Pathologie Cardiovasculaire Médicochirurgicale PDF

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Université Libre de Bruxelles

2023

Philippe Van De Borne, Frédéric Vanden Eynden, Jean-Philippe De Wilde

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cardiovascular disease pathology atherosclerosis medicine

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This document is a course syllabus on Cardiovascular Pathology. It covers the diagnosis and treatment of cardiovascular risk factors, coronary pathology, valvular pathologies, heart failure, and cardiac arrhythmias. It also includes vascular pathology, focusing on arterial, venous, and lymphatic diseases.

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Pathologie BRUXELLES Cardiovasculaire Médicochirurgicale DE LIBRE UNIVERSITÉ Philippe VAN DE BORNE, Frédéric VANDEN EYNDEN, Jean-Philippe DE WILDE D/2023/0098/182 1 e édition – Tirage 2023-24/1 MEDI-G-3405_E...

Pathologie BRUXELLES Cardiovasculaire Médicochirurgicale DE LIBRE UNIVERSITÉ Philippe VAN DE BORNE, Frédéric VANDEN EYNDEN, Jean-Philippe DE WILDE D/2023/0098/182 1 e édition – Tirage 2023-24/1 MEDI-G-3405_E 9HSMFKA*abfhbf+ Conformément à la loi du 30 juin 1994, modifiée par la loi du 22 mai 2005, sur le droit d’auteur, toute reproduction partielle ou totale du contenu de cet ouvrage –par quelque moyen que ce soit– est formellement interdite. Toute citation ne peut être autorisée que par l’auteur et l’éditeur. La demande doit être adressée exclusivement aux Presses Universitaires de Bruxelles a.s.b.l., avenue Paul Héger 42, 1000 Bruxelles, Tél. : 02-650 64 40 – https://www.pub-ulb.be/ – E-mail : [email protected] « C’est l’éducation, l’instruction qui décideront de l’émancipation de la femme et de l’homme, de leur tolérance et de leur capacité à dialoguer. » Lucia de Brouckère (1904-1982) Docteur en chimie de l’ULB, première femme à enseigner dans une faculté de sciences en Belgique, militante de la laïcité et du libre- examen. DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale Pathologie Cardiovasculaire Médicochirurgicale Philippe van de Borne, Frédéric Vanden Eynden, Jean-Philippe De Wilde Année académique 2023-24 ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P. 1Héger 42, B-1000 Bruxelles 1 DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale Introduction La pathologie cardiovasculaire est une discipline enthousiasmante car elle comporte à la fois une sémiologie riche, une physiopathologie passionnante, des outils diagnostiques fiables et multiples et souvent de nombreuses solutions thérapeutiques. La pathologie cardiovasculaire est également la première cause de mortalité dans les pays industrialisés. Cette discipline fait l’objet de constantes recherches qui aboutissent à des découvertes scientifiques, à des modalités diagnostiques nouvelles et à des stratégies thérapeutiques performantes. Ces modifications ne réduiront la morbidité et la mortalité cardiaque qu’à condition qu’elles soient largement diffusées et connues de tout le corps médical. Le syllabus reflète l’état de nos connaissances en 2023. L’objectif du cours de pathologie cardio-vasculaire est d’être suffisamment général de manière à convenir à tous les médecins, indépendamment de leur orientation future. L’enseignement doit permettre l’accès de tout étudiant au master complémentaire de son choix, où il bénéficiera d’un enseignement plus détaillé. Le cours de cardiologie débute par deux chapitres dédiés au diagnostic et au traitement des facteurs de risque cardiovasculaire. Le troisième chapitre traite de la pathologie coronaire, conséquence des affections décrites dans les deux premiers chapitres. Le chapitre 4 a trait aux pathologies valvulaires. Le chapitre 5 traite de l’insuffisance cardiaque, des complications des affections décrites dans les chapitres précédents. Enfin, le dernier chapitre traite des arythmies cardiaques, qui compliquent les affections susmentionnées. La pathologie vasculaire inclut les pathologies artérielles, veineuses, lymphatiques et les troubles de la microcirculation. La sémiologie de ces pathologies est riche et permet souvent après une anamnèse et un examen clinique systématique et attentif d’avoir une bonne orientation diagnostique. On dispose par ailleurs actuellement d’outils diagnostiques fiables qui permettront de confirmer ou au contraire d’infirmer l’hypothèse diagnostique. La prise en charge optimale de ces pathologies nécessite souvent une approche multidisciplinaire (chirurgie vasculaire, cardiologie, médecine interne, neurologie, maladies métaboliques, radiologie, hématologie et coagulation). La pathologie vasculaire est donc un bel exemple de discipline transversale où le dialogue entre le médecin généraliste et les praticiens des disciplines citées ci-dessus est essentiel. Les objectifs pédagogiques du cours sont : Diagnostiquer une pathologie vasculaire et justifier les examens complémentaires pertinents Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge Argumenter l’attitude thérapeutique sans entrer dans les détails tels que les doses des médicaments ou les techniques chirurgicales Les premiers chapitres sont consacrés aux pathologies artérielles périphériques les plus courantes dont l’étiologie est le plus souvent l’athérosclérose. Le chapitre suivant est dédié aux artériopathies non-athéromateuses. Un chapitre est consacré aux acrosyndromes ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P. 3Héger 42, B-1000 Bruxelles 3 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe vasculaires et au syndrome du défilé thoraco-brachial. Deux chapitres sont consacrés à la pathologie veineuse courante (thrombose veineuse et insuffisance veineuse) Une distinction claire est établie dans ce cours entre la matière qui doit être connue par tous et les éléments dont la connaissance n’est pas prioritaire (ils sont écrits en petits caractères). La plupart des données chiffrées figurent à titre indicatif, mais l’étudiant doit savoir ce qui est rare ou fréquent, précoce ou tardif, rapide ou lent. Enfin, seules quelques posologies médicamenteuses doivent être connues. Le cours de pathologie cardio-vasculaire s’intègre avec celui d’autres enseignements et les étudiants sont priés de revoir les notions qui ont été enseignées en : Anatomie Pathologique Générale, Biochimie Pathologique Générale, Physiologie et Physiopathologie Humaines, Sémiologie et Propédeutique Médicale Tous les documents de référence sont accessibles en permanence et gratuitement sur : https://www.escardio.org/Guidelines/Clinical-Practice-Guidelines 4 P B Cours-Librairie, av. P. Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale Chapitre 1 Athéromatose et prévention de la maladie cardiovasculaire a) Introduction : L’athérosclérose affecte la paroi interne des artères élastiques (p.ex. : aorte, artères carotides et iliaques) et des artères musculaires larges et moyennes (p.ex. : artères coronaires et poplitées). Il s’agit d’une affection qui n’atteint pas toutes les artères de manière uniforme. C’est une pathologie artérielle focale favorisée par les forces de cisaillement du courant sanguin et aggravée par des pathologies systémiques (hyperlipidémie, hypertension, diabète sucré). Les plaques athéromateuses sont situées à proximité de bifurcations artérielles, en raison de l’augmentation du temps de contact entre les lipoprotéines de faible densité et la paroi de l’artère à cet endroit. L’athéromatose atteint surtout l’intima qui, infiltrée de lipides et de cellules inflammatoires, développe une fibrose. C’est l’accumulation de lipides oxydés qui altère l’artère et qui active des mécanismes de réparation cellulaire. Les cellules musculaires lisses se transforment en fibroblastes. Ces fibroblastes migrent vers l’intima où ils prolifèrent et produisent de la matrice extracellulaire. Ceci aboutit à la formation de plaques intimales selon un mécanisme qui ressemble à la cicatrisation d’une plaie cutanée. La plaque intimale deviendra hypertrophique en réponse à la répétition des traumatismes, suivant un modèle qui rappelle celui des cicatrices chéloïdes cutanées. La média adjacente à la plaque athéromateuse est atrophiée en raison de la disparition des cellules musculaires, qui ont migré vers l’intima, et de la réduction des apports nutritifs cellulaires. La lumière de l’artère reste préservée par l’atrophie de la média et la dilatation de l’artère qui devient ovale, ce qui compense la place prise par la plaque athéromateuse. Ainsi une artère angiographiquement normale (on ne voit que l’intérieur) peut cacher une athéromatose prononcée. Les symptômes cliniques chroniques de l’angor stable sont dus à une réduction de plus de 75 % de la lumière artérielle par une plaque athéromateuse obstructive. Les symptômes aigus de l’athéromatose, sont surtout dus à la rupture d’une plaque athéromateuse qui ne réduit que faiblement la lumière de l’artère, mais qui induit la formation d’un thrombus occlusif ou sub- occlusif. Ceci explique l'importance de la stabilisation de la plaque athéromateuse dans le traitement du syndrome coronarien aigu. b) Histopathologie de l’athéromatose : Anatomie normale : L’artère normale est composée de l’intima (qui comprend l’endothélium, couche monocellulaire, barrière entre le sang et l’artère), la média (couche musculaire épaisse) et l’adventice (en contact avec le tissu conjonctif des organes avoisinants). La média est ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P. 5Héger 42, B-1000 Bruxelles 5 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe composée de cellules musculaires lisses séparées par des fibres élastiques. Les lames élastiques internes et externes séparent la média de l’intima et de l’adventice. L’endothélium joue un rôle prépondérant dans l’homéostasie vasculaire : - Il forme une barrière de perméabilité entre la lumière du vaisseau et sa paroi, - Il maintient l’intégrité de la membrane basale (protéoglycans, collagène, …), - Il forme une surface non thrombogène pour les plaquettes par la production de molécules antiagrégantes (prostacycline, héparan sulfate, …) et fibrinolytiques (tPA, urokinase, …) - Il forme une surface non-adhérente pour les leucocytes, - Il module le tonus vasculaire en produisant des substances vasodilatatrices (NO, prostacycline) ou vasoconstrictrices (thromboxane A2, endothéline, angiotensine I, …), - Il synthétise des facteurs de croissance, des cytokines et modifie les lipoprotéines lors de leur transport au travers de la paroi vasculaire. L’oxyde nitrique (NO) : Gaz vasodilatateur, inhibant l’adhésion et l’agrégation plaquettaire ainsi que la migration et la prolifération des cellules musculaires vasculaires lisses. Le système cardiovasculaire est exposé à une sécrétion permanente de NO car il est libéré par les forces de cisaillement du flux sanguin sur l’endothélium. L’intima est épaissie et sa perméabilité est accrue au niveau des sites de bifurcation des artères. La division cellulaire et le renouvellement tissulaire sont également accrus à ces endroits. Ceci pourrait représenter une réponse adaptative au stress hémodynamique augmenté au niveau des zones de flux sanguin turbulent. Les endroits où l’intima est épaissie sont également les sites préférentiels des plaques athéromateuses. L’athéromatose : Type I : Augmente en importance dès l’âge de 10 ans et est constituée de dépôts mineurs intimaux de lipides et de macrophages chargés de gouttelettes de lipides (cellules spumeuses). L’intima en regard de ces lésions est épaissie. Type II : Les macrophages sont plus nombreux et sont organisés en stries graisseuses situées dans les régions profondes de l’intima, à proximité de la lame élastique interne. On note quelques lymphocytes T, des mastocytes et des macrophage chargés de lipides. Type III : C’est le premier stade de la plaque athéromateuse classique. Elle est caractérisée par de légers dépôts extra-cellulaires de lipides situés sous l’intima dont ils altèrent l’architecture. Ces dépôts sont situés sous les macrophages et les lymphocytes T. Ces lésions sont présentes dès l’adolescence et prédisent les lésions cliniques ultérieures. 