Procédure Pénale (Semestre n°1) PDF
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Adrien Laf laquière
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This document is a course outline on French criminal procedure (Semestre n°1), focusing on the legal aspects of criminal evidence. It explores the theoretical and practical aspects of criminal proofs, referencing various legal texts and case studies.
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Procédure Pénale Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage Introduction : Ce cours sera centré sur la preuve pénale. La preuve pénale est un sujet très intéressant parce qu’on fait beaucoup de procédure...
Procédure Pénale Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage Introduction : Ce cours sera centré sur la preuve pénale. La preuve pénale est un sujet très intéressant parce qu’on fait beaucoup de procédures, mais pas seulement. Le droit substantiel et la procédure sont liés, et cette question englobe assez bien les deux. C’est également un sujet intéressant, car même si on pourrait le développer uniquement de manière théorique, ses applications pratiques se révèlent intéressantes. Enfin, la question de la preuve pénale se trouve au cœur du procès pénal et quand on travaille sur la preuve pénale, on peut évoquer aussi bien le début du processus (enquête) que la fin de celui-ci (procès). La preuve pénale va se construire tout au long du procès pénal, on va donc parler aussi bien de la phase d’enquête, que de la phase de jugement et celle de l’instruction. C’est un sujet qui se renouvelle également particulièrement souvent. Existe-t-il une théorie générale de la preuve en matière pénale ? La réponse semble être non dès lors qu’elle n’est pas présentée comme tel en droit civil. On trouve des règles en matière de preuve pénale à l’article 427 du Code de procédure pénale qui parle de la liberté de la preuve et du principe de l’intime conviction “Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction (...)”. L’article 353 du Code de procédure pénale évoque également ses règles de preuve, mais pour les crimes et non pour les délits “Avant que la cour d'assises se retire, le président donne lecture de l'instruction suivante, qui est, en outre, affichée en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations : Sous réserve de l'exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont fait, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ?”. Les règles sont identiques pourtant, mais semblent être séparées dans le code. Cet article a été rédigé par Merlin de Douai. Dès lors qu’il n’y a pas de texte général, on pourrait être tenté de dire qu’il n’y a pas de théorie générale sur la preuve. Ses lacunes que l’on constate du côté du législateur national ne sont pas comblées par les textes prévus au niveau européen. La CEDH refuse de s’occuper de certaines questions en matière de preuve comme dans l’arrêt CEDH Khan c. Royaume-Uni du 12 mai 2000 où elle affirme “Si l'article 6 garantit le droit à un procès équitable, il ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui dès lors relève au premier chef du droit interne (...)”. Elle l’avait déjà affirmé dans l’arrêt CEDH Schenk c. Suisse du 6 mars 1986. L’admissibilité de la preuve ne relève que du droit national. Elle poursuit “il n’appartient pas à la Cour de se prononcer par principe sur la recevabilité de certaines sortes d’éléments de preuve”. Elle ne s’occupe pas de 2 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage l’admissibilité des preuves ni sur leur recevabilité. Elle explique son rôle “il y a lieu d’examiner si la procédure y compris la manière dont les éléments de preuve ont été obtenus, fut équitable en son ensemble”. Elle ne va donc pas chercher d’éléments sur la recevabilité d’éléments de preuve. On trouve deux textes relatifs aux preuves électroniques. Le règlement (UE) 2023/1543 du 12 juillet 2023 complété par une directive n°2023-1544 qui vient compléter le dispositif. Ces textes ne sont pas encore applicables, ils seront effectifs le 17 août 2026. Le législateur européen par les règlements ou les directives crée de la législation et des règles qui se rapportent à la preuve pour faciliter le recueil et l’exploitation de celles-ci. On a quand même une unité du régime de la preuve pénale, elle-même soumise à une unité de régimes. Il va donc falloir répondre à plusieurs questions : Qui doit prouver ? Que doit-on prouver ? Comment prouve-t-on ? C’est en répondant à toutes ses questions que l’on va voir apparaître un certain nombre de principes qui vont régir cette preuve. On va donc devoir expliquer tous les principes. I) Qui doit prouver ? A)Qui à la charge de la preuve ? En principe, il s’agit du ministère public qui vise à la défense de l’intérêt général. Il joue le rôle de demandeur à l’action dans l’exercice de l’action publique. Il dispose de la possibilité d’engager les poursuites, mais si la victime déclenche l’action publique, il n’a pas d’autre choix que de poursuivre. Il y a donc des situations dans lesquelles le procureur est contraint d’exercer l’action publique. La présomption d’innocence protège également la victime qui n’a alors rien à prouver. On pourrait affirmer qu’il n’y a pas de différence entre le mécanisme probatoire du procès civil et celui du procès pénal. C’est évidemment faux dès lors que des particularités les distinguent. Dans le procès pénal, une inégalité fondamentale existe entre le demandeur et le défendeur. Le procureur dispose d’une grande force d’enquête face à un particulier qui se trouve être incriminé. L’aspect égalitaire est tout de même beaucoup plus respecté en civil. La Cour de cassation a affirmé ainsi dans un arrêt Cass du 1ᵉʳ mars 2017 “dès lors que la parole du ministère public à l’audience est libre et que partie au procès, il est indépendant dans l’exercice de ses fonctions et à le droit de dire tout ce qu’il croit convenable pour le bien de la justice”. On trouve également d’autres règles qui démontrent la spécificité de la procédure pénale. La règle in dubio pro reo signifie que le doute profite à l’accusé. La règle de la présomption d’innocence n’est pas qu’une règle probatoire et se trouve être un véritable droit subjectif. C’est par ailleurs une liberté fondamentale. C’est sans doute la garantie 3 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage essentielle pour la personne poursuivie, c’est parce qu’elle est poursuivie qu’elle va disposer de droits de la défense. On trouve également des présomptions de culpabilité qui sont admises de manière générale par le droit européen. B)Quel est le rôle du juge dans la recherche des preuves ? Le juge pénal est un juge plus actif dans la recherche de la preuve que le juge civil. Le procureur de la République dirige l’enquête et le juge d’instruction également, tous deux recueillent les preuves. L’article 146 du Code de procédure civile évoque les mesures d’instruction qui peuvent être ordonnées par le juge si les éléments de preuve amenés par les parties sont insuffisants. Le juge dans certains cas dispose d’un rôle actif. La juridiction de jugement peut de plus être amenée à rechercher des preuves (si un examen des lieux complémentaire peut être demandé au moment de la phase de jugement). Le rôle actif dans la recherche des preuves du juge pénal ne s’arrête pas avec la phase de l'instruction, il se poursuit devant la juridiction de jugement. Si le juge estime que les preuves apportées sont incomplètes et que les débats démontrent des lacunes dans les recherches, il va être nécessaire de procéder à des recherches complémentaires. Le juge pénal possède vraiment un rôle actif dans la recherche des preuves. Il y a quand même des évolutions dans ce domaine parce que l’office du juge évolue, le législateur est venu introduire des mécanismes qui ne relevaient pas au départ de notre tradition judiciaire et qui ont été importés. La procédure de CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) est un accord entre l’auteur des faits et le ministère public pour laquelle la question de la preuve est évacuée puisque la personne va reconnaître les faits. C’est un mécanisme particulier qui s’est trouvé beaucoup contesté au départ, mais plus complètement désormais. L’office du juge du siège est considérablement réduit de ce fait dès lors qu’il ne fait qu'homologuer l’accord obtenu. Le juge du siège s’efface donc. La physionomie du procès change avec un rôle principal du parquet, un juge du siège qui concrètement ne juge rien. Le procureur de la République possède des missions à l’article 39-3, alinéa 2 du Code de procédure pénale “Il veille à ce que les investigations tendent à la manifestation de la vérité et qu’elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée”. L’article 31 du Code de procédure pénale pose l’impartialité du procureur de la République. Il n’est pour autant pas indépendant. Le procureur n’est pas indépendant du pouvoir exécutif malgré le fait que le Conseil constitutionnel soutient le contraire. Pourtant, le parquet doit respecter la politique pénale du pays transmise par le Garde des Sceaux. Le parquet n’est pas fatalement indépendant, le législateur multiplie l’office du procureur de la République. 