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Télé-réalité: phénomène médiatique ou expression d’un besoin social? 1. Phénomène médiatique imposé - Ce qui est sûr, c’est qu’on est en face d’un véritable phénomène qui marque un tournant dans les relations entre la télé et la société - La situation au Canada en rend bien compte: - Voir le titr...
Télé-réalité: phénomène médiatique ou expression d’un besoin social? 1. Phénomène médiatique imposé - Ce qui est sûr, c’est qu’on est en face d’un véritable phénomène qui marque un tournant dans les relations entre la télé et la société - La situation au Canada en rend bien compte: - Voir le titre du Journal de Montréal en fin février 2003: « Panique ». - Il ne s’agissait pas d’un événement planétaire catastrophique mais la panique en question relatait le retard d’une heure lors de la diffusion de la première émission quotidienne de téléréalité, comme si« le Québec avait arrêté de respirer parce que TVA avait rencontré un bogue technique». - Autres exemples : - Invitation d’une lofteuse au journal de TVA pour annoncer son recrutement comme chroniqueuse à l’émission « Sucré Salé » - entrevue exclusive accordée par le Grand Journal de TQS à un lofteur évincé - La Une du journal de Montréal: « Nicholas le Chiro craque et entre en contact avec sa famille et son pitou » 1.1. Un phénomène médiatique produit par la convergence? - Voir la tendance de certains médias, ceux du Quebecor par exemple, à privilégier les « nouvelles » relatives aux émissions (et aux vedettes) de leur propre groupe - Convergence: Dans le cas de Quebecor, tous les moyens de communications du groupe (Videotron, clubs vidéo, Journal de Montréal, magazines, 7 jours, Dernière Heure, portails Internet, Archambault) ont été mis à contribution pour assurer la promotion de Star Académie. - Voir la réaction du Président de Quebecor, Péladeau qui affirme sa volonté de faire contribuer tous ses médias au succès de l’émission star Académie. - Voir l’enquête réalisée par le Magazine Le Trente qui a analysé pendant un mois à l’automne 2003 le contenu des quotidiens La Presse et le Journal de Montréal - L’émission Occupation double diffusée sur Tva avait fait l’ objet de 89 articles dans le Journal de Montréal et 2 journalistes pigistes avaient été recrutés juste pour la couverture de cette émission. 1.2 Réactions de la corporation médiatique: entre désolation et fatalisme - Les journalistes sont généralement dans l’embarras. Ils dénoncent en coulisses mais semblent être dans l’impossibilité de réagir et donc obligés de suivre. - Voir la réaction de l’ancienne chef d’antenne au réseau TVA qui dénonce la place privilégiée qu’occupent ces pseudo-nouvelles au détriment de l’info: - « Aucun bulletin de nouvelles de la grille n’échappe au virus. Les rejetés, les ballotés, les académiciens et les lofteurs diplômés sont partout. Et ils passent avant tout. Avant quoi? Avant la guerre, avant la politique, avant la santé, avant l’éducation. Bref, avant les repères pour décortiquer et comprendre notre monde, petit et grand ». - D’un autre côté, le Syndicat des travailleurs de l’information du Journal de Montréal avait dénoncé cette imposition faite au journal - La majorité des articles sur Star Académie auraient du être identifiés en haut de page comme étant de la publicité ou de la promotion au lieu d’être présentés comme des articles journalistiques. - On retombe dans l’éternel débat de la responsabilité journalistique entre ce qui relève de la volonté des professionnels et ce qui relève de la volonté des chefs qui sont d’abord intéressés par la rentabilité financière, l’information passant au second plan. 1.3. Les retombées économiques du traitement médiatique des émissions de téléréalité - Analysant le phénomène, Ignacio Ramonet note que les grands quotidiens nationaux ont consacré à plusieurs reprises leur Une à ces émissions de téléréalité et ont enregistré à ces occasions des records de vente. - Dans ces cas, on peut sans risque de se tromper dire que le mimétisme médiatique a joué et les journaux ont voulu à l’instar de la TV gagner de l’argent, la préoccupation pour l’information utile passant au second plan.. 1.4. La réaction du public face au traitement médiatique des émissions de télé-réalité - Voir le sondage réalisé par la firme Léger Marketing à la demande de la FPJQ en novembre 2003: - 73% des répondants affirment que les médias accordent trop d’importance à la couverture des émissions de téléréalité. - 74% de ces interrogés demandent aussi aux journalistes de faire la différence entre le traitement de ces événements liés à la téléréalité et l’information. - La question: Quelle est la frontière entre information et faits divers? 2. Expression d’un besoin social? 2.1 L’adhésion du public aux émissions de téléréalité - Voir l’émission Loft Story sur M6 : suivie par moment par plus 10 millions de téléspectateurs. - Des événements importants comme le Festival de Cannes ou la finale de la ligue des champions de foot, ont été occultés par la frénésie de Loft Story - Aux USA, l’émission Survivor a été suivie par plus de 50 millions de spectateurs et des chaînes ont même vendu aux enchères les draps de lits et autres objets personnels utilisés par les personnages. - En Australie où a été tournée Survivor 2, des agences de tourisme proposent des visites guidées des lieux de tournage. - Voir Annie Le Brun qui parle d’un « processus de crétinisation générale ralliant les dévots de tous les pays mais aussi de toutes les classes et de tous les âges » - Au Québec: - 3 millions de personnes (moitié de la population du Québec) en arrêt pour regarder Star Académie - 1 million et demi de téléspectateurs dès le début d'Occupation double - 1 million et demi également à la première de Loft Story, en octobre. - Voir le roman de l’écrivain américain Erich Segal Love Story, qui a inspiré l’émission Loft Story : véritable succès de librairie avec plus de 21 millions exemplaires. - Son adaptation au cinéma fut un succès mondial. 