Histoire des Idées Politiques: Démocratie, PDF
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2024
Margaux Elichegaray
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These are lecture notes on the history of political ideas, focusing on the theme of democracy. The course covers the topic historically, starting from ancient Greece up to contemporary authors. It explores different ideas and philosophies related to democracy.
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Histoire des idées politiques Introduction : Qu’est ce que l’histoire des idées politiques ? C’est une discipline hybride, à cheval entre le droit, la philo, l’histoire, la science politique. C’est une matière charnière que les juristes étudient, et en fac d’histoire/philo et sciences politiques a...
Histoire des idées politiques Introduction : Qu’est ce que l’histoire des idées politiques ? C’est une discipline hybride, à cheval entre le droit, la philo, l’histoire, la science politique. C’est une matière charnière que les juristes étudient, et en fac d’histoire/philo et sciences politiques aussi. Les idées politiques sont des représentations abstraites des choses, de la pensée d’auteurs ou de personnages politiques, qui sont utiles pour comprendre le phénomène politique et le fonctionnement des institutions. L’étude du passé est nécessaire pour comprendre le présent et appréhender le futur. Pour la plupart des auteurs que l’on va étudier, leur pensée va être toujours d’actualité. Quelle sera la thématique du cours ? On va traiter la thématique de la démocratie. Il peut y avoir d’autres points de départ (État...). Nous allons remonter jusqu’aux fondements, à l’Antiquité grecque pour finir avec des auteurs contemporains. Pourquoi la démocratie ? Car c’est devenu un régime politique central, tous les pays se vantent d’être démocratiques. L’histoire des idées politiques va permettre de comprendre comment c’est né, comment ça fonctionne... → c’est qlq chose d’essentiel, peut permettre de comprendre les réalités et difficultés actuelles avec la pensée des auteurs anciens. Pendant très longtemps dans l’histoire, la démocratie a été très critiquée, jugée comme un régime de corrompu et déviant. C’est à partir du XIXe que la démocratie va devenir un régime noble. Étymologiquement, la démocratie correspond à « demos » (peuple) et « kratos » (pouvoir ou gouvernement) → démocratie : pouvoir du peuple. Mais cette définition repose sur une double ambiguïté : - Qu’est-ce que le peuple ? Il y a beaucoup de réponses : → Ensemble de la population vivant sur un territoire → Ensemble de la population dotée de la même nationalité → Ensemble des personnes en situation de voter - Qu’est-ce que le gouvernement du peuple ? → En FR, les citoyens ont assez peu de pouvoir. L’avis est demandé tous les 5 ans. Quelle sera la démarche ? Cela sera une étude : chronologique : on commence par les fondements, avec les auteurs anciens jusqu’à remonter à ajd - permet de voir que les auteurs anciens ont été lus par les contemporains - pour les auteurs comme Montesquieu ou ceux qui ont écrit après lui, il y a une facilité de connaître leur pensée, car avec l’imprimerie on peut lire tout ce que l’on veut. Mais pour les auteurs les + anciens, c’est plus dur car les écrits sont généralement partiels, et ce ne sont pas des écrits philosophiques mais des pièces de théâtre, des nouvelles... adaptée : on va étudier des auteurs et leur conception de la démocratie on → s’intéresse donc qu’aux auteurs qui se sont intéressés à la démocratie (ex : Thomas Hobbes ne sera pas étudié malgré sa position dans l’histoire des idées politiques car il n’a pas étudié la démocratie). Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 contextualisée : présentation des institutions politiques pour comprendre l’histoire des idées politiques, on ne peut pas comprendre la pensée des auteurs sans comprendre le fonctionnement des institutions. Chapitre 1 : La Grèce antique et l’invention de la démocratie On dit souvent que la Grèce a inventé la démocratie, ce qui est sûrement vrai car ils ont inventé le mot, mais sûrement la chose aussi. Toutes les réflexions sont faites à partir de la Grèce (Athènes est la référence de base). Il faut connaître les conditions d’apparition de la démocratie à Athènes, et dès le début, on retrouve les mêmes logiques de demandes de démocratie que l’on retrouve dans l’époque contemporaine. I. L’instauration de la démocratie à Athènes La démocratie n’a pas été mise en place du jour au lendemain, c’est un mouvement progressif. Tout dépend également de la manière dont on définit la démocratie. Comment fonctionnait le système avant que la démocratie se mette en place ? A. Les conditions de l’apparition de la démocratie Le monde grec ancien (-800/-500) était une multitude de « cités » (polis en grec) que l’on pourrait appeler « États », indépendants des uns des autres, qui sont des cadres de la vie sociale, politique, économique, religieuse. La religion est centrale et est liée à la vie politique, elle relève du public à l’époque. Il y a des institutions qui sont composées de « magistrats », qui ne sont pas des juges mais des personnalités politiques qui gouvernent ladite cité. Dans chaque cité, les citoyens participent à la vie politique. La cité d’Athènes est une cité d’environ 2500km2 (taille du Luxembourg), elle était positionnée de manière stratégique et avait un commerce. Comment caractériser d’un pdv social la cité Athénienne ? 1. C’est une société très hiérarchisée, avec une distinction entre les hommes libres et les esclaves. Les esclaves sont des biens, qui n’ont pas de capacité juridique et qui ont une charge de travail. Les plus fortunés s’offraient des esclaves pour entretenir leurs biens. Des personnes esclaves naissaient esclaves de père en fils ou mère en fille. Mais certains hommes libres étaient également des esclaves, si le débiteur n’arrivait pas à rembourser le créancier, il était alors réduit en esclavage. 2. Il y a une distinction entre les citoyens et les métèques (étrangers). La cité d’Athènes accueillait les étrangers, sans qu’ils soient esclave, mais ils n’avaient pas les mêmes droits que les citoyens. 3. Les eupatrides (aristocratie) et les autres citoyens. Les familles aristocratiques se revendiquaient être les fondateurs d’Athènes. Les eupatrides étaient des citoyens, mais des citoyens de la noblesse qui ont pendant longtemps confisqué les fonctions de magistrats. Parmi les autres citoyens, il y avait les « nouveaux riches », qui ne sont pas nobles mais qui ont fait fortune avec le commerce ou l’agriculture. Il y a également les citoyens pauvres, qui ne sont pas nobles, et qui étaient souvent dans des situations financières délicates → ils ont réclamé la démocratie. Dans les premiers temps (-800), Athènes était gouvernée par un monarque qui devait composer avec une aristocratie puissante. Un monarque était alors choisi dans une famille de l’aristocratie, qui avait face à lui les autres familles qui dans un rapport de force, essaye d’influencer la politique du roi. Progressivement, les majorités de familles des aristocraties ont pris le pouvoir et ont mis en place des institutions collégiales, composées des eupatrides. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 Au VIIe av. JC le pouvoir politique est exercé par des archontes (aristocrates), élus par l’Ecclésia composée de citoyens fortunés → le pouvoir politique est exercé par 9 archontes. Une institution va alors ressortir, l’Aréopage, composée de tous les anciens archontes, qui joue également un rôle politique très important. Plus tard, de nouvelles institutions sont créées, sans supprimer les anciennes. Elles seront simplement réformées. B. Les réformes politiques et sociales de la cité athénienne Pour les citoyens, les questions sociales étaient aussi importantes que les questions politiques. C’est à partir du VIIe siècle av. JC que les choses vont changer, suite à une crise économique et agraire. Trois réformateurs (des eupatrides) vont apporter des modifications au système politique et social de la cité athénienne : on parlera après d’implantation de la démocratie. 1. Dracon Il est élu archonte vers 624 et va mener une réforme pénale et de la justice. 