Les Figures de style - PDF
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Frederic Caer
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This document provides a comprehensive overview of figures of speech, including various types, such as analogy, attenuation, construction, and more. It details techniques like comparison and metaphor, alongside examples from different literary works. The document also includes explanations and examples.
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Les figures de style Les figures de style sont des procédés d’expression qui modifient le langage ordinaire afin de le rendre plus expressif. À l’origine, les figures de style étaient liées à la rhétorique (l’art du discours) et utilisées dans le but de convaincre un interlocuteur ou le séduire...
Les figures de style Les figures de style sont des procédés d’expression qui modifient le langage ordinaire afin de le rendre plus expressif. À l’origine, les figures de style étaient liées à la rhétorique (l’art du discours) et utilisées dans le but de convaincre un interlocuteur ou le séduire. Ce sont elles aussi qui vont mettre en valeur les idées d’un texte. Les figures de style sont employées à la fois à l’écrit et à l’oral, dans le langage soutenu et courant. ▪ Figures d’analogie ▪ Figures d’atténuation ▪ Figures de construction ▪ Figures d’énonciation ▪ Figures d’insistance ▪ Figures d’opposition ▪ Figures de sonorité ▪ Figures de substitution ▪ Accumulation ▪ Comparaison ▪ Oxymore ▪ Allégorie ▪ Ellipse ▪ Parallélisme ▪ Allitération ▪ Épanadiplose ▪ Paronomase ▪ Anadiplose ▪ Épiphore ▪ Périphrase ▪ Anaphore ▪ Euphémisme ▪ Personnification ▪ Antiphrase ▪ Gradation ▪ Pléonasme ▪ Antithèse ▪ Hypallage ▪ Polyptote ▪ Antonomase ▪ Hyperbole ▪ Polysyndète ▪ Aposiopèse ▪ Hypotypose ▪ Prétérition ▪ Assonance ▪ Litote ▪ Prolepse ▪ Asyndète ▪ Métaphore ▪ Prosopopée ▪ Chiasme ▪ Métaphore filée ▪ Redondance ▪ Cliché ▪ Métonymie ▪ Zeugma Méthodes & Techniques Les figures de style Les figures d’analogie Les figures d’analogie sont des procédés d’écriture qui consistent à rapprocher deux éléments afin d’établir un lien. Une analogie est une ressemblance établie par l’esprit (association d’idées) entre deux ou plusieurs objets de pensée essentiellement différents. La comparaison La comparaison rapproche de deux éléments à l’aide d’un outil de comparaison (comme, tel que, semblable à, pareil à, paraître, sembler…). ▪ « Tu as des cheveux blonds comme les blés » (Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince) ▪ « Cette terre […] lui apparaissait comme un bouclier sur la mer » (Homère, L’Odyssée) ▪ « Le poète est semblable au Prince des nuées » (Charles Baudelaire, « L’Albatros ») La métaphore C’est le rapprochement de deux éléments sans outil de comparaison. ▪ « Un gros serpent de fumée noire » (Guy de Maupassant, « La peur ») ▪ « Cette faucille d’or dans le champ des étoiles » (Victor Hugo, La Légende des siècles) ▪ « Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage » (Charles Baudelaire, « L’ennemi ») La métaphore filée La métaphore est dite « filée » lorsqu’elle se développe à travers plusieurs expressions d’un texte, comme dans la tirade de Créon, issue d’Antigone de Jean Anouilh : Mais, bon Dieu ! Essaie de comprendre une minute, toi aussi, petite idiote ! J’ai bien essayé de te comprendre, moi. Il faut pourtant qu’il y en ait qui disent oui. Il faut pourtant qu’il y en ait qui mènent la barque. Cela prend de l’eau de toutes parts, c’est plein de crimes, de bêtise, de misère... et le gouvernail est là qui ballotte. L’équipage ne veut plus rien faire, il ne pense qu’à piller la cale et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rien que pour eux, avec toute la provision d’eau douce pour tirer au moins leurs os de là. Et le mât qui craque, et le vent siffle et les