Les imprégnations de la substance fondamentale PDF
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Institut des Sciences Vétérinaires El Khroub
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Ce document est un extrait d'un document de formation ou un manuel sur la pathologie de la matrice extracellulaire, en particulier sur les imprégnations de la substance fondamentale. Le texte décrit les différents types d'imprégnations, leurs caractéristiques et leur origine. Il inclut également les notions de calcifications, de goutte, d'athéromatose/athérosclérose et d'amyloïdose, ainsi que l'influence de ces dépôts sur la santé. Le document a un intérêt pour les étudiants en médecine vétérinaire ou en biologie.
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Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale 3. Les imprégnations de la substance fondamentale Objectif du cours : 1. Connaître la nature et l’origine des substances déposées dans la substance fondamentale. 2. Connaitre l’étio-pathogénie des dif...
Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale 3. Les imprégnations de la substance fondamentale Objectif du cours : 1. Connaître la nature et l’origine des substances déposées dans la substance fondamentale. 2. Connaitre l’étio-pathogénie des différents types d’imprégnation de la substance fondamentale. 3. Connaître l’aspect morphologique (macroscopique et microscopique) des différents types d’imprégnation de la substance fondamentale. 4. Prédire l’évolution et les conséquences de ces dépôts sur la santé de l’animal. L’imprégnation correspond au dépôt d’une substance en quantité anormale dans la substance fondamentale d'un tissu conjonctif. Selon la nature de la substance déposée, on distingue : - Les imprégnations calciques : calcification, - Les imprégnations uratiques : la goutte, - Les imprégnations lipidiques : athéromatose et athérosclérose, - Les imprégnations protéiques : L'amyloïdose. Les œdèmes peuvent être également considérés comme une imprégnation hydrique de la substance fondamentale, ils sont étudiés dans le chapitre consacré aux troubles circulatoires. 3.1 Les imprégnations calciques : les calcifications 3.1.1 Définition, rappels sur le métabolisme du calcium Correspond au dépôt de sel de calcium dans la substance fondamentale. L’imprégnation calcique de la substance fondamentale s'accompagne le plus souvent d'une surcharge calcique des cellules du tissu atteint. Les calcifications survenant sur différents tissus ou organes normalement non minéralisés, sont appelées « calcifications hétérotopiques ». Les modifications physiologiques du maintien de la calcémie sont indiquées dans la figure 72. 106 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale 3.1.2 Étiologie et pathogénie des imprégnations calciques A. Calcification consécutive à un trouble tissulaire local - Calcification des tissus sclérosés et nécrosés Les tissus sclérosés ou nécrosés ont spontanément tendance à fixer les sels de calcium. Ex. : - les foyers de nécrose de caséification observés au sein des granulomes tuberculeux sont fréquemment calcifiés (tuberculose caséo-calcaire). - Les lésions de nécrose de coagulation, lors de la carence en vitamine E et en Sélénium (nécrose de Zenker) chez l’agneau (Figure 73) Figure 72 : Facteurs responsables du maintien de la calcémie 107 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale Figure 73: Cœur d’agneau : Calcification, nécrose de Zenker. Les multiples lésions blanches sont des zones de nécrose des myocytes cardiaques qui ont été calcifiés. (Zackary and Mc Gavin, 2012). - Calcification par augmentation locale du taux tissulaire de calcium et/ou par modifications locales du pH tissulaire : Néphrocalcinoses : la calcification se produit principalement au niveau de la médullaire du rein, lieu de la concentration maximale du calcium en raison du processus de résorption tubulaire et de concentration de l’urine primitive (Figure 74). Calcification gastrique des urémiques : dans ce cas particulier, le pH local bas dû aux sécrétions d’acide chlorhydrique favorise la déposition de sel de calcium dans la muqueuse stomacale suite à des lésions nécrotiques toxiques provoquées par l'urémie. Figure 74 : Néphrocalcinose, rein, section dorsale, chien. Stries blanches (flèches) dans le cortex et la moelle liés à la minéralisation de