4 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage Dans le cadre de certaines transactions prévues par l’article 44-1 du Code de procédure pénale, certaines contraventions sont traitées et constatées par la police municipale “Le maire peut proposer au contrevenant une transaction consistant à la réparation du préjudice”. Le plus étrange étant le second alinéa “La transaction proposée par le maire et acceptée par le contrevenant doit être homologuée par le procureur de la République”. Le législateur donne pouvoir au procureur d’homologuer alors que dans le même temps s’agissant de la composition pénale prévue à l’article 41-2 du Code de procédure pénale il n’exige aucune homologation ! Elle concerne certaines infractions, la personne doit avoir avoué les faits, et le procureur proposer une peine qui soit acceptée par l’auteur des faits. Dans certaines conditions, l’homologation du juge du siège n’est pas nécessaire. II) Que doit-on prouver ? Il s’agit évidemment de prouver des faits, mais également parvenir à relier ses faits à l’auteur de l’infraction afin d’aborder des questions comme la question de la preuve scientifique. III) Comment prouver ? C’est le principe de légalité de la preuve ainsi que le principe de liberté. On remarque tout de suite que le principe de liberté se trouve cloisonné dans le principe de légalité. Le principe de liberté est inscrit à l’article 427 du Code de procédure pénale et implique que tous les modes de preuves sont recevables. On ne trouve pas de hiérarchie dans les modes de preuve, ils disposent tous de la même valeur et donc l’aveu n’est pas une preuve plus importante qu’une autre. Enfin même si la loi prévoit un mode de preuve spécifique, il est possible d’en utiliser un autre tant que la loi ne l’interdit pas. Le principe de légalité implique qu’il faut respecter les règles inscrites dans le Code de procédure pénale. Son objectif est de préserver l’État de droit. Les actes pour être valables doivent respecter ses obligations de légalité, il découle de celle-ci le respect de la dignité de la personne, le respect de la vie privée. On trouve ses expressions dans l’article préliminaire du Code de procédure pénale. Le principe de loyauté ne se trouve pas dans les textes. Ses principes s’appliquent majoritairement à tous les stades du procès. La procédure pénale est un exercice d’équilibre souvent entre deux grands principes qui se trouvent ainsi confrontés. On retrouve cette difficulté lorsqu’on parle de la preuve. C’est par le système de l’intime conviction que le juge apprécie souverainement les preuves sans hiérarchisation de celles-ci. L’intime conviction, c'est se forger une opinion à partir des pièces du dossier contradictoirement discutées. On voit l’office du juge dans sa plénitude, mais la liberté du juge n’est pas totale. C’est auparavant le système des preuves légales avant le Révolution, mais une pratique de cour a voulu que l’on passe de ce système à l’intime conviction. 5 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage On trouve dans les limitations possibles à l’intime conviction : la motivation des décisions, l’exercice de voies de recours, la collégialité, le principe du contradictoire. Même en 2024, ce principe de l’intime conviction n’est pas absolu et il existe des hypothèses où des exceptions qui sont des reliquats de l’ancien système des preuves légales. Titre n°1 : La charge de la preuve Chapitre n°1 : La présomption d’innocence comme dispense de preuve Lorsqu’on parle de présomption, c’est pour évoquer les questions de preuve. L’ancien article du Code civil expliquait que les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu ou inconnu. Aujourd’hui cette formule a disparu et la définition qui était retenue de la présomption se trouve très proche de celle posée par Jean Domat. Dès l’instant où l’on emploie le mot présomption cela marque le fait que l’on soit sur le terrain de la preuve. Il s’agit d’une présomption simple qu’il est possible de faire tomber en présentant des preuves. Section n°1 : L’origine et le domaine d’application de la présomption d’innocence Cette présomption d’innocence remonte à la procédure inquisitoire telle que conçue au XIIIᵉ siècle. En réalité dans cette procédure médiévale, il y avait l’obligation qui était faite envers celui qui était chargé d’instruire le dossier de rapporter la preuve de l’infraction. Tant que cette preuve n’était pas dans le dossier, on ne pouvait pas saisir la juridiction de jugement. Ce mécanisme constituait déjà la présomption d’innocence. En droit anglais, la culpabilité de l’accusé doit être établie en dehors de tout doute raisonnable, ce qui est l’équivalent de l’intime conviction. En procédure civile, le critère est celui de la plus forte probabilité. L’arrêt CEDH Hassan c. Royaume-Uni du 16 septembre 2014 dans lequel la Cour affirme “La Cour retient la preuve au-delà de tout doute raisonnable. Elle n'emprunte pas la démarche des ordres juridiques nationaux (...) il lui incombe de statuer non sur la preuve de la culpabilité en vertu du droit pénal, mais sur la responsabilité des états contractants au regard de la convention”. Dans l’arrêt CEDH Thaïs c. France du 1ᵉʳ juin 2006 elle retient la même analyse, mais pour le droit français “La Cour applique le critère de la preuve au-delà de tout doute raisonnable”. La présomption d’innocence est également contenue dans l’article préliminaire du Code de procédure pénale “Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie”. La présomption d’innocence passe après le droit des victimes dans le Code de procédure pénale (qui est le II). Le fait que la présomption d’innocence se trouve dans ses textes fait que le principe possède une valeur 6 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage constitutionnelle, il est contenu dans les textes qui font partie du bloc de constitutionnalité. En ce qui concerne le domaine d’application de la présomption d’innocence, la question se pose et trouve difficilement une réponse claire. Une personne serait présumée innocente dès qu’elle se trouve suspectée, le Conseil constitutionnel a affirmé que les droits du gardé à vue sont des droits de la défense. On peut donc penser que la présomption d’innocence ne vaudrait qu’à partir du moment où une personne est suspectée de quelque chose. Il est difficile de voir où elle commence et où elle termine. Lorsqu’un pourvoi est intenté, il y a bien une condamnation et comme la Cour de cassation statue en droit et pas en fait, on ne peut plus parler de bénéfice de la présomption d’innocence. L’article 9-1 du Code civil montre la volonté du législateur à assurer la protection de la présomption d’innocence et le texte affirme une protection avant toute condamnation. Cela vaudrait donc que pour le fond ? Étrange. L’article 569 du Code de procédure pénale pose la règle selon laquelle le pourvoi est suspensif en matière pénale “Pendant les délais de la Cour de cassation (...)”. On a donc un sursis à exécution, si les condamnations pénales ne sont pas exécutées tout de suite, c'est que la présomption d’innocence existe toujours. En réalité, on ne trouve pas de réponse claire et nette et en définitive, on résoudra la difficulté de manière simple. La présomption d’innocence n’est pas une règle de preuve, c’est un droit et c’est parce qu’il existe que la personne possède tous les droits de la défense que prévoit le code. La CEDH peut condamner un État, et il est possible que les juridictions reprennent le dossier de l’affaire. Section n°2 : Les conséquences directes sur la preuve Le fait qu’il y ait une présomption d’innocence et qu’elle soit analysée strictement comme une dispense de preuve implique l’application de plusieurs règles. Nul besoin d’apporter pour la défense la preuve de son innocence, c’est au ministère public de s’en charger. On parle de la règle actori incubit probatio. Dans certains cas, c’est la victime qui sera en première ligne pour la preuve surtout si elle agit par voie d’action, il va falloir apporter des éléments que le ministère public ne peut pas aller chercher de lui-même. Cette règle n’est pas exclusivement pénale, c’est au demandeur également de prouver. La personne suspectée est parfaitement en droit de se taire, c’est le droit au silence qui provient du droit à ne pas s'auto incriminer. Ce droit provient de la CEDH et plus particulièrement de son interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme. C’est l’arrêt CEDH Funke c. France du 25 février 1993 dans lequel la Cour constate que les douanes françaises avaient provoqué la condamnation de la personne poursuivie pour obtenir certains documents, dont les 7 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage douanes soupçonnaient l’existence. Les douanes ont réussi à faire condamner la personne et elle a été obligée de remettre des documents pour qu’il reconnaisse les éléments qui lui étaient attribués. La CEDH commence par dire qu’en droit douanier, on trouve des particularités, mais que ses particularités ne sauraient porter atteinte au droit “pour tout accusé, de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination”. On ne peut donc pas le forcer à reconnaître sa propre culpabilité. L’arrêt CEDH Brusco c. France du 14 octobre 2010 concernait le droit de ne pas contribuer à sa propre condamnation pour lequel la Cour reprend l’arrêt Funke et elle vient s’expliquer davantage “suppose que dans une affaire pénale, l’accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions au mépris de la volonté de l’accusé”. Le droit de se taire est entré dans le Code de procédure pénale, mais ce n’est pas un droit de notre tradition judiciaire et c’est un droit d’inspiration anglo-saxonne. Aujourd’hui le droit de se taire est visible à l’article préliminaire du Code de procédure pénale dans son dernier alinéa et il se trouve généralisé ici. On le retrouve dans l’interrogatoire de première comparution, avant la garde à vue, où pour la comparution immédiate. Pour éviter le mutisme le plus total, on signifie à la personne en garde à vue qu’elle dispose du droit de faire des déclarations par exemple. On le retrouve également pour le témoin assisté (article 113-4 du Code de procédure pénale). Ce droit existe tout au long du procès également même s’il n’existe pas de signification à la personne. Si c’est le demandeur qui doit prouver, le défendeur peut pareillement présenter des arguments pour contrecarrer les propos du ministère public. La charge de la preuve s’inverse alors pour prouver l’innocence. C’est la règle reus in excipiendo fit actor donc celui qui invoque un moyen de défense est tenu de le prouver. Cette règle n’est pas inscrite, mais c’est une pratique courante en matière pénale. On peut invoquer la légitime défense par exemple qui nécessite d’être prouvée. Elle doit établir la preuve que toutes les conditions de la légitime défense se trouvent réunies, et le procureur souvent appuie sur la condition de proportionnalité pour dire qu’elle n’est pas respectée. On a donc bien un mouvement de passation de la charge de la preuve. L’article 122-6 du Code de procédure pénale pose des présomptions de légitime défense dont la première hypothèse est l’intrusion nocturne par effraction, ainsi que le vol et pillage avec violence. Ses présomptions sont simples et renversables. Il est prévu à l’article 692 du Code de procédure pénale “Dans les cas prévus au chapitre précédent, aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu'elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et en cas de condamnation que la peine a été subie ou prescrite”. 