voiles vont se déchirer, et toutes ces brutes vont crever toutes ensemble, parce qu’elles ne pensent qu’à leur peau, à leur précieuse peau et à leurs petites affaires. Crois-tu, alors, qu’on a le temps de faire le raffiné, de savoir s’il faut dire « oui » ou « non », de se demander s’il ne faudra pas payer trop cher un jour et si on pourra encore être un homme après ? On prend le bout de bois, on redresse devant la montagne d’eau, on gueule un ordre et on tire dans le tas, sur le premier qui s’avance. Dans le tas ! Cela n’a pas nom. C’est comme la vague qui vient de s’abattre sur le pont devant vous ; le vent qui vous gifle, et la chose qui tombe dans le groupe n’a pas de nom. C’est peut-être celui qui t’avait donné du feu en souriant la veille. Il n’a pas de nom. Et toi non plus, tu n’as plus de nom, cramponné à la barre. Il n’y a plus que le bateau qui ait un nom et la tempête. Est-ce que tu le comprends, cela ? –2– Méthodes & Techniques Les figures de style ▪ « Le peuple se précipita dans l’escalier en secouant à flots vertigineux des têtes nues, des casques, des bonnets rouges, des baïonnettes et des épaules si impétueusement que des gens disparaissaient dans cette masse grouillante qui montait toujours comme un fleuve refoulé par une marée d’équinoxe, avec un long mugissement, sous une impulsion irrésistible » (Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale) ▪ « Adolphe essaie de cacher l’ennui que lui donne ce torrent de paroles, qui commence à moitié chemin de son domicile et qui ne trouve pas de mer où se jeter » (Honoré de Balzac, Petites misères de la vie conjugale) L’allégorie (n. f.) L’allégorie est la représentation d’une idée abstraite sous une forme concrète. ▪ « Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ. / Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant, / Noir squelette laissant passer le crépuscule » ; il s’agit d’une allégorie de la mort (Victor Hugo, « Mors », Les Contemplations) ▪ « Ils savent que sur eux, prêt à se déborder, / Ce torrent, s’il m’entraîne, ira tout inonder ; / Et vous les verrez tous, prévenant son ravage, / Guider dans l’Italie et suivre mon passage » ; ici, Mithridate compare la puissance romaine à un torrent (Jean Racine, Mithridate) ▪ La colombe et son rameau d’olivier dans le bec est une allégorie de la Paix La personnification Elle prête des comportements ou des sentiments humains à un être inanimé ou à un animal. À l’inverse, on parle de « réification » (du latin res, la chose) quand on donne un caractère de chose à un être humain. ▪ « La cathédrale explique tout, a tout enfanté et conserve tout. Elle est la mère, la reine, énorme au milieu du petit tas des maisons basses, pareilles à une couvée abritée frileusement sous ses ailes de pierre » (Émile Zola, Le Rêve) ▪ « Avec quelle rigueur, Destin, tu me poursuis » (Jean Racine, Phèdre) ▪ « Le Pot de fer proposa / Au Pot de terre un voyage » (Jean de la Fontaine, Fables) L’hypotypose (n. f.) Elle permet d’animer, de rendre vivante une description au point que le lecteur « voit » un tableau se dessiner sous ses yeux. ▪ « Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants, / Entrant à la lueur de nos palais brûlants, / Sur tous mes frères morts se faisant un passage, / Et de sang tout couvert échauffant le carnage. / Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants » (Jean Racine, Andromaque) ▪ « Cette nuit je l’ai vue arriver en ces lieux, / Triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes, / Qui brillaient au travers des flambeaux et des armes » (Racine, Britannicus) ▪ « L’alambic, avec ses récipients de forme étrange, ses enroulements sans fin de tuyaux, gardait une mine sombre ; pas une fumée ne s’échappait ; à peine entendait- on un souffle intérieur, un ronflement souterrain ; c’était comme une besogne de nuit faite en plein