Le Sénat et le Régime Impérial: Institutions Romaines PDF

Summary

This document explores the Roman Senate and Imperial Regime, detailing the Senate's composition, functions, and relationship with the emperor. It also describes the evolution of the imperial power, the role of the emperor in creating law, and the administration of the Roman Empire. Finally it touches on the senatorial families and their relationship with governance.

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Le Sénat. Il existe déjà au temps de la royauté. C’est alors une assemblée chargée de conseiller le roi. Ses réunions se tiennent dans un espace sacrée. Il est composé d’anciens magistrats, qui appartiennent presque tous à la nobilitas. Le Sénat est donc l’organe de la nobilitas. Les...

Le Sénat. Il existe déjà au temps de la royauté. C’est alors une assemblée chargée de conseiller le roi. Ses réunions se tiennent dans un espace sacrée. Il est composé d’anciens magistrats, qui appartiennent presque tous à la nobilitas. Le Sénat est donc l’organe de la nobilitas. Les sénateurs, cependant, font preuve d’une grande diversité d’opinion. Lorsque le Sénat se réunit, il n’y a pas d’ordre du jour précis qui restreigne la liberté des sénateurs. Le droit de parole n’est pas limité et certains sénateurs en profitent pour faire de l’obstruction. Le Sénat : - est le gardien des cultes. C’est lui qui décide de l’admission de nouveaux dieux. - Il gère le trésor qui se trouve dans le temple de Saturne, l'un des plus anciens temples romains. Une pièce abrite des documents officiels de l'État et le trésor public. Le temple de Saturne a été choisi car, selon la légende, aucun vol n'aurait été commis à l'époque où Saturne régnait en Italie. De plus, sous son règne, le concept de propriété privée n'existait pas, donc tout ce qui est entreposé dans son temple est considéré comme un bien commun - Il décide des opérations militaires. - Il représente la cité vis-à-vis de l’étranger et reçoit donc les ambassadeurs. - Il contrôle les magistrats. Ceux-ci doivent obéir aux injonctions du Sénat. Le Sénat, avec le peuple mais en fait avant lui (comme le montre la formule senatus populusque romanus) incarne la cité. Le Grec Polybe (210-208 avant Jésus-Christ-Vers 126 avant Jésus-Christ), prisonnier et otage retourné par les Romains, est très intéressé par les institutions romaines. Comme beaucoup d’autres Grecs, il cherche à expliquer les succès de Rome. Pourquoi cette cité parvient-elle à construire un empire ? On peut aussi ajouter que Polybe est favorable à la constitution d’un État universel. De nombreux Grecs sont en fait convaincus que les hommes ont intérêt à vivre sous un pouvoir politique unique (cosmopolitisme). Ce pouvoir peut-il être celui de Rome ? Polybe insère l’étude des institutions romaines dans le cadre d’une théorie générale de l’instabilité fondamentale des régimes politiques, l’anacyclose. Il attribue cette théorie à Platon, ce qui est en partie exact mais il la modifie quelque peu : - Au départ, les hommes se regroupent pour faire face aux difficultés naturelles. Ils suivent alors les plus forts. C’est l’autocratie, règne de la force pure. - Puis apparaissent les notions de bien et de juste. L’autocrate ne peut plus gouverner par la force pure. Il doit respecter et faire respecter la justice. C’est alors la naissance de la royauté. - Mais, si les premiers rois sont bons et simples, ceux qui les suivent ne les valent pas. La dégénérescence de la royauté conduit à la tyrannie. - Le tyran est chassé du pouvoir par des hommes intègres qui instaurent l’aristocratie. - Mais, pour les mêmes raisons qui ont provoqué le déclin de la monarchie, l’aristocratie dégénère en oligarchie. - A nouveau, des hommes intègres renversent le pouvoir et établissent la démocratie. Celle-ci est un bon régime, celui de l’égalité et de la liberté. Mais la démocratie, elle non plus, ne peut pas durer. Des ambitieux dressent les pauvres contre les riches, les luttes sociales et politiques conduisent à l’anarchie (ochlocratie) et s’instaure un gouvernement par la force, donc une autocratie. On est donc revenu au début du cycle. Pour Polybe, cette succession de