Ebook Tendon Complet PDF

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This document, titled "Ebook Tendon Complet.pdf", appears to be part of a course on sports kinesitherapy, focusing on tendon structure and function, including collagen and non-collagen components. It discusses the hierarchical organization of collagen fibers and their role in tendon mechanics.

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INESPORT LES BASES TENDON DU SPORTIF Cahier pédagogique en kinésithérapie du sport Kinésithérapie du sport EXPERT Formation continue www.kinesport.fr Formation kinésithérapie du sport expert - Toute copie de ce manuel constitue une contrefaçon Propriété exclusive de Kinesport®, tous droits réservés www.kinesport.fr - Ne pas copier [email protected] Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent polycopié, faite sans l’autorisation de l’auteur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information du travail dans lequel elles sont incorporées. (Loi du 11 mars 1957 art.20 et 41 et code pénal, art 425). Formation kinésithérapie du sport expert - Toute copie de ce manuel constitue une contrefaçon. Propriété exclusive de Kinesport®, tous droits réservés www.kinesport.fr - Ne Pas Copier. Crédits photographiques : Kinesport ; Shutterstock. [email protected] LES BASES TENDON PROGRAMME DE COURS 01 INTRODUCTION 1048 02 ANATOMIE FONCTIONNELLE & FRAGILITÉS 1059 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1047 [email protected] 01 INTRODUCTION 1048 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 01 — INTRODUCTION INTRODUCTION STRUCTURE ET FONCTION  a majorité des muscles ont des attaches tendineuses distinctes aux os ; cependant, seuls L quelques tendons développent des conditions douloureuses. Cette simple observation nous incite à poser quelques questions, citons par exemple celles-ci (Michener & Kulig, 2015) : Y  a-t-il des points communs en matière de morphologie et de pathologie parmi les tendons douloureux ? Qu’est-ce qui contribue à la propension à la pathologie de certains tendons, mais pas de tous ? Par conséquent, toutes les tendinopathies doivent-elles être gérées de la même façon ? Dans ce cours, nous allons tenter d’approcher spécifiquement la composition et la structure de ces tissus biologiques afin de comprendre les occurrences pathologiques et proposer une prise en charge spécifique des affections touchant le complexe tendineux. Le comportement du tendon est régi par ses constituants, qu’il s’agisse de composants protéiques ou non protéiques, et par son organisation structurelle. Ces éléments protéiques sont les principaux déterminants de la fonction mécanique du tissu conjonctif, tandis que les constituants non protéiques et cellulaires sont essentiels à la régulation du développement, de la croissance et de la réparation des tendons (Jared L. Zitnay & Jeffrey A. Weiss, 2018).  es collagènes sont le principal composant structurel des tendons, leur teneur totale en collagène L représentant plus de 70 % du poids sec des tendons sains et matures. Trois peptides de la chaîne α contenant une structure répétitive d’acides aminés Gly-X-Y, où environ 30 % des positions X et Y sont occupées par la proline et l’hydroxyproline, respectivement, s’assemblent pour former une triple hélice. Actuellement, 28 types de collagène ont été identifiés, qui diffèrent par leur structure en acides aminés et en chaînes alpha, ainsi que par leur fonction (par exemple, collagène fibrillaire par rapport au collagène de la membrane basale). Les collagènes des tendons sont des collagènes fibrillaires et principalement de types I, III et V (Jared L. Zitnay & Jeffrey A. Weiss, 2018).  e collagène de type I est une molécule hétérotrimérique, dont chaque triple hélice contient deux L chaînes α1(I) et une chaîne α2(I). Ce collagène est le principal déterminant du comportement mécanique d’un ligament et d’un tendon sains et il est présent à tous les stades du développement, de la croissance, du remodelage et de la cicatrisation.  e collagène de type III est une molécule homotrimérique des chaînes α1(III), impliquée L principalement au cours du développement et de la cicatrisation des ligaments et des tendons. Des études sur le développement des tendons chez l’embryon de poulet ont révélé que le collagène de type III est initialement co-réparti avec le collagène de type I, mais qu’à la maturité des tendons, le collagène de type III est confiné à la surface des fibrilles de collagène de type I. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1049 [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 01 — INTRODUCTION  e collagène de type V est un hétérotrimère contenant les chaînes α1(V), α2(V) et α3(V). L Le collagène de type V est un composant quantitativement mineur des fibrilles de collagène de type I qui joue un rôle régulateur lors de la formation des fibrilles, des preuves in vivo et in vitro indiquant un rôle dans la nucléation des fibrilles de type I et la régulation du diamètre des fibrilles. Des études de fibrillogénèse du collagène in vitro ont montré que des quantités croissantes de collagène de type V entraînent une diminution du diamètre moyen des fibrilles et de la variance, ce qui démontre le rôle du collagène de type V dans la modulation de la taille des fibrilles (Jared L. Zitnay & Jeffrey A. Weiss, 2018). Le collagène existe dans une organisation hiérarchique avec des motifs distincts à l’échelle des nano-, micro- et millimètres de longueur, comme le démontre le schéma structurel classique développé par Kastelic. Depuis sa publication, ce modèle structurel est resté relativement cohérent au cours de près de quatre décennies de recherche sur les relations structure-fonction des ligaments et des tendons (Jared L. Zitnay & Jeffrey A. Weiss, 2018; Kastelic, Galeski, & Baer, 1978). 1050 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 01 — INTRODUCTION À l'échelle moléculaire, les molécules de tropocollagène s'auto-assemblent en fibrilles (50-500 nm), avec des molécules disposées en quart de cercle et chimiquement réticulées par la formation de liaisons aldéhydiques enzymatiques par la lysyl oxydase+ et la glycation non enzymatique. Les fibrilles de collagène s'assemblent ensuite pour former des fibres (10-50 µm) et les fibres s'assemblent également pour former des fascicules (100-500 µm), qui constituent la dernière échelle structurelle distincte sous le niveau du tissu, visible à l'œil nu. Si cette définition de la hiérarchie est en accord avec la nouvelle nomenclature proposée, il a été suggéré que le nombre de niveaux hiérarchiques présents ou la taille physique de ces derniers puissent varier selon la source et l'espèce du tissu. Un « modèle de frisure » ou « crimp pattern » est observé au niveau des fibres et des faisceaux (Figures A, E), l'amplitude et la période de frisure étant variables selon les sources de tissus (Jared L. Zitnay & Jeffrey A. Weiss, 2018). La structure du collagène et la composition biochimique du tendon sont considérées comme les principaux responsables des propriétés mécaniques des tissus tendineux, la fibrille de collagène étant l'unité la plus fondamentale du tendon. Pour composer une fibrille de collagène, trois molécules de collagène I sont rassemblées en triple hélice formant une structure appelée tropocollagène. Cinq entités de tropocollagène constituent ensuite une fibrille de collagène. La configuration collagènique a souvent été décrite comme parallèle mais elle est pourtant bien hélicoïdale. Safa et collaborateurs se sont intéressés à la microstructure tridimensionnelle du tendon en utilisant la microscopie électronique à balayage. Les auteurs américains mettent en évidence que les fibrilles de tendon ne sont pas des structures purement parallèles mais qu'il existe de nombreuses fibrilles hélicoïdales qui s'enroulent les unes autour des autres, en groupes et formant un réseau tridimensionnel complexe autour des cellules tendineuses. Une analyse par élément finis leur a permis d’évaluer les implications mécaniques de cette configuration. Les auteurs évoquent que lors d'une charge axiale, une compression latérale peut être exercée sur les cellules situées dans l’enroulement fibrillaire (pouvant ainsi affecter la mécanotransduction de ces dernières). Par ailleurs, cette configuration de fibrilles hélicoïdales peut servir de médiateur pour le transfert de charge par contact mécanique de friction pouvant participer à la fonction tendineuse (Safa et al., 2019). Nous développerons le comportement mécanique du complexe tendineux dans un prochain chapitre. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1051 [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 01 — INTRODUCTION 1052 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 01 — INTRODUCTION À chaque échelle de l’organisationnelle hierarchique, il existe des constituants non collagéniques situés dans les espaces inter-fibrillaires, fibreux et fasciculaires qui sont importants pour le fonctionnement des tendons : comme par exemple d'autres protéines structurelles, des matériaux matriciels non collagéniques et des cellules. Cet espace peut être nommé la matrice interfasciculaire (IFM) ou endotenon, où sont localisées différentes protéines. Les protéines structurelles et les matériaux matriciels non collagéniques forment ensemble la matrice extracellulaire (MCE). Dans la matrice interfasciculaire, nous pouvons retrouver par exemple des protéines fibreuses, des glycoprotéines, des protéoglycanes et des cellules souches tendineuses. La MCE agit quant à elle agissent comme un échafaudage sur lesquel les cellules résident et reçoivent des signaux physiques, chimiques et biologiques afin de moduler leur comportement, leur migration, la prolifération, la différenciation, la croissance ou bien encore l'homéostasie (Narayanan & Calve, 2020; Watt & Huck, 2013). En effet, par analogie au système musculaire, « l’ECM régule le développement, la croissance et la réparation des muscles et est essentielle non seulement pour l’ancrage des entités mais aussi pour une contraction musculaire et la transmission des forces efficaces » (Cours Lésions musculaires : Partie 1). COMPOSANTES NON COLLAGÉNIQUES TENDINEUX  ’élastine est le principal constituant protéique non collagénique des ligaments et des tendons, L représentant environ 1 à 4 % du poids sec des tendons. L'unité moléculaire de base de l'élastine est la tropoélastine, une chaîne peptidique linéaire riche en glycine, alanine et valine, contenant des régions α-hélicoïdales et des régions enroulées au hasard qui contribuent à un comportement élastique et à une extensibilité élevée. Des études d'imagerie ont démontré que les fibres d'élastine se trouvent entre et le long des fibres de collagène, en concordance avec le modèle de frisage des fibres de collagène évoqué ci-dessus.  