l'interstitium, des membranes basales et des tubules. Cette lésion résulte de toutes maladies qui augmentent les concentrations plasmatiques de calcium (par exemple, hyperparathyroïdie). L'épithélium tubulaire rénal est endommagé par une augmentation du calcium intracellulaire, qui est initialement précipité dans les mitochondries et les membranes basales tubulaires. (Zackary and Mc Gavin, 2012) 108 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale - Calcification cutanées : Associées à certaines dysendocrinies : exemple des calcifications dermiques associées au syndrome de Cushing (hypercorticisme). Associées à une inflammation locale : exemple des lésions de calcinose cutanée dites lésions de « calcinose circonscrite » des coudes ou du sternum (chien, bovin….). Figure 75: Chienne, Calcinoses cutanées associées au syndrome de Cushing (hypercorticisme). https://www.soubagne.fr/upload/content/81/calcinose.pdf B. Calcification consécutives à un état d'hypercalcémie générale prolongée Etiologie et pathogénie - Excès d’apport de calcium et de vitamine D : Iatrogène (traitement antirachitique mal dosé avec excès de vitamine D et de calcium) Toxique, chez les herbivores, par ingestion de plantes renfermant des substances à activité vitaminique D (Trisitum flavescence, Solanum malacoxylon). - Etat d'hyperparathyroïdie (assez fréquent en pathologies vétérinaires) Primitifs : tumeurs parathyroïdiennes sécrétantes (rares), Lors d’insuffisance rénale chronique, Lors d’apport alimentaire excessif de phosphore (porc, cheval). - Hypercalcémies paranéoplasiques États hypercalcémiques chroniques accompagnant l’évolution de certaines tumeurs (tumeurs gastriques, lymphosarcome, tumeurs des glandes anales). 109 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale Localisation - Les calcifications surviennent sur des tissus normaux, notamment sur les tissus riches en fibres élastiques : endartère, endocarde, poumon, derme… ou lorsque les conditions locales de pH ou de concentration de calcium favorisent la précipitation des sels de calcium (estomac, rein). - Les calcifications se produisent également sur les lésions scléreuses ou nécrotiques. 3.1.3 Morphologie des imprégnations calciques A. Macroscopie Aspect induré, marbré, cassant et crissant des lésions scléreuses calcifiées. Des dépôts multiples indurés et cassants dans la paroi des vaisseaux et dans certains organes comme le poumon (poumon des urémiques en particulier) et le cœur (Figure 76 et 77). Aspect blanchâtre anormal de la médullaire rénale lors de néphrocalcinose (Figure 74). Figue 76 : Imprégnation calcique cœur, bovin Plages granuleuses, blanches, brillantes, de forme variable, de longueur entre 1 et 5 mm, situées sur la surface de l’endocarde et crissant à la coupe Figure 77 : Calcification, intoxication à la vitamine D, aorte, lapin. L'aorte est ferme et inélastique à cause des dépôts de calcium dans la tunique intima et média. (Zackary and Mc Gavin, 2012) 110 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale B. Microscopie Dépôts calciques interstitiels amorphes ou intracellulaires colorés en bleu violacé par l’hémalun-éosine. La caractérisation spécifique de la nature calcique du dépôt se fait par coloration de Von Kossa qui fait apparaître des dépôts calciques en noir (Figure 78). Dans certains cas, la calcification suscite une réaction inflammatoire « à corps étrangers » caractérisée par l’afflux de cellules macrophagiques et de cellules géantes de type Müller; l’inflammation est également génératrice de lésions de fibrose périphérique. Figure 78 : Urémie, estomac, chien. A, Le calcium est coloré en bleu avec de l'hématoxyline. Coloration H&E. B, Le calcium est coloré en noir. Coloration de Von Kossa. (Zackary and Mc Gavin, 2012) 3.1.4 Conséquences des imprégnations calciques Les imprégnations calciques interstitielles ne sont pas ou peu résorbables et les lésions sont donc persistantes. Des troubles fonctionnels variés peuvent accompagner, selon sa localisation et son intensité, la calcification. Par exemple : modification des propriétés physiques de la paroi indurée des artères calcifiées. 111 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale 3.2 Les imprégnations uratiques : les gouttes 3.2.1 Définition La goutte est une affection caractérisée par le dépôt d’urate dans la substance fondamentale : ce dépôt résulte d'une élévation anormale du taux d'acide urique dans le sang (hyperuricémie). 