L’économie comme science de la rareté 1) De la science économique… 2) … à l’économie de la santé 3) Différences et complémentarités entre les approches médicale, épidémiologique et économique CONCLUSION : Coût d’opportunité et choix collectifs 3. DU R É E 02 heures. INTRODUCTION : L’économie comme science de la rareté La plupart des besoins qu’éprouvent les êtres humains pour se nourrir, se vêtir, se loger, se distraire ou se cultiver ne peuvent pas être satisfaits spontanément, par les seuls bienfaits de la nature. Les Hommes doivent donc consacrer du temps et des efforts à exploiter la nature et à produire les biens qui répondent à leurs besoins. Ainsi, un besoin ne présente un caractère économique que si sa satisfaction nécessite des moyens matériels, humains ou financiers. C’est cette rareté relative des ressources aptes à satisfaire directement leurs besoins qui oblige les Hommes à avoir une activité économique (travailler, produire…), et c’est à cette activité économique que s’intéresse spécifiquement la science économique. Le problème économique fondamental est donc celui de la RARETÉ : o parce que les ressources disponibles pour satisfaire nos besoins et nos désirs sont insuffisantes, nous ne pouvons obtenir tout ce que nous voulons et nous devons nécessairement faire des choix, ce qui nous force à optimiser nos décisions, i.e. à chercher et à choisir systématiquement la meilleure utilisation possible des ressources disponibles. o L’économie est donc la science qui explique les choix (arbitrage) que font les acteurs sociaux (individus, organisations ou institutions) pour faire face au problème de la rareté des ressources. 2 Ce premier cours va vous initier, en tant que futur professionnel de la santé, à l'analyse économique appliquée au domaine de la santé. Dans notre exposé, nous insisterons particulièrement sur le rôle important de la perspective économique dans les choix collectifs. L’approche économique permet ainsi d’éclairer le débat public et la décision politique, notamment à travers la mesure et l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience du système et des programmes de santé. 1. De la Science économique… En épistémologie, une « science » est définie par son objet d’étude et par sa méthode. DÉFINITIONS 1 : Par son objet d’étude L’économie est la science qui étudie comment les hommes organisent leurs activités, en vue de produire les biens et les services qui vont leur permettre de satisfaire leurs besoins. Elle étudie donc la façon dont les Hommes gèrent les ressources rares en vue de satisfaire des besoins qui tendent vers l’infini. Plus concrètement, elle analyse la production, la répartition et la consommation des biens et services (outputs) ayant une utilité et produits grâce à l’usage de facteurs de production (inputs) : capital, travail et progrès technique. DÉFINITION Le « progrès technique » représente l'amélioration des techniques qui sont utilisées dans le processus de production des biens et des services. Le progrès technique, c’est ce qui permet de rendre plus efficace l’usage des facteurs « travail » et « capital ». Le progrès technique en santé désigne l'amélioration des techniques et technologies utilisées pour diagnostiquer, traiter et gérer les maladies, optimisant l'utilisation des ressources et améliorant les résultats pour les patients. Exemples : 1) L'IRM permet des diagnostics plus précis et moins invasifs. 2) La télémédecine améliore l'accès aux soins. 3) Les dossiers médicaux électroniques facilitent la coordination des soins et réduisent les erreurs médicales. 3 DÉFINITION 2 : Par sa méthode C’est la science de l’optimisation de l’usage des ressources rares dont dispose la collectivité. OPTIMISER, c’est gérer au mieux les ressources rares dont dispose la collectivité ; c’est obtenir le meilleur résultat (efficacité) avec le moins de ressources possibles. Plus concrètement, l’économie cherche à définir les conditions permettant d’obtenir : soit le maximum d’efficacité (résultats) grâce à un volume déterminé de ressources ; soit le coût minimal en ressources pour un niveau déterminé d’efficacité (résultats). N.B. Dans le monde contemporain, l’économiste se pose de plus en plus comme un PRESCRIPTEUR DE RATIONALITÉ… d’une forme particulière de rationalité : la rationalité économique, qui tend de plus en plus à « déborder » sur les autres champs sociaux (éducation, santé, aménagement du territoire…). ENCADR É 1 : L’économie comme la science de l’allocation efficiente des ressources rares DÉFINITION GÉNÉRIQUE : La science économique aide à formaliser les arbitrages nécessaires pour résoudre la tension permanente entre les besoins (potentiellement) illimités des êtres humains et le caractère limité des ressources disponibles. 