8 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage Ce texte dispose d’un copié-collé à l’article 113-9 du Code pénal qui est un exemple de doublon législatif. On trouve aussi la règle selon laquelle le doute profite à l’accusé “in dubio pro reo”. C’est une conséquence majeure de la présomption d’innocence sous le sens probatoire. On ne trouve que des illustrations de cette règle que l’on va retrouver dans le code. L’article 359 du Code de procédure pénale est un texte qui concerne la cour d’assises et qui explique sous quelle condition une décision défavorable à l’accusé peut se produire. L’article 358, alinéa 2 du Code de procédure pénale précise que “les bulletins blancs ou déclarés nuls par la majorité sont comptés comme favorables à l’accusé”. On trouve encore l’article 572 du Code de procédure pénale qui explique qu’un arrêt d’acquittement ne peut pas faire l’objet d’un pourvoi en cassation quelconque, il ne peut faire l’objet que d’un pourvoi dans le seul intérêt de la loi sans préjudice à la partie. L’article 622 du Code de procédure pénale précise “La révision d'une décision pénale définitive peut être demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable d'un crime ou d'un délit lorsque (...)”. Cette règle ne se cantonne pas à la phase de jugement, lors de l’instruction le juge apprécie les charges et au moment du renvoi, il ne va pas renvoyer s’il existe encore un doute sérieux. Il y a aussi la phase de mise en examen, où le mis en examen est une partie au procès et le tiers assisté est un tiers au procès. La règle vaut donc également pendant l’instruction. Soit il rend une ordonnance de renvoi soit il rend une ordonnance de non-lieu. L’accusation doit apporter une preuve pleine et entière et que ne subsiste aucun doute sur la culpabilité de la personne poursuivie pour emporter la conviction de la juridiction. 9 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage Chapitre n°2 : La présomption d’innocence comme véritable droit Avec son rôle probatoire, la présomption d’innocence est une véritable garantie procédurale. La personne va donc pouvoir bénéficier des droits de la défense tout au long du procès pénal. La présomption d’innocence apparaît aussi bien comme un droit subjectif, mais c’est également une liberté fondamentale. Section n°1 : La présomption d’innocence comme droit subjectif Elle est analysée comme un droit subjectif depuis son introduction dans le Code civil. C’est l’article 9-1 du Code civil qui traite de la présomption d’innocence et plus particulièrement de la protection de celle-ci. Il vient après l’article 9 qui précise que “Chacun à droit au respect de sa vie privée” et vient affirmer “Chacun à le droit au respect de la présomption d’innocence”. Cela dépasse la définition de ce qu’est un droit subjectif. La présomption d’innocence est un principe très important et cardinal en matière procédurale, mais pour autant il s’agit d’un principe. Jusqu’en 2000, elle n’était pas pénalement protégée, mais depuis elle l’est de manière dérisoire. La volonté du législateur est de protéger la présomption d’innocence, mais il y a quand même un certain nombre de limites à cette protection de la présomption d’innocence. A)La protection accrue de la présomption d’innocence par le législateur En vertu des textes, on peut dire qu’il y a une protection civile de la présomption d’innocence, mais qu’il y a également une protection pénale de la présomption d’innocence. Sur la protection civile, on retrouve l'article 9-1 du Code civil. La première fois qu’elle a été introduite, c'était par une loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure civile et à l’époque le texte prévoyait le premier alinéa qui reste inchangé, et l’alinéa 2 lui a évolué “Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, ordonner l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, sans préjudice d'une action en réparation des dommages subis et des autres mesures qui peuvent être prescrites en application du nouveau code de procédure civile et ce, aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de l'atteinte à la présomption d'innocence”. Toute personne pouvait agir en justice sur le fondement de ce texte-là et il fallait que toutes les conditions posées par le texte soient réunies. Il fallait que la personne soit présentée comme coupable avant toute condamnation. Le mécanisme en théorie se veut protecteur, mais en pratique ne l’est pas tant que ça, car il posait beaucoup trop de conditions dans le texte. Le législateur est donc venu modifier le contenu de l’alinéa 2, il est désormais rédigé 10 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage de la manière suivante “Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte.”. Le nouveau texte élargit les règles et la diffusion du communiqué peut être réalisée n’importe où et on a une modification des règles de prescription pour la liberté de la presse. La prescription en la matière est toujours par principe de trois mois à compter de la publication. Des textes ultérieurs sont venus apporter des dérogations, dans certains cas la prescription sera de 1 an au lieu d’être de 3 mois. Sur la protection pénale, il faut repartir de l’article préliminaire du code de procédure pénale dans son paragraphe III “Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi”. Il ne faut pas confondre la protection pénale de la présomption d’innocence avec la protection pénale de l’innocence déclarée. On peut même se trouver dans les cas d’instruction avec la décision d’ordonnance de non-lieu. L’innocence déclarée bénéficie de plusieurs mesures protectrices notamment avec l’article 177-1 et 212-1 du Code de procédure pénale. Le juge d’instruction qui rend un non-lieu peut décider de diffuser et d’ordonner une publication judiciaire de ce non-lieu. Le juge peut et n’est pas obligé de le faire et si le législateur a privilégié le verbe “pouvoir” c’est parce que ses publications sont à la charge de l'État. Il y a aussi les sanctions de constitution abusives de partie civile qui sont facilitées par un certain nombre de dispositions du code. L’article 177-2 du Code de procédure pénale “Lorsqu'il rend une ordonnance de non-lieu à l'issue d'une information ouverte sur constitution de partie civile, le juge d'instruction peut, sur réquisitions du procureur de la République et par décision motivée, s'il considère que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire, prononcer contre la partie civile une amende civile dont le montant ne peut excéder 15 000 euros”. Il est prévu la sanction de constitution de partie civile, c’est un dispositif que l’on trouve plusieurs fois dans le code. La présomption d’innocence est protégée par un texte qui figure dans la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1981, l’article 35 ter de celle-ci. On a une présomption d’innocence protégée aussi bien au niveau civil qu’au niveau pénal, il va falloir que les juges recherchent si l’écrit contient des conclusions définitives sur la culpabilité éventuelle de la personne. Dans un arrêt Cass du 13 novembre 2003, la Cour a précisé que dire dans un article qu’une personne est fichée au grand banditisme ce n’est pas une atteinte à la présomption d’innocence. Il a été jugé également dans un arrêt Cass du 20 mars 2007 qu’il n’y a pas atteinte à la présomption d’innocence en disant qu’il y a une discordance entre le discours public d’une personne et son comportement. Ce qui est constant, c'est que les abus de la 11 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage liberté d’expression qui sont prévus par la loi du 29 juillet 1981 et qui portent atteinte à la présomption d'innocence ne peuvent être réparés que sur le fondement unique de l’article 9-1 du Code civil. Si on agit sur les textes de droit commun, cela ne va pas fonctionner. Sur le terrain pénal, l’article préliminaire du Code de procédure pénale affirmait que les atteintes à la présomption d’innocence étaient réprimées. L’article 35 ter de la loi de 1881 affirme ainsi “I. - Lorsqu'elle est réalisée sans l'accord de l'intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale, mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention provisoire, est punie de 15 000 euros d'amende.”. Le texte ne permet pas non plus une protection efficace de la présomption d’innocence. La présomption d’innocence est une règle qui s’impose à tous, en vertu de la jurisprudence de la CEDH fondée sur l’article 6 de celle-ci. Pour ce qui est de la CEDH, on trouve parmi les arrêts connus l’arrêt CEDH Allenet de Ribemont du 10 février 1995. Dans le cadre d’une conférence de presse, la présomption d’innocence d’Allenet de Ribemont avait été bafouée puisqu’il est présenté comme un instigateur de l’assassinat. Le gouvernement français de l’époque prétend qu’une atteinte à la présomption d’innocence ne peut provenir que de l’autorité judiciaire et la CEDH dit qu’elle peut provenir de toutes les autorités publiques. La convention garantit des droits concrets et effectifs sans être théoriques et illusoires. L’arrêt CEDH Lagardère contre France du 12 avril 2012, dans le cadre d’une affaire complexe. Une action en justice est intentée du fait d’abus de biens sociaux contre Jean-Luc Lagardère. Alors qu’un pourvoi est intenté, il se trouve que la personne poursuivie décède en cours de procès. La Cour de cassation constate l’extinction de l’action publique mais renvoie l’affaire à la cour d’appel et il se trouve qu’elle condamne l’héritier Arnaud Lagardère à partir d’une reconnaissance de la culpabilité du père. La CEDH est saisie de la question et le requérant mis en cause n’était pas en mesure de défendre sa cause dans les conditions conformes aux mesures d’équité. La Cour explique que cette façon de faire n’est pas possible “il ne se limite pas à une simple garantie procédurale en matière pénale, sa portée est plus étendue et exige aucun représentant de l’état ou aucune autorité publique ne déclare que la personne est coupable d’une infraction avant que sa culpabilité ait été établie par un tribunal”. La Cour Européenne se prononce donc par là même sur l’étendue du principe de la présomption d’innocence qui est encore plus clair avec l’arrêt Varvara contre Italie du 29 octobre 2013. Dans le paragraphe 63 de l'arrêt “Une autre conséquence d’importance capitale fondamentale découle du principe de légalité en droit pénal : l’interdiction de punir une personne alors que l’infraction a été commise par une autre”. La CEDH se prononce en faveur d’une protection large du principe de la présomption d’innocence qu’elle rapproche d’autres principes du droit pénal classique aussi bien sur la responsabilité que sur la peine. 