6 P B Cours-Librairie, av. P. 6Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale Type IV : L’accumulation de lipides extracellulaires forme à présent un noyau lipidique libre de cellules. Le noyau lipidique provient des macrophages spumeux et de dépôts directs de lipoprotéines. Il est entouré de cellules inflammatoires et recouvert d’une fine couche de tissu conjonctif. Les capillaires issus des vasa-vasorum commencent à proliférer au sein de la plaque. La lumière de l’artère ne diminue pas car le diamètre externe de l’artère augmente (l’artère devient ovale). Type V (important) : L’épaisseur du tissu fibreux qui recouvre le noyau lipidique augmente. Cette cape fibreuse est produite par des cellules musculaires lisses transformées en fibroblastes qui ont migré, prolifèrent et sécrètent du collagène et des protéoglycans. La lumière de l’artère diminue à présent. C’est la lésion typique de l’angor stable. La protrusion de la lésion dans la lumière altère le flux sanguin laminaire normal. Ce flux devient turbulent, ce qui expose la lésion athéromateuse friable à des forces de tension nouvelles. La rupture de la plaque athéromateuse survient généralement à ce stade et conduit à la lésion de type VI. Type VI (important) : C’est la lésion typique de l’angor instable ou de l’infarctus myocardique STEMI ou NSTEMI (cf. chapitre 3). La plaque athéromateuse contient des dépôts thrombotiques ou des hémorragies. La thrombose est due à une rupture, une fissuration, une érosion ou une ulcération de l’intima qui se propage souvent jusqu’au tissu fibreux sous-endothélial. Les sites de rupture sont souvent situés à la frontière entre la plaque et l’intima normal. C’est à cet endroit que la cape fibreuse est mince et que les cellules musculaires lisses meurent en grand nombre tandis que les cellules inflammatoires dégradent la matrice extra-cellulaire. Des hémorragies peuvent survenir dans la plaque et sont alimentées par les capillaires issus des vasa-vasorum. La fibrinolyse spontanée et la colonisation du matériel thrombotique par les cellules musculaires lisses font régresser la lésion de type VI en type V. La lésion de Type VII est fortement calcifiée et la lésion de Type VIII contient énormément de collagène. Ces lésions ne contiennent plus beaucoup de lipides. Ce sont les formes les plus avancées des plaques athéromateuses, très fréquentes après 70 ans. Les lésions de types VIII sont plus stables que les lésions de types V et VI. c) Physiopathologie - symptômes cliniques : La plaque fragilisée présente au contact du flux sanguin des fissurations ou des zones de desquamation endothéliale. Les plaques fissurées exposent du matériel pro-thrombotique sous-endothélial, ce qui aboutit à une agrégation plaquettaire immédiate et à la formation rapide d’un thrombus. L’ADP, libéré par les plaquettes activées, active d’autres plaquettes (ce mécanisme est inhibé par le clopidogrel, cf. traitement de la cardiopathie ischémique). Les plaquettes activées ainsi que les macrophages, les cellules endothéliales et les cellules musculaires lisses présentent à ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P. 7Héger 42, B-1000 Bruxelles Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe leur surface la thromboplastine tissulaire, qui active la cascade de la coagulation. Il en résulte un caillot de fibrine qui entoure et solidarise le thrombus plaquettaire. Cette thrombose est cependant antagonisée par des systèmes de défense dont le plus important est la fibrinolyse spontanée. Elle est induite par l’activateur tissulaire du plasminogène (t- PA) produit par les cellules endothéliales. Le t-PA transforme le plasminogène en plasmine qui lyse la fibrine. d) Facteurs de risque d’athéromatose : Plus le risque cardiovasculaire est grand, plus l’effet absolu des efforts de réduction de ce risque sera important en termes de santé publique. Une réduction de 30 % d’événements coronaires réduit beaucoup plus le nombre d’événements dans une population à haut risque (30 % de 3000 cas) qu’à faible risque (30 % de 3 cas). La détermination des facteurs de risque est une démarche médicale importante car elle permet de concentrer les efforts médicaux sur ceux qui en bénéficient le plus. Facteurs de risque non modifiables : - Sexe masculin, - Age (homme ≥ 55 ans, femme ≥ 65 ans), - Antécédents familiaux de pathologie vasculaire (< 55 ans chez le père ou frères, < 65 chez la mère ou sœurs), - Statut socio-économique bas (souvent difficilement modifiable). Facteurs de risque modifiables : - Tabagisme (double l’incidence des affections cardiovasculaires si 1 paquet/j), - Hypertension artérielle (PA à 160/95 mmHg double le risque par rapport à 120/80 mmHg), - Cholestérol total > 190 mg/dl, LDL-cholestérol > 115 mg/dl, et HDL-cholestérol (hommes < 40 mg/dl, femmes < 46 mg/dl) (une réduction du cholestérol total de 1 % diminue les événements coronaires de 2 %), - Obésité (poids en kg / (taille en m) ² = indice de masse corporelle ou "indice de Quetelet" > 30) - Triglycérides > 150 mg/dl, - Glycémie à jeun 102-125 mg/dl, test de tolérance du glucose anormal, - Diabète de type II (glycémie à jeun > 126 mg/dl à deux reprises ou hémoglobine glycosylée > 7%, ou glycémie après test de tolérance > 198 mg/dl) (mortalité de l’infarctus 5 fois supérieure à celle des non diabétiques), - Sédentarité (l’activité physique régulière réduit de moitié l’incidence de la maladie coronaire), Un même patient cumule souvent de nombreux facteurs de risque, ceux-ci ont un effet multiplicatif sur le risque de présenter un événement cardiovasculaire. 8 P B Cours-Librairie, av. P. 8Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale Les patients qui présentent des atteintes des « organes cibles » ont un risque élevé de présenter un nouvel événement cardiovasculaire : - Pression pulsée > 60 mmHg chez le sujet âgé - Hypertrophie ventriculaire gauche (ECG ou échographie cardiaque) - Epaississement de l’intima-média de la carotide > 0,9 mm ou plaque d’athérome - Indice bras-cheville < 0,9 - Filtration glomérulaire 30-60 ml/min/1,73 m² - Rapport albumine/créatinine sur échantillon urinaire matinal > 30-300 mg/g (ou protéinurie /24h 30-300mg) Les patients en prévention secondaire ont aussi un risque augmenté de présenter une récidive d’accident cardiovasculaire : Pathologie cardiaque : angine de poitrine ou infarctus myocardique, revascularisation coronaire, insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral ischémique même transitoire, néphropathie (filtration glomérulaire < 30 ml/min/m², protéinurie > 300 mg/24h), artérite périphérique, rétinopathie avancée (hémorragies, exsudat, œdème papillaire). Un même patient cumule souvent de nombreux facteurs de risque, ceux-ci ont un effet multiplicatif sur le risque de présenter un événement cardiovasculaire. e) En pratique : Faire une anamnèse personnelle et familiale détaillée, déterminer l’indice de masse corporelle, la PA, s’il y a des atteintes des organes cibles et faire une biologie comprenant une glycémie à jeun et un profil lipidique. Déterminer le risque cardiovasculaire (colonnes et lignes en gras sont importantes) : Pression artérielle Grade 1 Grade 2 Grade 3 PAS 140-159 mmHg PAS 160-179 mmHg PAS >180 mmHg et/ou PAD 90-99 et/ou PAD 100-109 et/ou PAD>110 mmHg mmHg mmHg Pas d’autre facteur de Risque faible Risque moyen Risque élevé risque 1-2 autres facteurs de Risque moyen Risque moyen Risque t. élevé risque >3 facteurs de risque ou atteinte « organes cibles » ou filtration Risque élevé Risque élevé Risque t. élevé glomérulaire < 60 ml à t. élevé à t. élevé /min/1.73 m²) ou diabète type II ou prévention CV IIaire ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P. 9Héger 42, B-1000 Bruxelles 9 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe Pour convertir le risque d’accident cardiovasculaire fatal durant les 10 prochaines années (tel que présenté dans la Table SCORE) en risque cardiovasculaire total (fatal et non fatal), il faut multiplier ce risque par 3 chez les sujets masculins et par 4 chez les dames, légèrement moins chez les personnes âgées. La table SCORE ne peut être utilisée qu’en prévention primaire, chez le patient non diabétique et sans atteinte d’organes cibles. f) Agir en conséquence (important) : Risque élevé (5 à 10%) ou très élevé (> 10%) de décès cardiovasculaire à 10 ans en l’absence de traitement : - Arrêt du tabac (disparition de l’excès de risque après 3-4 années) - Mesures diététiques - Exercice physique 3 fois/semaine -  BMI < 25 kg/m² -  PA systolique (S) < 140 mmHg - PA diastolique (D) < 90 mmHg -  LDL-cholestérol < 55 mg / dl -  HDL-cholestérol > 40 mg/dl -  hémoglobine glycosylée < 7 %, Traitement pharmacologique : inhibiteur plaquettaire (aspirine), inhibiteur de l’enzyme de conversion, inhibiteur de l’HMG-CoA réductase (statine), revoir 3 fois/an. Risque moyen (3 à 4%) de décès cardiovasculaire à 10 ans : - Arrêt du tabac, mesures diététiques, exercice physique 3 fois/semaine -  BMI < 25 kg/m² - Abaisser la PAS < 140 mmHg et la PAD < 90 mmHg -  LDL-cholestérol < 115 mg/dl - Revoir 1 fois/an. Risque faible (< 1 %) de décès cardiovasculaire à 10 ans en l’absence de traitement) : - Mesures diététiques, exercice physique 3 fois/semaine - Revoir après 6 mois pour débuter un traitement hypotenseur si PAS reste > 140 mmHg ou PAD reste > 90 mmHg - LDL-cholestérol < 115 mg/dl. 10 P B Cours-Librairie, av. P.10 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale Chapitre 2 : Hypertension artérielle (HTA) a) Introduction : L’élévation de la pression artérielle (PA) systémique est dite "essentielle" lorsque l’élévation de la PA survient en l’absence de causes secondaires identifiables telles que : une pathologie rénale, un désordre endocrinien et/ou une anomalie vasculaire. L’hypertension artérielle est "essentielle" chez 95 % des patients hypertendus. C’est une affection multifactorielle dans laquelle plusieurs composantes interagissent chez le même patient pour aboutir à une élévation de la PA. La PA est distribuée selon une gaussienne dans la population. Plus la pression est élevée, plus le risque cardiovasculaire est élevé et la séparation des patients selon le niveau de PA en normo tendus et hypertendus est arbitraire. 