1ère réforme : Il va réformer le droit en procédant à sa codification, en particulier le droit pénal. Il va exiger que l’intégralité des lois pénales soient codifiées (= inscrites sur des tablettes qui peuvent être consultées par les citoyens). Avant cela, le droit pénal était un droit non écrit dont la connaissance était réservée aux grandes familles de l’aristocratie. La réforme de Dracon va procéder à une démocratisation du droit, de l’accès au droit. Tous les citoyens auront alors connaissance de ces règles. 2e réforme : il met en place les peines personnelles. Avant lui, lorsqu’une personne commet une infraction, elle pouvait être punie ainsi que sa famille. Ainsi, on ne peut plus par cette réforme punir la famille du délinquant. Il y aura donc une justice + égalitaire. Cependant, la peine personnelle renforce un certain individualisme. Cette première réforme, est très bien perçue par les non-eupatrides. 2. Solon (-640/-560) Solon est un membre de l’aristocratie athénienne, élu archonte vers -594. Il a tout de suite voulu mettre en place des réformes favorables à la population, aux citoyens mais ceux non issus de l’aristocratie. 1ère réforme : réforme sociale, c’est la « remise des dettes ». Beaucoup de citoyens se sont endettés dans une situation économique catastrophique. La remise de dette est une annulation des dettes, ce qui a permis aux - riches de pouvoir respirer. 2e réforme : interdiction pour un créancier de « prendre en gage ses débiteurs » : on ne peut plus réduire en esclavage un débiteur qui ne peut plus rembourser ses dettes. Solon va être un ami de la cause populaire. Ces réformes sont favorables à l’émergence de la démocratie. Il fait également des réformes politiques : il ouvre l’Ecclésia (=assemblée populaire) à tous les citoyens de la cité. C’est une instance qui se réunit une fois par mois pendant plusieurs jours. Il crée également l’Héliée (tribunal populaire), équivalent d’une Cour Suprême. L’accès à l’Héliée à tous les citoyens par le tirage au sort fait partie des grandes réformes politiques. Ces deux réformes politiques ont eu pour effet de donner + de pouvoirs aux citoyens. 3. Clisthène (-570/-490) Il est élu archonte vers -525. Entre Solon et Clisthène, il y a eu une période de monarchie à Athènes. 1ère réforme : création des dèmes (circonscriptions administratives). Avant ça, la population était classée en tribu, avec à sa tête des familles de l’aristocratie. Son idée était de casser ceci. Les circonscriptions étaient géographiques, permettant de diminuer la tutelle des familles eupatrides sur les autres. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 2e réforme : Il va également réformer les tribus. A l’origine, il y en avait 4. Il va alors créer 10 nouvelles tribus, de manière géographique. Il va supprimer l’ascendance des vieilles familles athéniennes. 3e réforme : tirage au sort pour la désignation des archontes. Pour les Athéniens, le moyen le + démocratique de désigner, c’est le tirage au sort. Cela permet donc un accès plus large à la fonction. 4e réforme : création de la Boulè → assemblée de 500 membres tirés au sort parmi les citoyens, renouvelés par 10e chaque année. Elle exerçait des fonctions exécutives, votées par l’Ecclésia. 5e réforme : instauration de l’ostracisme → procédure populaire d’exil temporaire d’un citoyen (10 ans). Chaque année, l’Ecclésia devait se prononcer sur la nécessité ou non de mettre en place la procédure d’ostracisme : si oui, alors, un vote était organisé pour savoir si 1 ou plusieurs citoyens allaient être exilés. Étaient exilées les personnes avec trop de puissance... Elle a permis d’exclure des citoyens jugés dangereux. C’était une procédure exceptionnelle, utilisée à plusieurs reprises. On sait qu’il y a eu bcp d’abus, et de la manipulation durant les votes. A partir de Clisthène, on considère que la démocratie est mise en place. Pour certains, les réformes de Solon sont + importantes → question d’interprétation. 