régimes est inévitable : chaque régime tend à se dégrader et cela ne vient pas de causes extérieures mais de sa nature même. N’y a-t-il donc rien à faire ? En fait, pour Polybe, il est possible d’agir en adoptant une constitution mixte, qui mêle les avantages de la démocratie, de l’aristocratie et de la monarchie. C’est le cas de la constitution romaine dans laquelle on retrouve les éléments de la constitution mixte : - Les consuls représentent l’élément monarchique. - Le Sénat est un pouvoir aristocratique. - Les assemblées du peuple représentent la part démocratique du pouvoir. Il y a donc un équilibre entre les trois pouvoirs. Celui-ci est-il aussi évident que l’écrit Polybe ? En fait, lié aux milieux sénatoriaux, il tend à minimiser quelque peu l’influence du Sénat qui ne souhaite évidemment pas apparaître comme l’élément-clé d’un système oligarchique. Les convulsions de la République : la conjuration de Catilina (63 avant notre ère) Catilina veut s’emparer du pouvoir : il réunit une clientèle formée d’anciens combattants, de jeunes nobles ruinés, de citadins sans travail, de paysans sans terre, d’Italiens mécontents (Étrusques, Gaulois, Capouans). Catilina prétend représenter le peuple. Il affirme que la République est aux mains d’une oligarchie qu’il convient de renverser. Dans la mesure où il ne peut l’emporter par la voie électorale, il se décide au coup d’État. Il parvient à mobiliser jusqu’à 20.000 hommes. Resté à Rome, il arme ses partisans qui doivent assassiner Cicéron pendant que des bandes armées convergeront sur la ville. Cicéron est conscient du danger et engage devant le Sénat une procédure de haute trahison (voir texte de la première catilinaire sur moodle) contre Catilina. Celui-ci quitte alors Rome, laissant entendre qu’il part en exil à Marseille. Il rejoint en réalité ses hommes en Étrurie et se proclame consul. Ses complices restés à Rome sont démasqués : ils sont en effet dénoncés par des Allobroges venus dans cette ville qui avaient été approchés par des conjurés qui souhaitaient les faire participer à leur complot. Que faire des conjurés ? César, qui est alors grand Pontife, donc chef de la religion romaine, plaide la clémence. S’il est très prudent, il est évident qu’il a quelques accointances avec les partisans de Catilina. Cicéron, quant à lui, souhaite un châtiment exemplaire. Il est soutenu par la majorité du Sénat et la sentence de mort est appliquée très rapidement : vixerunt… Quant à Catilina lui-même et à ses troupes, ils sont totalement écrasés. Cicéron triomphe donc mais il s’est attiré la rancune des populares. Ses relations avec César sont également affectées. Le régime impérial Le pouvoir impérial représenté, l’Auguste de la Prima Porta : la statue a été découverte en 1883 dans les ruines d’une villa ayant appartenu à la famille impériale. Ce serait la copie d’une statue en bronze. Auguste est représenté en imperator. Il est en effet vêtu d’une cuirasse. Il porte un paludamentum, c’est-à-dire un manteau militaire. Sur la cuirasse, on voit le roi des Parthes (il porte un pantalon à l’orientale). La statue a été réalisée pour célébrer le retour des aigles (au féminin) perdues par Crassus. Le personnage qui fait face au roi des Parthes est Tibère, le beau-fils d’Auguste. Casqué et cuirassé, il tend le bras pour récupérer l’enseigne. A leurs pieds, la louve romaine. De nombreux dieux sont présents : Tellus, Luna, Apollon, Diane. Une femme est assise à côté de Tibère. Elle représente la Dalmatie ou une partie de l’Espagne qui venait d’être vaincue. La statue est celle d’un homme (elle ressemble à Auguste) et non celle d’un dieu. Mais c’est un homme protégé par les dieux. C’est ainsi que l’amour monté sur un dauphin , qui est au pied de la statue, rappelle que Vénus est l’ancêtre de la gens Iulia La restitution des aigles par les Parthes est une manière d’affirmer que la paix augustéenne est désormais universelle. La présence des dieux doit montrer que cette paix augustéenne convient aux dieux, qu’elle est un élément de la pax deorum. Auguste, qui obtient un succès majeur sans faire la guerre, montre ainsi qu’il est supérieur à un conquérant guerrier. Son existence garantit