20-40 % de la variabilité des chiffres tensionnels est déterminée génétiquement, le reste dépend de facteurs environnementaux (régime riche en Na+ et pauvre en K+, âge, sédentarité, alcool, statut socio-économique, stress). b) Physiopathologie : PA = débit cardiaque X résistance vasculaire périphérique. Débit cardiaque : dépend de la contractilité myocardique, de la fréquence cardiaque, de la pré-charge déterminée par le volume intra-vasculaire, le tonus veineux et sa capacitance. Résistance vasculaire : dépend de la viscosité sanguine et du diamètre des artères distales < 1 mm. Nombreux gènes candidats pour l’HTA : enzyme de conversion, angiotensinogène, récepteurs aux glucocorticoïdes, à l’insuline, α/β adrénergique, à l’angiotensine II, à l’oxyde nitrique, à la prostaglandine synthase, etc. L’association de l’HTA avec le syndrome dysmétabolique suggère une composante génétique commune. Activation orthosympathique : présente chez le sujet hypertendu < 40 ans. Elle augmente le débit cardiaque et les résistances périphériques et favorise l’hypertrophie des cellules musculaires de la média. Cette hypertrophie perpétue l’élévation de la PA alors que l’hyperactivité orthosympathique peut avoir régressé chez le sujet hypertendu plus âgé. Système rénine-angiotensine-aldostérone : l’angiotensine II, seule ou via la stimulation de la sécrétion d’aldostérone, stimule la vasoconstriction, la réabsorption du sodium, la soif, l’activité orthosympathique. L’angiotensine II est un agent mitotique puissant (hypertrophie et hyperplasie cellulaire vasculaire et cardiaque). Ces effets sont médiés par les récepteurs AT1 à l’angiotensine II alors que les récepteurs AT2 ont une action antiproliférative et antimitotique. Le système rénine-angiotensine joue un rôle important dans la progression de la maladie cardiovasculaire (hypertrophie ventriculaire, insuffisance cardiaque, athérosclérose). L’ischémie rénale stimule la sécrétion de rénine. Les taux de rénine ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.11 Héger 42, B-1000 Bruxelles 11 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe plasmatique sont cependant généralement bas ou normaux chez le patient hypertendu, ce qui n’empêche pas l’efficacité hypotensive des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et des antagonistes de l’angiotensine II. Facteurs environnementaux : l’obésité, l’alcool, le régime riche en NaCl et pauvre en K+ et Ca2+, ainsi que la sédentarité jouent un rôle favorisant. Cas particulier HTA rénovasculaire (cause la plus fréquente d’HTA secondaire, 50 ans dans un contexte d’artérite des membres inférieurs, de cardiopathie ischémique, de souffle dans les loges rénales, … Dysplasie fibromusculaire : - Sténose focale ou, dans la majorité des cas, multiple avec/ou sans anévrysmes, bande(s) de tissu élastique dans intima, media ou adventice, lésion dans la portion moyenne ou distale de l’artère, - les reins sont normaux ainsi que la plupart des artères extra rénales (2/3 ont lésions rénales, 1/3 lésions extra rénales, 1/3 lésions dans plusieurs territoires vasculaires (p.ex. artères rénales et carotides), - la correction de la sténose peut normaliser la pression artérielle, - lésions sur les deux artères rénales dans 1/3 des cas, - chez un patient sur 10 on note une histoire familiale de dysplasie fibromusculaire. Sténose athéroscléreuse : - Lésion généralement proximale, - souvent lésion parenchymateuse rénale de néphrangiosclérose ainsi qu’athérosclérose extra- rénale, - la correction de la sténose n’améliore que modérément la pression artérielle et le pronostic est influencé par l’athérosclérose extra rénale (la majorité des patients décède d’infarctus myocardique ou d’insuffisance cardiaque, seule une minorité va progresser vers une insuffisance rénale terminale). 12 P B Cours-Librairie, av. P.12 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale Examens complémentaires : Dépistage par échographie rénale (taille reins ?) et doppler des artères rénales (sténose ?). Meilleurs tests de diagnostic : Angiographie par CT scanner (mais radiation ionisante et injection intraveineuse de produit de contraste iodé néphrotoxique, avec risque d’allergie) et angiographie par résonance magnétique nucléaire avec injection intraveineuse de gadolinium (pas de radiation ionisante et pas de produit de contraste iodé). Traitement : Dysplasie fibromusculaire : dilatation percutanée (+ stent) de la dysplasie Sténose athéroscléreuse : correction énergique des facteurs de risque cardiovasculaire (cf. Chapitre I, risque CV élevé ou très élevé, IEC/antagoniste de l’angiotensine souvent très efficace pour réduire la PA, mais sous surveillance étroite de la fonction rénale qui risque de s’altérer si la sténose est bilatérale (cf. supra, réduire traitement diurétique à l’initiation du traitement par IEC/antagoniste de l’angiotensine, bannir AINS). La dilatation percutanée (+ stent) n’est pas bénéfique. c) Epidémiologie : L’HTA est une affection très répandue : 25 % des adultes, 70 % des patients de > 70 ans. Il y a une relation constante entre la PA et le risque d’événement coronaire et d’accident vasculaire cérébral (respectivement la première et la troisième cause de décès). La définition de l’HTA est arbitraire : c’est le niveau de PA où l’on estime que les bénéfices du traitement dépassent celui du coût. Classification de l’HTA systolique (S) et diastolique (D) : HTA de grade 1 (PAS 140-159 et/ou PAD 90-99 mmHg), HTA de grade 2 (PAS 160-179 et/ou PAD 100-109 mmHg), HTA de grade 3 (PAS > 180 et/ou PAD > 110 mmHg). L’hypertension systolique isolée consiste en une PAS > 140 mmHg et une PAD < 90 mmHg (très fréquent après 60 ans, doit être traitée !). Sur 100 hypertendus seulement 70 % sont diagnostiqués, 50 % sont traités et 25 % sont contrôlés (c-à-d ont une PAS < 140 mmHg et une PAD < 90 mmHg). Ceci est dû à une inobservance thérapeutique et à un traitement médical souvent insuffisant qui ne normalise pas les chiffres tensionnels. Les facteurs de risque pour le développement d’une HTA essentielle sont : l’âge, les antécédents familiaux, le phénotype noir, l’obésité, l’augmentation du rapport circonférence abdominale/hanches, l’alcool (si > 20 g/jour), les apports sodés excessifs (la diminution de la consommation de NaCl de 10 à 5 g/jour à une efficacité comparable à celle d’un médicament hypotenseur), la sédentarité (indépendamment de l’obésité) et des facteurs psychosociaux (indépendamment des autres facteurs). ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.13 Héger 42, B-1000 Bruxelles 13 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe d) Complications : L’HTA non traitée induit un accident vasculaire cérébral, une hypertrophie ventriculaire gauche, une insuffisance cardiaque, de l’angine de poitrine, une insuffisance rénale…. e) Diagnostic : L’HTA est la cause la plus répandue de consultation médicale. Il s’agit d’une affection généralement asymptomatique tant qu’elle n’est pas compliquée par une atteinte des organes cibles. En pratique : 1) Mesurer la PA : Déterminer la PA après 5 minutes de repos en position assise en respectant les règles suivantes : - attendre 30 minutes après la consommation de café ou de cigarettes, - le patient ne parle pas, - le bras est placé à la hauteur du cœur et repose sur un support, - la taille du brassard est adaptée au bras (un brassard trop petit surestime la PA et vice-versa), - le stéthoscope n’est pas recouvert par la manchette, - la pression dans la manchette est gonflée à au moins 20 mmHg au-dessus de la pression qui fait disparaître le pouls (éviter le trou auscultatoire qui consiste en une disparition transitoire des bruits de Korotkoff lorsque l’artère humérale est rigide, surtout chez le sujet âgé), - la pression dans la manchette est diminuée à la vitesse de 2-3 mmHg/seconde, - l’apparition du premier bruit correspond à la PAS, la disparition des bruits correspond à la PAD, - mesurer la PA aux deux bras (recherche de pathologies vasculaires) et en position debout (exclure hypotension orthostatique, fréquente chez les patients âgés, diabétiques, Parkinsoniens). 2) L’élévation de la PA est-elle chronique ? Confirmer l’HTA lors de mesures répétées de la PA ou avec un enregistreur ambulatoire de la PA avant de décider de traiter l’HTA. Il y a beaucoup de pseudo HTA lorsque la PA est mesurée dans de mauvaises conditions de stress, d’anxiété, de douleur ou en raison d’une hypertension de la "blouse blanche" induite par le stress de la consultation. 3) Quelle est la cause de l’HTA ? - Exclure les effets favorisants des préparations ORL (pseudoéphédrine) et des anorexigènes, des contraceptifs oraux, du réglisse (acide glycyrrhizique), des corticostéroïdes, des immunosuppresseurs (ciclosporine, tacrolimus), de l’érythropoïétine. - Suspecter une HTA rénovasculaire (cf. supra). 14 P B Cours-Librairie, av. P.14 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale - Suspecter un hyper aldostéronisme (adénome ou hyperplasie bilatérale des surrénales) si K+ < 3.5 meq/l sans diurétique ou K+ < 3.0 meq/l sous diurétique. - Penser au phéochromocytome si palpitations, céphalées, transpiration profuse, perte de poids, HTA labile, hypotension orthostatique. - Penser à la coarctation aortique si pouls fémoraux réduits. Liste des causes d’HTA :. Essentielle,. Ethylisme,. Affections rénales (polykystose, glomérulonéphrite, néphrite interstitielle chronique, néphropathie diabétique, hydronéphrose, …),. Affections vasculaires (artères rénales : dysplasie fibromusculaire ou athérosclérose ; coarctation de l’aorte),. Affections endocriniennes (surrénalienne : hyperaldostéronisme, hypercorticisme, phéochromocytome ; hyperthyroïdie, acromégalie, hyperparathyroïdie),. Médicamenteuses (corticostéroïdes, sympathicomimétiques, minéralocorticoïdes (réglisse), inhibiteurs de la monoamine oxydase, ciclosporine, tacrolimus, érythropoïétine, …),. Prééclampsie, éclampsie,. Neurologiques (hypertension intracrânienne, syndrome d’apnées du sommeil, intoxication au plomb, porphyries). 