3.2.2 Espèces affectées A. Chez l'homme : chez cette espèce, la goutte est due à une production excessive de l'acide urique, ce dernier se dépose dans les tissus et donne deux formes : La forme aiguë : elle se manifeste par le dépôt de cristaux d'urate dans les tissus conjonctifs para articulaires, une réaction inflammatoire s'installe tout autour et c'est ce que l'on appelle : la crise de goutte. La forme tophacée : c'est le dépôt d'urate qui forme le tophus goutteux : ce sont des nodules durs, crayeux à la coupe et en capsule. Ces nodules se localisent à l'oreille, l'olécrâne, les tendons et parfois mêmes les reins. B. Chez les autres mammifères : les espèces affectées sont celles qui ne possèdent pas le système enzymatique de l’uricase et dont le métabolisme des bases puriques s’arrête à l’acide urique (Figure 79) : on citera les grands primates et, dans l’espèce canine, le cas particulier des chiens dalmatiens. Chez ces animaux, la goutte prend la forme clinique de goutte articulaire. C. Chez les oiseaux : le catabolisme des protéines conduit à l’excrétion urinaire d’acide urique et d’urates (l’acide urique est donc l’équivalent métabolique de l’urée chez les mammifères) ; ces substances sont responsables de la coloration particulière claire et nacrée des fientes. Ces caractéristiques métaboliques font qu’en pathologie vétérinaire, ce sont chez les oiseaux que s’observent principalement les lésions de goutte. 112 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale Figure 79 : Origine et métabolisme de l’acide urique 3.2.3 Les gouttes aviaires La goutte peut revêtir sur le plan clinique et lésionnel deux aspects différents : on distinguera la goutte articulaire et la goutte viscérale. A. Étiologie des gouttes aviaires L’hyperuricémie responsable des lésions est consécutive : - Soit un excès alimentaire protéique durable, - Soit à un arrêt d'élimination de l'acide urique qui peut provenir d’une insuffisance rénale grave ou d'insuffisance aiguë d'abreuvement. 113 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale B. La goutte viscérale Il s’agit d’une affection goutteuse d’évolution aiguë et rapidement fatale. Elle est macroscopiquement caractérisée par le dépôt, dans la cavité générale, sur les séreuses et à la surface des organes, dans les reins et les uretères, d’une substance pulvérulente, très blanche et légèrement nacrée, ressemblant à du talc (Figures 80, 81, 82). Les cas consécutifs à une insuffisance rénale grave sont généralement sporadiques ; des lésions de goutte articulaire et de goutte viscérale peuvent être très occasionnellement associées. Les cas résultant d’un défaut brutal d’abreuvement prennent un aspect enzootique : une forte proportion des animaux d’un parquet ou d’un élevage sont brutalement trouvés morts et présentent généralement tous les lésions caractéristiques de la goutte viscérale. Figure 80 : Goutte viscérale, poulet de chair Dépôt d’urate, dans la cavité générale, sur les séreuses et à la surface des organes.https://www.thepoultrysite.com/publications/diseases-of-poultry/232/gout 114 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale Figure 81: Goutte viscérale Figure 82: Goutte viscérale. Rein et cœur d'oiseau avec dépôt d'acide Sacs aériens d'oiseau avec dépôt d'acide La goutte articulaire urique et de cristaux d'urate. urique et de cristaux d'urate dans le rein et sur l'épicarde. Volaille domestique (Colora atlas of veterinary pathology) C. La goutte articulaire Il s’agit d’une affection goutteuse d'évolution chronique et non fatale généralement consécutive à un excès protéique alimentaire. De l'acide urique et l'urate s'accumulent dans les régions articulaires (ligaments, tendons, synoviales, espaces conjonctifs péri-articulaires) ; La présence de ces dépôts provoque une réaction inflammatoire chronique granulomateuse, à corps étranger, ainsi que la constitution de lésions nodulaires articulaires nommées « tophus goutteux » qui renferment des cristaux blancs et pulvérulents d’urates de sodium (Figure 83, 84). Histologiquement, les cristaux d’urates apparaissent sous forme de longues aiguilles biréfringentes : ils sont entourés par des cellules macrophagiques et des cellules géantes de types Müller. Une sclérose s’ajoute à cette réaction inflammatoire chronique (Figure 85). Les conséquences sont essentiellement celles des difficultés locomotrices engendrées par la douleur et l’ankylose articulaires. 