4. Périclès (-490/-429) Il va prendre des mesures complémentaires pour améliorer la démocratie déjà en place. Membre des familles nobles d’Athènes, il va jouer un rôle politique de premier plan pendant 15 ans. Il sera désigné plusieurs fois stratège, un magistrat en charge des fonctions militaires (une des rares fonctions pas tirée au sort). 1ère réforme : il a supprimé les dernières inégalités dans l’accès aux magistratures suprêmes. Pour certaines magistratures qui étaient réservées à certains citoyens, il a supprimé les conditions d’accès (notamment pour les stratèges) → tous les citoyens peuvent accéder à toutes les fonctions. 2e réforme : il a créé le misthos : indemnité financière donnée aux citoyens participant à l’Ecclésia. Tous les citoyens peuvent participer à l’Ecclésia, mais en pratique les + pauvres ne venaient pas car ils ne pouvaient pas se permettre de ne pas travailler pendant plusieurs jours pour venir → compensation financière journalière aux citoyens les + pauvres qui exerçaient une fonction publique. Certains citoyens sont venus juste pour toucher l’indemnité, sans s’intéresser à la politique. C. Le fonctionnement de la démocratie Athénienne au Ve siècle Elle fonctionne sur des principes : - le pouvoir de décision en dernier ressort appartient au démos (ensemble des citoyens athéniens : hors étrangers, femmes et esclaves) → ils ont le pouvoir de décision en dernier ressort - l’alternance du commandement et de l’obéissance (permise par le tirage au sort). A Athènes, le tirage au sort est une institution : tout le monde a les mêmes chances d’accéder aux fonctions puisque pour l’élection il faut faire campagne... - le contrôle étroit des magistrats par les citoyens : c’est l’opposé de la conception contemporaine de la représentation nationale. Plusieurs procédures mises en place : → dokimasie : examen préalable de la moralité du magistrat avant son entrée en fonction → reddition des comptes : procédure postérieure, à la fin des fonctions, des logistes (fonctionnaires) rédigeaient un rapport sur la gestion du citoyen élu/tiré au sort. Il faisait un bilan du mandat, transféré à Héliée qui jugeait si abus il y avait eu. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 II. La perception de la démocratie par les penseurs grecs Il y a eu des penseurs, des philosophes, des mathématiciens, des scientifiques et des artistes. Le peintre Raphaël a représenté l’école athénienne, dans L’École d’Athènes, sur les murs de la Camera Della Segantura du Vatican, 1509-1511. Au centre, il y a Platon et Aristote. La pensée de la plupart des auteurs grecs est hostile envers la démocratie, notamment dans le « traité du Vieil Oligarque » en -430 et qui va réunir beaucoup de critiques assez dures sur la démocratie. On ne sait pas qui l’a écrit. L’argument central que l’on retrouve chez tous les auteurs est que la démocratie n’est pas le gouvernement des riches mais le gouvernement des pauvres. A. L’attachement d’Hérodote à la démocratie Hérodote (480-425 av JC) est né à Halicarnasse (Baudrum en Turquie), mais a séjourné dans la cité athénienne. Il a composé les « Histoires »/« Enquêtes » dans lesquelles il décrit les relations greco- perses dans l’Antiquité. Il a été surnommé le père de l’histoire car c’est le 1er historien de l’humanité. Il va être le premier à distinguer 3 formes de gouvernements : « Le régime populaire porte tout d’abord le plus beau nom qui soit : « égalité » ; en second lieu, il ne commet aucun des excès dont un monarque se rend coupable : le sort distribue les charges, le magistrat rend compte de ses actes, toute décision y est portée devant le peuple. Donc voici mon opinion (NB : celle du chef Otanès) ; renonçons à la monarchie et mettons le peuple au pouvoir, car seule doit compter la majorité » (Livre III, § 80). - Démocratie : avantages → l’isonomie (loi égale pour tous) et la liberté. Tous les citoyens sont soumis à tous les citoyens. La liberté est entendue comme ne pas avoir de maître - Aristocratie/Oligarchie - Monarchie. B. La condamnation de la démocratie par Platon Platon (428-347 av JC) est un membre de l’aristocratie athénienne et le disciple de Socrate. La pensée de Socrate est connue par la pensée de Platon. Il n’aime pas les choix faits par Athènes. En étant aristocrate dans