jour, par un travailleur morne, puissant et met » (Émile Zola, L’Assommoir) –3– Méthodes & Techniques Les figures de style Les figures d’atténuation Les figures d’atténuation ou d’omission cherchent à réduire la force de certains mots ou de certaines expressions. Elles sont l’opposé des figures d’insistance. L’euphémisme (n. m.) L’euphémisme consiste à adoucir une idée dont l’expression directe aurait quelque chose de déplaisant, désagréable, choquant. Il s’oppose ainsi à l’hyperbole. ▪ « Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. / Il a deux trous rouges au côté droit » ; ici, le poète ne dit pas explicitement que le soldat est mort (Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val », Cahier de Douai) ▪ « L’Époux d’une jeune Beauté / Partait pour l’autre monde », là encore, pour dire implicitement que la personne est décédée (La Fontaine, « La Jeune Veuve », Fables) ▪ « Le troisième âge » pour désigner les personnes âgées. La litote Elle consiste à atténuer l’expression de sa pensée pour suggérer beaucoup plus qu’on ne dit, souvent par la négation de son contraire. ▪ « Va, je ne te hais point » signifie je t’aime (Pierre Corneille, Le Cid) ▪ « Ce n’était pas un sot » : il est intelligent (La Fontaine, « Le Faucon et le Chapon », Fables) ▪ « Je ne dis pas non », pour dire que j’accepte avec plaisir. –4– Méthodes & Techniques Les figures de style Les figures de construction Les figures de construction jouent sur la syntaxe, soit la place des mots dans la phrase ainsi que les règles grammaticales. Le parallélisme C’est la répétition de la structure d’une phrase. Cette figure consiste à juxtaposer ou coordonner deux membres de phrases ayant la même construction grammaticale. ▪ « Des trains sifflaient de temps à autre et des chiens hurlaient de temps en temps » (Raymond Queneau, Le Chiendent) On remarque l’article indéfini « des » + le nom commun et la rime en [ɛ]̃ =[in] avec « trains » et « chiens » + un verbe à l’imparfait qui produit un son : « sifflaient » et « hurlaient » + un adverbe qui évoque une occasion : « de temps à autre / de temps en temps » = même construction grammaticale. ▪ « Innocents dans un bagne, anges dans un enfer » (Victor Hugo, Les Contemplations) On observe un nom masculin pluriel qui suggère la pureté : « innocents » et « anges » + la même préposition « dans » + l’article indéfini « un » + un nom masculin qui évoque la souffrance : « bagne » et « enfer ». ▪ « Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris » (Charles Baudelaire, « La Beauté ») On trouve ici la préposition « et » + l’adverbe « jamais » + le pronom personnel « je » + la négation « ne » + deux verbes antithétiques : « pleure » et « ris ». Le chiasme Un chiasme, prononcer [kiasm], est composé de deux expressions qui se suivent, mais la deuxième adopte l’ordre inverse de la première (AB / BA). ▪ « La neige fait au nord ce qu’au sud fait le sable » (Victor Hugo, La Légende des siècles) A B B A ▪ « Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger » (Socrate, et dans l’Avare de Molière) A B B A ▪ « Vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre » (Gandhi) A B B A L’asyndète (n. f.) Elle supprime les mots de liaison attendus (et, mais, or, donc…) entre deux propositions. ▪ « Vous n’êtes point gentilhomme, vous n’aurez pas ma fille » sous-entend : donc vous n’aurez pas ma fille (Molière, Le Bourgeois Gentilhomme) ▪ « Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu » sous-entend : j’ai vu et j’ai vaincu (Jules César) ▪ « Cette manie de lecture lui était odieuse, il ne savait pas lire lui-même » sous-entend : car il ne savait pas lire lui-même (Stendhal, Le Rouge et le Noir) –5– Méthodes & Techniques Les figures de style La polysyndète C’est le contraire de l’asyndète ; elle multiplie les mots de liaison entre des propositions. La conjonction de