115 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale Figure 83 : Goutte articulaire Figure 84 : Ouverture d’une lésion de goutte articulaire https://www.thepoultrysite.com/publications/diseases-of-poultry/232/gout 2 3 1 A B Figure 85: (A, B) Aspect histologique d’une lésion de tophus goutteux. 1: Substance d’aspect peigné, peu colorable ; 2 : réaction macrophagique histiocytaire et gigantocellulaire ; 3 : fibrose collagène. 116 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale 3.3 Les imprégnations lipidiques : L'athéromatose et l'athérosclérose Lésions résultant de l'accumulation de lipides dans la substance fondamentale: les plus fréquentes sont les accumulations cholestérides. L’athéromatose (du grec atheros = bouillie) est une affection caractérisée par l'accumulation de cholestérides dans l'intime et la média des artères ; cette accumulation est généralement focale et apparaît sous forme d'une plaque athéromateuse. La présence des cholestérides dans la paroi artérielle suscite une inflammation modérée et chronique qui se traduit à terme, au niveau des plaques athéromateuses, par une sclérose pariétale artérielle : la lésion prend alors l'aspect d'une athérosclérose. Il faut différencier l'athérosclérose qui implique principalement l'intima et la média de l'artériosclérose qui est caractérisée par une fibrose intimale des grandes artères. C’est une maladie liée à l'âge qui survient fréquemment chez de nombreuses espèces animales mais provoque rarement des signes cliniques. La maladie se développe sous forme de réponses dégénératives et prolifératives chroniques dans la paroi artérielle et entraîne une perte d'élasticité ("durcissement des artères") et moins souvent un rétrécissement luminal. 3.3.1 Localisation Les lésions athéromateuses sont surtout observées dans la paroi des grosses artères (aorte, carotide, fémorale …), des artères coronaires, spléniques, rénales et cérébrales. Les lésions sont habituellement multiples et simultanément étendues à divers territoires artériels. 3.3.2 Morphologie A. Aspect macroscopique On observe en face interne de la paroi artérielle des plaques irrégulières, légèrement surélevées, plus en moins gaufrées ou plissées, grisâtre ; ces lésions sont plus fréquentes autour des bifurcations vasculaires. À la coupe, la plaque renferme une substance hétérogène, molle, grasse car riche en cholestérides et triglycérides (Figure 86). 117 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale Figure 86 : Chat (Hyperlipémie) Athéromatose Aorte et artères abdominales. Plaques athéromateuses jaunes faisant saillie dans la lumière (Color atlas of veterinary pathology) B. Aspect histologique Les dépôts lipidiques présent dans la paroi artérielle sont anhistes et entourés par une réaction inflammatoire lipophagique ; la présence de la bouillie lipidique et des cellules inflammatoires (macrophages dont certains apparaissent spumeux, lymphocytes et plasmocytes) est accompagnée d’une destruction des fibres élastiques et musculaires de la média. L’endothélium est soulevé. Une fibrose périphérique à la lésion s’installe. La bouillie lipidique est également souvent le siège de dépôts calciques. Figure 87 : Athérosclérose. Artère, homme 118 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale Figure 88: La paroi vasculaire Figure 89: Principaux constituants d’une plaque athéromateuse constituée http://campus.cerimes.fr/anatomie-pathologique/enseignement/anapath_4/site/html/4.html#4 Figure 90: Athérosclérose coronarienne, hypothyroïdie, cœur, ventricule gauche, chien. (Zackary and Mc Gavin, 2012) A, Les artères coronaires atteintes sont proéminentes et difformes (flèches) avec des parois épaissies. Les zones jaunes diffuses et focales dans les parois des artères sont les sites de dépôts athéromateux. B, Notez l'importante accumulation de macrophages chargés de lipides (vacuoles claires) appelés "cellules spumeuses" tout au long de l’intima et la média épaissies.C, plus fort grossissement de B. L’intima contient d'abondants macrophages chargés de lipides (flèches). Notez la perturbation de l'endothélium et des protéines plasmatiques et de la fibrine à leur surface. Coloration H&E. 119 