a fibrilline est une glycoprotéine structurelle qui n'est pas connue pour contribuer directement L à la mécanique des ligaments et des tendons, mais elle est impliquée dans le développement du réseau d'élastine. Des études immunohistochimiques de la croissance des fibres élastiques pendant le développement indiquent que la croissance d'un réseau de microfibrilles de fibrilline précède le dépôt d'élastine et agit ainsi comme un échafaudage pour le développement du réseau d'élastine.  es glycoprotéines (tenascine-C, lucricine et ténomoduline) sont également présentes dans l’ECM L du tendon (H.R.C. Screen, Birk, Kadler, Ramirez, & Young, 2015) et jouent un rôle clé. La lubricine joue un rôle important dans le glissement du tendon, un processus qui dicte le mouvement. Par exemple, l'élimination de la lubricine augmente considérablement la résistance au glissement du tendon et impacte donc sa fonction mécanique (Hayashi et al., 2013; Narayanan & Calve, 2020).  es petits protéoglycanes riches en leucine (SLRP), la décorine, le biglycan, la fibromoduline L et le lumican représentent 0,1 à 5 % du poids sec des ligaments et des tendons et régulent l'assemblage des fibrilles de collagène. Les SLRP sont constitués d'une protéine centrale et de chaînes latérales de glycosaminoglycanes (GAG) fixées par covalence, qui peuvent être sulfatées. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1053 [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 01 — INTRODUCTION Dans la région de traction du tendon, le protéoglycane (PG) prédominant est la decorine (80-90 % du total des PG), suivie d'une faible présence de biglycanes, qui sont des membres de classe I de la famille des SLRP (Ni, Li, & Zhou, 2014). La decorine se lie au collagène de type I pour réguler l'assemblage des fibres de collagène de bonne qualité (Dunkman et al., 2014; Xu et al., 2018) : par exemple ci-dessous une structure aberrante de fibrilles de collagène du tendon de souris avec carence en decorin (Dcn-/-, (b)) par rapport à la souris homozygote (Dcn+/+, (a)) (Juneja & Veillette, 2013). Par ailleurs, il a été signalé que la decorine peut jouer un rôle essentiel dans la structure et la fonction des tendons. En effet, les variations de la teneur en decorine affectent significativement le module et la résistance en traction des gels de collagène via la modification de l’organisation des fibrilles de collagène (Reese, Underwood, & Weiss, 2013). Inversement, des études de knockout ont démontré que les souris comportant une déficience en decorine présentaient une diminution de la résistance et de la raideur : il pourrait ainsi avoir un lien entre structure et fonction du réseau collagénique (Juneja & Veillette, 2013). De grands protéoglycanes, tels que l’aggrécan, sont présents dans la matrice inter-fibres et fasciculaire. Ils sont produits dans les tissus sains principalement dans les régions fibrocartilagineuses des tendons de réflexion qui sont soumis à une charge de compression. L’accumulation de grands protéoglycanes dans les régions du tendon chargées principalement en traction peut être une caractéristique de tendinopathie, modifiant l’environnement de charge au niveau de la cellule (Jared L. Zitnay & Jeffrey A. Weiss, 2018). 1054 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 01 — INTRODUCTION Les cellules souches tendineuses et les ténocytes peuvent être considérées par certains comme les plus importants : en effet, ils sont capables « produire » tous les constituants structurels mentionnés ci-dessus. Ils sont le moyen par lequel le tissu se forme pendant le développement, est remodelé pour s’adapter à la charge ou est réparé à la suite d’une blessure. Bien que la contribution directe des cellules des ligaments et des tendons à la mécanique tissulaire soit encore à l’étude, ces cellules sont fonctionnellement sensibles à l’environnement local de charge (Jared L. Zitnay & Jeffrey A. Weiss, 2018). Nous reviendrons sur ce sujet dans un prochain chapitre. INTERFACE TENDON/OS : L’ENTHÈSE L’insertion tendon-os (enthèse) est une jonction complexe de biomatériaux composites qui permet le transfert de contraintes entre des matériaux mécaniquement dissemblables : le module de traction du tendon dans le sens de l’action musculaire est d’environ 0,45 GPa, tandis que celui de l’os est d’environ 20GPa. On sait que les interfaces sont souvent sujettes à des risques accrus de défaillance (confère Cours Lésion Musculaires – Science-based). Cela est généralement imputé à des concentrations de contraintes accrues. Malgré ces faits bien compris, l’enthèse montre une durabilité inattendue et peut supporter des charges équivalentes à des multiples du poids du corps ainsi que des changements d’angle d’application de la force se produisant sur une large gamme. Plutôt que des défaillances de l’enthèse, des avulsions osseuses ou des ruptures de tendons ont tendance à se produire : c’est donc un tissu aux qualités structurelles précises. Les cellules de cette interface résident dans un micro-environnement unique, différent de celui des niches du tendon et de l’os, et présentant des dissemblances géométriques et de composition (Rossetti et al. 2017). Deux types d’interface tendon-à-os ont été distingués en fonction de leur localisation et de leur structure : les enthèses « fibreuses » et « fibrocartilagineuses » (Benjamin et al. 2006). Dans les enthèses fibreuses, le tendon s’attache directement ou indirectement aux os longs via le périoste. Dans les attaches fibrocartilagineuses, typiques des épiphyses et des apophyses, il y a des endroits où la chondrogenèse s’est produite. Ces insertions sont les plus courantes et présentent un intérêt clinique majeur. Elles comprennent par exemple les enthèses osseuses de la coiffe des rotateurs et des tendons d’Achille par exemple (Calejo, Costa-Almeida, & Gomes, 2019). Le site d’insertion fibrocartilagineux a été classé en quatre zones stratifiées mais continues : Zone 1 : tendon. Zone 2 : fibrocartilage non minéralisé. Zone 3 : fibrocartilage minéralisé. Zone 4 : os. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1055 [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 01 — INTRODUCTION  e tendon constitue la première partie de l'enthèse, où les propriétés mécaniques et la L composition sont similaires à celles du tendon de la substance moyenne que nous évoquerons dans un prochain chapitre. Cette zone est caractérisée par ses fibres de type I, principalement alignées, et par de petites quantités de décorine avec des cellules résidentes du tendon en forme de fuseau et espacées (Waggett et al. 1998 ; Thomopoulos et al. 2002 ; Thomopoulos et al. 2003) (Figures A, C).  a zone 2, également appelée fibrocartilage non calcifié, comprend du collagène de type II L et de grandes quantités de collagène péricellulaire de type III, ainsi que de petites quantités de collagène de type I, IX et X et des protéoglycanes (décorine et aggrécan). Cette zone est également caractérisée par sa faible vascularisation et la disposition en rangées des fibrochondrocytes (Figures A, B).  e fibrocartilage minéralisé ou calcifié (zone 3) est peuplé de fibrochondrocytes hypertrophiques L et est principalement constitué de collagène de type II avec des quantités importantes de collagène de type I et X, ainsi que d'aggrécan. Cette zone représente la véritable transition entre le tendon et l'os (Calejo, Costa-Almeida, & Gomes, 2019).  'os constitue la dernière zone, contenant ainsi des ostéoblastes, des ostéocytes et des L ostéoclastes résidant dans une matrice de collagène de type I non alignée, ainsi que des quantités élevées de minéraux d'apatite carbonatée Calejo, Costa-Almeida, & Gomes, 2019). 1056 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 01 — INTRODUCTION Plusieurs études ont été réalisées pour comprendre la composition et la structure de l'enthèse. Il est largement reconnu que les interfaces entre les tissus mous et durs présentent des variations de propriétés viscoélastiques et mécaniques, d'architecture/structure, de composition cellulaire et matricielle sur leur longueur. Au niveau génique, l'expression de la décorine et du biglycan a été observée à l'extrémité du tendon, tandis qu'en allant vers l'extrémité de l'os, seule l'expression des gènes de la matrice spécifique au cartilage a été observée (comme l'aggrécan et le collagène de type II. Des études ont également démontré une orientation plus faible des fibres de collagène au niveau du site d'insertion osseuse par rapport au tendon. De plus, plusieurs auteurs ont démontré une augmentation linéaire du contenu minéral vers l'interface (Calejo et al., 2019; Deymier-Black, Pasteris, Genin, & Thomopoulos, 2015; Schwartz, Pasteris, Genin, Daulton, & Thomopoulos, 2012; Wopenka et al., 2009). Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1057 [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 01 — INTRODUCTION Ce gradient de contenu minéral induit une augmentation de la raideur à travers l'enthèse. L'équilibre entre le tendon et l’os est bien optimisé pour finalement, les auteurs le supposent, réduire la concentration de stress à travers le tissu. De plus, ce gradient permet l'existence d'une zone de compliance à l'intérieur de l'enthèse. Par ailleurs, il est intéressant de noter que le collagène de type I est universellement présent dans toutes les régions comprenant l'interface tendon-à-os ; mais la principale différence frappante réside dans son organisation. Genin et collaborateurs ont observé que l’augmentation progressive de la composition minérale s'accompagnait d'une diminution de l'organisation des fibres de collagène lors du passage du tendon à l'os (Genin et al. 2009). Sur la base de ces résultats, les preuves confirment un changement continu dans l'organisation des fibres de collagène, mais aussi dans la composition minérale, la composition de MCE, la géométrie et, par conséquent, les propriétés mécaniques le long de l'interface tendon-os. Dans l'ensemble, ces propriétés intrinsèques sont susceptibles de répartir efficacement les forces d'un tissu mou et flexible comme le tendon, à un matériau plus rigide comme l'os. Tel est l’objectif de l’enthèse. 1058 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] 02 ANATOMIE FONCTIONNELLE & FRAGILITÉS Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1059 [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 02 — ANATOMIE FONCTIONNELLE ET FRAGILITÉS ANATOMIE FONCTIONNELLE ET FRAGILITÉS TENDON D'ACHILLE CONSIDÉRATIONS ANATOMIQUES Le complexe du tendon d'Achille est issu de la fusion du soléaire et des muscles gastrocnémiens médiaux et latéraux. L'origine du muscle soléaire provient de la face postérieure de la partie supérieure de la fibula et de la ligne soléaire tibiale. Les muscles gastrocnémiens médial et latéral proviennent de la face postérieure des condyles fémoraux médial et latéral, respectivement. Chez 65 % de la population, le muscle plantaire est considéré comme un des faisceaux du complexe d'Achille. Décrit pour la première fois par Wood Jones en 1944, le tendon tourne avant son insertion sur le calcanéum, de sorte que les faisceaux provenant du chef médial des gastrocnémiens forment la face postérieure du tendon, tandis que le chef latéral muscles et le soléaire composent la partie antérieure.  