coordination « et » est le plus souvent employée. ▪ « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. − Et je l’ai trouvée amère. − Et je l’ai injuriée » (Arthur Rimbaud, Une saison en enfer) ▪ « Mais tout dort, et l’armée, et les vents, et Neptune » (Jean Racine, Iphigénie) ▪ « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant / D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime, / Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même / Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend » (Paul Verlaine, « Mon rêve familier ») L’ellipse (n. f.) Elle consiste à omettre volontaire un mot ou un groupe de mot logiquement nécessaires à la construction de la phrase. ▪ « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage » se comprend ainsi : Heureux celui qui est comme Ulysse et qui a fait un beau voyage (Joachim du Bellay, Regrets) ▪ « Je n’avance guère. Le temps beaucoup » : ellipse de la répétition du verbe « avancer » (Eugène Delacroix, Journal) ▪ « J’ai reçu un télégramme de l’asile : “Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués” » (Albert Camus, L’Étranger) Le zeugma Le zeugma (ou zeugme) est l’ellipse d’un mot ou d’un groupe de mots qui devraient être normalement répétés, ce qui a pour conséquence de mettre sur le même plan syntaxique deux éléments appartenant à des registres sémantiques différents. On distingue le zeugma syntaxique, quand le terme non répété est utilisé dans le même sens que celui qui est déjà exprimé, et le zeugma sémantique, où le terme occulté est utilisé dans un sens différent de celui qui est déjà exprimé. ▪ « Il croyait à son étoile et qu’un certain bonheur lui était dû » se comprend ainsi : Il croyait à son étoile et il croyait qu’un certain bonheur lui était dû (André Gide, Les Faux- monnayeurs) ▪ « Trois marchandes de boisson et d’amour » se comprend ainsi : Trois marchandes de boisson et trois marchandes d’amour (Guy de Maupassant, Bel-Ami) ▪ « Vivre d’amour et d’eau fraîche » se comprend ainsi : Vivre d’amour et vivre d’eau fraîche. L’hypallage (n. f.) Elle consiste à attribuer à certains mots d’une phrase ce qui convient logiquement à d’autres mots de la même phrase. L’hypallage simple est ainsi souvent rapprochée de la métonymie ; Cicéron lui-même avait fait ce constat : « les grammairiens appellent métonymie ce que les rhéteurs appellent hypallage » (De orator, 55 av. J.-C.). –6– Méthodes & Techniques Les figures de style ▪ « Comme passe le verre au travers du soleil » ; inversion du sujet, on lirait normalement : comme passe le soleil au travers du verre (Paul Valéry, Intérieur) ▪ « Les habitants de l’orgueilleuse Rome » au lieu des habitants orgueilleux de Rome (Jean Racine, Phèdre) L’hypallage double consiste en la permutation de deux paires sémantiques dans une phrase. Cette forme était particulièrement appréciée de Virgile. ▪ « Ils avançaient, obscurs dans la nuit solitaire, à travers l’ombre » ; on pourrait lire : ils avançaient, solitaires dans la nuit obscure (Virgile, Énéide) ▪ « Mordant au citron d’or de l’idéal amer », au lieu de : Mordant au citron amer de l’idéal d’or (Stéphane Mallarmé, L’art poétique) L’aposiopèse (n. f.) Elle consiste à interrompre une phrase ou un vers qui reste inachevé, traduisant une hésitation, une émotion, une menace. Elle est matérialisée par des points de suspension ▪ « Je devrais sur l’autel où ta main sacrifie / Te… mais du prix qu’on m’offre, il faut me contenter » (Jean Racine, Athalie) ▪ « Va ! c’est une habitude comme une autre… J’étais scellée vive, dans un béton inexorable… Mais j’ai encore autre chose à dire… Donne-moi de l’eau !