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale C. Espèces affectées Cette lésion est bien connue chez l'homme, ces lésions sont plus rares chez les animaux mais sont néanmoins connues par ordre décroissant de fréquence, chez les oiseaux (le dindon en particulier), le porc, le chien et diverses espèces sauvages en captivité. D. Étiologie et pathogénie L’étio- pathogénie est multifactorielle et fait intervenir : - des facteurs de prédisposition génétique, - les facteurs nutritionnels, - des facteurs zootechniques et comportementaux (sédentarité), - des facteurs psychoaffectifs et de stress… E. Évolution et conséquences Les conséquences peuvent être multiples et sont souvent fâcheuses : - Réduction du calibre du vaisseau avec conséquence ischémiante, - Altération des propriétés mécaniques et motrices du vaisseau atteint, - Nécrose de l'endothélium recouvrant la plaque athéromateuse et déclenchement d'une thrombose avec complications d'ischémie et de thrombo-embolie, - Fragilisation de la paroi vasculaire avec dilatation pariétale et constitution d'un anévrisme. La fragilisation peut entraîner la rupture de l'anévrisme. 120 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale 3.4 Amyloïdoses 3.4.1 Définition Le terme amyloïdose ou amylose désigne un ensemble de maladies caractérisées par le dépôt extracellulaire sous forme fibrillaire d’un matériel protéique autologue devenu insoluble. Le dépôt amyloïde peut être localisé, limité à certains tissus, ou diffus touchant de nombreux organes. L’analyse biochimique a montré que la substance amyloïde est faite principalement d’une protéine fibrillaire qui caractérise chaque variété d’amyloïdose et d’un composant mineur : glycoprotéique, commun à toutes les amyloïdoses. De nombreuses protéines amyloïdes sont maintenant identifiées, ce qui a permis d’élaborer une classification biochimique des amyloïdoses. 3.4.2 Caractéristiques histologiques de la substance amyloïde - Coloration rose pâle par l’éosine (acidophile), - Coloration brune par une solution iodo-iodurée (Lugol) virant au bleu-vert sous l’effet de l’acide sulfurique en solution diluée (présence d’une fraction glucidique), - Métachromasie au violet de méthyle, positivité au PAS (présence d’une fraction glucidique), - Coloration en rouge par le rouge Congo avec obtention d’une biréfringence verte typique en lumière polarisée (dichroïsme lié à la nature para-cristalline). Seul cette dernière réaction est considérée comme spécifique. En microscopie électronique, la substance amyloïde est constituée de petites fibrilles de 7,5 à 10 nm de diamètre de longueur indéfinie. Les fibrilles sont enchevêtrées, mais non anastomosées, formant un feutrage lâche (aspect en microscopie électronique comparé à celui d’un « paquet d’épingles jeté à terre ». les fibrilles sont associées à de fines particules granulaires. 121 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale 3.4.3 Composition chimiques des substances amyloïdes La substance amyloïde est une substance complexe de composition variable. Elle est constituée dans tous les cas de 95% de protéines fibrillaires polymérisées en feuillets β-plissés, associées à 5% de composant P et d’autres glycoprotéines. Figure 91 : Structure β plissée des fibrilles d’amyloïde Sur les 15 formes biochimiquement distinctes d'amyloïde connues chez l'homme, 3 sont les plus courantes : 1. L’amyloïde constituée de protéines de type AL (Amyloïde Light chains), dérivées des chaines légère d'immunoglobulines, 2. L’amyloïde constituée de protéines de type AA (Amyloïde Associated protein), dérivées d’un précurseur protéique sérique non immunitaire synthétisé par l’hépatocyte, la protéine SAA (Serum Associated Amyloïde), apolipoprotéine qui appartient au groupe des protéines la phase aiguë de l’inflammation, 3. Protéine Aβ amyloïde, dérivée de la protéine précurseur de l'amyloïde (APP). Ces formes amyloïdes sont également reconnues chez les espèces domestiques. 