'empreinte anatomique osseuse du tendon d'Achille sur le calcanéum a été décrite comme L des facettes superficielles, moyennes et inférieures : La facette superficielle sert de localisation de la bourse rétrocalcanéenne. La facette médiane peut être divisée en composantes médiale et latérale, où le soléaire s'insère en interne, et le gastrocnémien latéral s'insère latéralement. La facette inférieure, ou la composante superficielle du tendon d'Achille, est composée du muscle gastrocnémien médial. 1060 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 02 — ANATOMIE FONCTIONNELLE ET FRAGILITÉS Le parcours du tendon d'Achille commence en proximal aux larges points d'insertion des têtes inférieures du muscle gastrocnémien et du muscle soléaire. Cependant, lorsque les sous-tendons de ces muscles descendent, ils forment une confluence appelée triceps curae. C'est à cette confluence que commence le véritable tendon d'Achille, et c'est également à cette jonction musculotendineuse proximale que se produisent les déchirures les plus aiguës du tendon d'Achille. Lorsque ces sous-tendons descendent, ils se transposent latéralement vers leur insertion distale : la tubérosité calcanéenne. La largeur de l'empreinte d'insertion de ce tendon varie entre les individus de 20mm à 48mm. Comme une corde tressée, les sous-tendons du tendon d'Achille s'enroulent et s'entrelacent en se déplaçant latéralement et distalement vers leur site d'insertion. Cette torsion du tendon permet une plus grande force biomécanique. Le degré de torsion du tendon est variable d'un individu à l'autre. Par conséquent, le niveau de torsion influence la disposition que chaque sous-tendon à l’insertion sur les facettes du calcanéum. Il est intéressant de noter, principalement pour les praticiens réalisant l’examen ultrasonographique, que la torsion du tendon d’Achille gauche s’effectue dans le sens anti-horaire tandis que celle du tendon d’Achille droit dans le sens horaire. Plusieurs études ont tenté d'examiner le degré de torsion du tendon d'Achille dans l'espoir qu'il puisse être relié à la prédiction de blessures potentielles du tendon. Une étude a permis de distinguer trois types de spirales du tendon d'Achille, appelés type 1, type 2 et type 3. Ces sous-ensembles correspondent à un degré progressivement accru de « torsion » du tendon d'Achille. La majorité de la population présente ce que l'on peut décrire comme un arrangement « le moins tordu », comme déjà décrit avec l'empreinte d'insertion. La configuration de type 3 du tendon d'Achille peut être décrite comme « la plus tordue », ce qui place l'ensemble du tendon sous une torsion nettement plus importante. Les auteurs émettent l'hypothèse que les patients présentant des formes de torsion plus sévères (type III) pourraient être exposés à un risque accru de tendinopathies, qui pourrait être dû à la torsion des fibres entraînant une compression de l'apport vasculaire tendineux. Cette hypothèse reste cependant à vérifier. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1061 [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 02 — ANATOMIE FONCTIONNELLE ET FRAGILITÉS QUEL EST L’IMPACT DE CES SUBTENDONS ? Handsfield et collaborateurs ont récemment publié une élégante étude investiguant les implications de ces subtendons sur la pathologie du complexe tendineux (Handsfield et al., 2020). Pour cela, les auteurs ont mené différentes investigations d’imagerie chez l’Humain, sur le modèle animal ainsi que des simulations informatiques basées sur des données précédemment publiées par d’autres auteurs ainsi que par l’équipe néozélandaise, allemande et belge. Cela a tout d’abord permis aux auteurs de proposer une reconstruction en trois dimensions des subtendons. 1062 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 02 — ANATOMIE FONCTIONNELLE ET FRAGILITÉS Les auteurs rapportent des données de l’imagerie la présence d’une matrice inter-subtendon suggérant qu'il peut y avoir une similarité de composition entre la région entre les sous-tendons et la matrice interfasciculaire à l'intérieur du tendon (Figures 6, 7). Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1063 [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 02 — ANATOMIE FONCTIONNELLE ET FRAGILITÉS La présence d'une matrice entre les sous-tendons permettrait, d’après les auteurs, aux structures de glisser, ce qui a été suggéré dans des modèles de calcul précédents. Les résultats de modélisation, basés sur les données récoltées par les auteurs durant des exercices réalisés par 4 hommes, ont confirmé que des mouvements différentiels des sous-tendons se produisent pour diverses activités différentes, comme les exercices de chute du talon, la marche sur les orteils ou bien encore le saut. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est la relation entre les forces musculaires et le degré de glissement entre les sous-tendons. En règle générale, le degré de glissement des sous-tendons augmente lorsque la force musculaire appliquée augmente. Cependant, la distance de glissement dépend également du type d'activité. Par exemple, le saut à cloche-pied entraînait les forces musculaires les plus élevées, mais cela ne se traduisait pas par la plus grande distance de glissement entre les sous-tendons. C'est plutôt la chute du talon avec un exercice avec genou fléchi qui a entraîné le plus grand glissement des sous-tendons. Cela signifie d’après les auteurs que les activités qui génèrent des forces musculaires différentielles plus importantes entre les muscles soléaires et les muscles gastrocnémiens sont susceptibles de générer davantage de glissement des sous-tendons, ce qui indique l'importance du type d'exercice effectué pour favoriser le glissement des sous-tendons (Handsfield et al., 2020). Une question intéressante relevée par les auteurs serait alors de savoir si les différences de tendons entre les sujets sont telles que des individus différents peuvent avoir besoin d'exercices nettement différents pour obtenir un mouvement et un glissement différentiels de leurs tendons dans le cadre de la prévention ou bien encore de la réhabilitation. Par des analyses de simulation, les auteurs ont démontré que lorsque le glissement des sous- tendons était altéré - par un contact lié entre les sous-tendons par exemple - les contraintes d'interface et le glissement intratendineux étaient tous deux considérablement réduits, ce qu’ils proposent comme mécanisme de dégénérescence des tendons pathologiques (Wang, 2006). De plus, compte tenu du déséquilibre des excitations musculaires et de la force entre les trois chefs du triceps surae, qui varie grandement d'une personne à l'autre, le glissement des sous- tendons est susceptible de jouer un rôle majeur dans la conception d'exercices de réadaptation pour les tendinopathies d’après eux : leurs résultats ont montré que les stratégies individuelles de partage de la force sont influencées par le type d'exercice et le niveau de contraction (différentes amplitudes et contributions de la force musculaire entre les exercices) susceptibles d'entraîner différents stress et tensions des sous-tendons. De telles variations dans les réponses individuelles peuvent impliquer des adaptations structurelles différentes lors d'un même programme de rééducation de la tendinopathie d'Achille. Cela met en évidence la nécessité d'un meilleur contenu d'entraînement individualisé et personnalisé en utilisant des données expérimentales et des simulations (Handsfield et al., 2020). 1064 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 02 — ANATOMIE FONCTIONNELLE ET FRAGILITÉS Les auteurs apportent ensuite une réflexion sur l’étiologie de la tendinopathie : la structure et la mécanique des sous-tendons auraient de vastes implications sur la tendinopathie d'Achille et le vieillissement chez l'Homme. Il est bien établi que la tendinopathie achilléenne est plus fréquente chez les personnes d'âge moyen ou plus âgées, ainsi que chez les coureurs de fond (Kader et al., 2002 ; Slane et Thelen, 2015). Étant donné la tendance à de plus grands déplacements différentiels au sein du tendon d'Achille chez les jeunes humains (Slane et Thelen, 2015), les auteurs conjecturent que les changements liés à l'âge au niveau des sous-tendons et de la matrice inter-subtendons peuvent être liés à la présentation de la tendinopathie d'Achille. En gardant cela à l'esprit, les auteurs émettent l'hypothèse que les changements liés à l'âge peuvent contribuer à la tendinopathie d'Achille indépendamment ou conjointement (Handsfield et al., 2020) : D es adhérences focales qui se développent dans la matrice intersubtendineuse et limitent le glissement des sous-tendons. Un raidissement de la matrice intersubtendineuse lié à l'âge. Une diminution de la force des muscles gastrocnémiens qui empêche les forces nécessaires pour engager le glissement des sous-tendons. Des recherches antérieures sur la matrice fasciculaire et la matrice interfasciculaire (IFM) montrent un renouvellement plus important du collagène et d'autres protéines au sein de l'IFM et suggèrent qu'une diminution de ce renouvellement liée à l'âge pourrait entraîner une accumulation de protéines dans l'IFM qui pourrait diminuer le glissement (Thorpe et al., 2016). Il peut y avoir des parallèles entre ces mécanismes au niveau fasciculaires et au niveau des sous-tendons, et il est intéressant d'émettre l'hypothèse d’après Handsfield et ses collaborateurs qu'une accumulation de protéines endommagées dans la matrice intersubtendon peut raidir la matrice intersubtendon avec le vieillissement, inhibant le glissement et contribuant in fine à la tendinopathie. Cette conjecture ne reste, à l’heure actuelle, qu’une hypothèse. Hypothèse qui fera probablement l’objet de prochaines investigations et publications (que nous vus partagerons). Néanmoins, les avancées et réflexions des auteurs démontrent le rôle de plus en plus important qu’auraient les subtendons dans l’occurrence de la pathologie du complexe tendineux et donc dans sa réhabilitation (Handsfield et al., 2020). La compréhension de l'anatomie normale en imagerie est essentielle pour interpréter la pathologie de l'insertion d'Achille. L'imagerie radiographique et l’IRM de la cheville permettent d'observer les facettes supérieure, moyenne et inférieure du calcanéum qui correspondent respectivement à la bourse rétrocalcanéenne, aux composantes profonde et superficielle du complexe d'Achille (figures 4 et 5). On peut également voir l'anatomie d'insertion du calcanéum avec la facette superficielle (flèche fine), la facette moyenne (flèche épaisse) et la facette inférieure (flèche coudée) clairement démontrée (figure 4). L'IRM de la cheville (figure 5) démontre l'anatomie normale du tendon d'Achille par rapport à la facette supérieure (flèche fine) correspondant à l'emplacement de la bourse rétrocalcanéenne, la facette médiane (flèche épaisse) correspondant aux structures profondes du complexe du tendon d'Achille, et la facette inférieure (flèche coudée) correspondant aux structures superficielles du complexe du tendon d'Achille. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1065 [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 02 — ANATOMIE FONCTIONNELLE ET FRAGILITÉS L'anatomie de la facette calcanéenne correspond à diverses pathologies qui se manifestent à l'imagerie. Par exemple, nous pouvons citer les déchirures d'insertion du tendon d'Achille, le sub-tendon le plus souvent lésé est le gastrocnémien latéral. Cette lésion se produit au niveau des empreintes sub-tendineuses de la facette moyenne du calcanéum (flèche blanche) (tendon du gastrocnémien médial intact : flèche jaune). Cette lésion épargne le sub-tendon du gastrocnémien médial qui s'insère sur la facette inférieure du calcanéum. Certaines études affirment que la faible vascularisation du tendon du gastrocnémien latéral par rapport à d'autres régions du tendon d'Achille sont les raisons pour lesquelles il est plus sujet à des lésions. Bien que cette topographie soit une réelle zone de fragilité, une investigation plus approfondie afin de comprendre cette incidence accrue est néanmoins nécessaire. 1066 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] LES BASES TENDON DU SPORTIF — PARTIE 02 — ANATOMIE FONCTIONNELLE ET FRAGILITÉS Les ruptures du tendon d'Achille se produisent le plus souvent à 2-6 cm de son insertion dans l'os calcanéen. Il a été supposé que la raison des ruptures fréquentes à ce niveau est un mauvais apport sanguin dans cette région du tendon et la petite section transversale. Dans une étude étudiant la structure du tendon d’Achille de ses sous-tendons individuels rassemblant 106 tendons cadavériques masculins, Pakala et collaborateurs ont constaté que la distance moyenne entre le bord supérieur de l'os calcanéen et le point de la jonction myo-tendineuse était de 60,77±14,15 mm (27,0 - 90,0 mm). Les auteurs ont observé que la section transversale du tendon d’Achille au niveau de la jonction myo-tendineuse est significativement plus petite qu'au niveau de l’insertion calcanéenne (80,49 contre 111,72 mm2, P2 large vessels through full thickness tendon, not through full tendon of the tendon thickness of tendon Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1177 [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — INTRODUCTION ET DÉFINITION Après analyse statistique, les auteurs australiens rapportent que la fiabilité intra- et inter- évaluateurs allait de substantielle (kw 0,61-0,80) à presque parfait (kw 0,81-1,00). Cette étude est la première à proposer un critère diagnostic par ultrasonograhie, aligné sur le modèle du continuum tendineux. En discutant leurs résultats, Matthews et son équipe évoquent néanmoins que la place de l'imagerie dans le diagnostic de la tendinopathie est débattue. Les australiens stipulent en effet que le diagnostic de la tendinopathie est multifactoriel : l'imagerie pouvant apporter des informations supplémentaires capables d’aider à déterminer le stade de la tendinopathie et à mieux orienter le traitement. Nous ne manquerons pas de revenir sur ce sujet un peu plus tard. Par ailleurs, la nature rétrospective de cette étude ainsi que l’analyse statique des images ultrasonographiques (normalement évaluées en dynamique) limitent les résultats de cette étude. Ce sujet sera probablement source de prochaines publications (que nous ne manquerons pas de suivre et de vous faire part).  ans les chapitres précédents, nous avons évoqué la physiopathologie du complexe tendineux D à la lumière des récentes publications. Lesquelles publications n’étaient pas disponibles lors de la proposition du continuum tendineux. Ces publications montrent un rôle central, bien que multifactoriel, du comportement mécanique du complexe tendineux : L es contraintes mécaniques modulent l’homéostasie tendineuse : capacités de mécanosensibilité et de mécanotransduction des cellules tendineuses. Le comportement mécanique être également être régulé par les capacités mécano-biologiques de ces cellules. Les contraintes mécaniques peuvent entrainer des micro-dommages du complexe tendineux (perturbation de la matrice interfasciculaire, désorganisation et déformation du collagène, une altération de la frisure des fibres, dénaturation du collagène, réduction de la résistance à la traction et modification du module tissulaire). Les contraintes mécaniques peuvent moduler l’inflammation (capacité de mécanosensibilité des macrophages). Cook et Purdam n’évoquent pas explicitement ce comportement mécanique que nous pensons capital. Les auteurs utilisent néanmoins fréquemment le terme de « fonction » qu’ils définissent comme faisant « référence à la capacité du muscle à générer de manière répétée une force appropriée qui permet au tendon de stocker et de libérer de l'énergie pour le mouvement athlétique ». Il est en effet fondamental à l’échelle macroscopique de ne pas dissocier la « fonction musculaire » de la « fonction tendineuse » : ces deux entités formant ce même tissu qu’est l’organe myo-tendineux. Malgré tout, au sein de l’organe myo-tendineux, la fonction tendineuse est de transmettre, emmagasiner, restituer ou bien encore dissiper l’énergie mécanique : cette fonction mécanique fondamentale et spécifique du tendon peut, et selon nous devrait, être investiguée afin de l’intégrer dans la fonction myo-tendineuse qu’utilisent Cook et Purdam. Cette fonction relève de mécanismes intervenant à toutes les échelles du complexe tendineux que nous avons détaillé au cours des chapitres précédents. 1178 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — INTRODUCTION ET DÉFINITION  ar ailleurs, Cook et Purdam proposent une évolution du continuum tendineux basée P principalement sur la structure du complexe tendineux (présence d’inflammation, zones hypoéchogènes). Néanmoins, les auteurs n’exposent pas clairement ces facteurs structurels. C’est pourquoi Matthews et collaborateurs ont proposé leur classification standardisée par ultrasonographie des facteurs structurels. Néanmoins, les résultats d’imagerie ne sont pas clairement transposés à la composition structurelle du complexe tendineux telle qu’admise par l’ensemble des auteurs sur le plan physiologique. C’est pourquoi nous souhaitons revoir la taxonomie en proposant une classification de lésions de la matrice extracellulaire progressant à différentes échelles : Nanométrique (fibrille de collagène. Micrométrique (fibre de collagène). Millimétrique (fascicule/subtendon). Macrométrique (tendon) Ces différentes lésions du complexe tendineux, principalement au niveau des zones de fragilité des tendons, sont entrainées par les mécanismes physiopathologiques liés à la charge mécanique qui s’influencent, s’équilibrent ou se potentialisent. Ces lésions pouvant mener in fine à la tendinopathie, pathologie alors définie par des douleurs persistantes et la perte de fonction liée à une charge mécanique. 1° ÉCHELLE NANOMÉTRIQUE Les contraintes mécaniques (même sous-maximales) peuvent entrainer une déformation mécanique tissulaire particulière. Cette déformation peut être plastique : elle correspond ainsi à une lésion à l’échelle nanométrique. À la lumière des connaissances actuelles, cette déformation peut être expliquée par un mécanisme d’endommagement ou de modification de la cinétique de formation des liaisons transversales des molécules de collagène. 2° ÉCHELLE MICROMÉTRIQUE Les lésions à l’échelle micrométrique peuvent survenir par déformation des fibres de collagène au cours de l’accumulation de micro-dommages et/ou dégradation du modèle de frisure. Ces lésions surviennent en raison d’altération du niveau de contraintes mécaniques appliquées au complexe tendineux. Cette altération de contraintes mécaniques appliquées peut relever de l’ampleur, la fréquence, la durée ou les types de charges exercées et/ou de la perturbation des capacités de charges mécaniques du complexe tendineux. Cette même perturbation pouvant être notamment causée par la non-résolution des micro-dommages à l’échelle structurelle inférieure. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1179 [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — INTRODUCTION ET DÉFINITION 3° ÉCHELLE MILLIMÉTRIQUE Les lésions à l’échelle millimétrique correspondent aux lésions de fascicule(s) tendineux ou de subtendon(s). Ces lésions peuvent être identifiées sous forme de « déchirures partielles » du complexe tendineux. 4° ÉCHELLE MACROMÉTRIQUE Ces lésions correspondent aux ruptures totales du complexe tendineux. Bien que facteurs confondants, il est important de distinguer lésion tendineuse de tendinopathie. En effet, comme l’évoquaient Cook et Purdam que nous citions ci-dessus, il existe « des associations et des dissociations claires entre les facteurs structurels et la douleur ». Par ailleurs, la fonction myo-tendineuse est liée aux qualités structurelles du complexe tendineux, néanmoins, pas de manière linéaire. Un bel exemple de cette association non linéaire sont les basketteurs : ils présentent pour la plupart des lésions structurelles ainsi que des qualités myo-tendineuses exceptionnelles. Ainsi, dans le cadre de la tendinopathie, il sera donc important d’évaluer la douleur et la fonction myo-tendineuse, de même que discerner les facteurs contributifs et confondants que sont les qualités structurelles (lésions tendineuses et épaisseur tendineuse), les qualités mécaniques tendineuses ainsi que l’inflammation (néovascularisation) du complexe tendineux. C’est ce que nous allons vous proposer dans notre démarche clinique systématisée. NOTES 1180 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — PLAN DE TRAITEMENT PLAN DE TRAITEMENT  asé sur la démarche factuelle intégrée®, l’objectif du plan de traitement est de proposer B une réhabilitation individualisée au patient spécifique : Au sport pratiqué. Aux attentes du patient. Aux déficits objectivés. A la structure atteinte. Au niveau d’atteinte TEMPS 1 : ÉVALUATION BILAN INTERROGATOIRE QUICK SKAN® PROM IMAGERIE FONCTIONNEL TENDINOPATHIE RUPTURE COMPLEXE TENDINEUX Continuum Traitement Traitement tendineux adapté chirurgical conservateur TEMPS 2 : RÉHABILITATION COMPLEXE TENDINEUX Fonction Fonction Facteurs Symptômes Structure tendineuse myo-tendineuse psychologiques TEMPS 3 : SUIVI FONCTIONNEL TEMPS 4 : RETURN TO PLAY Retour Retour à la Retour à la Réévaluation au jeu participation performance Nous allons nous attacher à vous présenter ci-dessous nos recommandations globales de prise en charge du complexe tendineux ainsi que la logique de notre plan de traitement. Dans des chapitres dédiés qui suivront celui-ci, nous préciserons les bilans, réhabilitation, recommandations pratiques inhérentes à la spécificité des différents complexes tendineux touchés. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1181 [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION TEMPS 1 : ÉVALUATION Cette première étape a vocation à préciser différents éléments cliniques importants. OBJECTIFS PRINCIPAUX Préciser le diagnostic de la pathologie du complexe tendineux. Dresser un bilan précis de la santé tendineuse. OBJECTIFS SECONDAIRES Orienter et individualiser la prise en charge du patient souffrant de pathologie du complexe tendineux. Servir de bilan initial pour objectiver la progression de la santé tendineuse lors du suivi fonctionnel du plan de traitement.  es différents tests et bilans de cette étape d’évaluation doivent permettre d’évaluer les L paramètres de la santé tendineuse que nous avons évoqué dans le cadre de la démarche clinique multifactorielle : Environnement de contraintes mécaniques spécifiques au patient. Symptômes. Fonction myo-tendineuse. Fonction tendineuse. Structure. Facteurs psychologiques  our évaluer ces paramètres, plusieurs outils sont accessibles au clinicien que nous pouvons P classer dans ces cinq catégories : Interrogatoire. Quick Skan®. Bilan fonctionnel. Patient Reported Outcome Measure (PROMs). Imagerie. 1182 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION A. INTERROGATOIRE  ’interrogatoire prend une place capitale de la démarche clinique, il est en mesure de founir L foultitudes d’informations précieuses telles que : Le mécanisme lésionnel (lésion macrométrique versus tendinopathie). La description de l’environnement de contraintes mécaniques. Les symptômes du patient (tendinopathie, enthésopathie, lésion macrométrique. L’impotence fonctionnelle. Les impacts psychologiques (appréhension, kinésiophobie (rupture tendineuse), …). Facteurs de risque spécifiques au patient. Les antécédents (évolution chronique, alternance amélioration/exacerbation, récidive). Les objectifs & attentes du patient. L’interrogatoire représente une étape importante dans l’évaluation de la pathologie du complexe tendineux. En effet, celui-ci pourra permettre au clinicien d’émettre une hypothèse clinique. Hypothèse pouvant être confirmée ou réfutée par les autres éléments de l’évaluation. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1183 [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION MÉCANISME LÉSIONNEL Comme dans la plupart des démarches cliniques que nous proposons, la connaissance du mécanisme lésionnel est capitale. En effet, une évolution d’apparition chronique ou traumatique pourra orienter le clinicien vers un diagnostic de tendinopathie ou de lésion macrométrique par exemple. De plus, les mouvements provocant les symptômes, mouvements spécifiques au patient, pourront être des marqueurs d’évolution à suivre durant la réhabilitation, notamment dans les dernières phases de traitement. Enfin, la connaissance du mécanisme lésionnel pourra orienter le clinicien vers les causes d’une éventuelle tendinopathie. En effet, le complexe tendineux ne réagit pas bien aux changements d’entrainement, surface, volume, intensité. L’identification du facteur causal pourra être un levier important de la prise en charge de cette éventuelle tendinopathie. ENVIRONNEMENT DE CONTRAINTES MÉCANIQUES La connaissance de l’environnement mécanique auquel est soumis le patient est un paramètre important. Il constituera un versant des objectifs thérapeutiques : adapter le complexe tendineux et le patient à tolérer et gérer les contraintes mécaniques spécifiques. SYMPTOMATOLOGIE Les symptômes décrits par le patient sont une source d’informations non négligeables. En effet, dans le cadre de la tendinopathie, la douleur tendineuse est localisée : le patient peut localiser le site de la douleur en utilisant seulement un ou deux doigts. Une douleur plus diffuse suggère un diagnostic différentiel. De plus, les douleurs tendineuses se limitent à l’activité et s’atténuent lorsque les charges mécaniques incriminées sont cédées. Un autre paramètre de la douleur important est l’évolution de cette dernière lors de l’activité sportive : généralement la douleur tendineuse diminue au cours de l’activité. Prenons un exemple. Dans le cadre d’une douleur à la face antérieure de genou à la course à pied, le clinicien doit distinguer une tendinopathie d’un syndrome fémoro-patellaire. Une douleur présente au début de l’activité et qui diminue progressivement laisse supposer une tendinopathie tandis qu’une douleur initialement absente qui progresse à l’activité laisse le clinicien conjecturer un syndrome fémoro-patellaire. Cette distinction est plus que capitale ! En effet, le management d’une tendinopathie patellaire avec un algorithme de prise en charge de syndrome fémoro-patellaire sera voué à l’échec, voire aggravera la symptomatologie ! Par ailleurs, il existe des signes distinctifs de douleurs tendineuses. Par exemple, la tendinopathie d'Achille est fréquemment associée à des raideurs matinales ; cependant, il est important de noter que toute raideur de plus de 60 minutes est plus susceptible d'être liée à des causes rhumatologiques. 1184 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION IMPOTENCE FONCTIONNELLE L’impotence fonctionnelle peut donner un reflet de la structure tendineuse en cas de lésion macrométrique par exemple. De plus, l’impotence fonctionnelle peut donner un aperçu des capacités fonctionnelles de la structure myo-tendineuse incriminée. FACTEURS PSYCHOLOGIQUES La recherche des conséquences psychologiques peut être entreprise dès l’interrogatoire bien que des tests spécifiques reconnus seront réalisés lors du bilan. En effet, la composante centrale de la douleur est un élément capital de la condition tendinopathique, bien que les mécanismes précis de la douleur liée à la tendinopathie ne soit pas encore bien identifiée. FACTEURS DE RISQUE L’identification des facteurs de risque du patient est un élément clinique pertinent. Celle-ci permettra au clinicien de cerner et modifier les facteurs pouvant être modulés. Modification qui participera au traitement de la pathologie. Parmi les facteurs de risque, nous pouvons noter l’âge, le(s) sport(s) (fréquence, niveau, environnement (temps froid)), la médication (quinolone), la nutrition (alcool) ou bien encore l’IMC (Van Der Vlist, Breda, Oei, Verhaar, & De Vos, 2019). D’autres facteurs de risque, non modifiables, ont été rapportés dans la littérature. En effet, il semble qu’une susceptibilité génétique puisse participer à l’expliquer de l’occurrence de la tendinopathie. Les facteurs génétiques jouent un rôle important dans l'homéostasie des tendons et dans l'équilibre entre la réparation et la dégénérescence suite à une lésion tendineuse que nous expliquerons dans les chapitres suivants. Une revue systématique a examiné ~34 gènes différents et leur relation avec la forme ou la fonction des tendons, et a identifié des polymorphismes dans 13 gènes indépendants, qui étaient associés à une lésion des tendons (tendinopathie ou rupture) (Vaughn et al., 2017). La plus forte de ces associations a été observée dans les gènes COL5A1, TNC, MMP3 et ESRRA. Plusieurs études ont constaté une association entre COL5A1 et la tendinopathie d'Achille : en effet, il a été mis en évidence que le COL5A1 joue un rôle crucial dans la formation des fibrilles en interagissant avec le COL1A1 pour réguler la taille globale des fibrilles et l'organisation matricielle qui en découle (Brown et al., 2017). Comme la plupart des études étaient axées sur la tendinopathie d'Achille et étaient spécifiquement basées sur des groupes de patients sud-africains et australiens, ces associations pourraient ne pas être applicables au développement d'autres tendinopathies, il convient donc d’être prudent pour l’heure sur ce sujet. Il existe de multiples étiologies proposées pour la tendinopathie, avec un manque de consensus, reflétant la nature polygénique complexe de la tendinopathie. Par conséquent, des études supplémentaires sont nécessaires pour clarifier l'interaction complexe entre les gènes, les protéines codées et l'environnement. Cette compréhension pourrait finalement conduire à des stratégies individualisées de prévention et annoncer le potentiel d'une approche de médecine personnalisée impliquant la génétique pour la gestion de la tendinopathie. LES ANTÉCÉDENTS Les antécédents de tendinopathie font partie des principaux facteurs de risque. En effet, la pathologie tendineuse suit fréquemment une évolution en exacerbation/rémission et/ou récidive. C’est pourquoi le suivi à long terme est un paramètre important de la réussite du traitement mis en place. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1185 [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION ATTENTES ET OBJECTIFS DU PATIENT Dans l’objectif de proposé une prise en charge basée sur une démarche Evidence Based Practice et Practice Based, la prise en compte des attentes et objectifs du patient est capitale. En effet, dans l’objectif d’individualiser la prise en charge, prendre en charge les conséquences psychologiques de la pathologie, limiter le risque de récidive et proposer un traitement optimal, inclure les attentes du patient est un élément fondamental. Cet entretien avec le patient lors de l’évaluation sera également un moment propice à la mise en place d’un pacte thérapeutique afin de potentialiser l’alliance thérapeutique, renforcer la motivation du patient ainsi que d’éviter l’échec du traitement par non-observance des recommandations, par exemple. Rappelons que l’éducation du patient, notamment à la douleur, sera un des leviers de l’amélioration de la symptomatologie. B. BILAN CLINIQUE ET QUICK SKAN® Nous développerons l’examen clinique avec le Quick Skan dans les chapitres spécifiques aux tendons investigués. Présentons néanmoins quelques données générales dans cette section. À la suite d’une revue systématique avec méta-analyse réalisée sur les traitements de la tendinopathie d’Achille, De Vos et collaborateurs ont publié un éditorial en Novembre 2020 avec un titre plutôt « original » pour une publication scientifique : « Diagnosing Achilles tendinopathy is like delicious spaghetti carbonara: It is all about key ingredients, but not all chefs use the same recipe ». L’objectif de ce papier était d’aborder les défis du diagnostic, « lorsque les « grands chefs » ne sont pas d'accord sur les ingrédients présents dans la portion moyenne de la tendinopathie d'Achille » et rapporter les critères diagnostics utilisés dans 25 essais contrôlés randomisés. Derrière ce titre et format « innovants » se cache une réflexion intéressante et un état lieu actualisé des connaissances et problématiques du diagnostic de la tendinopathie d’Achille. C’est pourquoi je vous propose de vous retranscrire une partie de leur article ci-dessous : « Critères de diagnostic clinique : quels sont les ingrédients nécessaires pour la tendinopathie d’Achille » Les antécédents du patient sont incontestablement un élément essentiel pour diagnostiquer la tendinopathie d'Achille - les patients doivent présenter des douleurs au niveau du tendon d'Achille, qui s'aggravent à la mise en charge. Les patients peuvent également indiquer si leurs douleurs sont localisées au niveau du tendon d'Achille. Lors de l'examen, les médecins peuvent évaluer l'épaississement du tendon d'Achille localisé avec sensibilité (douleur à la palpation). Ces trois résultats cliniques sont simples et peuvent être évalués de manière fiable, mais sont-ils tous les trois des ingrédients essentiels pour diagnostiquer la tendinopathie d'Achille ? 