4 2. … à l’é conomie de la sant é Selon la DÉFINITIONS 1 (Par son objet d’étude) L’économie de la santé s’intéresse à l’obtention, à la diffusion et à l’utilisation du « capital santé » dans une population, grâce à la prévention, aux soins et à la modification des attitudes. Cette définition conduit à distinguer : d’une part, la production d’utilité (extrant/output) : l’état de santé de la population, et d’autre part, les moyens mis en œuvre, les facteurs de production (intrants/input) : hôpitaux, médecine de ville, médicaments, prévention et attitudes influençant les états de santé. Selon la DÉFINITIONS 2 (Par sa méthode) L’économie de la santé se propose d’optimiser l’usage des ressources allouées à la santé. Plus concrètement, elle cherche : comment obtenir le meilleur état de santé individuel ou collectif à l’aide des moyens financiers, techniques et humains disponibles ; ou encore, comment minimiser le coût d’obtention d’un état de santé défini. Quel que soit la définition adoptée, la santé et les moyens mobilisés pour le secteur relève bien de l’approche économique. En effet, même si l’on affirme encore au « café du commerce » que la « santé n’a pas de prix », chacun doit reconnaître que les moyens mis en œuvre (qui sont par définition rares, limités) ont un coût pour la collectivité. Tout système de santé comporte donc une dimension économique qu’il est indispensable de prendre en compte à la fois dans les choix collectifs et la pratique quotidienne des professionnels de santé. L’approche économique s’applique aussi bien à l’analyse des techniques médicales (ex. arbitrage dialyse/greffe dans le traitement de l’insuffisance rénale), la sélection des meilleurs programmes de prévention, l’organisation d’un hôpital, la rationalisation des filières de soins ou encore l’opportunité de donner une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour un nouveau médicament (pharmaco-économie). 5 Cependant, l’économie est souvent mal perçue parmi les professionnels de la santé. Les raisons en sont multiples et variées : l’économie, dans l’inconscient collectif, reste synonyme de rationnement des ressources voir d’austérité budgétaire ; l’économie est trop souvent assimilée au commerce et au profit, en conséquence l’application du raisonnement économique à la santé implique la dévaluation de la vie et la négligence de la souffrance ; la santé est largement perçu comme un droit et devrait être, en conséquence, en dehors des logiques comptables ou financières, etc. 3. Diff érences et complémentarit és entre les approches médicale, épid émiologique et économique Dans ce qui suit, nous allons essayer de saisir les spécificités du « regard économique » sur la santé comparativement aux perspectives médicale et épidémiologique. Lorsqu'on est confronté à un problème de santé, différentes approches rationnelles peuvent être utilisées pour le résoudre. Dans tout système de santé, on peut identifier au moins trois types de « rationalités » : o La logique médicale, qui se concentre sur le diagnostic et le traitement des maladies au niveau individuel. Elle vise à soigner chaque patient de la manière la plus efficace possible. o La logique épidémiologique, quant à elle, s'intéresse à la santé de la population dans son ensemble. Elle cherche à identifier les facteurs de risque et à mettre en place des mesures de prévention pour réduire la fréquence des maladies. o Enfin, la logique économique et assurantielle, qui se préoccupe du coût des soins et de leur prise en charge financière. Elle vise à optimiser les ressources disponibles et à assurer la viabilité du système de santé. Ces rationalités sont souvent complémentaires, c'est-à-dire qu'elles s'accordent et se renforcent mutuellement. Cependant, il arrive parfois qu'elles soient contradictoires, autrement dit qu'elles s'opposent les unes aux autres. Ces trois logiques interagissent en permanence et influencent les décisions prises en matière de santé. Comprendre leur articulation est essentiel pour appréhender les enjeux complexes auxquels sont confrontés les acteurs du système de santé. Le tableau ci-dessous compare systématiquement ces trois approches et offre un aperçu des différentes perspectives et méthodologies qui structure le secteur de la santé. Cette analyse comparative mettra en lumière les différences fondamentales entre ces approches en termes d'objets d'étude, de méthodes employées, de produits générés et de résultats attendus. 