122 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale 3.4.4 Etiologie et pathogénie des amyloïdoses Des lésions d’amyloïdose sont observées dans des circonstances très diverses (Figure 92) : Figure 92 : Pathogénie des principales formes d’amyloïdoses Lors d'inflammations chroniques au cours desquelles la substance amyloïde produite est de type AA ; ces affections sont à l'origine d'amyloïdoses généralisées ou localisées : amyloïdoses dites « réactionnelles ». Des maladies dysimmunitaires : au cours desquelles survient une prolifération anormale, souvent tumorale, des cellules lymphoïdes B avec, pour conséquence, la production d’amyloïde de type AL. Ces affections sont plutôt à l’origine d'amyloïdose généralisée. Diverses pathologies caractérisées par la production excessive de polypeptides normaux ou de divers types de protéines anormales : responsables d'amyloïdoses localisées. Diverses affections héréditaires à l'origine le plus souvent d'amyloïdose généralisée. 123 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale Dépôts séniles localisés d’amyloïdes surtouts vasculaires et cardiaques. Les principales formes anatomo-cliniques d’amyloïdoses connues chez l’homme et leur correspondance éventuelle chez les animaux sont indiquées dans le tableau 7. Au cours de ces différentes situations, la constitution des fibrilles d’amylose implique l’existence d’une protéine précurseur soit normale mais produite en quantité excessive (Protéine AA, hormones polypeptidiques, chaines légères d’immunoglobulines) soit de structure anormale (ex. : TTR) ou modifiée (ex. : PrPsc). Tableau 7 : Principales formes anatomo-pathologiques d’amyloïdoses connues chez l’homme et les animaux Protéine Protéine Maladies Maladies amyloïde précurseur humaines animales Amyloïdose rénale des carnivores etdes bovins Amyloïdoses secondaires Amyloïdose nasale du cheval Protéine sérique « réactionnelles » AA Amyloïdose généralisée et SAA Amyloïdose familiale articulaire des volailles méditerranéenne Amyloïdose héréditaire du chat (abyssin) et du chien (shar-pei) Myélomes Dysglobulinémies Chaines légères Myélomes du chien AL Macroglobulinémie de d’immunoglobulines Chevaux producteurs de sérum Waldenstrom Amyloïdose familiale Transthyrétine mutée héréditaire (forme ATTR neurologoque) Transthyrétine Amyloïdose cardiaque sénile normale Précurseur de la Cancer médullaire de la ACal calcitonine thyroïde Amyloïdose des ilots Précurseur de Amyloïdose des ilots AIAPP pancréatiques du chat âgé l’insuline (amyline) pancréatiques diabétique Facteur Natriurétique Amyloïdose isolée de la paroi AANF auriculaire de l’oreillette (cardionatrine) Amyloïdose des dialysés Ab2M b2 microglobuline chroniques Protéine Ab Maladie d’Alzheimer membranaire bPP AScr Prion PrPsc Maladie de Creutzfeldt-Jakob Encéphalopathies spongiformes La protéolyse incomplète du précurseur semble une phase importante de l’amyloïdogénèse en libérant des fragments qui acquièrent des propriétés d’auto-agrégation conduisant à la constitution des fibrilles (en effet, seules certaines protéines sont amyloïdogènes ou sont rendues amyloïdogènes par des mutations ponctuelles). Les macrophages jouent un rôle 124 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale essentiel dans cette phase de protéolyse partielle. Les premières fibrilles formées accélèrent ensuite la formation des dépôts en jouant un rôle de « nucléation ». Le composant P et les glycosaminoglycanes interviennent également en stabilisant la structure (Figure 93). Figure 93 : Les différentes étapes de la formation des dépôts amyloïdes 3.4.5 Localisations des lésions A. Amyloïdose généralisée ou systémique La maladie est simultanément étendue à plusieurs organes parmi lesquels les plus constamment atteints sont le foie, la rate et les reins. D'autres localisations peuvent exister notamment la localisation digestive (le colon chez le chien), l’examen histologique d’une biopsie du colon est un moyen assez fidèle de diagnostic d’une amyloïdose généralisée. L’affection est connue chez les mammifères et chez les oiseaux. 125 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale B. Amyloïdose localisée Un seul organe est atteint : - Amyloïdose rénale isolée du chien et des bovins, - Amyloïdose de la muqueuse nasale chez le cheval, - Amyloïdose des îlots de Langerhans du chat âgé diabétique, - Amyloïdose des artères coronaires du chien. - Amyloïdose des artères méningées du chien âgé… 3.4.6 Morphologie des lésions L’étude lésionnelle sera limitée à celle des lésions hépatiques et rénales. A. Macroscopie Elle est responsable d’une hypertrophie régulière et d’une augmentation de la fermeté des organes; le tissu est pâle, de consistance dure, la forme étant non modifiée, à l’incision, la surface de coupe est lisse, vernissée, d’aspect vitreux. Figure 94 : Amylose : rein amyloïde hypertrophié et pâle Rein normal au-dessus (Blowey and Weaver, 2011) 126 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale Figure 95 : Amylose, rein, chien. Multiples foyers de nécrose de la crête médullaire (vert jaunâtre [flèches]). Zackary and Mc Gavin, 2012). Figure 96: Amylose, rein, coupe transversale, chien. Sur la surface coupée d'un rein frais traité avec du Lugol et de l'acide sulfurique dilué, les glomérules contenant de l'amyloïde sont visibles sous forme de multiples points bleu foncé dans le cortex. Zackary and Mc Gavin, 2012). 