Summary

This document is the chapter 5 from a personal memoir. The author is recounting a trip to Congo to bury their mother. The chapter details the events leading up to the trip, and the author's feelings related to the death of their mother. The chapter also touches on experiences, feelings, and the author's life

Full Transcript

Chapitre 5 Oui, je n9ai pas vu mon pays et mon village depuis dix ans. Et maintenant, j\'y allais pour enterrer ma mére. Dans I9avion qui me rame- nait au Congo-Brazzaville, j\'étais en train de réver en regardant la photo de ma mére que javais dans mes mains. J9ai remis doucement la photo da...

Chapitre 5 Oui, je n9ai pas vu mon pays et mon village depuis dix ans. Et maintenant, j\'y allais pour enterrer ma mére. Dans I9avion qui me rame- nait au Congo-Brazzaville, j\'étais en train de réver en regardant la photo de ma mére que javais dans mes mains. J9ai remis doucement la photo dans la poche de ma veste. J9ai essayé de ne plus penser 4 cet événement, aux funé- railles qui m9attendaient dans notre village. Je n9ai pas pu dormir. J9ai pris un journal. Je Vai refermé tout de suite. Je me suis souvenu du jour ov j\'ai appris que ma mére était morte\... C9est mon oncle maternel qui m9a annoncé au téléphone que ma mére venait de quitter ce monde. Pour me téléphoner, il avait pris le train et était allé jusqu9a Pointe-Noire. Au village, il n9y a pas de téléphone. Il a demandé aux Ser- vices des renseignements internationaux de la poste mon numéro de téléphone. J9étais trés surpris de l9entendre. Et, il m9a parlé. Il a dit que ma mére avait courageusement lutté contre une longue mala- die et qu9elle n9avait pas voulu que je sois au courant de son hospitalisation, pour ne pas me causer de la peine. Apres un long silence, j\'ai dit que ce n9était pas possible, que ma mére ne pouvait pas mourir comme ca. Elle était encore jeune. C\'est vrai que je n9ai jamais su son age. A l9époque ow elle était née, il n9y avait aucun bureau qui notait les naissances. Les hommes et les femmes de ces années-la n9ont pas d9acte de naissance. Pour savoir leur age, il faut se rappeler les événements qui se sont passés le jour de leur naissance. Ainsi, ma mére me disait qu9elle était née le jour ot on avait vu pour la premiére fois des Blancs dans notre village. C9étaient des reli- gieux qui venaient parler de Dieu aux habi- tants de Louboulou. Seuls les vieux peuvent se souvenir encore de ce jour-la. Quelques années plus tard, quand ona instal- lé un bureau pour enregistrer les naissances et les morts du village, on a demandé 4 tout le monde de venir s9inscrire pour avoir un acte de naissance. Ce sont les Francais qui ont donné a chaque villageois un 4ge. Ils ont regardé tout le monde de trés prés. Ils ont mesuré la taille de 26 chacun. Ils ont compté leur nombre de dents. Ils ont touché leurs muscles pour voir s9ils étaient durs ou mous. Ils ont dit que les jeunes avaient des muscles durs et les vieux des muscles mous. A la fin, ces Francais ont décidé de Tåge qwils donnaient aux habitants. Pour ma meére, ils ont dit qu9elle était née vers 1932 ! Je suis sår qu9il y a eu beaucoup d9erreurs en ce temps-la. Ma mére était toujours jeune mal- gré les années qui passaient. Je ne me rappelle pas avoir vu un seul cheveu blanc sur sa téte. C9est pour cela que je n9ai pas voulu croire a sa mort que mon oncle m9annongait\... Lorsqu9il m9a téléphoné, mon oncle a eu du mal 4 m9apprendre la nouvelle. Il a beaucoup hésité. Il s9est demandé ce que serait ma réac- tion. Ila dit « Alld » plusieurs fois. Je n9ai pas répondu. J9ai raccroché brusquement le téléphone. Jai eu 8impression que tout sur Terre s9était arrété, que la nuit était brusquement tombée autour de moi. Je