6 ENCADR É 2 : Logiques médicale/épidémiologique versus Logiques économique/Assurance-maladie Approche Médicale Épidémiologique Économique / Assurance-maladie Échelle Individuelle Populationnelle Systémique d'intervention Objet − Cas médical − Groupe de malades − Ressources − Patient − Population à risque financières individuel − Pathologie − Systèmes de santé Méthodes − Anamnèse − Réalisation d'enquêtes − Estimation et analyse (historique épidémiologiques des coûts médical) − Collecte et analyse de − Analyse coût- − Diagnostic données efficacité − Traitement épidémiologiques − Modélisation économique − Gestion des flux financiers (répartition des ressources) Produits − Ordonnance − Rapport d’étude − Étude économique − Hospitalisation épidémiologique − Plan budgétaire − Plans d’action sanitaire − Schéma − Programmes de santé d’organisation publique sanitaire Résultats − Prise en − Explication des causes − Optimisation attendus charge − Réduction de (allocation − Guérison l'incidence et de la rationnelle) des − Amélioration prévalence des ressources de la qualité maladies − Efficience de vie du − Maîtrise des (résultat/coût) patient programmes au sein de − Amélioration de la population l'accès aux soins − Recommandations pour − Pérennité du système l'implantation ou la de santé révision de programmes de santé A) Logique médicale Cette approche se concentre sur l'individu et le cas médical spécifique. Elle est caractérisée par : Un focus sur le patient individuel et son cas médical particulier. 7 Des méthodes cliniques telles que l'anamnèse, le diagnostic et le traitement. Des produits concrets comme les ordonnances et les hospitalisations. Des résultats attendus centrés sur la prise en charge, la guérison et l'amélioration de la qualité de vie du patient. B) Logique épidémiologique Cette approche élargit la perspective à l'échelle de la population : Elle s'intéresse aux groupes de malades, aux populations à risque et aux pathologies dans leur ensemble. Ses méthodes incluent la réalisation d'enquêtes épidémiologiques et l'analyse de données à grande échelle. Elle produit des rapports d'études, des plans d'action sanitaire et des programmes de santé publique. Les résultats visés comprennent l'explication des causes des maladies, la réduction de leur incidence et prévalence, et l'amélioration des programmes de santé. C) Logique économique/assurance-maladie Cette approche adopte une double perspective systémique et financière : Elle se concentre sur les ressources financières et les systèmes de santé dans leur globalité. Ses méthodes incluent l'estimation et l'analyse des coûts, l'analyse coût-efficacité et la modélisation économique. Elle génère des études économiques, des plans budgétaires et des schémas d'organisation sanitaire. Les résultats attendus visent l'optimisation des ressources, l'efficience du système, l'amélioration de l'accès aux soins et la pérennité du système de santé. Remarquons qu’il y a une différence d'échelle (individu / population / système) entre ces trois approches, ce qui souligne leur complémentarité dans la gestion et la structuration des systèmes de santé modernes. Chaque logique apporte ainsi une perspective unique et essentielle : La logique médicale assure une prise en charge individualisée et de qualité pour chaque patient. La logique épidémiologique permet une compréhension plus large des enjeux de santé au niveau populationnel et guide les politiques de santé publique. La logique économique/assurance-maladie vise à garantir la viabilité et l'efficacité du système de santé dans son ensemble. 8 Cette analyse comparative souligne en définitive l'importance d'une approche intégrée de la santé qui prenne en compte ces différentes logiques pour élaborer des politiques de santé équilibrées et efficaces. Cependant, cette distinction soulève également des questions sur les potentiels conflits entre ces approches. Voici une série d'exemples illustrant les contradictions potentielles entre les trois logiques (médicale, épidémiologique et économique) dans le domaine de la santé, avec quelques exemples historiques : Logique médicale vs. Logique économique Durée d'hospitalisation : Un médecin peut souhaiter garder un patient hospitalisé plus longtemps pour s'assurer de son rétablissement complet, tandis que la logique économique pousse à réduire la durée des séjours pour optimiser les coûts. Choix des traitements : Un médecin peut préférer prescrire un médicament plus coûteux mais potentiellement plus efficace, alors que la logique économique favoriserait l'utilisation de génériques moins chers. Exemple historique - Thalidomide : Dans les années 1950-60, ce médicament a été largement prescrit aux femmes enceintes malgré des doutes sur sa sécurité, en partie à cause de