12 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage On ajoute un qualificatif à cette présomption d’innocence puisqu’elle est aussi présentée comme une liberté fondamentale par le Conseil d'État et le tribunal des conflits. Le premier à le faire est le Conseil d'État dans l’arrêt CE Bruno Gollnish du 14 mars 2005. Dans celui-ci, un professeur d’université est poursuivi par le juge pénal et les instances disciplinaires pour avoir proféré des propos négationnistes. C’est le recteur d’académie qui a multiplié les interventions et déclarations publiques et a porté atteinte à la présomption d’innocence du professeur en question. A cause de ses prises de position, les juridictions ont considéré qu’il y avait une atteinte grave et illégale à la liberté fondamentale qui est la présomption d’innocence. C’est dans cette décision que le Conseil d'État utilise le qualificatif “la présomption d’innocence qui concourt à la liberté de la défense et à la protection des droits de la personne constitue une liberté fondamentale”. Le tribunal des conflits dans une décision TC du 12 décembre 2011 est allé dans le même sens, on a un ministre de l’Intérieur qui dans l’exercice de ses fonctions répond à des questions dans le cadre d’une émission de radio. Il tient des propos litigieux comme agent public sur des questions qui relèvent de ses attributions. Le tribunal dit que la présomption d’innocence constitue une liberté fondamentale “dont la protection juridictionnelle ne relève pas par nature de la compétence exclusive des juridictions judiciaires”. On a un agent public qui dans l’exercice des fonctions relève des propos litigieux et cela relève donc de la compétence du juge administratif. L’action dirigée contre le ministre en question qui relève de la compétence du juge administratif se fait sur le fondement de l’article 9-1 du Code civil “tendant au prononcé de mesures visant à cesser l’atteinte à la présomption d’innocence”. La présomption d’innocence bénéficie toujours de sa protection civile. Quelle est la place de cette présomption d’innocence par rapport à des standards de la procédure, par rapport au secret de l’instruction et la liberté d’expression ? I) La présomption d’innocence et le secret de l’instruction L’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse précise “Dès l'ouverture de l'audience des juridictions administratives ou judiciaires, l'emploi de tout appareil permettant d'enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l'image est interdit”. Le secret de l’instruction est situé à l’article 11 du Code de procédure pénale qui précise “Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète”. Les petits éléments partagés publics dans des affaires sont appelés des fenêtres procédurales. L’objectif est d’éviter la propagation d’informations parcellaires et immédiates ou pour éviter des troubles à l’ordre public. Dans les textes qui suivent on trouve d’autres entorses faites par le législateur lui-même au secret de l’instruction. On trouve l’article 11-3 et 11-4 issues d’une loi de 2024 “Le procureur va pouvoir donner des informations sur une enquête en cours ou une affaire en cours à un certain nombre de personnes visées par les textes”. Chaque fois que le législateur crée des dérogations, il permet que le secret de l’instruction s’effrite un petit peu plus. Le secret de 13 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage l’instruction permet de protéger la justice et permet au juge de s’interroger simplement sur un dossier sans considération extérieure. Le secret de l’instruction ne joue plus contre la personne poursuivie, il ne faut pas que le public soit informé. On verra comment mettre en parallèle la présomption d’innocence et la liberté d’expression. II) La présomption d’innocence et la liberté d’expression Ses deux notions sont toutes aussi essentielles l’une que l’autre et le Conseil constitutionnel qualifie la liberté d’expression de “bouclier” des autres droits et libertés. La CEDH qualifie la presse de “chien de garde” de la démocratie. Elle est considérée comme une liberté fondamentale essentielle dans une société démocratique qui vaut même pour des idées qui heurtent, choquent et inquiètent. Cette liberté d’expression fait l’objet de l’article 10 de la CEDH “Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations”. Ce qui fait problème, c'est le journalisme d’investigation et le droit, c'est que les juristes ont la volonté d’encadrer la liberté d’expression, il faut protéger le journalisme et le protéger des incursions dans le cadre de cette liberté d’expression et ses deux mouvements vont de pair. On doit encadrer la liberté d’expression et protéger le journaliste. A)Encadrer la liberté d’expression Les journalistes peuvent traiter de faits dont la justice doit connaître sans faire systématiquement l’objet de poursuites à ce titre. La liberté d’expression du journaliste fait écho au droit à l’information du public. On trouve quand même des obligations qui vont s’imposer aux journalistes, la chambre criminelle va répéter que le but légitime d’informer le public ne dispense pas le journaliste du respect de la présomption d’innocence. Si le journaliste veut faire correctement son travail, il doit veiller à être objectif dans l’expression et faire preuve de prudence. Le journaliste doit avoir la même prudence que le juge lui-même sous peine de porter atteinte à la présomption d’innocence. Pour celui qui fait profession d’informer d’après la Cour de cassation, il faut que 4 critères se trouvent réunis : la légitimité du but poursuivi, une absence d’animosité personnelle de la part du journaliste, que le journaliste ait fait une enquête sérieuse. Il doit donc être guidé par un vrai souci d’information et on a un certain nombre de règles posées par la loi du 29 juillet 1881. 14 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage L’article 35 bis traite des imputations diffamatoires et par ce texte, ses imputations sont réputées de droits faits avec intention de nuire. Le journaliste que l’on poursuit pour propos diffamatoires va pouvoir se défendre, et il peut se défendre de deux façons : Soit il prouve sa bonne foi (enquête sérieuse et prudence dans l’expression). Soit il utilise l’exceptio veritatis, donc il va essayer d’établir que ce qu’il a dit correspond en tout point à la réalité ce qui va l’exonérer de sa responsabilité pénale. Le journaliste n’a pas le choix et son mode de défense est posé par le texte. Il peut revendiquer le secret de ses sources également, la règle figure à l’article 109 du Code de procédure pénale “Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.Tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l'origine. Si le témoin ne comparaît pas ou refuse de comparaître, le juge d'instruction peut, d'office ou sur les réquisitions du procureur de la République, l'y contraindre par la force publique.”. Si le journaliste refuse de révéler ses sources, il peut se mettre dans l’impossibilité de justifier de la qualité de son travail. La CEDH a posé un certain nombre de règles en matière de liberté d’expression. Il s’agit de trouver un juste équilibre entre les devoirs du journaliste et le devoir de protéger le journaliste. B)La volonté de protéger le journalisme « Si le journaliste n’a aucun document, c’est un diffamateur. S’il possède des preuves et qu’il les produit, c’est un receleur. S’il possède des preuves et ne les produit pas, il est condamné ». Cette citation incarne la volonté ancienne associée au traitement des journalistes. Comment faire pour protéger le journaliste ? On trouve dans la loi du 19 juillet 1881, un article 41 qui traite des discours à l’Assemblée nationale et au Sénat pour lesquels la liberté de parole ou d’expression est protégée. On peut librement produire dans un procès, des pièces écrites dès lors qu’elles ne sont pas étrangères à la cause. On ne pourra donc pas poursuivre quelqu’un pour diffamation. Il y a eu des évolutions jurisprudentielles et légales, la Cour de cassation dans un certain nombre d’arrêts a décidé que le journaliste qui produisait en justice des documents qu’il avait eus dans le cadre de l’enquête qu’il avait faite pouvait être poursuivi pour recel et violation du secret de l’instruction. Dans d’autres cas, l’atteinte au secret se trouvait justifiée. L’article 35 ter de la loi de 1881 “Le prévenu peut produire pour les nécessités de la défense (...) des éléments provenant d’une violation du secret de l’enquête et de l’instruction (...) s’ils sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires”. Un salarié par exemple peut voler un document à son employeur si ce vol à seul objet d’exercer ses moyens de défense (arrêt Cass du 16 juin 2011). Le journaliste peut donc agir de la même façon. On peut citer l’arrêt CEDH Sellami c. France du 17 décembre 2020 “agissent de bonne foi de manière à fournir des informations exactes 15 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage et dignes de crédit dans le respect des principes d’un journalisme responsable. Le concept de journalisme responsable, activité professionnelle protégée par l’article 10 de la Convention, est une notion qui ne couvre pas uniquement le contenu des informations qui sont recueillies et/ou diffusées par des moyens journalistiques”. Le paragraphe 60 est le plus intéressant “agissent de bonne foi de manière à fournir des informations exactes et dignes de crédit dans le respect des principes d’un journalisme responsable. Le concept de journalisme responsable, activité professionnelle protégée par l’article 10 de la Convention, est une notion qui ne couvre pas uniquement le contenu des informations qui sont recueillies et/ou diffusées par des moyens journalistique”. La CEDH souligne dans cet arrêt que le secret de l’instruction sert à protéger les intérêts de l’action pénale ainsi que le danger de disparition et d’altération des moyens de preuve “Le secret de l’instruction est en outre justifié par la nécessité de protéger le processus de formation de l’opinion et de prise de décision du pouvoir judiciaire”. Cela est proche du contempt of court qui est l’outrage à la cour anglo-saxon. 16 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage Chapitre n°3 : Les présomptions de culpabilité Il existe des hypothèses dans lesquelles il y a un renversement de la charge de la preuve et on peut parler de présomptions de culpabilité. Quelle place ses présomptions ont-elles dans notre droit ? Section n°1 : La place des présomptions de culpabilité C’est l’arrêt CEDH Salabiaku contre France du 7 octobre 1988. Tout système juridique connaît des présomptions de culpabilité et la convention n’y fait pas obstacle. La présomption doit être réfragable et donc que la personne puisse apporter la preuve qu’elle n’est pas coupable. Il faut prendre en compte l’enjeu de la preuve et la préservation des droits de la défense. La Cour de cassation applique sans réticence, et le Conseil constitutionnel fait de même. Il considère que ses présomptions sont constitutionnelles sous les mêmes réserves. Section n°2 : Les cas classiques de présomption de culpabilité Certaines présomptions de culpabilité émanent de la loi, tandis que dans d’autres cela émane de la jurisprudence. I) Les présomptions légales de culpabilité Selon le texte, la présomption ne va pas nécessairement sur le même élément constitutif que l’infraction et dans certains cas, elle va porter sur l’élément matériel tandis que dans d’autres, elle va porter sur l’élément moral. A)Les présomptions fondées sur l’élément matériel Le législateur va tenir pour avéré l’existence de l’élément matériel et son imputation à une personne précise. C’est cette personne qui sera alors poursuivie et qui pourra apporter la preuve qu’elle n’est pas coupable. L’article 225-6 du Code pénal concerne le proxénétisme. L’article est rédigé ainsi “3° De ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une personne qui se livre habituellement à la prostitution ou tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution ; (...)”