Panorama de l'histoire de la philosophie - Kant - PDF
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2024
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These lecture notes cover a panorama of philosophical history, focusing on the work of 18th-century philosopher Immanuel Kant. The document introduces the context of philosophy before Kant, highlighting the debate between empiricism and rationalism. It delves into Kant's life and major works before moving into specific philosophical ideas and concepts. It is an overview for a philosophy course.
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Licence 1, semestre 1 UEF 14 : Méthodologie philosophique Panorama de l’histoire de la philosophie Séance du 19 novembre 2024 Kant Plan de la séance I. Situation de la philosophie avant Kant II. La vie et les principales œuvres de Kant III. Que puis-je...
Licence 1, semestre 1 UEF 14 : Méthodologie philosophique Panorama de l’histoire de la philosophie Séance du 19 novembre 2024 Kant Plan de la séance I. Situation de la philosophie avant Kant II. La vie et les principales œuvres de Kant III. Que puis-je savoir ? IV. Que dois-je faire ? V. Que m’est-il permis d’espérer ? VI. Quelques pistes bibliographiques I - Situation de la philosophie avant Kant Vers le milieu du XVIIIe siècle, une controverse est à l’œuvre entre empirisme et rationalisme. Quels sont les objets du débat ? A) L’origine des représentations : expérience sensible ou esprit humain ? B) Le fondement de la connaissance : l’expérience ? La raison ? La raison indépendamment de l’expérience ? I - Situation de la philosophie avant Kant En quoi consistent l’insuffisance et l’unilatéralité de l’empirisme ? En partant de la vérité selon laquelle toute connaissance s’amorce avec l’expérience, l’empirisme affirme que toute connaissance dérive de l’expérience. Deux conséquences : 1) L’empirisme, en dérivant la connaissance de l’expérience, la conçoit comme généralisation. 2) L’empirisme discute le fait qu’il existe des connaissances de la réalité indépendantes de l’expérience (a priori). De ce fait, l’empirisme peut conduire au scepticisme et à une limitation importante du champ de la connaissance. I - Situation de la philosophie avant Kant En quoi consistent l’insuffisance et l’unilatéralité du rationalisme ? Le rationalisme affirme que certains concepts et connaissances s’obtiennent indépendamment de l’expérience, soit que ces concepts et connaissances soient innés, soit que l’on puisse les atteindre par intuition ou déduction rationnelle. Deux conséquences : 1) Ces connaissances a priori ne peuvent être mises à l’épreuve de l’expérience. Le rationalisme est suspecté de dogmatisme. 2) Le rationalisme engendre des théories très différentes, qui ne cessent de lutter entre elles. Elles constituent ce que Kant appelle le champ de bataille de la métaphysique. I - Situation de la philosophie avant Kant Kant s’inscrit dans ce débat en construisant une troisième voie : la critique. La critique se conçoit comme un tribunal : - qui juge l’unilatéralité et l’insuffisance du rationalisme et de l’empirisme lorsqu’ils conduisent au dogmatisme et au scepticisme. - Qui légifère sur les prétentions légitimes de la raison qui cherche à connaître des réalités indépendantes de l’expérience. I - Situation de la philosophie avant Kant Cette troisième voie est constituée par Kant après deux réveils distincts : 1) Le réveil dit « antinomique » : c’est le réveil que suscitent les contradictions du rationalisme et ses conséquences dogmatiques. Pourquoi le rationalisme produit-il des théories opposées ou contradictoires qui sont apparemment toutes fondées ? 2) Le réveil dit « humien » : c’est le réveil que suscite l’empirisme et ses conséquences sceptiques. On ne peut postuler que certaines connaissances du monde empirique comme la causalité sont nécessaires. Cela remet profondément en cause le statut des sciences du sensible, comme la physique de Newton. Grâce au réveil antinomique, Kant veut limiter la connaissance indépendante de l’expérience (la métaphysique), mais grâce au réveil humien, il veut fonder ma connaissance de l’expérience (notamment la physique) comme connaissance au sens fort, c’est-à-dire nécessaire et pas contingente. Il va le faire en formulant une question : comment des jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ? II. La vie et les principales œuvres de Kant Kant est né en 1724 et mort en 1804 à Königsberg en Prusse orientale (aujourd’hui Kaliningrad, enclave russe sur la mer Baltique). Il est fils d’artisan sellier-harnacheur ; il est éduqué surtout par sa mère, instruite et pieuse. II. La vie et les