pressions économiques des laboratoires pharmaceutiques. Logique épidémiologique vs. Logique économique Mesures de prévention : Les épidémiologistes peuvent recommander des mesures de confinement strictes face à une épidémie, tandis que la logique économique s'inquiète des conséquences sur l'activité économique. Dépistage de masse : L'approche épidémiologique peut préconiser des campagnes de dépistage larges pour certaines maladies, alors que la logique économique peut considérer ces mesures comme trop coûteuses par rapport aux bénéfices attendus. Exemple historique - Tabagisme : Dans les années 1950-60, les preuves épidémiologiques du lien entre tabac et cancer se sont heurtées aux intérêts économiques de l'industrie du tabac. Logique médicale vs. Logique épidémiologique Traitement individuel vs. approche populationnelle : Un médecin peut vouloir prescrire un antibiotique à large spectre pour un patient spécifique, tandis que l'approche épidémiologique s'inquiète du risque d'antibiorésistance à l'échelle de la population. 9 Allocation des ressources : La logique médicale peut pousser à investir dans des traitements coûteux pour des maladies rares, alors que l'approche épidémiologique privilégierait des interventions ayant un impact plus large sur la santé publique. Exemple historique - Vaccination : Au 19ème siècle, certains médecins s'opposaient à la vaccination obligatoire contre la variole, privilégiant la liberté de choix individuelle, tandis que les épidémiologistes soutenaient cette mesure pour son bénéfice collectif. Ces exemples montrent que les trois logiques peuvent entrer en conflit, nécessitant souvent des arbitrages complexes dans la prise de décision en matière de santé publique. CONCLUSION : Le concept de coût d’opportunité et son implication dans les choix collectifs En économie, l’affectation des ressources productives se fonde sur le concept de « coût d’opportunité ». Le coût d’opportunité correspond à l’ensemble des biens et services auxquels doit renoncer tout agent économique qui choisit de consommer un bien ou un service particulier, compte tenu du fait que les ressources à sa disposition sont limitées. Ex. 1 : L’achat d’une voiture entraîne un coût d’opportunité du fait de la renonciation à d’autres dépenses : un voyage, des vêtements ou repeinture son appartement. Ex. 2 : Un malade qui hésite entre faire une prothèse dentaire pour lui-même ou offrir des cours particuliers à son enfant. De même, l’argent alloué à la santé a un « coût d’opportunité » en termes de dépenses d’éducation, d’infrastructures, voire de consommation ordinaire. Dès lors, comment affecter les ressources ? C’est le problème central qui se pose aux économistes. Les mêmes ressources sont en fait convoitées par différents besoins ou secteurs de l’économie nationale : Comment affecter les ressources collectives ? Que faut-il privilégier ? L’agriculture, pour produire plus de biens alimentaires destinés à la population ? L’hydraulique, afin de raccorder tous les habitants au réseau public d’eau potable et d’assainissement ? L’industrie, pour garantir un emploi à chaque citoyen en âge de travailler… ou encore à chaque ménage une voiture ? 10 La défense nationale, en vue de moderniser le « bouclier » de défense du pays en achetant plus de canons et d’avions ? L’éducation nationale, afin d’élever le taux de scolarisation et lutter contre l’analphabétisme ? … La santé, pour rapprocher les structures sanitaires de la population, améliorer la qualité des soins et permettre aux algériens de vivre plus longtemps ? Dans une démocratie (normalement constituée ?), la « société » impose un contrôle rigoureux de ce qu’on appelle les dépenses publiques (qui regroupent les dépenses de l’État central, celles des collectivités locales et enfin celles des administrations de la sécurité sociale). Dans les systèmes de santé contemporains, il y a dans cette perspective un financement très largement socialisé (impôts et cotisations sociales constituent l’essentiel des financements). En se basant sur ce concept de « coût d’opportunité », l’économie de la santé a donc pour objet d’éclairer les choix collectifs en matière : d’efficacité allocative des dépenses publiques : en indiquant les différentes possibilités satisfaisant une répartition optimale des ressources entre les différents services collectifs Combien allouer au système de santé ? et d’efficacité productive des dépenses de santé : en s’assurant que les ressources mises à la disposition du système de santé sont bien utilisées, ont le meilleure rendement possible pour la société Les ressources allouées au système de santé sont-elles utilisées à bon escient ? 11