. La preuve que doit apporter le ministère public n’est pas complexe à apporter. La personne pour renverser l’accusation peut donner un justificatif du train de vie. Si le législateur n’avait pas créé cette présomption de culpabilité, il aurait été impossible au procureur de prouver l’infraction en question. C’est pour cela qu’on s’appuie sur une présomption alors qu’il est facile pour une personne de justifier de son train de vie. 17 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage On peut aussi citer l’article 321-6 du Code pénal qui traite du recel “Le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de l’origine d’un bien détenu tout en étant en relation habituelle avec une personne qui a commis des crimes ou des délits d’une certaine gravité est puni de 3 ans d’emprisonnement et une amende de 75 000 €”. On trouve aussi des infractions à l’article 418 et 419 du Code des douanes “Les marchandises de la catégorie de celles qui sont prohibées à l'entrée ou soumises à des taxes de consommation intérieure sont réputées avoir été introduites en contrebande et les marchandises de la catégorie de celles dont la sortie est prohibée sont réputées faire l'objet d'une tentative d'exportation en contrebande lorsque, même étant accompagnées d'un document attestant de leur placement sous un régime douanier suspensif portant l'obligation expresse de le faire viser à un bureau de douane de passage, elles ont dépassé ce bureau sans que ladite obligation ait été remplie”. Le Code de la route contient également des articles L121-2 à L121-3 qui pose des présomptions de culpabilité pour le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule sauf s’il justifie d’un vol ou d’un cas de force majeure. B)Les présomptions fondés sur l’élément moral de l’infraction La loi du 29 juillet 1881 à son article 35 bis de cette loi “Toute reproduction d’une imputation qui a été jugée diffamatoire sera réputée faite de mauvaise foi, sauf preuve contraire”. Il est présumé de mauvaise foi et c’est l’élément moral qui l’est. Quand une personne est poursuivie pour propos diffamatoires, c’est à cette personne de montrer qu’elle n’est pas coupable. L’élément moral est au centre de la présomption de culpabilité. II) Les présomptions de culpabilité de fait ou jurisprudentielles La preuve de tous les éléments constitutifs de l’infraction est nécessaire. La jurisprudence crée parfois des présomptions de culpabilité. Dans le cadre d’abus de biens sociaux, il n’est pas incriminé dans le Code pénal, mais bel et bien incriminé par plusieurs textes du Code de commerce. N’importe qui ne peut pas se rendre coupable d’abus de biens sociaux et seuls les dirigeants peuvent être poursuivis. C’est le fait de faire de mauvaise foi un usage des biens d’une société de manière contraire à l’intérêt social et à des fins personnelles et peut-être inquiété un dirigeant pour avoir utilisé les biens de la société dans un objectif qui n’est pas celui de l’intérêt social à des fins personnelles. Ce délit est donc fondé en particulier sur la référence à la notion d’intérêt social et la notion d’intérêt personnel du dirigeant. L’autorité doit prouver chaque élément constitutif de l’infraction, mais c’est difficile à prouver et au début des années 90, la Cour de cassation s’est lancée dans une interprétation des textes pour faciliter la preuve pour l’abus de biens sociaux. 18 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage Dans l’arrêt Cass Carpaye du 22 avril 1992, des dirigeants sociaux avaient prélevé des fonds de manière occulte dans le but de corrompre un élu local pour obtenir un marché. Dans une longue décision, la Cour décide que l’usage des biens d’une société est nécessairement abusif quand il est fait dans un but illicite. C’est le “nécessairement” qui vient créer une présomption de culpabilité. La Cour rend un autre arrêt Rosemain Cass du 11 janvier 1996, dans lequel elle admet que “l'illicéité du but poursuivi dans l’utilisation des fonds ne présume pas l’atteinte à l’intérêt social”. Elle vient supprimer la présomption qu’elle avait créée en 1992, mais admet également que “les fonds sociaux prélevés de manière occulte par un dirigeant, l’ont nécessairement été dans son intérêt personnel”. Dans l’arrêt Cass Carignon du 27 octobre 1997, elle affirme “quelque soit l’avantage à court terme qu’elle peut procurer, l’utilisation de fonds sociaux ayant pour seul objet de commettre un délit est contraire à l’intérêt social en ce qu’elle expose la personne morale au risque anormal de sanctions pénales et fiscales”. L’utilisation des fonds sociaux réapparaît alors comme élément de cette présomption. Dans certains arrêts aujourd’hui, il y a présomption de l’intérêt personnel et dans d’autres, on trouve une présomption d’atteinte à l’intérêt social dans certains cas très précis. 19 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage Titre n°2 : La recherche des preuves Chapitre n°1 : Les acteurs de la recherche La recherche de la preuve se fait principalement dans les premières phases du procès. Les personnes qui vont chercher la preuve vont changer en fonction des étapes du procès dans lesquelles on se trouve. Section n°1 : La recherche de la preuve pendant l’enquête On trouve l’enquête de flagrance et l’enquête préliminaire. L’enquête de flagrance concerne les cas précisés dans l’article 53 du Code de procédure pénale “Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit”. Pour avoir une enquête de flagrance, il faut des indices apparents d’un comportement délictueux et qu’elle soit opérée dans un temps voisin de l’action (qui est une notion appréciée au cas par cas). En flagrance, on a des critères très précis et si on est pas dans ce contexte-là, on revient à l’enquête de droit commun qui est l’enquête préliminaire qui sera diligentée quelque soit le degré de l’infraction à partir du moment où on ne peut pas évoquer l’enquête de flagrance. L’enquête préliminaire trouve ses délais à l’article 75-3 du Code de procédure pénale “La durée d'une enquête préliminaire ne peut excéder deux ans à compter du premier acte d'audition libre, de garde à vue ou de perquisition d'une personne, y compris si cet acte est intervenu dans le cadre d'une enquête de flagrance. L'enquête préliminaire peut toutefois être prolongée une fois pour une durée maximale d'un an à l'expiration du délai mentionné au premier alinéa, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, qui est versée au dossier de la procédure. Les enquêteurs clôturent leurs opérations et transmettent les éléments de la procédure au procureur de la République en application de l'article 19 avant l'expiration du délai de deux ans ou, en cas de prolongation, du délai de trois ans, afin de permettre soit la mise en mouvement de l'action publique, le cas échéant par l'ouverture d'une information judiciaire, soit la mise en œuvre d'une procédure alternative aux poursuites, soit le classement sans suite de la procédure. Tout acte d'enquête concernant la personne ayant fait l'objet d'un des actes prévus au premier alinéa intervenant après l'expiration de ces délais est nul”. On trouve également l’enquête de mort suspecte, l’enquête de recherche d’une personne disparue ou en fuite. On les appelle les enquêtes spéciales et en réalité cela renvoie au texte sur la flagrance. Il est toujours important de savoir dans quel cadre on se trouve. Aujourd’hui les enquêtes ont tendance à se rapprocher l’une de l’autre et cela depuis plusieurs années 20 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage dont 2001, et on trouve un mouvement sécuritaire qui s’empare de la procédure pénale et le législateur prend l’initiative de donner à la police des pouvoirs que normalement la police ne dispose qu’en flagrance. L’article 76 du Code de procédure pénale dans son alinéa 4 précise “Si les nécessités de l’enquête relatives (...) le JLD peut à la requête du procureur de la République décider par une décision écrite et motivée que les opérations prévues au présent article seront effectuées sans l’assentiment de la personne chez qui elles ont lieu”. On est dans le cadre de l’enquête préliminaire et pourtant cela tend vers l’enquête de flagrance et on a une utilisation de la contrainte dans le cadre de l’enquête préliminaire. On trouve un autre exemple à l’article 78 du Code de procédure pénale “Les personnes convoquées par un officier de police judiciaire pour les nécessités de l'enquête sont tenues de comparaître”. La police va alors pouvoir utiliser la contrainte alors qu’on est dans l’enquête préliminaire. L’éclatement des règles de procédure pénale qui ont été appelées les procédures pénales bis. Parfois, on peut avoir un manque de cohérence entre les régimes, des actes ou des différences de régime qui peuvent poser des difficultés. Exemple concret : les perquisitions. En droit commun, ses perquisitions doivent débuter entre 6h et 21h. La personne doit être présente ou à défaut, il faut un témoin. Il faut l’assentiment de la personne quand on est en enquête préliminaire tandis qu’en enquête de flagrance nul besoin de son assentiment. Mais la perquisition peut être effectuée dans une procédure relative à la criminalité organisée. Les articles 706-89 et 706-90 qui vont s’appliquer pour la perquisition dans cette situation, on peut agir en dehors des heures légales, mais on a une garantie en contrebalance du JLD pour réaliser certaines opérations. On voit bien la différence entre le régime de perquisition et puis une perquisition réalisée soit en flagrance, soit préliminaire si on est en criminalité organisée. L’article 706-28 du Code de procédure pénale est un texte relatif à une autre procédure dérogatoire qui concerne les infractions en matière de trafic de stupéfiants. C’est la même chose que pour la criminalité organisée, mais sans garantie émanant du JLD. Ce qui est intéressant, c’est que le procureur va privilégier la procédure sans JLD qui est moins contraignante, et prend moins de temps. La qualification de l’infraction va pouvoir être choisie en vue de l’application du régime, cela favorise les contournements de procédure. Ses éléments étant donnés, on va voir comment on recherche les preuves que cela soit sur le tribunal national ou au niveau européen. I) La recherche des preuves sur le territoire national Les officiers de police judiciaire vont rechercher les preuves et cette recherche repose sur deux grandes règles différentes l’une de l’autre. Le principe de liberté dans la constatation des infractions tandis que la seconde règle touche à des conditions précises des actes réalisés par la police judiciaire. 