127 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale Figure 97 : Amylose hépatique, foie de canard. (Zackary and Mc Gavin, 2012) Surface de coupe. L'amylose hépatique indique une peau ferme et cireuse avec une teinte pâle. B. Microscopie L’amylose, qu’elle soit localisée ou généralisée, forme au contact des matrices extracellulaires (membranes basales, tissu conjonctif interstitiel ou intercellulaire, parois vasculaires) des dépôts extracellulaires amorphes, uniformément éosinophiles (colorés en rose), anistes (= qui ne contiennent pas de noyaux), d’aspect « délavé ». Les dépôts de substance amyloïde finissent par comprimer les parenchymes voisins. - Amyloïdose hépatique : la substance amyloïde s’insinue dans les espaces de Disse et provoque l’atrophie des travées de Remak par écrasement (Figure 98). - Amyloïdose rénale : la substance amyloïde se dépose dans le mésangium du glomérule et le distend. Il en résulte un écrasement des capillaires glomérulaires et une dilatation générale du floculus avec diminution de l’espace urinaire situé entre les feuillets de la capsule de Bowman. La perméabilité particulière de la substance amyloïde est à l’origine d’une protéinurie constante qui se traduit par la présence de coagulats protéiques dans les tubules urinaires (aspect de cylindres hyalins acidophiles) ; ces coagulats ne sont pas constitués de substance amyloïde mais de protéines plasmatiques. Une atrophie simultanée de l’épithélium tubulaire est souvent observée. Une sclérose interstitielle et périglomérulaire s’installe progressivement au cours de l’évolution des lésions. 128 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale Figure 98 : Amylose, coupe histologique, foie, chien. A, Foie. Les espaces de Disse sont élargis par du matériel protéinique éosinophile (amyloïde) qui a causé l'atrophie des travées hépatiques. Coloration H&E. B, Les dépôts d'amyloïde sont colorés en orange par la coloration rouge Congo (Zackary and Mc Gavin, 2012). Figure 99 : Amylose, coupe histologique, rein, chien. A, Le glomérule rénal contient de grandes quantités de matière éosinophile homogène pâle (substance amyloïde). Coloration H&E. B, La substance amyloïde dans les glomérules se colore en orange. Coloration rouge Congo. (Zackary and Mc Gavin, 2012). 3.4.7 Conséquence En dehors des conséquences lésionnelles traitées ci-dessus, l’amyloïdose peut avoir de graves conséquences physiopathologiques : 129 Pathologie de la matrice extracellulaire Les imprégnations de la substance fondamentale C. L’amyloïdose rénale peut être à l’origine d’une part d’une protéinurie souvent grave qui s’accompagne en particulier d’une hypo-protéinémie avec œdèmes périphériques et ascite caractéristiques d’un syndrome néphrotique, et d’autre part, d’une insuffisance rénale grave. Le syndrome néphrotique peut évoluer isolément ou être associé à l’insuffisance. D. L’amyloïdose peut s’accompagner d’anomalies de la fonction hémostatique avec risque d’évolution de thromboses et de thrombo-embolies spontanées : ce cas est bien connu chez les chiens atteints d’amyloïdose rénale et qui développent spontanément une thrombose (ou plus probablement une thrombo-embolie) massive de l’artère pulmonaire. Les risques de thrombose sont attribués à un état d’hypercoagulabilité du sang secondaire à une élimination rénale massive des antithrombines III qui, à l’état physiologique, limitent l’extension et la durée de la coagulation du sang in vivo. Le déficit acquis en antithrombines III entretient un état d’hypercoagulabilité favorable à l’apparition de thromboses et de thrombo-embolies. En raison de la localisation des lésions à des organes vitaux (foie, rein …), l'amyloïdose doit être considérée comme une affection grave et de pronostic sévère. 130