une cité démocrate, il perd de son pouvoir. Platon va essayer de jouer un rôle de conseil politique en Sicile et va former des disciples qui se chargeront de perpétuer sa pensée. Il a rédigé « La République » et « Les lois ». Il distingue l’art de gouverner les hommes par la contrainte (la tyrannie) et l’art de gouverner les hommes avec leur consentement (la politique). Nul besoin de consulter les hommes, ce qui importe c’est de bien gouverner. Pour lui, la politique c’est la science de bien gouverner. Le principe du bon gouvernement est le pouvoir de la sagesse → sophocratie. Le pouvoir doit donc revenir à ceux qui savent et il dit que les philosophes doivent devenir des rois ou que les rois doivent devenir philosophes. Sa philosophie est plutôt dirigée vers un gouvernement monarchique. Il distingue plusieurs formes de gouvernement et notamment la démocratie, qu’il estime de manière défavorable. Pour lui, la démocratie c’est une population qui n’est pas apte à la sagesse et qui est dangereuse. C’est le gouvernement des pauvres contre les riches et donc celui du plus grand nombre puisque ce sont les pauvres qui constituent la catégorie la plus importante de la société. « La démocratie apparaît lorsque les pauvres, ayant emporté la victoire sur les riches, massacrent les uns, bannissent les autres, et partagent également avec ceux qui restent le gouvernement et les charges publiques ; et le plus souvent ces charges sont tirées au sort » (La République, VIII). La démocratie se caractérise par un goût excessif pour la liberté : Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 - affaiblissement du règne des lois → les gens vont faire ce qu’ils veulent - renversement de l’ordre moral. « C’est un gouvernement agréable, anarchique et bigarré, qui dispense une sorte d’égalité aussi bien à ce qui est inégal qu’à ce qui est égal » (La République, VIII). - le plus grand vice de la démocratie est la démagogie, on va donner à chacun la même importance alors que la majorité de la population est paresseuse, lâche et avide d’argent. Platon critique également le fait qu’elle donne des pouvoirs aux incompétents. Il critique le système du tirage au sort (analogie du navire : lorsque les marins se révoltent et tuent le capitaine → plus personne pour commander donc le navire coule). La démocratie a tendance à évoluer en tyrannie : Liberté excessive (licence) > laxisme et désordre social > Tyrannie. « l'excès de liberté doit aboutir à un excès de servitude, et dans l'individu et dans l'État.... la tyrannie n'est donc issue d'aucun autre gouvernement que la démocratie, une liberté extrême étant suivie, je pense, d'une extrême et cruelle servitude » (La République, VIII). Pour lui il y a un cycle des régimes. Il y a une démocratie qui abouti un tyrannie qui est remplacée par l’aristocratie. C. La critique de la démocratie par Aristote Aristote (384-322 av JC) a connu Platon car il a été son disciple. Il est originaire de Stagire et a décider d’étudier à Athènes. Il est métèque, un étranger. Il sera critique vis-à-vis de la cité athénienne. A. La mort de Platon, il a quitté Athènes pour se rendre en Macédoine, où il deviendra l’éducateur d’Alexandre le Grand. Les institutions athéniennes sont connues grâce à ses descriptions. Il avait étudier et décrit, les institutions d’une centaine de cité athénienne. Mais on a perdu ses travaux. Dans les « Constitutions d’Athènes », il critique les institutions athéniennes et dans « les politiques », il fait une conception de la démocratie. Pour Aristote : - Le but du gouvernement est de rendre les Hommes vertueux. La coté y parvient avec l’éducation et en encouragement les Hommes à s’éduquer par eux-mêmes. - La vie dans une communauté politique, dans une cité, est une conditions du bonheur des Hommes. « L’Homme est par nature un animal politique » (Les politiques, Livre I, ch2). Eudémonisme : identification du bonheur avec la vertu par une vie noble, par l’activité de l’intelligence et par une vie de sagesse. Classification des régimes politiques d’Aristote : Qui gouverne ? Un Plusieurs Multitude Forme correcte (poursuite de