21 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage A)Le principe de liberté dans la constatation des infractions On a un principe général de liberté des preuves, la Cour de cassation a eu l’occasion de dire qu’elle reconnaît aux officiers de police judiciaire une compétence légale et générale. Ils ont donc le pouvoir de constater toutes les infractions qu’elles soient prévues ou pas dans le Code pénal et même si le texte spécifique ne prévoit pas expressément leur action. L’article L450-1 du Code de commerce précise la liste des agents assermentés qui peuvent constater les infractions visées par les textes. Dans cette liste, on ne trouve pas les officiers de police judiciaire et ils peuvent constater les infractions en vertu du texte général qui se trouve dans le Code de procédure pénale qui est l’article 14 qui affirme “Elle est chargée, suivant les distinctions établies au présent titre, de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte”. Lorsque les officiers de police judiciaire vont constater des infractions, ils vont toujours le faire selon les règles de droit commun. Ils n’ont jamais à respecter les dispositifs particuliers prévus par des textes particuliers hors code. Dans l’article L450-2 du code de commerce précise “Les enquêtes donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux et, le cas échéant, de rapports. Les procès-verbaux sont transmis à l'autorité compétente. Copie en est transmise aux personnes intéressées”. La question s’est posée de savoir si un OPJ constatant l’infraction devait faire la même chose. Réponse de la Cour : Non. Il constate selon les règles de droit commun. La prévisibilité d’un mode de preuve n’interdit pas le recours à un autre mode de preuve sauf mention expresse. La validité des constatations qui sont faites par les officiers de police judiciaire ne se trouve pas affectée par la circonstance que le policier n’a pas fait connaître au préalable sa qualité à l’auteur de l’infraction. Dans un arrêt, un gendarme exerce une activité sportive sur ordre de la hiérarchie et sur le trajet, il constate qu’une personne viole une règle de sécurité routière. Il verbalise la personne et celle-ci conteste le fait qu’il ne soit pas en tenue, qu’il n’ait pas fait connaître sa qualité. La seule exigence est celle de la légalité de l’opération dans son ensemble et il faut dans les actes que réalise le policier, que la validité de l’acte soit respectée. B)La validité des actes réalisés par les officiers de police judiciaire Pour que les constatations soient valables, il faut que l’accès de la police au lieu de commission de l’infraction soit légal. On trouve notamment l’arrêt Cass n°16-82.412 du 22 février 2017 dans lequel le procureur de la République avait délivré une autorisation de comparution sous la contrainte. Les policiers s’étaient rendus au domicile de la personne et en l’absence de tout occupant, ils sont entrés dans les lieux après avoir fracturé deux fenêtres. La question était de savoir si le fait que les policiers aient fracturé les deux fenêtres ait posé difficulté ou non ? Ses dispositions ne permettaient pas au policier de pénétrer en son absence et par effraction dans le domicile d’un tiers. 22 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage L’article 78 du Code de procédure pénale énonce “Les personnes convoquées par un officier de police judiciaire pour les nécessités de l'enquête sont tenues de comparaître. L'officier de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation. Le procureur de la République peut également autoriser la comparution par la force publique sans convocation préalable en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches, ou de concertation entre les coauteurs ou complices de l'infraction”. On peut donc contraindre une personne à comparaître ce qui donne le pouvoir de se rendre chez la personne pour lui demander de rejoindre le magistrat, mais ne permet pas de fracasser les fenêtres du domicile d’une personne représentant une atteinte à la vie privée grave. Pour que les constatations soient faites, il faut que la police ait pénétré sur les lieux de manière légale. Tous les actes de la police judiciaire doivent faire l’objet d’un document qui est systématiquement un écrit. Toutes ses règles qui entourent les écrits, les procès-verbaux et rapports ont une finalité qui est d’apporter des éléments de preuve crédibles ce qui explique qu’en principe, il faut faire un acte par opération, c’est le principe de spécialité. Par exception, plusieurs opérations peuvent être organisées dans un même procès-verbal. On trouve ses règles aux articles D10 et D11 du Code de procédure pénale. La seconde finalité est de permettre de vérifier le respect de l’équilibre des pouvoirs par rapport aux intérêts du justiciable. Dans le cadre de ses écrits il faut que les éléments qui sont consignés le soient dans la plus stricte objectivité (bien que des policiers puissent encourager ou guider lors d’un interrogatoire). La validité des procès-verbaux repose sur un formalisme strict même si plusieurs policiers constatent l’infraction, seul un policier rédige le procès-verbal identifié. Il faut décrire le cadre d’action et toutes les constatations faites, la date et l’heure du procès-verbal. Les procès-verbaux sont remis ensuite au magistrat qui les a demandés et tout cela est très réglementé. Le Code de procédure pénale donne au procureur tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité d’officier de police judiciaire. La garde à vue se fait par décision de l’officier de police judiciaire ou sur demande du procureur de la République. Elle s’exécute sous le contrôle du procureur de la République. II) La recherche des preuves en dehors du territoire national Depuis des années, on construit l’espace judiciaire européen. On a un certain nombre d’organismes comme Europol, Cepol et Eurojust. Europol se trouve être l’Interpol européenne, Cepol est le collège européen de police pour la formation des hauts responsables de la police. Eurojust concerne le réseau judiciaire européen et un canal d’information pour les États. Dans le TFUE, on trouve des évocations à la coopération 23 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage judiciaire qui évoquent celui-ci. Tous ses organismes vont dans le sens de cette construction de l’espace judiciaire européen que cela soit au niveau policier et au niveau judiciaire. Pour construire cet espace européen, on a eu d’abord une coopération horizontale intergouvernementale. Les accords de Schengen prévoient le droit de filature transfrontalier, le droit d'interpellation et on trouve sous conditions la possibilité qu’à la police de procéder à une filature transfrontalière. On a aussi une coopération verticale qui va s’intégrer dans tous les États et se dresse par des principes simples quant à la question. Les demandes d’entraide sont transmises directement d’autorité judiciaire à autorité judiciaire. Ses demandes doivent être exécutées selon les règles de procédure du territoire sur lesquelles elles le sont et tout cela est facilité par la reconnaissance des décisions de justice prises par un autre État membre de l’Union européenne. On a aussi la création d’équipes communes d’enquête qui sont visées à l’article 695-2 et suivants. Il faut le consentement du ministre de la Justice et des États concernés et l’autorité judiciaire compétente peut créer une équipe commune d’enquête dès lors que cette dernière est complexe et concerne d’autres États. Eurojust va intervenir pour lutter contre les formes graves de criminalité, terrorisme, blanchiment d’argent, trafic d’armes. Section n°2 : La recherche des preuves pendant l’instruction Le protagoniste compétent est le juge d’instruction qui va procéder aux actes d’investigation nécessaires à la manifestation de la vérité. Il est à la fois juge et investigateur qui représente une véritable autorité judiciaire. On parle de la commission rogatoire à l’article 151 du Code de procédure pénale qui dispose “Le juge d'instruction peut requérir par commission rogatoire tout juge de son tribunal, tout juge d'instruction ou tout officier de police judiciaire, qui en avise dans ce cas le procureur de la République, de procéder aux actes d'information qu'il estime nécessaires dans les lieux où chacun d'eux est territorialement compétent” Tout ce qui relève des pouvoirs juridictionnels du juge d’instruction ne peut pas être confié à un officier de police judiciaire. C’est un acte qui doit être exceptionnel donc dans la logique du législateur, la commission rogatoire est exceptionnelle. Sauf que, en pratique, la commission rogatoire est très courante. Il va délivrer facilement des commissions rogatoires pour réaliser les actes d’investigation qu’il ne peut pas réaliser lui-même. La commission rogatoire est un écrit, un écrit soumis à plusieurs conditions de fond et de forme. C’est une délégation judiciaire de pouvoirs. Le délégataire sera saisi in rem comme le juge d’instruction lui-même. Classiquement, on dit que la commission rogatoire ne peut pas être générale, mais doit être nécessairement spéciale. La commission rogatoire doit viser des faits précis, des infractions spécifiées dans l’acte de poursuite. Exemple : Si un officier de police judiciaire, qui arrive sur des lieux en vertu de la commission rogatoire, et qui a été saisi pour un abus de biens sociaux, trouve un couteau ensanglanté sur les lieux, il est habilité à ouvrir une enquête de flagrance quand bien même, il se trouve sur les lieux pour une perquisition d’abus de biens sociaux. L’officier de police judiciaire a donc plus de pouvoir que le juge d’instruction dans cette situation (arrêt Cass du 19 janvier 1999). 