principales œuvres de Kant Kant n’a jamais quitté sa ville natale, grand port de commerce cosmopolite. Il Entre à l’université à 16 ans, étudie la philosophie, les mathématiques, la physique (1740-1748). Il devient précepteur privé dans plusieurs maisons (1748-1755). Il soutient ses thèses en 1755 et devient Privatdozent à l’université. Son style de vie est mondain ; plus réglé à partir de 1764. Il est nommé professeur de métaphysique et de logique en 1770. Il cesse d’enseigner à l’université en 1796. II. La vie et les principales œuvres de Kant - Critique de la raison pure (C1) : 1781 (à 57 ans !), 2e éd. modifiée : 1787. - Critique de la raison pratique (C2) : 1788. (1789 : début de la Révolution française) - Critique de la faculté de juger (C3) : 1790. - La Religion dans les limites de la simple raison : 1793 (année de la décapitation de Louis XVI). - La Métaphysique des mœurs : 1797. - Anthropologie du point de vue pragmatique : 1798. À la fin de la C1, Kant affirme que la philosophie se réduit à trois questions fondamentales : Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que m’est-il permis d’espérer ? III. Que puis-je savoir ? Contexte : les empiristes ont surestimé l’expérience et sous-estimé l’entendement. Les rationalistes, inversement, surestiment l’entendement et sous-estiment les sens La troisième voie kantienne cherche à articuler de façon nouvelle l’empirisme et le rationalisme, en valorisant l’expérience et l’entendement dans le processus de connaissance : « notre connaissance procède de deux sources fondamentales de l’esprit, dont la première est le pouvoir de recevoir les représentations (la réceptivité des impressions), la seconde le pouvoir de connaître par l’intermédiaire de ces représentations un objet (spontanéité des concepts) ; par la première nous est donné un objet, par la seconde celui-ci est pensé en relation avec cette représentation (par simple détermination de l’esprit) » (AK, III, 74 ; IV, 47). III. Que puis-je savoir ? Sont nécessaires à la connaissance : - les perceptions sensibles et l’entendement, - La réception passive (réceptivité) et l’élaboration active (spontanéité), - Les intuitions et les concepts. Quel est le rapport entre eux ? comment démontrer que des concepts universels qui n’ont rien d’empirique en eux puissent effectivement s’appliquer à des phénomènes sensibles qui n’ont rien d’universel en eux ? C’est la difficulté majeure à laquelle se confronte Kant dans la Critique de la raison pure. Cette difficulté est celle de la possibilité de la synthèse du sensible et du concept. III. Que puis-je savoir ? Pour répondre à cette question, Kant inaugure un nouveau niveau de discours, le niveau transcendantal : c’est le niveau des conditions de possibilité de l’expérience. Comment la connaissance parvient-elle à rejoindre son objet ? Comment la synthèse entre le concept et le sensible se réalise-t-elle ? La réponse transcendantale est la suivante : l’expérience des objets dans le monde sensible n’est possible que grâce à des catégories, des concepts et des principes. La connaissance des objets ne fait que remobiliser ces catégories, ces concepts et ces principes sans lesquels aucune expérience d’objet ne serait possible. C’est la révolution copernicienne dans la théorie de la connaissance : ce n’est pas le sujet connaissant qui doit se régler sur les objets à connaître, mais c’est la connaissance des objets qui dépend des structures a priori de la sensibilité et de l’entendement. La connaissance ne dévoile pas son objet, elle le constitue et l’élabore. III. Que puis-je savoir ? Les formes a priori de l’intuition sensible sont l’espace et le temps (qui ne sont donc pas des propriétés du monde sensible). Ces formes unifient le divers phénoménal, qui de ce fait n’est pas un chaos de sensations. Ce divers sensible est également unifié par l’entendement (les concepts et catégories, qui sont les concepts purs les plus fondamentaux ; les principes). Les intuitions et les concepts sont donc tous deux indispensables pour connaître : « Des concepts sans intuitions sont vides, des intuitions sans concepts sont aveugles. » Mais l’usage des concepts de l’entendement ou « catégories » s’étend seulement aux objets de l’expérience possible, c’est-à-dire à des phénomènes, non aux choses en elles-mêmes. De ce fait, les principales questions de la métaphysique traditionnelle, à savoir l’existence de Dieu, l’unité du monde, la liberté du vouloir et l’immortalité de l’âme, ne peuvent recevoir de réponse scientifique ni positive, ni négative. Ces questions renvoient en effet à des entités suprasensibles (Dieu, l’âme, le monde), qui ne peuvent