4) L’HTA est-elle associée à des facteurs de risque cardiovasculaire ? - Niveau de PAS et PAD (grade 1-3), - Hommes > 55 ans, femmes > 65 ans, - Tabagisme, - Cholestérol total > 190 mg/dl, LDL > 115 mg/dl, HDL < 40 mg/dl, - Diabète, - Obésité abdominale, - Antécédents familiaux de pathologies cardiovasculaires. 5) L’HTA est-elle associée à des lésions des organes cibles ? Cf. chapitre 1 6) L’HTA est-elle associée à d’autres pathologies ? Cf. chapitre 1 ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.15 Héger 42, B-1000 Bruxelles 15 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe f) Traitement : Décision basée sur le risque de décès cardiovasculaire à 10 ans en l’absence de traitement (cf. évaluation du risque cardiovasculaire, Chapitre 1). Réduire la PAS de 10 mmHg et la PAD de 5 mmHg diminue les accidents vasculaires cérébraux de 35 % et les événements coronaires de 15 % après quelques années de traitement (également en cas d’HTA systolique isolée). Le bénéfice est plus important après une longue période de traitement (réduction de la mortalité totale de 30 % et de la mortalité cardiovasculaire de 60 %). Objectifs tensionnels : < 140/90 mmHg, Moyens non pharmacologiques (tous les patients) : - réduire la consommation de NaCl à 6 g/jour, - augmenter la consommation de K+ et de végétaux, - réduire le poids et la consommation d’alcool, - conseiller un exercice physique dynamique régulier (marche, course, vélo, natation > 3 x 30 min/semaine). Moyens pharmacologiques : - A débuter (! important !) : Dès le diagnostic d’HTA s’il existe un risque cardiovasculaire élevé ou très élevé Après 3 mois d’échec des mesures non pharmacologiques s’il y a un risque cardiovasculaire moyen ou léger. - Préférer les médicaments à prise unique efficaces durant 24 heures, utiliser de préférence un traitement combiné (deux principes actifs dans un seul comprimé, sauf si HTA de grade 1, >80 ans, patient fragile, alors commencer par une monothérapie). En l’absence d’indication spécifique (cf. infra), débuter par un inhibiteur de l’enzyme de conversion ou un antagoniste de l’angiotensine II associé à un antagoniste calcique ou un diurétique. Si la réponse hypotensive est insuffisante après 4 à 6 semaines de traitement, passer à un inhibiteur de l’enzyme de conversion ou un antagoniste de l’angiotensine II associé à un antagoniste calcique et un diurétique. Si la réponse hypotensive est toujours insuffisante après 4 à 6 semaines de ce traitement, il s’agit d’une ‘HTA résistante’ qui nécessite d’ajouter de la spironolactone au traitement et une mise au point spécialisée. 16 P B Cours-Librairie, av. P.16 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale - A défaut, choisir les hypotenseurs en fonction de leurs indications et contre-indications spécifiques (! important !) : Diurétiques (p.ex. : chlortalidone, indapamide, association d’amiloride-hydrochlorothiazide, …) si patients âgés (thiazidiques et apparentés), hypertension systolique isolée (thiazidiques et apparentés), décompensation cardiaque (diurétiques de l’anse), insuffisance rénale (diurétiques de l’anse si créatinine > 2.0 mg/dl), mais altèrent le profil glycémique (éviter si patient diabétique). A éviter si goutte. Bêta-bloquants : (p.ex. : métoprolol, aténolol, bisoprolol, nebivolol…) si angor, infarctus myocardique, tachyarythmies. A éviter si asthme, broncho-pneumopathie obstructive, bloc auriculo-ventriculaire deuxième ou troisième degré, athlètes. Antagonistes calciques : (p.ex. : nifédipine retard, amlodipine, lercanidipine, …) si patients âgés, si hypertension systolique isolée, si angor (associés à bêta-bloquants), à éviter si décompensation cardiaque ou bloc auriculo-ventriculaire (particulièrement le diltiazem et le vérapamil). Inhibiteurs de l’enzyme de conversion : (p.ex. : captopril, énalapril, lisinopril, …) si facteur de risque cardiovasculaire élevé, dysfonction ventriculaire gauche et décompensation cardiaque, post-infarctus myocardique, néphropathie diabétique, contre-indiqués si grossesse (tératogène !), sténoses bilatérales des artères rénales, hyperkaliémie (! association interdite : Inhibiteur de l’enzyme de conversion et antagoniste de l’angiotensine II). Antagonistes de l’angiotensine II : (p.ex. : losartan, irbésartan, candésartan, valsartan, …) si intolérance aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion, néphropathie diabétique, mêmes contre-indications que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (! Rappel : association interdite : antagoniste de l’angiotensine II et inhibiteur de l’enzyme de conversion). Molécules à action centrale (p.ex. guanfacine,...), vasodilatateurs directs (p.ex. hydralazine,...) : si résistance aux médicaments des 5 classes thérapeutiques ci-dessus et à leurs associations. g) Cas particulier : l’hypertension maligne Introduction : La vasoconstriction artériolaire normale maintient une perfusion constante des organes lors d’une élévation modérée de la PA. La perte de l’autorégulation artériolaire normale lors d’élévations très importantes de la PA mène à ce que la perfusion des organes devienne proportionnelle à la PA. Il s’ensuit des lésions endothéliales avec passage de composants plasmatiques dans les parois vasculaires, ce qui induit une oblitération et une nécrose fibrinoïde artériolaire. Les conséquences au niveau du système nerveux central sont : une rupture de la barrière hémato-méningée et un œdème cérébral. ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.17 Héger 42, B-1000 Bruxelles 1 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe Présentation clinique : HTA de grade 3 avec une rétinopathie de stade III ou IV (œdème rétinien, exsudats cotonneux, hémorragies, spasmes artériels, avec ou sans œdème papillaire). Les troubles visuels, avec ou sans céphalées, sont les symptômes les plus fréquents (dans 50 % des cas). Compliquée par : - une encéphalopathie hypertensive : nausées, vomissements, confusion, agitation, crise d’épilepsie, coma, - une insuffisance cardiaque, infarctus ou ischémie myocardique, dissection aortique, - une insuffisance rénale aiguë, hématurie, protéinurie. Traitement : Traitement hypotenseur intraveineux à l’unité coronaire / soins intensifs. 18 P B Cours-Librairie, av. P.18 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale Chapitre 3 : Cardiopathie ischémique 3.1. Syndrome coronarien stable 3.1.1. Angine de poitrine chronique stable a) Introduction : Survenue prévisible d’une sensation d’oppression thoracique ou d’étouffement lors d’efforts physiques ou d’émotions, qui cède en moins de 5 min. au repos ou aux dérivés nitrés sublinguaux. Stabilité des symptômes depuis 3-6 mois. b) Physiopathologie : Induite par un apport insuffisant d’oxygène lors de périodes de demande accrue, en raison d’une athéromatose coronaire sévère (rétrécissement > 75 % du diamètre d’une artère coronaire épicardique, lésion de Type V, cf. Chap. 1). Le débit coronaire peut normalement augmenter de 5 à 8 fois lorsque les besoins métaboliques augmentent en : -diminuant les résistances coronaires, par la libération d’adénosine qui est produite par la dégradation d’ATP et est un puissant vasodilatateur, -en augmentant le calibre des vaisseaux épicardiques grâce à la libération de NO par les cellules endothéliales, sous l’effet des forces de cisaillement induites par l’augmentation du flux sanguin. L’angor est consécutif à un rétrécissement de >75% du diamètre d’une artère épicardique et est en plus favorisé par la dysfonction endothéliale coronaire qui accompagne l’athérosclérose et qui induit une constriction des artères épicardiques durant l’effort et le stress émotionnel (en raison du manque de production de NO). De nombreux épisodes d’ischémie myocardique sont en fait asymptomatiques et surviennent préférentiellement entre 6 et 10 heures du matin. Une ischémie myocardique peut occasionnellement survenir en présence d’artères coronaires épicardiques normales, en raison : - d’une augmentation des besoins en oxygène myocardique induite par la thyrotoxicose, l’hypertension artérielle sévère, l’hypertrophie ventriculaire gauche, - d’une réduction des apports en oxygène au myocarde en raison d’une vasoconstriction (cocaïne, …), d’une hyperviscosité ou hypercoagulabilité sanguine ou d’une anémie sévère, - d’anomalies coronaires microvasculaires induites par l’hypertension artérielle, la sténose aortique, la cardiomyopathie hypertrophique, … ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.19 Héger 42, B-1000 Bruxelles 19 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe c) Présentation clinique : Symptômes Facteurs favorisants Amélioration Douleur : constrictive, poids, Exercice physique, Repos, dérivés nitrés pression. Stress émotionnel, sublinguaux. Localisation rétro-sternale irradiée Repas volumineux, dans le bras gauche, cou, mâchoire, Froid. dos, épigastre. Disparaît en < 10 min à l’arrêt du facteur déclenchant. Angor de classe I, II, III ou IV suivant qu’il survienne lors d’efforts inhabituels (I), habituels (II), au moindre effort (III) ou au repos (IV). Parfois équivalents angineux = dyspnée, fatigue, éructations, nausées augmentées à l’effort. Examen clinique permet d’exclure une cause d’angor secondaire (Sténose aortique, anémie, …). d) Examens complémentaires (! le diagnostic est avant tout clinique !) : Le flux sanguin épicardique > flux sanguin sous-endocardique durant la systole car la pression intra-myocardique sous-endocardique > pression myocardique épicardique. Oxygénation essentiellement en diastole. Toutefois un ventricule non compliant ne se laisse remplir qu’avec une pression diastolique augmentée, qui s’oppose à la perfusion sous- endocardique. L’ischémie myocardique prédomine dans la région sous-endocardique, ce qui se traduit par un sous-décalage horizontal du segment ST à l’ECG >1mm. ECG au repos : normal dans > 50 % des patients, anomalies non spécifiques du segment ST et T, onde Q témoignant d’un infarctus asymptomatique préalable. ECG à l’effort : recherche d’un sous-décalage ST > 1 mm horizontal ou descendant accompagné d’angor, on aura plus de fausses réponses positives si ce test est effectué dans une population à faible risque coronaire (contre indiqué si angor instable ou infarctus myocardique !). Echographie cardiaque (recherche d’une altération de la fonction ventriculaire si l’ECG de repos est anormal). Scintigraphie myocardique : Utilise des traceurs de perfusion tels que le thallium ou le Tc 99m-MIBI qui émettent des photons gamma, la distribution myocardique de ces traceurs est proportionnelle au flux sanguin myocardique au moment de leur administration, donne une photo instantanée de la 20 P B Cours-Librairie, av. P.20 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale perfusion cardiaque au moment de l’injection faite : à l’effort maximal sur un vélo ou un tapis roulant, Ou, lorsque le patient ne peut réaliser un effort en raison d’une artérite des membres inférieurs ou de problèmes orthopédiques : sous dipyridamole i.v. (empêche la dégradation de l’adénosine endogène, ceci vasodilate les artères coronaires normales et induit un phénomène de vol coronaire dans les régions ischémiques, les images seront comparées à la perfusion myocardique au repos) ou perfusion de dobutamine (bêta-mimétique simulant un exercice physique, couplé à une échographie cardiaque recherchant l’induction d’une altération de la cinétique ventriculaire). CT-coronaire : Nécessite d’administrer du produit de contraste iodé (peut induire une insuffisance rénale, une réaction allergique, …) de manière intraveineuse (pas de ponction d’artère ni de mobilisation de cathéters dans les cavités artérielles, …). Excellente valeur prédictive négative, mais spécificité moindre. Irradiation variable selon les techniques et les appareils, mais < à la coronarographie. Difficulté à évaluer la perméabilité de stents métalliques. Nécessite que le patient soit à jeun, avec un rythme cardiaque pas trop rapide/irrégulier (sinon bétabloquant i.v.) et sachant effectuer une apnée volontaire. Coronarographie : A envisager si le patient reste symptomatique en dépit du traitement médical ou en cas d’épreuve d’effort positive pour effort léger ou si la fonction ventriculaire gauche du patient est altérée. Examen invasif (ponction artérielle, irradiation, produit de contraste iodé, risque d’embolisation de plaque d’athérome lors de la mobilisation des cathéters dans l’aorte, etc…). L’imagerie intra coronaire par ‘optical coherence tomography’ (OCT) permet de visualiser la rupture de plaque, ses caractéristiques, la présence de thrombose, … e) Traitement-principes généraux : Objectifs : Réduire ou supprimer les crises d’angor, augmenter la capacité d’effort, prolonger la vie et réduire les événements coronariens aigus (angor instable, infarctus myocardique) Moyens : Contrôle strict des facteurs de risque cardiovasculaire : - Arrêt du tabac, traiter la dyslipidémie (inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase +/- ezetimibe) et l’hypertension artérielle. - Antiagrégants plaquettaires (aspirine ou clopidogrel si contre-indication à l’aspirine, aspirine et clopidogrel après une dilatation coronaire, cf. chapitre I). - Anti-angoreux (bêta-bloquant à tous les patients sauf si contre indiqué, mono-nitrate ou dinitrate d’isosorbide oral ou transdermique, antagoniste calcique) - Si l’angor persiste malgré un traitement médical optimal : Dilatation coronaire percutanée ("PTCA", si échec du traitement médical). Un ballon gonflé à > 4 atmosphères écrase la plaque d’athérome. Il s’agit d’un traitement symptomatique. La ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.21 Héger 42, B-1000 Bruxelles 21 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe mise en place d’une prothèse au site de la dilatation ("stent") réduit le risque de resténose (de 30 à 40 % à < 20 % endéans les 6 mois, plus fréquente chez le patient diabétique). Ce risque de resténose est diminué à quelques % si le stent est enrobé d’un agent anti-mitotique (p.ex. tacrolimus). Il faut adjoindre du clopidogrel (ou prasugrel, ticagrelor, …) à l’aspirine durant quelques mois après la PTCA+stent. Les pontages coronaires chirurgicaux améliorent le pronostic vital en présence de : 1) sténose du tronc commun coronaire gauche, 2) lésions coronaires tritronculaires qui entreprennent l’artère inter-ventriculaire antérieure proximale ("IVA"), l’artère circonflexe ("CX") et l’artère coronaire droite ("CD") associées ou non à une altération de la fonction systolique ventriculaire gauche (fraction d’éjection < 50 %). 3.1.2. Angine de poitrine spastique ("de Prinzmetal ou angor variant") a) Introduction : Angine de poitrine survenant au repos, associée à une élévation transitoire du segment ST à l’ECG, ou après l’exercice chez 30% des patients. Plus fréquente entre minuit et 8 heures du matin, induite par un spasme d’une artère coronaire, répondant aux dérivés nitrés et aux antagonistes calciques. Prévalence masculine et féminine identique. b) Physiopathologie : Le spasme artériel induit une ischémie, parfois sévère mais rarement fatale. Le spasme est favorisé par des lésions d’athéromatose coronaire infra-clinique qui co-existent dans 60 % des cas. L’artère est hyper-réactive à une multitude de stimuli vasoconstricteurs. Le spasme apparaît durant l’exercice ou plus typiquement après l’effort chez 30 % des patients. Le mécanisme précis responsable du spasme est inconnu. Le segment ST est sus-décalé >1mm à l’ECG car l’ischémie est sévère et transmurale. c) Examens complémentaires : - ECG et enregistrement ambulatoire du rythme cardiaque (recherche sus-décalage du segment ST, tachyarythmies ventriculaires lors de la reperfusion). - Coronarographie avec éventuellement test de provocation (hyperventilation, ergonovine ou acétylcholine intra-coronaire). d) Traitement : Bon pronostic si pas de lésion coronaire athéroscléreuse associée. 22 P B Cours-Librairie, av. P.22 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale Aigu : Dérivés nitrés sublinguaux. Chronique : Antagonistes calciques (diltiazem, nifédipine, amlodipine) et dérivés nitrés à haute dose. Il faut éviter les bêta-bloquants car ils favorisent le spasme artériel en antagonisant les récepteurs bêta-2 adrénergiques vasodilatateurs. Mesures générales (arrêt du tabac, de la cocaïne, de l’alcool et de l’hyperventilation). 3.1.3. Angine de poitrine microvasculaire a) Introduction : Angine de poitrine due à une dysfonction microvasculaire favorisée par l’hypertension artérielle, le diabète sucré, les pathologies valvulaires et les cardiomyopathies. Les artères épicardiques sont normales à la coronarographie. b) Physiopathologie : Mal comprise, elle est favorisée par : - l’épaississement de la média des artérioles dans l’hypertension artérielle. - la dilatation ventriculaire et l’augmentation de la pression intra-cavitaire (p.ex. : dans la sténose aortique) qui augmentent la tension pariétale et réduisent la perfusion coronaire. c) Présentation clinique : Similaire à l’angor chronique stable. 70-80 % sont des femmes. Douleurs parfois prolongées, avec réponse imparfaite aux dérivés nitrés sublinguaux. Souvent associée au "syndrome dysmétabolique" (association d’obésité, de dyslipidémie, de résistance à l’insuline et d’hypertension artérielle). Parfois contexte favorisant d’anxiété, de névrose, d’attaque de panique. d) Examens complémentaires : - ECG -Epreuve d’effort - Scintigraphie myocardique au thallium montre des déficits de perfusion chez 98 % des patients. - Echographie cardiaque : la cinétique ventriculaire sous perfusion de dobutamine est normale, - La coronarographie est normale et les tests de provocation excluent un angor spastique. ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.23 Héger 42, B-1000 Bruxelles 23 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe e) Traitement : Pronostic dépend de l’affection sous-jacente. Objectifs : Réduire la fréquence et l’intensité de la douleur. Moyens : Rassurer, Les dérivés nitrés sont efficaces chez 50 % des patients, Bêta-bloquants (si fréquence cardiaque élevée) sinon antagonistes calciques, aminophylline (bloque les récepteurs à l’adénosine), imipramine en dernier recours (antidépresseur tricyclique réduisant la perception centrale de la douleur). 3.1.4. Angine de poitrine asymptomatique ("silencieuse") a) Introduction : Une ischémie myocardique asymptomatique persiste fréquemment chez le patient coronarien, même traité, particulièrement durant les activités routinières qui augmentent les demandes en oxygène myocardique (cf. découverte fréquente de sous-décalage asymptomatique du segment ST à l’enregistrement ambulatoire du rythme cardiaque). Ce phénomène explique que la mort subite est la première manifestation de la pathologie coronaire chez 20 % des patients coronariens. 50 % des morts subites n’ont pas été précédées de symptômes coronaires. La persistance d’une ischémie silencieuse prédit un risque accru d’événements coronaires et de mort cardiaque et est de mauvais pronostic. b) Physiopathologie : Prédomine le matin lors d’une augmentation concomitante du RC et de la PA (augmentation de la consommation en oxygène en présence d’apports réduits). Les modifications ECG précèdent la douleur durant l’ischémie myocardique. Les ischémies peu sévères et peu prolongées sont souvent asymptomatiques, mais favorisent la fibrose myocardique et témoignent de l’instabilité de la plaque athéromateuse. Peut être favorisée par une sensibilité réduite à la douleur chez le patient diabétique (en raison d’une neuropathie autonome). c) Examens complémentaires : - ECG - Epreuve d’effort positive électriquement (sous-décalage ST > 1mm) et ischémie confirmée par la scintigraphie myocardique de perfusion ou l’échographie cardiaque de stress (altération 24 P B Cours-Librairie, av. P.24 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale de la contractilité myocardique durant une perfusion de dobutamine permettant de simuler un effort), - Enregistrement du rythme cardiaque avec analyse du segment ST (sous-décalage du segment ST de 1 mm, > 1 minute, séparé de 1 minute de l’événement précédent). d) Traitement : Objectifs : Supprimer tous les épisodes d’ischémie qu’ils soient symptomatiques ou non car ils grèvent le pronostic. Moyens : - Importance de la correction énergique des facteurs de risque cardiovasculaire (statines, traitement de l’HTA, …) - Antiagrégants (aspirine, clopidogrel) - Dérivés nitrés à condition de respecter une fenêtre thérapeutique de 10-12 h pour éviter une perte d’efficacité (phénomène de tolérance). - Bêta-bloquants (suppression totale de l’ischémie chez 60 % des patients) - Antagonistes calciques à longue durée d’action (sinon tachycardie réflexe, p.ex. : diltiazem, nifédipine retard, amlodipine) en cas de contre-indication aux bêta-bloquants. Associer des antagonistes calciques non bradycardisants avec des bêta-bloquants, etc… 3.2. Syndrome coronarien instable 3.2.1. Angor instable et infarctus sans élévation ST a) Introduction : Réduction sévère ou arrêt transitoire de l’apport sanguin myocardique responsable d’une ischémie non transmurale (cad qui ne traverse pas la paroi ventriculaire). Il n’y aura donc pas d’élévation du segment ST ni d’onde Q à l’ECG. Affection 3 fois plus fréquente que l’infarctus myocardique avec élévation ST (="STEMI"). Ces patients présentent souvent des sténoses coronaires sévères et l’angor instable peut être compliqué par un infarctus myocardique sans élévation du segment ST (infarctus "NSTEMI") et une mort subite (par arythmie ventriculaire). Ces patients présentent un risque important de réinfarcissement et d’ischémie récurrente dans un contexte de facteurs de risque coronaire augmentés. ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.25 Héger 42, B-1000 Bruxelles 25 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe b) Physiopathologie : Fissuration d’une plaque athéro-sclérotique et formation d’un thrombus sub-occlusif ou occlusif avec embolisation distale (lésion de Type VI, cf. Chap. 1). La sévérité de l’ischémie fluctue dans un contexte d’athérosclérose souvent étendue et sévère. Les lésions myocardiques sont souvent diffuses et non transmurales (ne traversent pas la paroi ventriculaire). c) Présentation clinique : angine de poitrine instable Angine de poitrine d’apparition récente, en aggravation ou de repos. Les symptômes sont souvent plus sévères et prolongés (mais < 30 min) qu’en cas d’angor chronique stable et surviennent au repos, la nuit ou pour un effort minime. La douleur rétro-sternale cède incomplètement ou transitoirement aux dérivés nitrés sublinguaux. Peut être associée à une dyspnée, des nausées, de l’anxiété. Parfois asymptomatique chez le patient diabétique. Est favorisée par la fièvre, les infections, les tachyarythmies, la thyrotoxicose, l’anémie, l’hypoxémie. Examen clinique souvent banal, parfois souffle d’insuffisance mitral au moment de la crise. d) Examens complémentaires : ECG : Modifications réversibles à comparer à un tracé précédent : sous-décalage du segment ST > 1 mm éventuellement accompagné d’ondes T négatives, symétriques et profondes, bloc de branche gauche intermittent, séquelles anciennes d’infarctus avec onde Q témoignent de la présence d’une cardiopathie ischémique. Pas de sus-décalage ST sinon infarctus "STEMI". Après quelques heures/jours, dans l’infarctus "NSTEMI", l’amplitude de l’onde R diminue mais il n’y aura pas d’onde Q car il n’y a pas de nécrose transmurale. Marqueurs biologiques à la prise de sang : Il n’y a pas de marqueur biologique suffisamment sensible pour exclure un syndrome coronaire aigu lors de la présentation des symptômes ! Le diagnostic différentiel de l’angor instable et l’infarctus NSTEMI repose sur une élévation dynamique de la troponine, qui est absente dans l’angor instable. Les troponines T et I sont très sensibles et spécifiques pour le myocarde. 30 % des patients considérés autrefois comme ayant un angor instable sans infarctus sur la base de la clinique, de l’ECG et de l’absence d’élévation d’enzymes moins sensibles, ont en réalité un infarctus myocardique sans élévation du segment ST ("NSTEMI") car ils augmentent leurs troponines. Ce phénomène est encore amplifié par les nouveaux dosages ultrasensibles de troponines (dosages exprimés en ng/L). Ceci est dû au fait que les troponines sont des marqueurs plus sensibles de l’ischémie myocardique que les CK-MB mesurés autrefois. Les troponines augmentent > 3 heures après l’ischémie et restent élevées durant < 14 jours. Il faut faire des prélèvements répétés durant les 12 premières heures. Le risque cardiovasculaire à court et à long terme est augmenté si la troponine est augmentée. L’augmentation du C.R.P et du fibrinogène prédit également le 26 P B Cours-Librairie, av. P.26 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale risque de complications ultérieures. Autres enzymes cardiaques CK-MB, CPK, SGOT et LDH peuvent aussi augmenter. Echographie cardiaque : importance pronostique de la réduction de la fonction systolique ventriculaire gauche. Tests fonctionnels : quelques jours après la stabilisation des symptômes (si risque peu élevé) : épreuve d’effort couplée ou non à une scintigraphie de perfusion, échographie cardiaque avec dobutamine, scintigraphie cardiaque au repos avec test de provocation au dipyridamole (cf. angine de poitrine stable). Coronarographie (si risque élevé) : athéromatose complexe, thrombus intra-coronaire, pronostic d’autant plus mauvais que le nombre d’artères malades est augmenté. e) Traitement-principes généraux : Objectifs : - Réduire les symptômes, augmenter la survie, limiter la nécrose myocardique et prévenir les récidives. Moyens : Agir contre : - la douleur (morphine, oxygène si hypoxémie, dérivés nitrés), - l’ischémie (bêta-bloquants, dérivés nitrés, antagonistes calciques, dilatation coronaire percutanée), - la thrombose (aspirine, clopidogrel ou prasugrel ou ticagrelor, …), héparine non fractionnée ou héparine de bas poids moléculaire, dilatation coronaire percutanée), -"l’inflammation" (statines, inhibiteurs de l’enzyme de conversion), - l’insuffisance cardiaque (diurétiques, dérivés nitrés, inhibiteurs de l’enzyme de conversion). Si le risque élevé (angor récidivant, modifications ST au moniteur ECG, élévation de la troponine, diabète, instabilité hémodynamique, arythmie cardiaque), une coronarographie sera effectuée endéans les 12-24 heures. Dans le cas contraire, on prévoit une épreuve d ‘effort après stabilisation du patient (l’épreuve d’effort est contre indiquée dans l’angor instable et l’infarctus). Stabilisation et retour à domicile endéans les 3 à 7 jours dans 95 % des cas avec contrôle strict des facteurs de risque coronaire (hypertension artérielle, arrêt du tabac, réduire le LDL- cholestérol < 55 mg/dl avec des statines +/- ezetimibe, modification style de vie), aspirine (et clopidogrel si dilatation + "stent"), bêta-bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Pontages coronaires ou dilatation coronaire avec "stent" en fonction de l’anatomie coronaire (cf. angor stable). Facteurs associés à un mauvais pronostic : > 70 ans, cardiopathie ischémique préalable, diabète sucré, hypertension artérielle, hypercholestérolémie, insuffisance cardiaque gauche, ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.27 Héger 42, B-1000 Bruxelles 2 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe fibrillation auriculaire, fluctuations du segment ST au repos, élévation de la troponine, ischémie pour effort léger. f) Principes du traitement médical aigu : - Douleur : Morphine, nitrés IV, oxygène nasal si le patient est hypoxémique. - Anti-ischémiques : Bêta-bloquants IV puis par voie orale (si PAS > 100 mmHg et si RC > 60 bpm), éventuellement associés à antagonistes calciques (dihydropridines). Diltiazem si contre- indication aux bêta-bloquants. - Anti-thrombotiques : L’aspirine à petite dose inhibe l’agrégation par une acétylation irréversible de la cyclooxygénase plaquettaire, ce qui inhibe la production de thromboxane A2 et réduit le thrombus au niveau des lésions athéromateuses. Réduit le risque relatif de décès et d’infarcissement de > 50 %. Dose initiale = 300-500 mg puis 100 à 160 mg/jour. Associer à l’aspirine du clopidogrel (antagoniste des récepteurs à l’ADP plaquettaire), dose de charge puis petite dose durant 1 an (alternatives : prasugrel, ticagrelor, …). Les héparines de bas poids moléculaire inhibent surtout le facteur Xa. Elles ont une absorption complète après administration sous-cutanée, une relation dose-réponse plus fiable que l’héparine non fractionnée, le suivi biologique de l’anticoagulation n’est pas nécessaire (enoxaparine 1mg/kg SC/12 heures). Réduction de 50 % (en présence d’aspirine) des risques de décès et d’infarctus myocardique. g) Principes du traitement médical chronique : Stabilisation et retour à domicile endéans les 3 à 7 jours dans 95% des cas en insistant sur : contrôle strict des facteurs de risque coronaire (contrôle HTA, stop tabac, réduction LDL cholestérol < 55 mg/dl (statine +/- ezetimibe). Traitement : Aspirine, bêta-bloquants ou diltiazem si contre-indication aux bêta-bloquants, éventuellement des antagonistes calciques (dihydropyridines), des inhibiteurs de l’enzyme de conversion s’il y a une dysfonction ventriculaire. h) Pronostic : La combinaison des médicaments susmentionnés limite la mortalité aiguë à 2-4 %. 25 % des patients devront cependant bénéficier d’une revascularisation coronaire ("PTCA", pontages) dans l’année. 28 P B Cours-Librairie, av. P.28 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale 3.2.2. Infarctus myocardique avec élévation du segment ST ("STEMI") 3.2.2.1 Phase aiguë a) Introduction : Nécrose ischémique du myocarde due habituellement à la réduction brutale de la perfusion coronaire dans un territoire myocardique. L’infarctus myocardique est une source majeure de décès dans le monde occidental. C’est la forme maligne du syndrome coronaire instable. L’infarctus induit une instabilité électrique risquant de dégénérer en fibrillation ventriculaire et mort subite ! La perte de tissu myocardique fonctionnel induit une dysfonction myocardique et éventuellement une insuffisance cardiaque. b) Physiopathologie : L’occlusion de l’artère coronaire conduit à une nécrose myocardique progressive au bout d’une vingtaine de min. L’étendue de la nécrose est fonction du caractère progressif de l’ischémie (l’athérosclérose coronaire chronique favorise la formation de collatérales qui limitent l’étendue de la nécrose) et du site de l’occlusion (plus l’occlusion est distale, moins importante sera l’étendue de la nécrose). Beaucoup d’infarctus surviennent sur des lésions coronaires peu serrées et sont dus à une rupture soudaine d’une plaque athéromateuse instable, ce qui induit une thrombose. Ceci explique que l’infarctus est la première manifestation de la pathologie coronaire chez 50 % des patients. c) Présentation clinique (ne permet pas de différencier l’infarctus « NSTEMI » de l’infarctus « STEMI » : Symptômes principaux Douleur rétro-sternale violente irradiée dans la mâchoire, le bras gauche ou droit ou les deux, entre les omoplates ou dans l’abdomen. Démographie Hommes > 55 ans, femmes > 65 ans avec facteurs de risque cardiovasculaire augmentés. Symptômes associés Anxiété, nausées, vomissements, dyspnée, transpiration. Examen physique PA normale ou basse, bruits cardiaques normaux ou diminués, peau moite et froide. La douleur est rétrosternale et décrite comme une pression, un écrasement, un serrement plus intense que la douleur angoreuse stable. Elle dure plus de 30 minutes, résiste aux dérivés nitrés et est située au niveau de la partie médiane du sternum, mais attention, la présentation ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.29 Héger 42, B-1000 Bruxelles 29 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe peut être atypique (symptômes d’une simple indigestion dans l’infarctus inférieur avec nausées, vomissements, manifestations vagales). Parfois compliquée par une communication inter-ventriculaire, une rupture de muscle papillaire, un choc cardiogénique, un œdème pulmonaire, une insuffisance ventriculaire droite. Il faut faire le diagnostic différentiel avec l’angor instable, la péricardite, la dissection aortique et l’embolie pulmonaire. d) Examens complémentaires (! le diagnostic est avant tout clinique !) : L’ECG est affecté immédiatement (bien avant les marqueurs biologiques). 