la paix. Auguste est en fait l’instrument terrestre choisi par les dieux pour ramener l’âge d’or dans l’univers. Octave (63 avant Jésus-Christ-14 après Jésus-Christ), victorieux à l’issue des guerres civiles, fonde un nouveau régime. La nature du nouveau régime n’est cependant pas claire. Octave n’a pas voulu rompre de façon trop nette avec les pratiques républicaines. César était mort parce que son régime prenait trop clairement des allures monarchiques (odium regni). Octave se présente donc non pas en monarque mais en restaurateur de la république. De là découle une certaine ambiguïté. Volontairement, Octave mêle traditions et nouveautés. Les sources officielles insistent sur la restauration républicaine. Les Grecs, plus éloignés du pouvoir, (- estiment que le pouvoir impérial est de nature monarchique. Au dix-neuvième siècle, l’historien allemand Theodor Mommsen (1817-1903) estime que l’empereur reste un magistrat républicain : c’était le premier magistrat de l’Empire, ce qui était la signification du titre de princeps. Mommsen a donc donné au nouveau régime le nom de principat. Ce n’est que progressivement, et surtout après les Antonins, que l’Empire serait devenu un dominat : l’empereur cesse d’être le premier des magistrats pour devenir un maître (dominus). On a pu estimer que le Haut-Empire prolongeait la République et qualifier la période qui va d’Auguste aux Sévères de seconde république. Tout cela est séduisant mais n’est pas très convaincant. Très rapidement, le pouvoir impérial prend clairement des formes autoritaires. Mais, pour éviter une réaction trop vive du Sénat, Auguste évite de donner une forme juridique trop précise au nouveau régime. Le pouvoir impérial n’a donc pas une base très claire mais correspond plutôt à l’accumulation de pouvoirs divers. L’autorité impériale, par ailleurs, ne cesse de s’affirmer après Auguste. Elle repose sur un certain nombre de fondements juridiques. - L’imperium désigne toujours le commandement militaire mais il est désormais total et sans limitation de temps. Contrairement aux anciens magistrats, il n’est pas nécessaire pour l’empereur de renouveler périodiquement son imperium. L’imperium lui est confié une fois pour toutes au début de son règne. - L’empereur dispose aussi de la puissance tribunicienne qui est détachée du tribunat. Octave étant patricien, il ne peut en effet être tribun. La puissance tribunicienne, assez mal définie, revêt une importance considérable : elle est renouvelée automatiquement chaque année et c’est par leur puissance tribunicienne que les empereurs comptent leurs années de règne. - Le prince jouit aussi de l’auctoritas. L’auctoritas principis n’est, elle non plus, pas très clairement définie. Elle est liée au prestige du chef, correspond à son charisme. Le pouvoir impérial est précisé par les titulatures. - Le prince est un chef militaire victorieux, imperator. Ce titre finit par prendre le sens d’empereur. - L’empereur porte aussi les noms de Caesar et d’Augustus, au début cognomina des fondateurs du régime puis titres officiels. - La titulature indique aussi le nom de l’empereur et sa filiation. - Le nombre de puissances tribuniciennes est mentionné, éventuellement celui des consulats. - Elle se termine par un certain nombre de qualificatifs, en particulier père de la patrie. Se développe par ailleurs le culte impérial. César est déjà divinisé après son assassinat : il est divus et intègre donc les dieux de la cité. Le culte impérial se développe avec Auguste. Tibère institue le culte de son prédécesseur divinisé : Divus Augustus. Par la suite, la divinisation devient plus ou moins la règle (sauf pour les empereurs qui sont considérés comme mauvais ou tyranniques). Cela permet à Vespasien de faire preuve d’humour noir : se sentant mourir, il déclare sentir qu’il est en train de devenir un dieu ! Les attributions de l’empereur. - Il détient le commandement suprême et parfois effectif de l’armée. Il décide de la guerre et négocie les traités. L’empereur doit être un général victorieux, ce qui est problématique pour un Caligula ou un Néron. Claude résout le problème par l’invasion de la Bretagne (l’actuelle Grande-Bretagne). - En