l’intérêt commun) Royauté Aristocratie Politeia Forme corrompue (poursuite de l’intérêt Tyrannie Oligarchie Démocratie personnel des gouvernants) La politeia est le gouvernement de la classe moyenne. « La communauté la meilleure est celle où le pouvoir est aux mains de la classe moyenne » (Les politiques, IV). C’est le gouvernement du juste milieu. La démocratie est le gouvernement des masses, des pauvres. La direction des affaires publiques se fait suivant « l’utilité des pauvres » (Les Politiques, 1279-1280). Il est critique du gouvernement des pauvres. Pour lui, la richesse est : - une source de liberté Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 - une source de loisir, c’est-à-dire avoir du temps pour la cité - une garantie de moralité, c’est-à-dire qu’une personne riche sera beaucoup moins corruptible qu’une personne pauvre. Pour Aristote, la démocratie est un régime corrompu, car elle est détournée de l’intérêt général mais il existe des degrés de corruption. Il existe plusieurs types de démocratie : - la démocratie censitaire : cens d’électorat et cens d’éligibilité. C’est la moins mauvaise des démocraties car il n’y a pas d’égalité absolue entre les citoyens. Cens : condition de fortune requise pour qu’une personne puisse être électeur ou puisse être éligible - la démocratie « semi censitaire » : pas de cens d’électorat mais un cens d’éligibilité. Pour être désigner pour les fonctions, il faut avoir un certain niveau de richesse. - la démocratie formelle : aucun cens. Toute personne peut être citoyen. Et tout citoyen est éligible donc tout le monde peut exercer des fonctions - la démocratie absolue (« démagogie ») : aucun cens ; rémunération des fonctions publiques. C’est la démocratie athénienne après Périclès. D. La démocratie vue par les sophistes Les principaux sont : - Progatoras : ami de Périclès, partagea son attachement à la démocratie - Gorgias - Thrasymaque : défend la « Constitution des ancêtres » - Hippias - Critias : participa à une révolution oligarchique en 404 av JC. Ils sont des mettre de la rhétorique afin de convaincre les autres citoyens. Ils ne cherchaient pas à s’enrichir. Il s’intéressaient pas aux idées mais à la manière de les présenter. Chapitre 2 : La Rome antique et l’institution du pouvoir populaire Rome est fondée, avec la légende de Romus et Romulus, en -753. I. Le pouvoir populaire dans la République romaine Les romains ont mis en place un régime mixte avec des éléments monarchiques, aristocratiques et démocratiques. La France ressemble aujourd’hui à un régime mixte : - PR + irresponsabilité politique : Monarchique - Députés qui décident : Aristocratique - Citoyens qui votent pour leurs représentants : Démocratique. Il n’y a pas d’équivalent romain des philosophes grecs comme Platon et Aristote. Mais il y a des auteurs connus comme Cicéron. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 A. Les structures sociales romaines Populus : ensemble des citoyens romains qui équivaut au terme « démos » en grec. Au début ce sont les aristocrates (exclue étrangers et esclaves et la partie la + pauvre, la plèbe). - La gens (les gentes) : groupes de familles riches liées par la croyance en un ancêtre commun. - Les clients : individu libre, peu/pas fortuné, qui s’est placé sous le patronage du membre d’une gens, pour subvenir à ses besoins → rapport de subordination. - Les citoyens libres : peuvent subsister à leurs besoins mais pas souvent à l’aise financièrement. L’aristocratie se forme au VIIIe siècle av JC. Les « patres », chefs de riches gentes, vont se réunir au conseil des patres, qui deviendra le Sénat. Ils ont une influence politique majeure. Le but est d’instaurer une royauté fédérale sous le contrôle de l’aristocratie. Le roi va donc être choisi au sein des patres. Les étrusques s’invitent dans le pouvoir de la cité ce qui mena à un conflit où les aristocrates ressortiront encore plus forts. Au VIIe siècle, l’aristocratie dévient héréditaire. Les patriciens (patricii « descendants des patres ») dominent l’organisation politique jusqu’à l’avènement de la royauté étrusque (-620/-509). Ils reprennent le