suis resté debout, le regard baissé. J9ai toujours pensé, jusqu9a ce jour de malheur, que tout le monde pouvait mourir, sauf ma mére. La mort ne pouvait jamais venir la prendre. Mon oncle a donc téléphoné une deuxiéme fois et m9a dit: 4 Garde ton calme, Michel, nous\'nous occu- pons de tout. Je ne Vai pas écouté. II m9a informé qu9on mattendait au Congo-Brazzaville, dans notre village, pour l9enterrement. Tous les villageois ont donné un peu d9argent pour me payer le voyage qui cotte træs cher. Je n9avais plus qu9a aller récupérer mon billet d9avion å la compa- gnie aérienne Air Afrique, å Paris, sur l9Avenue des Champs-Elysées. Un jour avant mon départ au Congo, je suis allé å 9 Avenue des Champs-Elysées pour reti- rer le billet d9avion. J8avais quelques ¬conomies å la banque, je pouvais moi-méme acheter ce billet, mais dans notre pays on aide toujours celui qui vient d9avoir un malheur. Il ne faut pas refuser cette aide. Jai retiré mon billet d9avion a l9agence de voyages. Le départ était prévu a vingt-deux heures, l9arrivée au Congo, å cing heures du matin. Je suis retourné å la maison, dans ma petite chambre du quatorziéme arrondissement de Paris. J8ai préparé mes affaires dans un sac de voyage. Je n9ai pas oublié de prendre la photo de ma mére avec moi. Marie-Jeanne, ma petite amie, n9a pas pu m9accompagner 4 \|9aéroport, elle travaillait ce soir-la dans un restaurant. Elle m9a appelé avant pour me souhaiter un bon voyage et beaucoup de courage. Je suis arrivé trés tét a V9aéroport Roissy Charles-de-Gaulle. Je n9ai méme pas remarqué les gens qui allaient et qui venaient. Je n9ai pas écouté le bruit des voyageurs qui devaient prendre le méme avion que moi. Je n9ai pensé qu9a ma mére. Chaque fois que jai vu une femme noire habillée avec des vétements afri- cains, mon cceur s9est mis a battre trés fort. Je me disais que cette femme pouvait tre ma mere. Et je fermais les yeux. Lheure du départ de l9avion était arrivée. Les gens s9embrassaient. Ils se disaient au revoir. Moi je suis resté lå, seul: Je me suis levé. J9ai regardé 4 droite comme si jattendais quelqu9un. Et j\'ai vu que j9étais tou- jours seul. J\'ai pris mon petit sac et je me suis avancé pour m9aligner derriére d9autres voyageurs. On a contrélé mes papiers et mon billet. On 29 m9a dit de changer mon passeport a mon retour en France. I allait bient6t étre périmé. Jai dit aux agents que jallais au Congo pour enterrer ma mére. Ils ont trouvé cela normal, ils ne m9ont rien dit. Je suis enfin passé et jai suivi un long cou- loir pour arriver jusqu9a l9avion. Des hétesses mont accueilli en souriant. J9ai aussi souri, car ce n9était pas de leur faute si ma mere r\'était plus vivante. On dit dans mon vil- lage qwil ne faut pas montrer å tout le monde qu9on est malheureux. Il faut cacher sa peine. Une hétesse m9a montré mon siége prés de la fenétre. A cdté de moi, je n9ai vu personne. Peut-étre qu9un voyageur n9a pas pu étre a Y\'aéroport a temps. Je me suis assis avec mon sac sur les genoux. J8ai encore sorti la photo de ma mére pour la regarder. C9était une ancienne photo. J9aimais bien, sur cette photo, son sourire et ses cheveux tirés en arriére. J9aimais aussi ses yeux ronds et noirs. Ma mére m9a donné cette photo il y a dix ans quand je partais pour la France. Elle m9a dit ce jour-la de ne pas oublier de l9\'agrandir. Mais je ne Vai pas agrandie. Je l\'ai gardée comme elle me l9a donnée. Je me disais qu9en Yagrandissant, la photo ne serait plus la méme. Je ne verrais plus les mémes traits de ma mere. 30 Vai remis la photo dans ma poche et jai pris le journal. Je n9ai pas pu le lire. Lavion a décollé et a quitté la France pour Afrique\...

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