tant que censeur, l’empereur contrôle le personnel politique. - Ses services personnels s’occupent des grands services publics. - Ses représentants gèrent les provinces impériales. L’empereur intervient aussi quand c’est nécessaire dans les provinces sénatoriales. - Grand pontife, il est le chef de la religion romaine. - Il faut par ailleurs préciser que la séparation entre les finances de l’empereur et celles de l’État est très imparfaite. Il en résulte une fragilité financière évidente, d’autant que l’empereur est supposé donner et même donner beaucoup : les Romains veulent des spectacles et l’empereur doit fournir de l’aide, par exemple pour la reconstruction de cités détruites par des catastrophes. D’où la tentation de dépenser le moins possible (comme Tibère mais ce n’est pas très populaire) ou de recourir à des moyens financiers peu orthodoxes (confiscations). Dès l’époque d’Auguste, le prince est le premier premier propriétaire de l’Empire. Il détient des résidences urbaines, des domaines agricoles, des carrières, des salines, des briqueteries. Autour de Rome, les briqueteries sont ainsi une source de revenus non négligeable près du chantier perpétuel qu’est la capitale. L’empereur possède aussi des mines en Norique ou en Ibérie. Ces propriétés s’agrandissent au fil des conquêtes, des héritages, des confiscations précédemment mentionnées : les guerres civiles sont ainsi souvent suivies de vagues de confiscations. Même en l’absence d’une condamnation, il est préférable pour un grand propriétaire de léguer une partie de ses biens à l’empereur afin de garantir la transmission du reste aux autres héritiers. C’est en quelque sorte une forme hétérodoxe d’impôt sur les successions ! - L’empereur exerce par ailleurs un pouvoir judiciaire. Ses bases ne sont pas claires. Auguste et Tibère ne revendiquent pas une large compétence dans ce domaine. De toute façon, ils contrôlent toutes les instances judiciaires et en particulier le Sénat. Ceci étant, en tant que chef de l’armée, l’empereur est en charge de la justice militaire. Il dispose d’autre part de la renunciatio amicitiae, la rupture de l’amitié, signifiée publiquement à ceux qui lui déplaisent, et qui peut conduire au suicide. En pratique, la compétence judiciaire de l’empereur ne cesse de se développer. - Il faut sans doute insister sur le fait que l’empereur, de plus en plus, est le créateur du droit. Ce rôle est théorisé par le juriste Ulpien (vers 170- 223) : quod principi placuit legis habet vigorem (ce qui plaît au prince a force de loi). L’empereur finit par être considéré comme une loi vivante (lex animata). Les textes (édits, pragmatiques sanctions, décrets, rescrits, mandats) sont très variés et tendent à se multiplier avec le temps (alors que les lois étaient peu nombreuses sous la République : à peine 800 au cours des 5 siècles du régime républicain !). Il devient donc nécessaire de compiler ces textes. La plus célèbre de ces compilations est le code Justinien, qui a deux éditions, l’une en 529 et l’autre en 534. Il réunit des textes impériaux qui ont été promulgués entre le IIe et le début du VIe siècle. Le fait que l’empereur constitue une loi vivante pose bien sûr une question : est-il soumis au droit ? les juristes sont divisés : pour les uns (à nouveau Ulpien), Princeps legibus solutus est (le prince n’est pas tenu par les lois). D’autres estiment cependant que l’empereur est assujetti à la loi par une obligation morale. Le pouvoir impérial semble (mais c’est avant tout théorique) pencher pour la deuxième interprétation : si l’empereur ne respecte pas les règles en vigueur (donc celles qu’il a lui-même édictées ou que ses prédécesseurs ont édictées), il affaiblit en effet sa propre autorité. Il faut cependant préciser que la domination impériale sur le droit n’a jamais été totale, et ce pour deux raisons : a) la conception romaine du droit est jus naturaliste. Le droit n’est pas seulement défini par son contenu (c’est-à-dire un ensemble de règles : lois, décrets, etc.) mais par son objectif, c’est-à-dire la justice : le droit, pour les juristes romains, c’est ce qui est juste, la justice étant le fait d’attribuer à chacun ce qui