10 % des patients qui présentent un infarctus ont un ECG "normal" et l’anamnèse prime donc sur l’ECG. Le sus-décalage du segment ST > 1 mm dans 2 dérivations adjacentes est le signe le plus spécifique et sensible de la réduction de la perfusion myocardique transmurale (c’est-à-dire, qui atteint toute l’épaisseur du myocarde). Possibilité d’un sous-décalage du segment ST en "miroir" (par exemple dérivations V1 à V3 en présence d’un sus-décalage postérieur). La localisation du sus-décalage donne une information topographique sur le site de l’infarctus : - infarctus antérieur étendu de V1 à V6, D1 et aVL ; - infarctus antéro-septal de V1 à V3 ; apical en V4 ; antéro-latéral de V5 à V6 en D1 et aVL ; latéral haut en aVL ; - infarctus inférieur en D2, aVF, et D3. Evolution temporelle de l’ECG dans l’infarctus transmural : - après quelques min/heures : augmentation de l’amplitude des ondes T qui deviennent plus symétriques ("ondes T géantes ") puis élévation du segment ST, - après quelques heures/jours : réduction de l’amplitude des ondes R et apparition d’une onde Q (aspect QR ou QS), réduction du sus-décalage du segment ST, début de la négativation de l’onde T, - après quelques jours/semaines : segment ST redevient isoélectrique, apparition d’ondes T négatives profondes et symétriques, - après quelques mois : l’onde Q et la réduction de l’amplitude de l’onde R persistent, l’onde T peut rester négative, devenir isoélectrique ou se positiver. Attention des ondes Q témoignant d’un infarctus postérieur peuvent se présenter sous la forme d'une image en miroir consistant en des ondes R amples en V1-V2 accompagnées par un sous-décalage ST > 1 mm V1-V3 (artère coronaire droite ou circonflexe). Rechercher une élévation du segment ST > 1mm en V4R témoignant d’un infarctus ventriculaire droit associé à un infarctus myocardique inférieur. 30 P B Cours-Librairie, av. P.30 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale L’ECG reste interprétable en cas de bloc de branche droit, mais son interprétation est plus difficile en cas de bloc de branche gauche. Marqueurs biologiques : Les troponines I et T (élévation : 3 – 12 heures, pic : 24 heures, normalisation : 5 – 14 jours) sont très spécifiques pour le myocarde. La créatinine phosphokinase (CPK) n’est pas spécifique pour le myocarde. Les CPK augmentent plus vite et diminuent ensuite plus rapidement en cas de reperfusion coronaire précoce. L’aspartate aminotransférase (SGOT) et la lactate déshydrogénase (LDH) ont une cinétique plus lente. Radiographie du thorax, Echographie cardiaque (altération de la contractilité, diagnostic différentiel de la péricardite). e) Traitement (phase aiguë) : - Urgence, risque de mort subite par fibrillation ventriculaire, transfert sans perdre de temps vers l’unité coronaire avec surveillance ECG, perfusion intraveineuse. - Douleur et anxiété : morphine 1-2 mg i.v. (pas d’intramusculaire car ceci élève les CPK et provoque un hématome si thrombolyse), oxygène (si le patient est hypoxémique), dérivés nitrés (controversés), - Aspirine et clopidogrel (ou molécules apparentées : prasugrel, ticagrelor, …) : dose de charge puis dose d’entretien, - Rétablir la perméabilité de l’artère thrombosée. Indications : Infarctus accompagné d’un sus décalage ST > 1 mm dans deux dérivations contigües ou nouveau bloc de branche à l’ECG Moyens : Dilatation percutanée plus efficace que la thrombolyse qui consiste à administrer un activateur du plasminogène (90% d’artères ré ouvertes vs. 50% après l’administration du thrombolytique) sans risque d’hémorragie cérébrale (chez 0,5 % des patients thrombolysés). Situation où la dilatation percutanée est toujours préférable / à la thrombolyse : temps depuis les symptômes > 3 heures (car le thrombus est consolidé), si le patient présente une ischémie récurrente malgré un traitement approprié, de l’insuffisance cardiaque ou un choc cardiogénique. - Bêta-bloquants i.v. (petite dose) puis per os (p.ex. bisoprolol), ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.31 Héger 42, B-1000 Bruxelles 31 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe - Héparine de bas poids moléculaire (non fractionnée si insuffisance rénale) - Inhibiteurs de l’enzyme de conversion si insuffisance cardiaque (pas par voie intraveineuse, p.ex. captopril, enalapril, lisinopril, …). - Statines (p.ex. atorvastatine, …) - Chirurgie coronaire = à limiter dans l’infarctus aigu car mortalité importante. f) Pronostic en phase aiguë : Risque important de décès avant le transfert à l’hôpital. 3.2.2.2 Phase chronique a) Introduction : Les 24 premières heures sont caractérisées par le diagnostic précoce, la reperméabilisation rapide, et la prise en charge des troubles du rythme ventriculaire. Ensuite prise en charge des complications et de la stabilisation. b) Physiopathologie : Les lésions myocardiques sont secondaires à l’ischémie et aux micro-emboles générés par le thrombus. La zone myocardique infarcie s’amincit et le ventricule se dilate à cet endroit. Cette dilatation ventriculaire (appelée aussi le "remodelage ventriculaire") augmente la tension pariétale. Le myocarde "sidéré" normalement perfusé retrouvera une fonction normale, le myocarde "hibernant" ne retrouvera une fonction contractile qu’après la revascularisation. Il y a une activation neuro-humorale caractérisée par une augmentation de la rénine, l’angiotensine, l’aldostérone, l’hormone antidiurétique, du BNP, une activation du système orthosympathique, une réduction du LDL-cholestérol et des enzymes cardiaques. c) Examens complémentaires : Echographie cardiaque (réduction de la fonction ventriculaire gauche nécessitant un inhibiteur de l’enzyme de conversion), Epreuve d’effort sub-maximale pour rechercher une ischémie résiduelle chez les patients stabilisés. Enregistrement ambulatoire du rythme cardiaque (Holter) pour évaluer l’instabilité électrique. 32 P B Cours-Librairie, av. P.32 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale Etude électrophysiologique et défibrillateur implantable si tachycardie ventriculaire ou fibrillation ventriculaire > 48 h après l’infarctus. d) Traitement pharmacologique : - Aspirine 80 à 160 mg/j (à vie), clopidogrel (prasugrel, ticagrelor, …) si contre-indication à l’aspirine ou associée à l’aspirine durant au moins 3 à 6 mois après angioplastie + stent, puis retour à l’aspirine, réduit la mortalité de 25 %. - Bêta-bloquants sauf si contre-indication, durant au moins 2 à 3 années (réduction RC à 50- 55 bpm), réduit la mortalité de 20 %. - Diltiazem utile si infarctus sans onde Q (inotrope négatif, ne pas associer aux bêta- bloquants), éviter les autres antagonistes calciques. - Inhibiteurs de l’enzyme de conversion : débuter endéans le premier jour si possible chez tous les patients qui les tolèrent (pas par voie IV, car augmente la mortalité), à maintenir à vie, particulièrement si fraction d’éjection ventriculaire gauche < 40 %, réduit la mortalité de 25 %. - Hypocholestérolémiants : réduire le LDL-cholestérol sous 55 mg/dl le plus rapidement possible par régime approprié (peu efficace), exercice physique (augmente HDL-cholestérol de 1-2 mg / dl, peu d’effet sur LDL-cholestérol), statine +/- ezetimibe (! LDL-cholestérol faussement abaissé en post-infarctus, considérer dosage au jour 1 ou 4 semaines après l’infarctus), - Dérivés nitrés : à donner durant la phase aiguë (discret bénéfice sur la survie, réduction douleur précordiale) mais arrêter endéans les 48 heures. - Prophylaxie de la thrombose veineuse profonde : héparine de bas poids moléculaire, bas de contention. - Anticoagulation avec antivitamine K uniquement si thrombus intra-ventriculaire, vaste akinésie ventriculaire gauche, fibrillation auriculaire persistante, sinon pas supérieur à l’aspirine. - Anxiolytiques. e) Traitement non pharmacologique : Les programmes de réhabilitation cardiaque après l’infarctus myocardique ont une grande importance clinique et psychologique. Ils luttent contre le déconditionnement dû à l’alitement, rassurent le patient, améliorent la survie, la capacité d’effort et le bien-être. Ils sont aussi importants que les bêta-bloquants et les hypocholestérolémiants. Ils comprennent également une éducation diététique et améliorent l’adhésion au traitement. Education du patient et de sa famille = ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.33 Héger 42, B-1000 Bruxelles 33 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe Explication des facteurs de risque et leur traitement, l’infarctus ne termine pas la vie mais doit la modifier, expliquer les symptômes de l’angor et comment prendre les dérivés nitrés (après la troisième dose contacter son médecin). L’arrêt du tabac réduit les risques endéans 3-4 années, contrôle du diabète (hémoglobine glycosylée < 7 %), contrôle de l’hypertension (PAS < 140 et PAD < 90 mmHg avec bêta- bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion), LDL-cholestérol < 55 mg/dl, contrôle de l’obésité, exercice physique (natation, cyclisme, aérobic 20-30 minutes 3-7 fois par semaine pour augmenter la fréquence cardiaque à 60-70 % de la formule 220-âge). 3.2.2.3 Indications chirurgicales dans la cardiopathie ischémique Cf. angine de poitrine chronique stable. 3.3. Diagnostic différentiel des douleurs thoraciques : la dissection aortique a) Introduction : Elle est deux fois plus fréquente que la rupture d’un anévrisme aortique abdominal, atteint surtout les hommes entre 50-70 ans (favorisé par la modification structurelle aortique liée au vieillissement, l’HTA est un facteur de risque important, parfois lié à une augmentation très rapide de la pression artérielle (exercice isométrique, cocaïne). Rarement chez un sujet plus jeune, à moins d’être favorisée par une fragilité tissulaire et/ou des modifications hémodynamiques (syndrome de Marfan, bicuspidie aortique, coarctation aortique, grossesse, …). Une déchirure dans l’intima (dans 2/3 des cas dans l’aorte ascendante, dans 1/10 des cas près de l’isthme) crée une fausse lumière au sein de la paroi de l’aorte (entre l’intima et la média). Cette fausse lumière se propage rapidement dans l’aorte et ses branches de division. La fausse lumière s’étend sur la moitié au 2/3 de la circonférence aortique. L’aorte ne se rompra pas aussi longtemps que l’adventice et média ne cèdent pas ! La fausse lumière peut se rompre dans le péricarde, dans l’espace pleural gauche, ou ailleurs. La dissection peut entreprendre la valve aortique et les artères coronaires Les branches de division de l’aorte peuvent rester perméables, être occluses par la dissection, ou alimentées par la fausse lumière. Classification : -Type A de Stanford : si affecte l’aorte ascendante, l’arche aortique, quelle que soit la localisation de la brèche dans l’intima, ce sont souvent des sujets plus jeunes, pas d’HTA, affection prédisposante, -Type B de Stanford : si ne l’affecte pas (cad après l’artère sous clavière : aorte descendante, abdominale), souvent chez le sujet plus âgé et hypertendu. 