… » (Georges Bernanos, Madame Dargent) ▪ « J’aime… À ce nom fatal, je tremble, je frissonne. / J’aime… » (Racine, Phèdre) La prolepse C’est l’expression prématurée d’une idée, soit pour la mettre en relief, soit pour réfuter, par anticipation, une objection supposée. ▪ « Résolu d’accomplir ce cruel sacrifice, / J’y voulus préparer la triste Bérénice » (Racine, Bérénice) ▪ « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé » (Blaise Pascal, Pensées) ▪ « Ça serait trop long à expliquer… » –7– Méthodes & Techniques Les figures de style Les figures d’énonciation Les figures d’énonciation jouent sur le discours, soit les différents procédés liés à la parole. La prétérition Elle consiste à parler de quelque chose après avoir annoncé que l’on ne va pas en parler. On peut également affirmer ne pas vouloir faire quelque chose que l’on fait quand même. ▪ « Mon cher, si vous comptez sur nous pour vous révéler qu’il s’agit de trafic d’avions, vous vous trompez lourdement » (Dupond et Dupont, Les Aventures de Tintin – Coke et stock) ▪ « Je n’ai aucune arrière-pensée. Je ne veux pas t’influencer… Mais si une épée comme celle-là tuait ta sœur, nous serions bien tranquilles » (Jean Giraudoux, Électre) ▪ « Je ne vous peindrai point le tumulte et les cris, / Le sang de tous côtés ruisselant dans Paris, / Le fils assassiné sur le corps de son père, / Le frère avec la sœur, la fille avec la mère, / Les époux expirant sous leur toits embrasés » (Voltaire, La Henriade) La prosopopée Elle consiste à faire parler une personne morte ou absente, une chose personnifiée, une abstraction ou un animal, comme dans cet extrait du Petit Prince de Saint-Exupéry : — Bonjour, dit le renard. — Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien. — Je suis là, dit la voix, sous le pommier. — Qui es-tu ? dit le petit prince. Tu es bien joli… — Je suis un renard, dit le renard. ▪ « Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles : / “Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité, / Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles, / Un chant plein de lumière et de fraternité » (Charles Baudelaire, « L’Âme du vin », Les Fleurs du mal) ▪ « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme […] tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789 » (Constitution française de 1958) –8– Méthodes & Techniques Les figures de style Les figures d’insistance Les figures d’insistance cherchent à amplifier le message, à mettre en relief un élément pour le rendre plus évident. L’anaphore (n. f.) C’est la répétition du même terme ou de la même expression en tête de vers, de phrase, ou de paragraphe. Elle permet ainsi de marteler une idée. ▪ « Rome, l’unique objet de mon ressentiment ! / Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant ! / Rome qui t’a vu naître, et que ton cœur adore ! / Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore ! » (Pierre Corneille, Horace) ▪ « Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré !… » (Charles de Gaulle, Discours à l’Hôtel de ville de Paris le 25 août 1944) ▪ « Un homme est mort qui n’avait pour défense / Que ses bras ouverts à la vie / Un homme est mort qui n’avait d’autre route / Que celle où l’on hait les fusils / Un homme est mort qui continue la lutte / Contre la mort contre l’oubli » (Paul Éluard, Au rendez-vous allemand) L’épiphore (n. f.) C’est la répétition du même terme ou de la même expression en fin de vers, de phrase, ou de paragraphe ; elle est l’équivalent symétrique de l’anaphore. Elle rythme la phrase, souligne un mot, une obsession, ou provoque un effet rythmique, d’où son utilisation fréquente en chanson. ▪ « On s’ennuie de tout, mon Ange, c’est une loi de la Nature ; ce n’est pas ma faute. / Si donc je m’ennuie aujourd’hui d’une aventure qui m’a occupé entièrement depuis quatre mortels mois, ce n’est pas ma faute. / Aujourd’hui, une femme que j’aime éperdument exige que je te sacrifie. Ce n’est pas ma faute. » (Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses) ▪ « Moi qui n’ai jamais prié Dieu / Que lorsque j’avais mal aux