être l’objet d’une expérience, mais qui peuvent simplement être pensés. III. Que puis-je savoir ? Les pensées qui dépassent le domaine de l’expérience possible vers l’inconditionné sont appelées « idées » (l’âme, le monde, Dieu). Celles-ci servent à l’entendement de moyen méthodique de progression, pour totaliser la connaissance et parvenir à un premier terme, à l’origine des séries phénoménales : nous devons ainsi - considérer les processus psychiques comme s’ils étaient totalisables dans une unité appelée âme ; - considérer la totalité des phénomènes sensibles comme si on disposait, pour chaque phénomène, de la série entière de ses conditions, unifiée en un monde ; - considérer tous les objets des sens externes et internes comme s’ils provenaient d’une entité au fondement de toutes les choses, d’un être de tous les êtres (Dieu). IV. Que dois-je faire ? Les lois de la nature, qui déterminent l’expérience, énoncent une nécessité ; les lois morales, qui déterminent le vouloir, énoncent une obligation. L’action moralement bonne est telle par sa forme, non par son contenu : c’est celle dont l’intention est de faire son devoir. Le devoir est un « impératif catégorique », c’est-à-dire un commandement inconditionnel et universel : « Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle. » Le bonheur n’est pas un principe moral viable, parce que chacun entend par là quelque chose de différent à partir de ses penchants sensibles particuliers ; mais ce que commande le devoir découle de la raison pratique commune à tous et indépendante des inclinations sensibles. Dans cette capacité à se laisser déterminer par autre chose que la légalité naturelle, la volonté manifeste sa liberté. En se soumettant à la loi de la raison qu’elle s’est donnée à elle-même, elle manifeste son autonomie. IV. Que dois-je faire ? La loi morale est donc triplement indépendante de l’expérience : - son origine est la raison pure pratique ; - son contenu est une prescription seulement formelle ; - sa validité est indépendante de sa réalisation. La loi morale en moi, présente de façon incontournable comme un « fait de la raison », me permet de reconnaître que je suis libre. Sans liberté, la loi morale n’aurait aucun sens (je ne peux pas avoir pour devoir des choses que je ne peux pas accomplir). C’est grâce à la loi morale que je connais ma liberté. Inversement, sans liberté, la loi morale n’aurait aucune raison d’être. V. Que m’est-il permis d’espérer ? La raison théorique est impuissante à établir avec certitude la liberté de la volonté, l’immortalité de l’âme, l’existence de Dieu. Mais c’est la tâche de la raison pratique de les « postuler », c’est-à-dire de les exiger. 1. L’idée de la liberté peut être directement déduite de la loi morale (cf. diapositive précédente). 2. Le postulat de l’immortalité de l’âme est justifié comme suit : puisque nous sommes des êtres finis, notre volonté ne coïncidera jamais pleinement, en cette vie, avec la loi morale. Nous devons donc être fondés à espérer qu’après la fin de l’existence terrestre il nous sera possible de continuer à nous approcher de l’idéal de la vertu. 3. Le postulat de l’existence de Dieu est justifié comme suit : vertu et félicité coïncident rarement ici-bas ; seule est juste une toute-puissance qui règne sur le monde moral comme elle a créé la nature ; seul Dieu peut établir un juste rapport entre bien-agir et bien-être. V. Que m’est-il permis d’espérer ? La morale est donc le fondement de la religion (et non l’inverse). Nous sommes fondés à considérer les lois morales comme si elles étaient des commandements divins. Elles ne valent pas parce que c’est Dieu qui les a données, mais elles peuvent être considérées comme divines parce qu’elles sont des lois rationnelles nécessaires. Ainsi la religion est un auxiliaire de la moralité. Le devenir de l’espèce humaine a pour finalité le règne de la loi et de la paix universelle, mais l’établissement de la justice publique n’est jamais acquis une fois pour toutes. Seule l’instauration d’une « société des nations », soumise à des lois internationales, permettra à l’homme de parvenir à la paix et à l’ordre juridique, condition de toute autonomie véritable. VI. Quelques pistes bibliographiques Présentation simplifiée : Kant, Prolégomènes à toute métaphysique future qui voudra se présenter comme science, 1783 Clavier, Paul : Premières leçons sur la Critique de la raison pure, Paris, PUF, 1996. Grandjean, Antoine : La philosophie de Kant, Paris, Vrin, 2016. Jaspers, Karl : Les Grands Philosophes. 3. Ceux qui fondent la philosophie et ne cessent de l’engendrer, Kant, Paris, Plon, 1967, rééd. Presses Pocket, 1989