pouvoir en -509 en chassant les étrusques et instaurent la République. La réforme du roi Servius Tullus au VIe siècle crée des tribus territoriales, dans lesquelles les citoyens romains vont être classés selon leur domicile. Cela fragilise les structures traditionnelles (gentes). Mais crée aussi les comices centuriates : pour être citoyen, il fallait défendre sa cité et donc Les plus riches s’achetaient un équipement de chevalier, les plus pauvres n’étaient pas capables d’acheter d’équipement. Les citoyens libres vont commencer à avoir une conscience de classe. La plèbe est créée au Ve siècle : ce sont des citoyens libres, distingués des praticiens, qui revendiquent un rôle politique. B. Les institutions aristocratiques de la République romaine La royauté étrusque disparaît en -509 avec un soulèvement des praticiens contre le roi Tarquin à la suite du viol de Lucrèce. Une République est alors mise en place par les patriciens. 1. Institutions traditionnelles Sénat : avant, il n’était composé que de patres. En -509, il est composé d’environ 300 sénateurs (1/2 Patres ; 1/2 Conscripti). C’est une autorité consultative (senatus consulte) à compétence générale, exerçant une forte influence politique. Les avis que les sénateurs rendaient étaient très souvent suivis. Comices curiates : assemblées politiques dans lesquelles se regroupent les gentes. Comices centuriates : assemblées politiques dans lesquelles se regroupent les citoyens, en fonction du rôle qu’ils pouvaient jouer dans l’armée. Le but est de contrebalancer l’influence des patriciens. Elles vont représenter le populus et jouer un rôle électif sous la République (consuls). La plèbe commence à exister. Cependant, elles étaient au nombre de 60 lors de la République. Le vote se faisait par centuries : on accordait plus de voix aux centuries les plus riches et ce vote des plus riches compte plus que le vote des autres. Elles donnent une illusion démocratique mais leurs mode de fonctionnement vise à protéger l’aristocratie. 2. Les consuls Ce sont des magistrats, personnes qui exercent des fonctions publiques officielles. 2 consuls remplacent le roi et exercent ses pouvoirs civils et militaires. Au début, les consuls nommaient leurs successeurs avec l’accord du Sénat. Puis, au milieu du Ve siècle, ils seront désignés par les comices centuriates. Les consuls ont l’imperium, le pouvoir suprême, qui sera transmis aux empereurs plus tard. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 3. Les censeurs C’est une magistrature créée vers -430. Tous les 5 ans, elle dresse la liste de tous les citoyens en les répartissant dans les différentes classes, ce qui permet d’établir la liste des sénateurs. Ils pouvaient rayer quelqu’un de la liste du Sénat, y compris un noble. Ils peuvent influencer la composition du Sénat. 4. Le dictateur C’est une magistrature extraordinaire créée vers -501. Elle était utilisée seulement en cas de circonstances exceptionnelles. Elle est détenue par un patricien qui recevait les pleins pouvoirs pendant 6 mois pour rétablir la sécurité publique. Le dernier dictateur sera Jules César qui refusa de restituer le pouvoir. Progressivement va se mettre en place un ensemble d’institutions représentant la plèbe. Elles sont une dimension démocratique. C. Les institutions de la plèbe La Révolution plébéienne de -493 est une fronde sociale et politique, c’est-à-dire que la population cesse d’obéir aux consuls et refuse de faire la guerre. Les soldats plébéiens quittent Rome et s’installent à quelques kilomètres de la ville et commencent à menacer les patriciens de ne pas revenir à Rome si des troupes hostiles la menaçaient. Il y a eu des négociations politiques entre les leaders de la plèbe et les patriciens. Le compromis adopté est que les plébéiens reviennent à Rome en échange d’institutions qui leur permettraient de peser dans la cité romaine. 