34 P B Cours-Librairie, av. P.34 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale b) Présentation clinique : La douleur est le symptôme le plus fréquent. Apparition brutale, très sévère avec parfois une impression de mort imminente, continue, migrante en fonction de l’extension de la dissection (thoracique, flanc, …). Le patient est parfois très hypertendu. Décès par mort subite ou choc (hypovolémique suite à l’hémorragie secondaire à la rupture, tamponnade, insuffisance aortique aigue, infarctus myocardique). Ischémie des branches de division de l’aorte (syncope, accident vasculaire cérébral, paraplégie, oligurie, anurie, …). Diagnostic différentiel entre l’infarctus myocardique, l’accident vasculaire cérébral, l’embolie pulmonaire, l’abdomen aigu, … A l’examen physique : nouveau souffle d’insuffisance aortique, frottement péricardique, disparition du pouls dans un membre, choc… c) Examens complémentaires : - ECG : infarctus myocardique, tamponnade (cf. Chapitre 5). - Rx thorax : élargissement du médiastin, double contour aortique, cardiomégalie car présence d’une tamponnade. - Echographie externe et transoesophagienne versus scanner spiralé : pas d’irradiation, pas de produits de contraste, elle est disponible très rapidement, mais la visualisation de l’arc aortique est parfois plus difficile à l’échographie. d) Traitement : Prévention de la dissection : traiter l’HTA, surveillance régulière de la taille de l’aorte s’il y a un syndrome de Marfan, une bicuspidie aortique, une coarctation aortique (avec une résonance magnétique nucléaire). Traitement en urgence de la dissection : La mortalité du patient non traité est élevée. Réduction agressive de la pression artérielle (perfusion intraveineuse d’un vasodilatateur et d’un bêta bloquant). Type A de Stanford : nécessite une chirurgie urgente (exérèse-remplacement du site de rupture, reconstruction de la valve aortique ou prothèse). Type B de Stanford non compliqué : généralement traitement médical (parfois mise en place d’une prothèse endovasculaire). Traitement chronique de la dissection : Contrôle strict de la PA (le traitement doit comporter un bêtabloquant), surveillance au moins annuelle de l’aorte par résonance magnétique. ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.35 Héger 42, B-1000 Bruxelles 35 DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale Chapitre 4 : La pathologie valvulaire et congénitale adulte. 4.1. La pathologie valvulaire cardiaque 4.1.1 Fièvre rhumatismale ou rhumatisme articulaire aigu ("RAA") a) Introduction : Affection multi systémique consécutive à une infection pharyngée, caractérisée par un processus inflammatoire prolifératif impliquant le tissu conjonctif. Rare dans les pays occidentaux, première cause mondiale d’affection cardiaque chez l’enfant et le jeune adulte. b) Physiopathologie : Le Streptocoque bêta hémolytique du groupe A responsable de la maladie a certains épitopes en commun avec la myosine cardiaque et des protéines membranaires du sarcolemme. La réponse immunitaire survient endéans les 3 semaines de l’infection streptococcique. Interagit avec le péricarde, le myocarde et l’endocarde et produit une inflammation nodulaire ("d’Aschoff"). Donne une dégénérescence fibrinoïde suivie d’une réaction fibrosante cicatricielle et calcifiante. Il peut affecter les articulations, le cerveau, la peau et le tissu sous-cutané, mais seul le cœur présentera des séquelles chroniques. c) Présentation clinique : - Valvulite : affecte plus souvent la valve mitrale que la valve aortique et que les valves tricuspides et pulmonaires. L’insuffisance valvulaire est généralement progressive. - Myo-péricardite. - Polyarthrite (grosses articulations : chevilles, genoux, coudes, poignets, asymétrique et migratoire durant 1-3 semaines en l’absence de traitement, réponse < 48 h à l’aspirine). - Chorée de Sydenham (mouvements musculaires incoordonnés, involontaires au troisième mois, résolution spontanée en 1-2 semaines). - Nodules sous-cutanés (tardifs, fermes, < 2 cm, mobiles, sur la face d’extension des articulations et l’occiput) et érythème cutané marginé non prurigineux (tronculaire, circulaire ou serpigineux). ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.37 Héger 42, B-1000 Bruxelles 3 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe d) Examens complémentaires : ▪ 85% des angines de l’adulte ont une origine virale, le streptocoque bêta hémolytique du groupe A est souvent responsable des angines entre 5 et 15 ans. ▪ Faire un frottis de détection rapide et très spécifique d’antigène ou de RNA du streptocoque bêta hémolytique du groupe A, moins sensible que la culture (à faire si le test de diagnostic rapide est négatif) ▪ La culture pharyngée est encore positive pour le streptocoque du groupe A lors des symptômes dans 25 % des cas. ▪ Anticorps anti-streptocoque (ASLO : le taux est plus élevé lors des symptômes cliniques, ne fait pas la différence avec des infections par d’autres types de streptocoque bêta hémolytique qui ne donnent pas de rhumatisme articulaire aigu). ▪ Echographie cardiaque. e) Traitement : - Prévention primaire : traiter les pharyngites avec de la pénicilline si elles sont dues à un streptocoque du groupe A : ▪ Pénicilline V ou amoxicilline. ▪ Cefadroxil (allergie mineure à la pénicilline). ▪ Clarithromycine ou azithromycine (allergie majeure à la pénicilline). ▪ Traiter les porteurs sains du streptocoque du groupe A proches du patient atteint de rhumatisme articulaire aigu. - Prévention secondaire : prévenir les récidives d’angine à streptocoques avec benzathine pénicilline G IM (1,2 millions d’unités) tous les mois ou de la pénicilline V per os deux fois par jour (si patient adhérant au traitement), pendant 10 années, voire à vie selon la sévérité de la valvulopathie et le degré d’exposition au streptocoque groupe A. Traitement de la crise aiguë : Repos au lit (diminution des douleurs articulaires, diminution du travail cardiaque), Aspirine : diminue les douleurs articulaires (100 mg/kg/jour si toléré), Corticostéroïdes (pas meilleurs que l’aspirine). Traitement des lésions valvulaires chroniques : (Cf. chapitre pathologies valvulaires adultes) 38 P B Cours-Librairie, av. P.38 Héger 42, B-1000 Bruxelles ED - -3405 E DE B E Philippe Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale f) Pronostic : 4 à 10 % des malades présentent une fièvre rhumatismale après une épidémie de pharyngites à streptocoques A. Seulement 50 % de ces patients présenteront des séquelles. Une valve fortement atteinte continuera à se détériorer par les flux turbulents qu’elle génère. 4.1.2 Pathologie valvulaire aortique 4.1.2.1. La sténose aortique a) Introduction : Obstacle valvulaire à l’éjection ventriculaire gauche. b) Physiopathologie : Origine dégénérative (association avec le diabète, l’hypercholestérolémie, et les altérations du métabolisme phosphocalcique dans l’hyperparathyroïdie, l’insuffisance rénale, la maladie de Paget). Ressemble à l’athérosclérose liée au vieillissement (prévalence augmente en raison de l’augmentation de l’espérance de vie). La prévalence de la sclérose et de la sténose aortique augmente avec l’âge (respectivement 50 % et 5 % après 85 ans). Autres origines : rhumatismale ou congénitale (la bicuspidie aortique affecte 2 % de la population, elle est 4 fois plus fréquente chez le sujet masculin, elle est associée à une coarctation aortique et une dissection aortique, il faut faire un dépistage familial au premier degré de parenté). La perte de mobilité des cuspides aortiques réduit la surface valvulaire aortique. Les patients restent longtemps asymptomatiques. L’apparition des symptômes annonce une réduction rapide de l’espérance de vie qui n’est plus que de 50% après 2 ans. Il existe des mécanismes compensateurs en accord avec la "loi de Laplace" (tension pariétale = rayon x pression / 2 x épaisseur). (La postcharge peut être définie comme la tension de paroi maximale du ventricule. En vertu de la loi de Laplace, cette tension dépend du produit du volume ventriculaire (le ventricule est assimilé à une sphère de rayon r) par la pression (P) qui y règne, divisé par l’épaisseur (h) de la paroi). L’hypertrophie compensatrice des parois réduit donc la tension pariétale (effet favorable), mais réduit l’élasticité ventriculaire, augmente la consommation en O2 et réduit le flux coronaire sous-endocardique (effets défavorables). L’élévation de la pression dans l’oreillette gauche favorise la fibrillation auriculaire qui sera mal tolérée (perte de la contraction auriculaire). ED - -3405 E P B Cours-Librairie, av. P.39 Héger 42, B-1000 Bruxelles 39 Pathologie Cardiovasculaire édicochirurgicale DE B E Philippe L’élévation de la pression diastolique du ventricule gauche non élastique handicape la perfusion coronaire sous-endocardique, qui se fait d’autant mieux durant la diastole que la pression intra ventriculaire est basse. D’où l’angine de poitrine en l’absence de lésion coronaire épicardique. c) Diagnostic (! important !) : - Angine de poitrine - Syncope au repos sur arythmie ou à l’effort (vasodilatation périphérique sans augmentation du débit cardiaque) - Dyspnée (tardive par insuffisance ventriculaire gauche, passe inaperçue car les patients diminuent inconsciemment leur activité physique) - Mort subite Auscultation : Souffle râpeux, systolique et éjectionnel (c-à-d crescendo – décrescendo) au foyer aortique irradié dans les carotides. Le B2 aortique est réduit car la valve est peu mobile. Le souffle semble parfois irradié vers l’apex en raison d’une transmission préférentielle des sons à travers la paroi thoracique et le myocarde ("phénomène de Gallavardin"), le souffle ressemble alors à une régurgitation mitrale. Le souffle de la sténose aortique débute cependant après le B1 et s’arrête avant le B2, à la différence du souffle de l’insuffisance mitrale qui débute dès B1, recouvre B2 et est holosystolique. d) Examens complémentaires : - ECG (hypertrophie ventriculaire gauche avec altération de la repolarisation, la calcification peut s’étendre au système de conduction et induire un bloc de branche gauche ou un bloc auriculo-ventriculaire). - Rx thorax (calcification valvulaire aortique, dilatation aortique post-sténotique). - Echographie cardiaque (recherche d’une insuffisance aortique associée, d’une pathologie mitrale associée, calcul de la surface valvulaire aortique).

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