1186 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION QUE DISENT LES GRANDS CHEFS ? Examinons quels sont les critères de diagnostic utilisés par les chercheurs experts. Leurs livres de cuisine sur la tendinopathie d'Achille utilisent-ils tous les mêmes ingrédients ? Notre récente revue avec méta-analyse de réseau sur les traitements de la tendinopathie de lap ortion moyene du tendon d’Achille a extrait les critères de diagnostic de 25 essais contrôlés randomisés. La sensibilité d'Achille localisée, l'épaississement localisé du tendon et la douleur associée aux activités de port de charge ont été les ingrédients les plus couramment utilisés (figure 1). Lorsque ces trois éléments de diagnostic clinique sont présents, le diagnostic clinique semble simple - comme si l'on se présentait avec une carbonara traditionnelle. Mais il existe des cas cliniques moins simples, comme lorsque le tendon est douloureux mais qu'il ne s'épaissit pas. C'est là qu'il devient difficile de définir le moment où l'on considère que l'affection est présente. Il y a des spaghettis, des œufs et du bacon, mais pas de parmesan - est-ce toujours une carbonara ? Il se pourrait bien qu'il y ait des variations au sein de la recette (c'est-à-dire des sous-classifications), mais ce serait bien si les chefs pouvaient s'entendre sur ce point. L’IMAGERIE DOIT-ELLE FAIRE PARTIE DE LA RECETTE ? L'imagerie pourrait être utile, surtout dans les cas difficiles où tous les critères de diagnostic clinique ne sont pas présents. Elle peut dépeindre les changements caractéristiques de la tendinopathie : augmentation de l'épaisseur des tendons, structure anormale des tendons et augmentation de la vascularité. Un inconvénient majeur de l'imagerie est que des résultats « anormaux » (également appelés « changements morphologiques ») sont présents dans 25 % des tendons d'Achille asymptomatiques. Un problème similaire est présent dans d'autres troubles musculo-squelettiques, tels que l'arthrose.  N TENDON PATHOLOGIQUE EST-IL UN INGRÉDIENT ESSENTIEL POUR DIAGNOSTIQUER U LA TENDINOPATHIE ACHILLÉENNE ? Une recette où le patient a une sensibilité d'Achille localisée et un aspect normal à l'imagerie est un autre cas difficile. Est-ce de la tendinopathie d'Achille ? Le modèle de continuum de la pathologie proposé par Cook et Purdam proposent une séquence potentielle de changements. Une prolifération accrue des cellules tendineuses et des glycosaminoglycanes avec des fibres tendineuses bien disposées sont les caractéristiques d'une tendinopathie réactive précoce. Ces constatations ne peuvent pas être détectées à l'aide des ultrasons ou de l'IRM classiques. Bien que la présence de changements pathologiques dans cette situation ne puisse être confirmée par la méthode actuelle, ce phénomène (sensibilité localisée avec une imagerie « normale ») peut être une sous-catégorie de la tendinopathie d'Achille (tendinopathie de stade précoce - préimagerie). Cela ouvre la discussion sur la question de savoir si nous devons considérer la tendinopathie comme une entité clinique (comme la douleur fémoro-patellaire) ou comme un continuum avec une pathologie progressive spécifique (comme l'arthrose, qui utilise l'échelle de Kellgren et Lawrence pour classer la gravité radiologique de la maladie). Faut-il distinguer différentes sous-classifications de la tendinopathie d'Achille ? Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1187 [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION  OUVONS-NOUS NOUS METTRE D’ACCORD SUR LA OU LES RECETTES EXACTES P DE LA TENDINOPATHIE D’ACHILLE ? Il est difficile de définir les ingrédients exacts nécessaires pour diagnostiquer la tendinopathie d'Achille. Comment pouvons-nous améliorer notre (nos) recette(s) diagnostique(s) ? Les réunions ICON, auxquelles participent de nombreux grands chefs cuisiniers, pourraient constituer une plate- forme appropriée pour lancer un nouvel accord largement soutenu sur les critères de diagnostic de la tendinopathie d'Achille. Des recettes de diagnostic uniformes sur le moment où il convient de diagnostiquer la tendinopathie d'Achille seraient un excellent point de départ. L'identification de sous-classifications possibles, basées sur certains ingrédients diagnostiques, présente plusieurs avantages possibles : améliorer les traitements individuels adaptés ou mieux nous informer sur le pronostic d'un patient. » C’est en raison de ces problématiques que nous vous proposons une démarche clinique diagnostique basée sur le modèle de pratique factuelle intégrée ® dans laquelle fait partie intégrante le Quick Skan® que nous vous présenterons dans un chapitre consacré. Rappelons également que notre évaluation n’a pas pour unique objectif l’identification de la tendinopathie mais les pathologies du complexe tendineux intégrant, par exemple, les lésions macrométriques du complexe. Un autre point général important concerne la distinction de la tendinopathie patellaire avec la tendinopathie quadricipitale. En effet, cette distinction fondamentale a été fréquemment oubliée, probablement en raison de l’introduction du terme de Jumper’s Knee trop fréquemment simplifié comme synonyme de tendinopathie patellaire. Andrew Sprague et collaborateurs ont proposé une situation clinique qu’il me semble intéressant de vous présenter (A. Sprague, Epsley, & Silbernagel, 2019): « Vous arrivez à votre clinique et vous vérifiez l'horaire, en prévision d'une journée de soins aux patients. Une première évaluation a été ajoutée à votre premier créneau de traitement, avec une référence d'un orthopédiste pour « Jumper’s knee ». Vous vous dites « J'ai déjà vu ça avant ». « Tendinopathie patellaire, sans aucun doute ». En préparation, vous sortez votre protocole de mise en charge du tendon patellaire et faites quelques hypothèses sur la façon dont le patient se présentera, et comment vous pourriez aborder la prise de décision partagée pour une gestion appropriée. Lorsque vous commencez votre évaluation, à votre grande surprise, le patient se plaint de douleurs dans le tendon quadricipital, et non dans le tendon patellaire. Que faites-vous maintenant ? » 1188 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION Les tendinopathies patellaire et quadricipitale sont différentes sur plusieurs points, notamment : Anatomique. Biomécaniques. Présentation clinique. Traitement En effet, rappelons grossièrement que le tendon patellaire relie l'os à l'os, tandis que le tendon du quadriceps relie le muscle à l'os. Par conséquent, il existe des différences de structure entre le tendon patellaire et le tendon du quadriceps. Le tendon patellaire est une structure relativement linéaire, composée de couches superficielles et profondes, s'étendant parallèlement, sans attaches musculaires directes. La couche superficielle est une continuation des fibres du tendon du quadriceps à partir du rectus femoris. Les fibres de la couche profonde commencent à l'aspect le plus distal de la rotule et s'insèrent, avec les fibres superficielles, à la tubérosité tibiale. En revanche, le tendon du quadriceps est une structure plus complexe et plus variable. Généralement, on distingue 3 couches au tendon quadricipital : une couche superficielle, une couche intermédiaire et une couche profonde. Les interactions entre ces couches et la matrice environnante peuvent avoir des implications sur la pathogenèse, la présentation des symptômes et de l'imagerie, ou le traitement de la tendinopathie du quadriceps, mais n'ont pas encore été prises en compte dans la littérature. Chaque muscle du quadriceps a une ligne d'action unique, soumettant le tendon du quadriceps à une charge non uniforme et à des forces de cisaillement. La force transmise par le tendon patellaire est plus uniforme. Ainsi, le tendon patellaire relie deux structures de rigidité similaire, tandis que le tendon du quadriceps relie deux structures de rigidité radicalement différentes. Le tendon a une plus grande extensibilité (moins de raideur) dans la région la plus proche du muscle. À l'inverse, les régions plus proches de l'os sont moins extensibles (plus rigides). Ces propriétés peuvent expliquer les présentations cliniques et évolutions mécaniques différentes que nous développerons un peu plus loin dans ce chapitre. La tendinopathie patellaire se présente comme une douleur au pôle inférieur de la rotule. Inversement, la tendinopathie du quadriceps se présente sous la forme d'une douleur au pôle supérieur de la rotule, les symptômes étant plus prononcés en cas de flexion profonde du genou. L'apparition initiale des symptômes est généralement liée à un incident aigu impliquant des niveaux élevés de charge excentrique du quadriceps, qui se produit, par exemple, avec la flexion du genou lors d'une réception suite à un rebond au basket-ball. Cependant, les symptômes sont généralement précédés d'une période de charge excessive. Bien que peu d'études aient examiné la prévalence de la tendinopathie du quadriceps, les estimations de la prévalence varient de 0,2 % à 2 % dans les populations sportives. Parmi les athlètes souffrant de douleurs de l’appareil extenseur, jusqu'à 1 sur 4 éprouve une douleur au pôle supérieur de la rotule. Il sera donc capital de préciser la pathologie lors du bilan clinique du patient venant nous consulter. Nous intégrerons cette spécificité au Quick Skan®. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1189 [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION C. BILAN FONCTIONNEL Nous développerons le bilan fonctionnel dans les chapitres spécifiques aux tendons investigués. D. PATIENT REPORTED OUTCOME MEASURE Nous développerons le bilan fonctionnel dans les chapitres spécifiques aux tendons investigués. E. STRUCTURE - UTILISATION DE L'IMAGERIE : DIAGNOSTIC, PRONOSTIC, FOLLOW-UP  TILISATION DE L'IMAGERIE : UN CONSTAT U LA POSITION DE SEAN DOCKING ET COLLABORATEURS L’imagerie a souvent été décriée concernant la prise en charge de la tendinopathie. En effet, plusieurs études ont mis une évidence une absence de corrélation entre structure et douleur. Pour commencer cette section importante et passionnante, je vous propose de détailler une revue publiée en 2015 dans le Journal of Orthopaedic and Sports Physical Therapy par Sean Docking et collaborateurs. Docking est chercheur à l’Université de La Trobe à Melbourne, reconnu pour ses travaux sur le tendon notamment en imagerie : sujet sur lequel il a réalisé sa thèse. Il publie en 2015 avec ses collaborateurs « Tendinopathy : is imaging telling us the entire story ? » (Docking, Ooi, & Connell, 2015). Dans cette revue, les évoquent répondent à cette question : « L’imagerie peut-elle prédire l’apparition de la douleur ou le résultat clinique ? » Les auteurs rapportent qu’une caractéristique et une critique de l'utilisation de l'imagerie chez les personnes atteintes de tendinopathie est la faible corrélation avec la présence de la douleur et l'intensité de la douleur (Van Ark et al., 2018). En effet, Docking et collaborateurs rapportent des images anormales ont été signalées dans divers tendons chez 59 % des personnes asymptomatiques. Par ailleurs, nous pouvons ajouter la récente étude du même auteur, aux côtés de Jill Cook et Ebonie Rio notamment, dans laquelle les auteurs ont souhaité déterminer si la surface moyenne de la section transversale (mCSA) de la structure fibrillaire alignée (AFS) de tendons d’Achille et patellaire était associée à la présence et à la gravité des symptômes. Pour cela, ils ont réalisé une étude de cohorte prospective sur 175 joueurs de volleyball en évaluant par imagerie d’ultrasonographie de caractérisation des tissus en début l’étude puis le suivi par questionnaires mensuels la présence et la gravité des symptômes. Sur la base de l’imagerie, la mCSA de la SFA a été comparée entre les personnes présentant et ne présentant pas de symptômes. Aucune différence dans le mCSA de la SFA n'a été observée entre les personnes présentant ou non des symptômes tendineux. La présence d'un taux réduit de mCSA de SLA n'était donc pas associée à la présence ou à la gravité des symptômes. Les auteurs concluent qu'un manque d'intégrité structurelle n'est pas lié aux symptômes : la plupart des tendons étant capables de compenser les zones de désorganisation et de maintenir l'homéostasie tissulaire. 1190 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION Ces données reflètent la nature complexe, et notre compréhension limitée, des douleurs tendineuses. Les douleurs tendineuses ne sont pas uniquement dues à des modifications tissulaires locales, mais il est probable qu’il y ait une interaction entre les tissus locaux et les systèmes nerveux périphérique et central. En 2015, les australiens ajoutent néanmoins que malgré la faible relation entre les changements pathologiques et la douleur, les modifications tissulaires locales et l’utilisation de l’imagerie pour visualiser ces changements peut être importante comme outil de pronostic. Ils évoquent par exemple l’étude de Fredberg et et collborateurs publiée en 2008 dans laquelle les auteurs ont suivi 54 joueurs de football d’élite danois asymptomatiques pour le développement de douleurs au tendon d’Achille sur 12 mois. Fredberg et ses collègues ont rapporté que les joueurs présentant des changements d’imagerie importants (épaississement et région hypoéchogène de plus de 2 mm dans les plans transversaux) au départ avaient un risque relatif de développer des symptômes trois fois plus élevé (Fredberg, Bolvig, & Andersen, 2008). Les australiens évoquent également l’étude de Malliaras et Cook publiée en 2006 dans laquelle les auteurs ont rapporté que l’imagerie ultrasonore anormale du tendon rotulien augmentait de 15 fois le risque relatif de développer des douleurs chez les joueurs de volley-ball (Docking et al., 2015). Afin de fournir un état des lieux plus actuel sur la relation pronostique entre changements structurels et symptomatologie, nous publiions un dossier spécial sur ce sujet en Septembre 2019. Dans celui-ci nous concluions qu’il avait été mis en évidence pour les tendons d’Achille et patellaire, une association entre les modifications structurelles et vasculaires d’un tendon asymptomatique avec le risque de développer une tendinopathie clinique de l’ordre de 21 à 28 %. Des facteurs favorisant pouvaient également différer selon les sports tels que l’âge et les années de pratiques. La lecture de la simple conclusion de ce dossier n’étant pas suffisante pour cerner les détails de notre publication, nous vous proposons de retrouver et parcourir celui-ci. Vous pouvez le retrouver en téléchargement PDF à la suite de ce chapitre. Bien que l’imagerie et la présence d’anomalies structurelles ne doivent jamais être les seuls tests ou les tests prédominants dans la prédiction d’une future tendinopathie, la structure locale des tissus peut être un facteur de risque pour le développement des symptômes. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1191 [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION Docking et ses collègues évoquent une autre problématique en 2015 : « Surveillance de la structure du tendon - Que peut-on attendre du tendon ? ». Je vous propose la traduction de l’explication des auteurs australiens : « Des études récentes qui ont semi-quantifié des aspects de la structure du tendon ont fourni des informations sur la façon dont les tendons réagissent structurellement à divers traitements. Shalabi et collaborateurs (en 2004, N.D.L.R.) ont signalé une diminution significative du volume du tendon d’Achille et du signal intratendineux à la suite d’un programme de charge excentrique de 3 mois. Bien que des améliorations de la structure des tendons aient été observées, le volume des tendons et le signal intratendineux ne sont pas revenus à la normale. De même, le suivi à long terme (moyenne de 4,2 ans) de la même cohorte n’a pas signalé de différence significative du volume du tendon par rapport aux mesures de base, malgré des améliorations de la douleur et de la fonction. En outre, des recherches antérieures ont montré que la structure du tendon d’Achille sur l’UTC (Caractérisation des Tissus par Ultrasons, que nous détaillerons un peu plus loin dans ce chapitre N.D.L.R.) n’est pas différente après un programme de mise en charge excentrique de 16 semaines, malgré des améliorations du score VISA-A (un score fonctionnel N.D.L.R.). Les résultats de ces études suggèrent que les améliorations du tendon ne sont pas nécessaires pour faciliter l’amélioration clinique après un programme d’exercices excentriques. Une revue systématique de Drew et collaborateurs a indiqué que les améliorations de la douleur et de la fonction avec un exercice excentrique n’étaient pas médiées par des changements dans la structure du tendon. Dans ce contexte, si l’amélioration ou la normalisation de la structure du tendon est un résultat positif, elle n’est pas nécessaire pour améliorer la douleur et la fonction, ce qui suggère que le tendon pathologique peut s’être adapté pour devenir et rester tolérant à la charge ». (Docking et al., 2015). TENDINOPATHIE : L’IMAGERIE NOUS DONNE-T-ELLE TOUTE L’HISTOIRE ? Pour répondre à cette question, les auteurs évoquent que l’imagerie ne nous dit pas tout sur la tendinopathie. « Le rôle de l’imagerie dans le cadre clinique peut être quelque peu limité car elle n’est pas directement liée aux symptômes. L’imagerie permet de visualiser la structure, elle ne représente pas l’ensemble du tableau clinique et ne doit pas être utilisée comme seul critère de diagnostic pour déterminer si la présentation clinique est générée par le tendon. Bien que l’imagerie ne nous donne pas une image complète, tout comme la douleur à la palpation nous donne peu d’informations sur la force et l’endurance musculaires, elle fournit des informations importantes sur la structure » (Docking et al., 2015). Selon les australiens, l’imagerie doit donc être placée dans le contexte du tableau clinique global. De plus, du fait qu’il ait été démontré que les améliorations cliniques ne soient pas médiées par des changements structurels, la stabilité de la structure tendineuse peut être un résultat positif dans le contexte clinique d’une réduction de la douleur et du dysfonctionnement. Enfin, une limite importante à l’utilisation de l’imagerie est l’absence de Gold Standard clinique. En effet, afin d’étudier la fiabilité des résultats déterminés par un type d’imagerie, nous avons besoin de comparer ces résultats à un Gold Standard. Lequel Gold Standard n’est encore pas identifié dans le cadre de la tendinopathie bien que l’Imagerie par Résonnance Magnétique et l’Ultrasonographie soient les examens les plus validés et utilisés (Docking et al., 2015; Matthews, Ellis, Furness, & Hing, 2018). 1192 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION QUELLE IMAGERIE POUR QUELS RÉSULTATS ? L’imagerie représente une méthode dans laquelle les changements structurels les changements dans la matrice des tendons peuvent être identifiés. L’imagerie par ultrasons (US) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont toutes deux utilisées pour confirmer la présence d’un changement structurel des tendons dans le cadre clinique, le choix de la technique à utiliser étant basé sur la préférence du clinicien (Matthews et al., 2018). 1. ULTRASONOGRAPHIE (US) L’utilisation de l’ultrasonographie est fréquemment réalisée dans le contexte clinique des patients souffrant de douleur tendineuse : en effet, il est très probable que vous receviez lors de la première séance de réhabilitation pour une tendinopathie des patients avec leur examen complémentaire par ultrasonographie et/ou échographie Doppler associée. Effectivement, grâce à sa disponibilité, son faible coût, l’absence de rayonnement ionisant et la possibilité d’étudier les structures anatomiques superficielles, l’échographie est souvent la première méthode d’imagerie pour l’évaluation des tendons (Bruno et al., 2020). Effectivement, pour l’évaluation de la pathologie tendineuse, il a été signalé que l’imagerie US était plus précise et plus sensible que l’imagerie par résonnance magnétique (Matthews et al., 2018; Warden et al., 2007; Westacott, Minns, & Foguet, 2011). Par ailleurs, une bonne fiabilité a été rapportée pour l’ultrasonographie (Ingwersen et al., 2016), ainsi qu’un coût plus rentable que l’IRM pour l’évaluation des troubles musculo-squelettiques avec la possibilité d’une évaluation dynamique et de la mesure de la néovascularisation (Matthews et al., 2018). Néanmoins, une limite importante à laquelle vous faites probablement face est : « que faire et comment interpréter les résultats (hétérogènes) rapportés par les radiologues ? ». En effet, le rôle du clinicien est d’intégrer l’ensemble des éléments cliniques pertinents. Les cliniciens que nous sommes sont donc en droit (et en devoir) de se demander si l’imagerie par ultrasonographie est un élément clinique à prendre en compte. Nous souhaitons vous apporter quelques éléments de réponse, bien que ce sujet soit toujours source de débat (probablement un prochain objectif de l’ISTS organisé pour cette prochaine année à Valence) : un débat principalement nourri par l’absence de lien direct entre structure et douleur ainsi que l’absence de Gold Standard clinique pour diagnostiquer la tendinopathie. Deux points que nous avons évoqués pour introduire cette section sur l’imagerie. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1193 [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION ULTRASONOGRAPHIE : QUELS CRITÈRES ? Un des points rendant l’utilisation des résultats de l’ultrasonographie difficile est la grande diversité de classifications, critères et dénominations utilisés. Matthews et collaborateurs ont réalisé une revue systématique avec méta-analyse publiée en 2018 sur ce sujet. Leurs objectifs étaient : Principal Identifier les classifications de tendinopathies basées sur l’US qui sont rapportées, y compris les caractéristiques spécifiques de la matrice des tendons mesurées. Secondaires Évaluer la qualité méthodologique des études incluses.  tiliser la méta-analyse pour évaluer la valeur prédictive des différents systèmes de U classification identifiés. Sur les 865 études identifiées dans les bases de données, les auteurs en ont inclues 19. Sur ces 19 études, 17 étaient des études de cohorte et 2 des essais randomisés, toutes sur des tendons du membre inférieur. La qualité de toutes les études a été jugée « bonne » selon les catégories proposées par Kennelly (2011). 1194 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION QUE METTENT EN ÉVIDENCE LES AUTEURS ? 1. Une grande hétérogénéité entre les paramètres utilisés pour évaluer les changements de la matrice tendineuse et la capacité à prédire les résultat. 2. Aucune étude n'a inclus le schéma fibrillaire comme paramètre d'évaluation des changements de la matrice tendineuse. Un schéma que nous pensons important car il reflète la constitution structurelle validée de la structure tendineuse. C’est pourquoi nous pensons que l’utilisation de lésions nanométriques, micrométriques, millimétriques et macrométriques serait pertinente : ce schéma devrait faire l’objet de prochaines études. 3. Aucun critère n'a été lié aux stades de la tendinopathie, comme le propose le modèle de continuum de Cook et Purdam. ÉCHOGÉNICITÉ L'échogénicité a été le changement structurel le plus souvent mesuré aux US. Deux études ont défini l'échogénicité anormale comme la présence d'une région hypo-échogène supérieure à 1 mm, l'autre étude (Fredberg et al. 2008) utilisant des valeurs différentes pour le tendon d'Achille (0,5 mm) et le tendon rotulien (1 mm). ÉPAISSEUR Toutes les études qui ont mesuré l'échogénicité ont également mesuré l’épaisseur tentineuse. 13 études ont déterminé la présence d’une épaisseur plus accrue considérée comme « anormale » ; bien que les valeurs seuils n’aient pas été définies. Deux études ont utilisé comme critère une augmentation de 1 mm par rapport à la partie distale normale du tendon, et une étude a classé comme « anormale » l'épaississement du tendon > 0,5 mm dans le tendon d'Achille et l'épaississement > 1 mm dans le tendon rotulien. VASCULARISATION La vascularisation a été mesurée dans 13 des études incluses. 10 études ont utilisé différentes échelles pour définir la vascularisation « anormale ». Les 3 autres études ont utilisé la présence d'une vascularisation avec des paramètres non définis pour déterminer si un tendon était classé comme « anormal ». Cette revue systématique met donc bien en exergue l’hétérogénéité des classifications, paramètres et définitions utilisés à laquelle nous faisons face en tant que clinicien. Matthews et collaborateurs ont ensuite réalisé une méta-analyse en incluant 9 des 19 études de la revue systématique en raison de l'insuffisance des données sur l'apparition des symptômes, de différences significatives dans la conception et la méthodologie des études ou de l'inclusion de tendons symptomatiques au départ. Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1195 [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION Les auteurs observent Les anomalies tendineuses aux US peuvent être prédictives de l'évolution future des symptômes du tendon rotulien et du tendon d'Achille (RR = 4,78, 95 % CI: 2,49-9,15), avec une faible hétérogénéité entre les étude. Que la présence de 3 paramètres présentait un risque accru de développer des symptômes par rapport aux études utilisant 2 paramètres. Une signification statistique pour la valeur prédictive de l'évaluation US de la matrice des tendons, tant pour le tendon d'Achille (p = 0,006) que pour le tendon rotulien (p = 0,0001). Sur la base des résultats de cette revue systématique et de la méta-analyse, les futurs critères de diagnostic de la tendinopathie aux US devraient inclure des mesures des trois paramètres lors de l'évaluation de la modification de la structure du tendon : l’épaisseur du tendon, l’échogénicité et la vascularisation. La définition de critères d’évolution précis pour chacun de ces paramètres est également nécessaire. Les auteurs australiens ont publié une nouvelle étude en 2020 afin de proposer ces mêmes paramètres et critères afin de former un critère global qui permette une plus grande cohérence dans le diagnostic de la tendinopathie par l’ultrasonographie. De plus, cette classification, que nous avons déjà cité dans ce chapitre, permet de faire le lien entre le continnum tendineux de Cook et Purdam et l’imagerie par ultrasonographie : en effet, les auteurs proposent une classification en 2 grades : Tendon réactif/Tendon remanié précoce. Tendon remanié précoce/Tendon dégénératif. Nous vous proposons ci-contre une traduction/adaptation des travaux de Matthews et collaborateurs. 1196 Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION RÉACTIF/ REMANIE TARDIF/ NORMAL REMANIE PRECOCE DÉGÉNÉRATIF Présence d’un gonflement fusiforme Présence d’un épaississement focal et/ou et/ou Tendon légèrement épaissi Épaississement important, deux fois plus important que l’épaisseur de la ÉPAISSEUR Marges partie distale du tendon et/ou du parallèles sans côté controlatéral épaississement Texture hétérogène de l’écho avec Échotexture hétérogène avec zone(s) hypoéchogénicité diffuse entre les hypoéchogène(s) discrète(s) de échos fibrillaires et/ou > 1 mm et/ou ÉCHOGÉNICITÉ Foyers de discontinuité dans les Présence de déchirures Échotexture échos fibrillaires de collagène intrasubstance homogène 0-2 petits vaisseaux fins à l’intérieur >2 gros vaisseaux à travers toute VASCULARISATION du tendon, pas à travers toute l’épaisseur du tendon l’épaisseur du tendon Pas de vaisseau à l’intérieur du tendon Kinesport | Formation kinésithérapie du sport | www.kinesport.fr 1197 [email protected] TENDON DU SPORTIF — PARTIE 04 — TENDINOPATHIE — TEMPS 1 : ÉVALUATION Pour rappel, la fiabilité intra- et inter-évaluateurs allait de « substantielle » à « presque parfaite » pour identifier les caractéristiques individuelles (épaisseur du tendon, échogénicité et vascularité) et déterminer le stade général de la tendinopathie, en utilisant les critères standardisés (Matthews, Ellis, Furness, Rathbone, & Hing, 2020). QUELLES LIMITES À L’ULTRASONOGRAPHIE ? L’ultrasonographie peut poser des problèmes de fiabilité notamment en raison de son caractère opérateur dépendant, les variations dans le positionnement des transducteurs ou le manque de standardisation (corrigé par la récente étude de Matthews et collaborateurs). Vous retrouverez ci-dessous une vidéo vous exposant la méthodologie de réalisation d’une évaluation par ultrasonographie et échographie Doppler ainsi qu’une vidéo vous exposant la place de l’ultrasonographie au sein de la prise en charge du complexe tendineux (sujet que nous précisons également plus tard dans cette section). 2. CARACTÉRISTIQUES DU TISSU PAR ULTRASONS Les limites de l’ultrasonograpghie que nous venons d’évoquer ont motivé Van Schie et collaborateurs à les résoudre en introduisant une nouvelle modalité d’imagerie : la caractérisation des tissus par ultrasons (UTC). La caractérisation des tissus par ultrasons (UTC, imagerie UTC) est une technique d’imagerie spécifiquement conçue pour les tendons. Elle peut permettre de mesurer de petits changements dans la structure des tendons au lieu de mesures relativement grossières comme la surface de la section transversale, la taille de la zone hypoéchogène ou le diamètre du tendon, par exemple. Elle consiste en un transducteur à réseau linéaire de 10 MHz monté sur un dispositif de suivi qui prend automatiquement 600 images dans un plan transversal à des intervalles de 0,2 mm le long du tendon. Ces images transversales sont saisies pour construire un bloc de données tridimensionnel analysé par un algorithme UTC. À partir de ce bloc de données, l’algorithme UTC quantifie la structure des tendons en calculant la stabilité de la luminosité des pixels sur des images transversales contiguës. Chaque écho dans l’image ultrasonographique est le résultat d’interactions/reflux qui se produisent dans le volume d’échantillon tridimensionnel. Selon la taille de la structure anatomique par rapport au volume d’échantillon, les échos peuvent être divisés en « liés à la structure » et « interférents ». Les échos liés à la structure (types I et II) sont générés par une seule grande structure présente dans le volume de l’échantillon, donc une interface et une salve d’onde ultrasonore résultant en un écho réellement lié à la structure qui est stable sur un grand nombre d’images transversales contiguës pendant que le transducteur se déplace le long du tendon. En revanche, les échos interférents (types III et IV) représentent plus qu’une seule petite structure dans le même volume d’échantillon tridimensionnel, donc plusieurs interfaces et plusieurs salves, et donc un écho est la résultante de multiples interférences. Ces échos sont caractérisés par un manque de stabilité remarquable sur des images transversales contiguës. Les algorithmes UTC ont été testés sur des tendons équins. En faisant correspondre précisément les images traitées par UTC avec les sections de tendons correspondantes, les écho-types UTC ont été vérifiés en

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