dents / Moi qui n’ai jamais prié Dieu / Que quand j’ai eu peur de Satan / Moi qui n’ai prié Satan / Que lorsque j’étais amoureux / Moi qui n’ai prié Satan / Que quand j’ai eu peur du Bon Dieu » (Jacques Brel, La Statue) ▪ « On fera notre vie ensemble / On finira nos jours ensemble / Ces pleures ne seront qu’un fond / Un léger fond sonore ; une averse / Qu’on oublie, fine averse / Sérés l’un contre l’autre, ensemble » (Max-Antoine Brun, « Ô Mélissa, te souviens-tu ? », Mélissa) L’hyperbole (n. f.) L’hyperbole consiste à exagérer, amplifier une idée ou une réalité, dans le but de la renforcer et la mettre en avant. ▪ « J’entends Théodecte de l’antichambre ; il grossit sa voix à mesure qu’il s’approche. Le voilà entré : il rit, il crie, il éclate ; on bouche ses oreilles, c’est un tonnerre » (La Bruyère, Caractères) –9– Méthodes & Techniques Les figures de style ▪ « Il prouvait admirablement qu’il n’y a pas d’effet sans cause et que, dans le meilleur des mondes possibles, le château de Thunder-ten-Tronkh était le plus beau château et madame le baronne la meilleure des baronnes possibles » (Voltaire, Candide) ▪ « Je suis mort de fatigue ! » La gradation La gradation est la succession de termes d’intensité croissante ou décroissante ; le dernier élément est souvent hyperbolique. ▪ « Va, cours, vole et nous venge ! » (Pierre Corneille, Le Cid) ▪ « C’est un roc ! C’est un pic ! C’est un cap ! / Que dis-je, c’est un cap ? C’est une péninsule ! » (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac) ▪ « Je n’en puis plus ; je me meurs ; je suis mort ; je suis enterré » (Molière, L’Avare) ▪ « Vous ne donnez qu’un jour, qu’une heure, qu’un moment ! » (Racine, Andromaque) L’accumulation L’accumulation se traduit par une énumération d’éléments appartenant à une même catégorie (de même nature et/ou de même fonction grammaticales) et qui crée un effet d’amplification. ▪ « Quand on m’aura jeté, vieux flacon désolé, / Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé » (Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal) ▪ « Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées » (Voltaire, Candide ou l’Optimisme) ▪ « Adieu, veau, vache, cochon, couvée » (Jean de La Fontaine, « La Laitière et le Pot de Lait ») La redondance La redondance consiste en une répétition (inutile pour son intégrité grammaticale) d’un mot, ou en une expression de la même idée par deux formulations différentes au sein d’une même phrase. La redondance exprime la même idée par une accumulation de synonymes ; elle est proche de l’accumulation et du pléonasme. ▪ « Le corbeau honteux et confus » (Jean de La Fontaine, « Le Corbeau et le Renard ») ▪ « Je l’ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu, / Ce qui s’appelle vu » (Molière, Tartuffe) ▪ « Je le dis bien haut, je l’affirme et je le proclame » Le pléonasme Le pléonasme consiste à répéter dans la même phrase deux termes qui ont la même signification, mais qui n’appartiennent généralement pas aux mêmes catégories grammaticales. Le pléonasme est un cas particulier de la redondance. Si elle n’obéit pas à une volonté précise, cette répétition est fautive (« repousser à une date ultérieure » ; « notre société actuelle » ; « voire même » ; « au jour d’aujourd’hui ») – 10 – Méthodes & Techniques Les figures de style L’anadiplose (n. f.) C’est la reprise du dernier mot d’une phrase, d’un vers ou d’une proposition, au début de la phrase qui suit. ▪ « Pour moi, c’est un malheur. Un malheur, tout le monde sait ce que c’est » (Albert Camus, L’Étranger) ▪ « Débrouille toi pour que ces pierres n’arrivent jamais au chantier. Pas d’pierre, pas d’construction. Pas d’construction, pas d’palais. Pas d’palais... pas d’palais » (Amonbofis à Nexusis, dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre) ▪ « La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine... mène