doit lui revenir. Pour y parvenir, le juge s’appuie bien sûr sur le droit positif (les lois) mais ce droit peut être lacunaire (tout n’a pas nécessairement été prévu par le législateur) et même, ce qui est beaucoup plus gênant, injuste. Les juristes doivent alors se tourner vers le droit naturel, la nature étant la source ultime de la justice. Le droit naturel peut donc suppléer au droit positif. Autre conséquence de l’importance de la nature, le droit positif doit être conforme au droit naturel. Une loi contraire au droit naturel ne serait pas juste. En conséquence, ce ne serait pas une vraie loi. Les Romains rejettent donc le positivisme juridique. b) Si la loi est la principale source juridique, elle ne supprime pas pour autant la coutume. Celle-ci peut être définie comme un usage juridique oral, consacré par le temps et accepté par la population d’un territoire déterminé. Pour les juristes, deux conditions majeures doivent être remplies pour que la coutume soit considérée comme acceptable : le consentement de la population concernée et son caractère raisonnable. Pour les Romains, la coutume peut compléter la loi, la confirmer, ou, ce qui est plus gênant, aller à l’encontre de la loi. À la fin de l’Empire, les Romains ont tendance à considérer que la coutume est aussi valable que la loi et peut même triompher de la loi. Cela, évidemment, ne simplifie pas le cadre légal. Les collaborateurs de l’empereur L’Empire est d’abord administré comme un grand domaine par le personnel domestique d’esclaves ou d’affranchis dont dispose l’empereur. Progressivement, des services se sont organisés et les chevaliers ont joué un rôle croissant. Il faut distinguer le conseil, les bureaux et les fonctionnaires. 1) Le conseil est à l’origine un groupe d’amis, de familiers, qui entourent l’empereur. Ce conseil n’a ni régularité ni compétences précises. Son rôle ne cesse cependant de progresser et on y trouve de plus en plus de spécialistes, de hauts fonctionnaires, de juristes. 2) Les bureaux. Ils gèrent les questions financières, la correspondance, les instructions aux gouverneurs, les requêtes adressées à l’empereur sur des questions administratives ou privées, procèdent aux enquêtes nécessaires pour l’empereur. Être empereur est un métier de représentation. Il est probable que l’empereur ait côtoyé des centaines de personnes tous les jours. D’où probablement une tension permanente, mal supportée par certains, en particulier par ceux qui arrivent jeunes au pouvoir comme Caligula. Cela peut d’ailleurs aussi affecter des empereurs plus âgés : on peut penser à Tibère, d’où son retrait à Capri, qui fait beaucoup pour sa mauvaise réputation. La résidence privilégiée des empereurs est longtemps le Palatin, c’est-à-dire la colline qui surplombe le forum. Auguste et Livie vivent d’abord dans un ensemble de maisons, pas très loin de la cabane attribuée à Romulus. Le mot palais dérive donc de Palatin. Les résidences impériales connaissent une croissance progressive, surtout opérée par Néron, qui construit la Domus aurea, un gigantesque palais doté de mécanismes très sophistiqués, par exemple une salle à manger entraînée par un mécanisme hydraulique qui lui permet de tourner sur elle- même. Le Sénat Il conserve certaines prérogatives, mais sous le contrôle de l’empereur. Dans ces conditions, le rôle du Sénat peut sembler problématique. Il faut cependant remarquer que les empereurs, même les plus tyranniques, l’ont conservé. Le Sénat apparaît en fait comme l’incarnation des traditions romaines et, en temps de crise, le représentant des intérêts permanents de Rome. On a pu s’interroger sur la continuité du Sénat. Il est vrai que les familles sénatoriales se renouvellent (en raison d’une faible natalité ?). Mais ce renouvellement semble de l’ordre de 30% par génération. S’il n’est pas négligeable, il n’empêche donc pas la persistance au Sénat des idéaux traditionnels de l’aristocratie romaine. Auguste a fixé à 600 le nombre des sénateurs. Ce sont d’anciens magistrats. L’empereur contrôle l’accès au Sénat puisqu’il intervient dans le choix des magistrats. Il peut aussi introduire au Sénat une personne de son choix. Il procède enfin tous