24 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage Les officiers peuvent donc opérer des recherches sur le fondement des enquêtes préliminaires et de flagrance. Dans un arrêt Cass du 30 octobre 2012, la Cour de cassation affirme qu’aucune obligation légale ne pèse sur les officiers de police judiciaire agissant sur une commission rogatoire d’aviser le juge d’instruction de la découverte d’infractions non comprises dans leur saisine s’ils sollicitent les instructions du procureur de la République. Un juge d’instruction français par une commission rogatoire internationale peut demander à un juge étranger de réaliser certains actes dans un certain dossier. En vertu de quelles règles la commission rogatoire va être réalisée et ensuite est-ce qu’on peut contrôler cette commission rogatoire internationale ? On doit lire l’article 694 du Code de procédure pénale “Les demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires étrangères sont exécutées selon les règles de procédure prévues par le présent code”. L’État requis va réaliser la commission rogatoire internationale selon les règles qui lui sont propres. Lugus regit actum, le lieu régit l’acte. On a une possible dérogation prévue par le texte qui est le second alinéa “Toutefois, si la demande d'entraide le précise, elle est exécutée selon les règles de procédure expressément indiquées par les autorités compétentes de l'État requérant, à condition, sous peine de nullité, que ces règles ne réduisent pas les droits des parties ou les garanties procédurales prévus par le présent code”. Forum regit actum qui fait référence à la loi du for. L’article 93-1 du Code de procédure pénale “Si les nécessités de l'instruction l'exigent, le juge d'instruction peut, dans le cadre d'une commission rogatoire adressée à un État étranger ou d'une décision d'enquête européenne adressée à un État membre de l'Union européenne et avec l'accord des autorités compétentes de l'État concerné, se transporter avec son greffier sur le territoire de cet État aux fins de procéder à des auditions”. Les nécessités de l’instruction font que le juge français peut se déplacer à l’étranger pour venir assister le juge du pays concerné. On parle d’enquêtes proactives. La France est l’État requis : la commission rogatoire sera exécutée selon les règles du Code de procédure pénale et dans les formes prévues par le droit français, ce qui implique que la régularité de l’exécution de la commission rogatoire soit contrôlée par les juridictions françaises. On a un contrôle de la régularité des actes qui est possible, mais avant que la commission rogatoire ne soit envoyée, une fois envoyé plus aucun contrôle n’est possible (arrêt Cass du 3 juin 2003). L’article 694-3 du Code de procédure pénale précise. Ses règles étrangères ne doivent pas réduire les droits des parties et les garanties procédurales françaises (arrêt Cass du 16 février 2010). La France est l’État requérant : elle demande à un autre État de réaliser des actes dans le cadre d’un mandat international. Ce qui est sûr, c’est que le juge français ne peut pas apprécier la régularité d’un acte fait à l’étranger ni sur le fondement de la loi étrangère et ne peut pas non plus contrôler la régularité de l’acte sur le fondement de la loi française. Il faut que le juge français vérifie que les actes qui ont été 25 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage accomplis à l’étranger ont respecté de manière générale, les droits de la défense, la garantie procédurale, etc. Il y a des hypothèses où la France a été sanctionnée pour ne pas avoir procédé à cette appréciation-là. Le juge français qui voit revenir des éléments de la commission rogatoire apprécie librement la force probante des preuves recueillies à l’étranger. Dans l’arrêt CEDH Stojkovic contre France et Belgique d’octobre 2011, les autorités françaises travaillent sur un dossier et découvrent qu’une personne impliquée se trouve en Belgique et les autorités françaises demandent aux autorités belges d’interroger la personne. L’audition précédée de l’exécution d’une commission rogatoire internationale, dans ce cadre, le juge prescrivait expressément à ce que le requérant soit entendu en qualité de témoin assisté. La personne est interrogée par les autorités belges qui ne lui donnent à aucun moment la possibilité d’avoir accès à un avocat, et donc qu’il devait bénéficier de l’article 6. Au retour de la commission rogatoire, la France s’est servi de ses éléments dans lesquels il s’auto-incriminait. La CEDH est saisie et condamne la France et la Belgique, car elle considère “La Cour considère que si la restriction du droit en cause n’était pas, à l’origine, le fait des autorités françaises, il appartenait à celles-ci, à défaut de motif impérieux la justifiant, de veiller à ce qu’elle ne compromette pas l’équité de la procédure suivie devant elles (...) En tout état de cause, le régime juridique de l’audition litigieuse ne dispensait pas les autorités françaises de vérifier ensuite si elle avait été accomplie en conformité avec les principes fondamentaux tirés de l’équité du procès et d’y apporter, le cas échéant, remède”. Si la chambre de l’instruction est compétente, elle ne peut pas tout contrôler dans cette situation. 26 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage Chapitre n°2 : Les outils de la recherche Section n°1 : La recherche des preuves concernant les faits Il s’agit de revenir sur un certain nombre de techniques qui permettent de recueillir des preuves qui vont servir au stade du jugement. On va distinguer les obligations matérielles des auditions des personnes. I) Les investigations matérielles On peut citer la saisie, l’écoute, la perquisition, les fouilles, le transport sur les lieux. Il s’agit d’actes qui recherchent des indices et visent à la reconstitution des faits. Le transport sur les lieux est retrouvé dans certains textes du Code de procédure pénale. Le législateur fait obligation de se transporter sur les lieux, d’abord en cas de flagrance d’abord. On a la même chose en cas de découverte d’un cadavre qui oblige le transport sur les lieux. Elle est notamment possible pendant l’instruction. L’article 456 du Code de procédure pénale permet au tribunal correctionnel soit d’office, soit à la demande de la partie civile ou du prévenu peut ordonner tout transport utile en vue de la manifestation de la vérité. Il y a également les examens techniques ou scientifiques (traces de pneu, de sang). On recourt systématiquement dans les deux cas à une personne qualifiée et c’est comme ça qu’au sein de la police, on trouve des services de police scientifique. L’article 60 du Code de procédure pénale dispose “S'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, l'agent de police judiciaire ou l'assistant d'enquête a recours à toutes personnes qualifiées”. En réalité, en modifiant ses règles d’examen technique et scientifique et en les assouplissant celles-ci on avait la possibilité de continuer à investiguer sans avoir recours à l’instruction. On a introduit du contradictoire dans le cadre de l’expertise. Les parties peuvent demander au juge d’instruction de modifier ou compléter les questions posées à l’expert. Le juge d’instruction peut demander que soit déposé auparavant un rapport d’étape qui sera notifié aux parties, au témoin assisté. La perquisition doit avoir lieu entre 6h et 21h, doit avoir lieu avec des témoins et avec l’autorisation de la personne concernée. En enquête de flagrance, le consentement n’est pas nécessaire pour procéder à la perquisition. La perquisition est la recherche dans un lieu clos d’éléments susceptibles d’être utiles pour une enquête. La Cour de cassation se prononce régulièrement sur la nature de la perquisition, elle a eu l’occasion de dire que la remise spontanée d’un bien par une personne n’est pas une perquisition, mais une remise. Il faut faire la différence entre les constatations et la perquisition qui est la recherche dans un lieu clos. 27 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage La perquisition a souvent lieu au domicile d’une personne. Le domicile est le lieu du principal établissement d’une personne, mais c’est aussi le lieu où elle y habite ou non, une personne à le droit de se dire chez elle. Quel que soit le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux. Il a ainsi pu être considéré comme domicile, un bureau, un garage alors qu'un hall d’hôtel n’est pas un domicile et une gare ou un local inhabitable non plus. Il existe des règles protectrices concernant certaines personnes avec des garanties complémentaires dès lors qu’elles ont des fonctions spécifiques. On peut citer les avocats, les médecins, pour lesquels seul un magistrat est habilité à opérer une perquisition (article 56-1 du Code de procédure pénale). On peut citer les magistrats, les commissaires de justice, les médecins, les instituts de journalisme. La liste des personnes protégées est limitative et d’interprétation stricte (arrêt Cass du 18 juin 2003 dans lequel un mandataire judiciaire n’a pas été considéré comme visé par le texte). Les perquisitions sont réalisables quelles que soient les procédures, qu’elles soient de droit commun ou dérogatoire. La difficulté est que selon la procédure et le moment de la procédure les règles applicables ne seront pas les mêmes. Si on est en criminalité organisée, on va raisonner sur les articles 706-89 et suivants du Code de procédure pénale. Le véhicule aménagé peut être perquisitionné et on doit respecter les règles de perquisition. L’article 78-2-2 dans son paragraphe 2 et dernier alinéa “II.-Dans les mêmes conditions et pour les mêmes infractions que celles prévues au I, les officiers de police judiciaire, assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du présent code peuvent procéder à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public (...) IV.-Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes”. On trouve plusieurs fouilles envisagées par le texte, la fouille à corps par exemple qui est un acte de police judiciaire que l’on oppose à la palpation de sécurité qui est un acte de police administrative qui suppose le consentement de la personne. La palpation de sécurité est évoquée à l’article L6342-4 du code des transports qui évoque les palpations de sûreté qui peuvent être réalisées, mais qui précise bien que cela ne peut être fait qu’avec le consentement de la personne. Pour la fouille des véhicules pendant longtemps n’avait pas été réglementé par les textes et on avait des règles posées en jurisprudence. La Cour de cassation avait précisé que la fouille pouvait intervenir en enquête de flagrance et sur commission rogatoire. Le législateur avait essayé de rédiger des textes sur la fouille des véhicules et le problème, c'est que le texte qu’il avait rédigé a été censuré par le Conseil constitutionnel, car il y voyait un pouvoir général de fouille reconnu à la police judiciaire. Ce n’est qu’en 2003 que le législateur a repris sa plume pour faire des textes sur les fouilles de véhicule. Il a été introduit trois textes et on trouve des dispositions générales sur la fouille de véhicule dans le Code de procédure pénale. Ce sont les articles 78-2-2 et suivants du Code 28 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage de procédure pénale. La police peut contrôler l’identité et fouiller les véhicules sur réquisition écrite du parquet. L’article 78-2-3 traite de la fouille pour cas de flagrance sans lien avec un contrôle d’identité et sans accord de la personne. L’article 78-2-4 réglemente un cas de fouille qui n’avait pas été prévu par la jurisprudence puisqu’il envisage la fouille en cas de contrôle d’identité administrative. II) Les auditions de personnes Les auditions on en trouve tout au long du procès et un certain nombre de personnes pourra être entendu selon des règles qui sont différentes d’une étape procédurale à une autre. Il faut donc se méfier du vocabulaire à utiliser. Dans le cadre de l’enquête de police, l’officier de police judiciaire peut pour les nécessités de l’enquête entendre toute personne qui pourrait être susceptible de donner des informations utiles. Les personnes sont tenues de comparaître mais elle n’est pas tenue de déposer. Le droit de se taire est conventionnel et peut-être utilisé tout au long du procès. Le droit de se taire se trouve dans le droit conventionnel tel qu’interprété par la CEDH. On trouve à l’article préliminaire du Code de procédure pénale qu’il est mentionné au dernier alinéa. On a donc une généralisation du droit de se taire. La personne peut-être retenue durant 4h au maximum que l’on retrouve à l’article 62, alinéa 2 du Code de procédure pénale. On trouve aussi des auditions dans le cadre de l’instruction, plusieurs personnes peuvent être entendues selon des modalités différentes en fonction de leur qualité dans la procédure. Toute personne doit alors effectivement comparaître devant le juge et dispose ici de l’obligation de déposer. La personne non soupçonnée va pouvoir être entendue et pourra l’être selon l’article 62 du code de procédure pénale, il s’agit de l’audition libre, cela ne peut dépasser 4h également. L’audition du suspect est prévue à l’article 61-1 du Code de procédure pénale qui débute ainsi “Sans préjudice des garanties spécifiques applicables aux mineurs, la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée”. L’audition se passe de manière différente et ne peut pas être entendue sans qu’on lui donne un certain nombre d’informations. On va dire que la personne possède le droit de quitter les locaux à n’importe quel moment. Elle a le droit de se taire. Cette personne à droit à l’assistance d’un avocat dans certains cas lors d’une opération de reconstitution de l’opération soit encore lors d’une séance d’identification de suspects. On trouve aussi le régime de la garde à vue qui permet d’entendre la personne et lui poser des questions. Par une loi du 22 avril 2024, le délai de carence a été supprimé et si l’avocat désigné ne peut pas être contacté ou alors s’il déclare ne pas pouvoir se présenter dans le délai de deux heures à compter de l’avis, à ce moment-là, l’officier de police judiciaire saisit “sans délai et par tout moyen, le bâtonnier aux fins de désignation d’un avocat commis d’office (...) la même procédure est applicable si l’avocat suivant ne s’est pas présenté dans le délai prévu”. 29 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage Cette personne auditionnée par le juge d’instruction peut avoir diverses qualités, il peut s’agir d’un témoin ou bien d’une personne mise en cause. Le témoin est défini à l’article 109 du Code de procédure pénale “Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions de l'article 378 du code pénal”. Le témoin est celui contre lequel des indices existent. Ce n’est pas une personne mise en cause à ce stade de l’enquête. Cette personne va déposer sous serment devant un juge, et dispose de l’obligation de déposer. Il existe aussi des dispositions dans le Code de procédure pénale sur le témoignage anonyme qui se trouvent dans le titre “De la protection des témoins” et ce sont les articles 706-57 et suivants du Code de procédure pénale. On est dans un contexte particulier et d’infraction grave et il y a un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique. Ce dispositif vient de la jurisprudence de la CEDH, consacré dans plusieurs arrêts du droit néerlandais. Il s’agissait d’auditions de policiers qui désiraient garder leur anonymat par peur de représailles dans un trafic de stupéfiants. La Cour a admis que sous conditions, le témoignage anonyme est valable. Ce que la Cour a précisé, la condamnation ne peut pas se fonder exclusivement sur la déclaration anonyme. Les dispositions qui sont dans le Code de procédure pénale datent d’une loi du 15 novembre 2001. La Cour de cassation dans un arrêt Cass du 8 juillet 2015 nous affirme que la protection du témoin ne s’applique pas à tout un chacun et “Seul peut être exclu de la protection la personne à l’encontre de laquelle il existe une raison plausible de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction objet de la procédure dans le cadre de laquelle est apporté son témoignage”. On peut aussi être en présence d’une personne mise en cause, qui peut passer de mis en cause à témoin assisté et enfin de mis en examen. Parce que le mis en examen est une partie au procès alors il dispose des droits de la défense. En revanche, le mis en examen peut subir des mesures de contrainte. Le témoin assisté est un tiers à la procédure, cela signifie qu’il ne dispose pas de tous les droits de la défense. Le droit d’accès au dossier, de se taire et ne pas s'auto incriminer. On devrait se dire qu’il ne peut demander la nullité, pourtant l’article 113-3 du Code de procédure pénale précise “Le témoin assisté bénéficie du droit d'être assisté par un avocat qui est avisé préalablement des auditions et a accès au dossier de la procédure, conformément aux dispositions des articles 114 et 114-1. Cet avocat est choisi par le témoin assisté ou désigné d'office par le bâtonnier si l'intéressé en fait la demande”. Il n’a pas qualité pour se pourvoir en cassation d’après la Cour de cassation, son pourvoi est aussi irrecevable contre l’arrêt de la chambre de l’instruction qui infirme l’ordonnance de non-lieu et ordonne un complément d’information pour procéder à la mise en examen (arrêt Cass du 21 juin 2005). Mais le pourvoi du témoin assisté est recevable s’il est adressé concernant une demande d’annulation car la loi prévoit qu’il peut agir en nullité. Dans un arrêt Cass du 31 octobre 2007, il est recevable à se pourvoir contre l’arrêt de la chambre de l’instruction qui excédant ses propres pouvoirs a porté atteinte à ses intérêts. Le témoin assisté est recevable à déposer un mémoire devant la Cour saisie d’un pourvoi, un pourvoi contre une décision de la chambre d’instruction ayant confirmé une ordonnance de non-lieu 30 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage car la décision était susceptible de lui faire grief. Il n’est pas question de mettre le témoin assisté en détention provisoire ou sous bracelet électronique. Le juge d’instruction à la suite de l’interrogatoire de première comparution peut apposer un statut à la personne (article 116 du Code de procédure pénale). Section n°2 : La recherche des preuves concernant les auteurs On trouve plusieurs techniques qui permettent d’identifier les auteurs. La technique du contrôle d’identité et de la vérification d’identité. Le contrôle d’identité correspond à la situation dans laquelle un policier contrôle l’identité d’une personne dans la rue. Si la personne n’a pas ses papiers, le policier peut demander à ce que la personne se présente avec ses papiers au poste. On a donc des techniques de contrôle d’identité, et les questions de contrôle font parler. La Cour de cassation, quand elle est saisie, est amenée à contrôler quand les policiers ne font pas de détournement de pouvoirs. Il arrive que l’État soit déclaré responsable parce que le contrôle ne s’est pas bien déroulé. Dans un arrêt Cass du 9 novembre 2016 au visa de l’article premier de la Constitution “Pour retenir le caractère discriminatoire du contrôle d’identité engageant la responsabilité de l’état, l’arrêt énonce que l’autorité publique ne démontre pas en quoi ce contrôle qui apportait systématiquement et exclusivement sur un type de population, était justifié par des circonstances précises et particulières, étrangères à toute condition liée aux origines”. Dans un autre arrêt, il est affirmé “une faute lourde de l’état au sens de l’article L141-1 du COJ doit être regardée comme constituée lorsqu’il est établi qu’un contrôle d’identité a été réalisé selon les critères tirés des caractéristiques physiques associés à une origine réelle ou supposée sans aucune justification objective préalable”. Le casier judiciaire est un des premiers éléments qui est analysé par les magistrats dans un certain nombre de cas. Le bulletin le plus complet est le B1 qui contient l’ensemble des condamnations prononcées contre une personne. Parce qu’il est le plus complet, il est accessible aux autorités judiciaires et à ses autorités judiciaires seulement. Le B2 contient moins de condamnations (celles avec dispense ou ajournement de peines n’y figure pas) il est accessible aux administrations, aux autorités administratives. Le B3 est accessible à la personne concernée et s’il comporte quelque chose ce sont uniquement les condamnations les plus graves (peines de prison supérieures à 2 ans). Il ne peut pas y avoir d’interconnexion entre les fichiers automatisés, mais on a quand même tout un tas d’autres fichiers qui existent et chacun d’entre eux dispose d’une réglementation spécifique. N’importe quelle information de n’importe quel fichier n’est pas accessible aux mêmes personnes. 31 Laflaquière Adrien, M2 Contentieux et Arbitrage I) L’obtention de la preuve scientifique Les textes évoquent des échantillons qui vont pouvoir servir d’élément et qui peuvent avoir des origines différentes. On peut avoir des éléments détachés du corps humain (cheveux, poils de barbe, salive pas forcément des trucs affreux). Quelle est la différence entre le prélèvement externe et prélèvement interne ? L’article 55-1 du Code de procédure pénale affirme “L'officier de police judiciaire peut procéder, ou faire procéder sous son contrôle, sur toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause ou sur toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction, aux opérations de prélèvements externes nécessaires à la réalisation d'examens techniques et scientifiques de comparaison avec les traces et indices prélevés pour les nécessités de l'enquête”. Le Conseil constitutionnel est celui qui a mis la lumière sur la différence entre ses deux notions