à la souffrance » (Maître Yoda, dans Star Wars, épisode I : La Menace fantôme) Dans une conversation, l’anadiplose introduit souvent les répliques, comme dans cette scène de l’Île des esclaves de Marivaux : IPHICRATE. — Avançons, je t’en prie. ARLEQUIN. — Je t’en prie, je t’en prie ; comme vous êtes civil et poli. L’épanadiplose (n. f.) C’est la reprise à la fin d’une phrase du même mot que celui utilisé en début de phrase. ▪ « L’homme est un loup pour l’homme » (Plaute, Asinaria) ▪ « L’homme peut guérir de tout, non de l’homme » (Georges Bernanos, Nous autres Français) ▪ « L’enfance sait ce qu’elle veut. Elle veut sortir de l’enfance » (Jean Cocteau, La difficulté d’être) Le polyptote Le polyptote consiste en la répétition de plusieurs mots de même racine, ou encore d’un même verbe, sous différentes formes. ▪ « Tel est pris qui croyait prendre » (Jean de La Fontaine, Fables, « Le rat et l’huître ») ▪ « Ce n’était qu’amours, amants, amantes » (Gustave Flaubert, Madame Bovary) ▪ « Oui, je la haïssais [...] je l’ai haï [...] il justifie la haine de la haine » (J. Giraudoux, Électre) – 11 – Méthodes & Techniques Les figures de style Les figures d’opposition Ces figures associent des éléments de sens contraire. Le rapprochement de ces idées dans la même phrase va participer au sens créé en insistant sur l’opposition. L’antithèse (n. f.) Elle consiste à opposer, dans la même phrase, deux pensées, deux expressions ou deux mots exprimant des idées contraires. ▪ « Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie » (Louise Labé, Sonnets) ▪ « Paris est le plus délicieux des monstres » (Honoré de Balzac, Ferragus) ▪ « Nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance contre tes inutiles lumières » (Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville) L’oxymore (n. m.) L’oxymore consiste à allier deux mots de sens contradictoires. ▪ « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles » (Pierre Corneille, Le Cid) ▪ « Un affreux soleil noir d’où rayonne la nuit » (Victor Hugo, Les Contemplations) ▪ « Voilà un beau jeune vieillard pour quatre-vingt-dix ans ! » (Molière, Le Malade imaginaire) L’antiphrase (n. f.) Elle exprime le contraire de sa pensée, sans laisser aucun doute sur sa véritable opinion. C’est la figure privilégiée de l’ironie. ▪ « N’écoutant que son courage qui ne lui demandait rien, il se garda d’intervenir » pour son manque de courage l’a empêché d’agir (Jules Renard, Journal 1905 - 1910) ▪ « La question1 est une invention merveilleuse » (La Bruyère, Caractères) ▪ « C’est malin ! » pour signifier au contraire que c’est stupide. 1 Le terme « question » désignait la torture sous l’Ancien Régime. – 12 – Méthodes & Techniques Les figures de style Les figures de sonorité Ce sont des figures de diction fondées sur la continuité phonique 1 ; elles jouent sur les sons, la musicalité des phrases. L’allitération (n. f.) C’est le fait de répéter le même son fondé sur une consonne dans une phrase ou plusieurs vers. Souvent, l’allitération produit un effet harmonique – on parle alors d’harmonie imitative – lorsque la sonorité des mots employés évoque ou reproduit le bruit que produit l’objet dont il est question. ▪ « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes » : la sonorité [s] des mots évoque le sifflement du serpent (Jean racine, Andromaque) ▪ « Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, / Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit » : ici, les allitérations en [d], [ʁ] (= [r]), [s] et [t] soulignent la dureté de la scène (Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val ») ▪ « Dans les trois jours, voilà le tac-tac-tac / Des mitraillettes qui reviennent à l’attaque » : harmonie imitative afin de suggérer le bruit provoqué par les armes à feu (Serge Gainsbourg, Bonnie and Clyde) L’assonance (n. f.) C’est le fait de répéter le même son fondé sur une voyelle dans une phrase ou plusieurs vers. L’effet obtenu est généralement expressif ou harmonique. ▪ « Les sanglots longs / Des violons / De l’automne / Blessent mon cœur / D’une langueur / Monotone » : on observe dans ces vers une assonance en [o] et [ɔ]̃ (=[on]) (Paul Verlaine, « Chanson d’automne », Poèmes saturniens) ▪ « Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire » : assonance en [i] (Racine, Phèdre) ▪ « Tu as eu vent de cet enfant, Sullivan ? Effarant, non ? » : assonance en [ɑ̃] (= [en] ou [an]) (Léon le caméléon dans Monstres et Compagnie) La paronomase Elle consiste à rapprocher des mots comportant des sonorités semblables, mais qui ont des sens différents. Il peut s’agir d’homonymes (la prononciation est identique) ou de paronymes (qui se prononcent presque de la même façon). ▪ « Et l’on peut me réduire à vivre sans bonheur, / Mais non pas me résoudre à vivre sans honneur » (Corneille, Le Cid) ▪ « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (François Rabelais, Pantagruel) ▪ « Qui s’excuse s’accuse » (Stendhal, Le Rouge et le Noir) 1 Relatif aux sons. Procédé par lequel on tire un effet de l’emploi des sons. – 13 – Méthodes & Techniques Les figures de style Les figures de substitution Les figures de substitution établissent une équivalence entre deux mots ou expressions. Cependant, elles entraînent souvent un effet de surprise, d’attente, d’appréciation ou de dépréciation, voire d’ironie. La périphrase Elle exprime par un groupe de mots ce qui pourrait l’être par un seul. ▪ « L’astre au front d’argent » pour évoquer la lune (Alphonse de Lamartine, « Le Lac ») ▪ « Celui de qui la tête au ciel était voisine / Et dont les pieds touchaient à l’empire des Morts » pour suggérer le chêne (Jean de La Fontaine, « Le Chêne et le Roseau ») ▪ « Le roi soleil » pour désigner Louis XIV. L’antonomase (n. f.) Elle utilise un nom propre comme un nom commun. Lorsqu’elle emploie un nom commun comme un nom propre, il s’agit souvent d’une périphrase. ▪ « Un dom juan », pour un séducteur. ▪ « Un bordeaux », pour un vin d’origine bordelaise. ▪ « Un van Gogh », pour un tableau peint par Vincent Van Gogh. ▪ « La cité phocéenne » désigne Marseille. ▪ « Le Monstre des Carpates » désigne Dracula. ▪ De nombreux noms d’inventeurs sont utilisés comme unités de mesure : « un ampère » provient d’André-Marie Ampère. La métonymie Elle consiste à remplacer un mot par un autre mot qui entretient avec le premier un rapport logique. ▪ L’écrivain et son œuvre : « lire un Zola », pour lire un roman d’Émile Zola. ▪ L’objet et sa matière : « un verre », pour un récipient en verre. ▪ L’effet et la cause : « boire la mort », pour boire du poison. ▪ Le lieu et l’activité : « un théâtre », pour le lieu où l’on joue une pièce de théâtre. ▪ Le contenant et le contenu : « boire un verre », pour boire le contenu d’un verre. Un cas particulier de métonymie consiste à donner un sens plus large ou plus restreint à un mot ; c’est une synecdoque. ▪ La partie pour le tout : « les voiles au loin descendant vers Harfleur », pour les voiliers. ▪ L’espèce pour le genre : « refuser du pain à quelqu’un », pour refuser de la nourriture. ▪ Le singulier pour le pluriel : « nous avons défait l’ennemi », pour les ennemis. ▪ Le concret pour l’abstrait : « Le fer ne connaîtra ni le sexe ni l’âge » pour n’épargnera ni les femmes ni les vieillards. – 14 – Méthodes & Techniques Les figures de style Le cliché C’est l’usage d’une image usée, qu’on rapproche du stéréotype. Par son usage répété, l’expression est considérée comme obsolète. Gérard de Nerval dit à ce propos : « Le premier homme qui a comparé une femme à une fleur était un poète, le deuxième un imbécile ». ▪ « Avoir le cœur sur la main » ▪ « La neige étend son blanc manteau » ▪ « Des cheveux d’or » – 15 –