les ans à la révision de la liste des sénateurs, ce qui lui permet d’exclure ceux qui lui déplaisent. Le Sénat s’ouvre progressivement aux éléments qui ne sont pas originaires de Rome. Le poids des Italiens explique en partie le succès des Flaviens. Le poids des Espagnols et des Gaulois du Sud, celui des Antonins. Le poids des Africains et des Orientaux celui des Sévères. Le Sénat, dans une certaine mesure, a su devenir une véritable assemblée impériale. Les attributions du Sénat La plupart des mesures prises par le Sénat répondent bien sûr aux souhaits de l’empereur. - Le Sénat conserve, au moins théoriquement, la haute main sur les affaires religieuses. - Son rôle judiciaire est important pendant les deux premiers siècles. Le Sénat s’occupe de procès politiques (lèse-majesté) et parfois de droit commun. - Le Sénat conserve des attributions financières mais elles sont de plus en plus réduites. En fait, il finit surtout par s’occuper des finances de la ville de Rome. - Le Sénat nomme des proconsuls dans les provinces sénatoriales. Les magistratures Elles subsistent mais perdent beaucoup de leur importance. Il est possible de prendre l’exemple du consulat : il continue à exister et il y a toujours deux consuls. Ils s’occupent d’un certain nombre de tâches juridiques (ils se chargent ainsi des tutelles). Par ailleurs, ils convoquent et président le Sénat. Le prestige de la fonction reste grand et les empereurs ne dédaignent pas d’occuper le consulat à plusieurs reprises pendant leur règne. Pour honorer un plus grand nombre de leurs familiers, l’empereur prend l’habitude de ne laisser en fonction que quelques mois les consuls du début de l’année et de les remplacer pour la suite de l’année par d’autres consuls. Que fait donc un sénateur sous l’Empire ? L’exemple de la carrière de Tiberius Plautius Silvanus Aelianus. Cette carrière nous est connue grâce à un document épigraphique. Il s’agit d’une inscription en marbre qui a été trouvée près de l’actuelle Tivoli (l’antique Tibur) à une vingtaine de kilomètres de Rome dans le mausolée de la famille des Plautii. Tiberius Plautius Silvanus est né vers 10 après Jésus-Christ. Il a dû mourir entre 74 et 79. C’est le fils ou le petit-fils adoptif d’un proche d’Auguste et de Livie. Une des femmes de sa famille est d’ailleurs un temps mariée à l’empereur Claude. Sa carrière commence sous les Julio-Claudiens et se termine sous les Flaviens. Il commence par une série de fonctions à Rome et est chargé de la frappe des monnaies dans les années 30, à la fin du principat de Tibère. Il devient ensuite questeur de cet empereur et lit donc au Sénat les propositions faites par le prince. C’est une lourde responsabilité puisque le prince est alors retiré à Capri. Elle le fait rentrer au Sénat. Il est probablement choisi par Caligula pour commander une légion en Germanie. Il revient à Rome où il exerce la préture urbaine, c’est-à-dire qu’il est chargé des procès entre citoyens. Puis il accompagne Claude en Bretagne (l’actuelle Angleterre) pendant la conquête de cette île. En 45, il est consul. Avoir exercé le consulat lui permet d’être gouverneur de la province d’Asie à la fin du règne de Claude ou au début de celui de Néron, puis gouverneur de la Mésie. Il est nommé gouverneur de la Tarraconaise par l’empereur Vespasien mais, alors qu’il est en route vers l’Espagne, il est nommé préfet de la ville de Rome et s’occupe du maintien de l’ordre à Rome jusqu’à son décès. Il exerce aussi des fonctions religieuses et il est ainsi chargé de la consécration de l’espace du temple de Jupiter capitolin en vue de sa reconstruction. Il fait par ailleurs partie d’une confrérie chargée de rendre un culte à Auguste. On voit que cette carrière mêle étroitement fonctions civiles et militaires. Tiberius Plautius Silvanus sait par ailleurs jouir de la confiance des Julio-Claudiens mais aussi du premier Flavien, Vespasien. Le changement de dynastie n’affecte donc pas sa position au cœur de l’État. Il obtient même, sous Vespasien, l’honneur d’un second consulat. Son exemple montre comment les empereurs associent les sénateurs à la gestion de l’Empire, mais en les maintenant évidemment sous leur tutelle.