2.2. L’attirance des jeunes vers la représentation médiatique: - Se faire voir, c’est se faire valoir. - 38 000 candidats à la sélection des acteurs de Loft Story. 3. Les réactions indignées de certains secteurs avertis - Voir la réaction de l’ancien DG de France 2: Il dit que Loft Story constitue non plus un événement dans la programmation mais une véritable affaire d’État. - Voir aussi, la réaction à l'époque du Président de Arte France qui présente ce type d’émission comme « fascisme rampant » - L'Église aussi condamne ces émissions qui sont pour elle une illustration des errances vers lesquelles peut conduire la recherche débridée du profit. - Voir la réaction de certaines associations et des collectifs de citoyens comme Zalea, Solidarloft, Ligue Communiste révolutionnaire, Forum des jeunes verts etc. qui sont allés manifester devant les locaux de M6 en y déposant des sacs d’ordures. - Au Québec les réactions d’une bloggeuse sont assez illustratifs d’un sentiment général: http://valmel.blogspot.com/ 4. Analyses scientifiques d’un phénomène social au Québec - Estelle Lebel, professeure d'information et de communication: «On dit aux spectateurs qu'ils vont voir de la réalité, mais on leur montre des émissions construites, mises en scène, où les acteurs (beaux et jeunes) ont reçu une formation au moins minimale pour jouer devant la caméra.» - Or, le téléspectateur ne regarde pas de la même façon quelque chose qu'il sait être de la fiction et un fait qu'il croit être vrai. - Marguerite Lavallée, professeure de psychologie: - «Dès le moment où l'on médiatise quelque chose, ce n'est plus la réalité»: "Si l'on accepte de rendre publique son intimité, cela devient un fait social. Or, un fait social qu'on présente comme privé, c'est un leurre.» - Selon Jean-Jacques Simard, professeur de sociologie, le mensonge est qu'on fait subtilement croire aux gens que tout le monde peut avoir «son 15 minutes de gloire», que tous peuvent espérer passer à la télévision un jour et devenir célèbres. - «C'est, bien sûr, totalement faux. Les chances de devenir saint au Moyen-âge étaient plus grandes que de passer à la télévision aujourd'hui! Cela crée donc des attentes absurdes, impossibles à combler. Même les participants aux émissions retourneront vite dans l'obscurité après leur éphémère célébrité.» 5. Les conditions historiques et sociales de l’émergence de ces types d’émission Voyeurisme, exhibitionnisme, surveillance et soumission: - Voir le film de Alfred Hitchcock Rear Window (Fenêtre sur cour),1954. L’auteur se demande si comme le héros du film, tous les hommes ne sont pas des voyeurs: - « Je vous parie que 9 personnes sur 10, si elles voient de l’autre côté de la cour une femme qui se déshabille avant d’aller se coucher, ou simplement un homme qui fait du rangement dans sa chambre, ne pourront pas s’empêcher de regarder. Elles pourraient détourner le regard en disant: «cela ne me concerne pas», elles pourraient fermer leur volet, eh bien ! Elles ne le feront pas, elles s’attarderont pour regarder ». - Ce pronostic est validé par le succès de certaines « émission télé-poubelles » comme le Jerry Springer Show qui a engendré après la diffusion d’une émission titrée « le face à face des maîtresses rivales » l’assassinat par un couple de l’ex femme du mari. - D’autres émissions moins choquantes mais tout aussi voyeuristes connaissent un succès fou comme « C’est mon choix » en France. - Voir aussi des chaînes sur la Câble comme Court TV qui diffuse des procès enregistrés dans les tribunaux des confessions de criminels. - Ce constat amène Umberto Ecco à subdiviser l’histoire de la TV en trois étapes : - 1ere étape : l’arché-télévision avant les années 1980: pour paraître, il fallait avoir d’importants mérites, être habillé en cravates et s’exprimer correctement. - 2e étape: la néo-télévision: avec les années 80 (La cinquième en Italie de Berlusconi) où apparaissent grâce aux jeux télévisés des gens sans mérite particulier, qui s’expriment avec des expressions argotiques: c’est la TV des miroirs qui montre les gens tels qu’ils sont. - 3e étape: la post-télévision avec l’apparition des émissions de téléréalité où des « enfermés volontaires » accèdent à une série télévisée et deviennent des héros de TV, les personnages d’un récit. Conclusion - Est-ce que le conformisme de l’abjection qui envahit le monde entier (Le Monde)? - Est-ce un danger qu’il devienne une justification médiatique pour expliquer le maintien et la multiplication de ce genre d’émissions sous prétexte toujours de répondre aux goûts du public? - Est-ce que les véritables fondements ne sont pas le gain et le profit dans une société de concurrence et de consommation qui transforme les citoyens en consommateurs et les dépolitise à outrance?