1. Le tribunat de la plèbe Les tribuns de la plèbe sont les chefs et défenseurs de la plèbe. Ils sont élus chaque année, d‘abord par les comices curiates puis par l'assemblée de la plèbe. En -493, ils sont 2, en -471, 4 et en -457, ils sont 10. Ils ont le pouvoir de s’opposer à un acte du Sénat, d’un consul ou d’un autre tribun. Ils peuvent révoquer un acte qui allait à l’encontre de la plèbe. Ils avaient un droit de veto. Leur personne était inviolable et sacrée, c’est-à-dire, que toute personne qui agressait un tribun était mise à mort. 2. L’assemblée de la plèbe Elle a été instituée en -471 et était réunie à l’initiative des tribuns de la plèbe. Elle a deux fonctions : - électorale : choix des tribuns et édiles de la plèbe - normative : vote des plébiscites (plebis scita). 3. Les édiles de la plèbe C’est une magistrature religieuse : quand la plèbe s’est révoltée, elle s’est dotée de ses propres dieux : Cérès, Liber et Libera. Ces dieux se sont vus édifier des temples pour les célébrer. Les édiles de la plèbe sont donc les prêtres de ces dieux. Ces édiles sont inviolables et sacrés. Outre les rites religieux, ils sont chargés de la surveillance des marchés et de la distribution de nourriture dans les périodes de disette. D. Le renforcement de la puissance plébéienne La Loi des XII Tables (450-451 av JC) : ce sont les règles de droit jugées essentielles pour le respect de l’égalité entre les citoyens (compromis entre les patriciens et les plébéiens). Avant, le droit était oral et c’était les patriciens qui le contrôlaient. Les plébéiens voulaient une égalité dans la connaissance du droit et vont donc obtenir sa codification. C’est une victoire juridique et politique pour la plèbe. Les lois Valeriae Horatiae (-449) : elles confèrent un statut légal aux institutions plébéiennes. Ces dernières sont donc officialisées, constitutionnalisées. La loi relative à l’Assemblée de plèbe indique que les lois de cette assemblée sont applicables à tous si le sénat les ratifie. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 Le compromis licinio-sextien (-367) : depuis 10 ans, 2 tribuns de la plèbe exerçaient leur droit de veto face aux consuls. Il y avait un blocage constitutionnel et donc une nouvelle menace de révolution. C’est un plébiscite proposé par les tribuns Caius Licinius et Lucius Sextius qui est alors accepté par le Sénat : - réduction des dettes des citoyens les + pauvres envers les + riches et instauration d’un moratoire - établissement d’un minimum d’équité dans la répartition des terres conquises entre les citoyens - faculté pour un plébéien d’être désigné consul. En -174, il y a eu 2 consuls plébéiens. Les lois Publiliae Philonis (-339) : - Les plébiscites deviennent des lois sans que l’accord du Sénat soit requis - Le rôle du Sénat dans la procédure législative est diminué - Une des deux charges de censeurs est attribuée à un plébéien. II. La place du pouvoir populaire dans la théorie romaine du régime mixte Régime mixte : dans la République romaine, c’est l’association d’éléments monarchiques aristocratiques et démocratiques, en partant des classifications faites par Platon et Aristote. A. Le rôle démocratique des comices selon Caton l’Ancien Caton (-234/-149) dit l’Ancien ou le Censeur, est un père de la pensée politique romaine. C’est un homme d’État, chef d’une faction politique. Il accède à toutes les fonctions : consul, censeur, sénateur. Il défend la supériorité de la Constitution romaine fondée sur la nature mixte. Il veut un juste milieu. Il insiste sur l’autorité monarchique des consuls, la puissance aristocratique du Sénat et le rôle démocratique des comices. Il considère que le peuple c’est le populus et pas la plèbe. B. Les pouvoirs du peuple selon Polybe Polybe (-205/-125) est un historien avant tout. Il est originaire de Mégalopolis en Grèce et a été déporté à Rome. Il a lu Platon et Aristote. A chaque fois, il va étudier Rome et la comparer avec Athènes. Histoire de Polybe : « Les trois formes de gouvernement se trouvaient amalgamées dans la Constitution romaine... ; à examiner les pouvoirs des consuls, on eût dit un régime monarchique... ; à en juger par ceux du Sénat, c’était au contraire une aristocratie ; enfin, si l’on considérait les droits du peuple, il semblait bien que ce fût nettement une démocratie » (Livre VI, XI). Il associe le Sénat à l’Aristocratie. Quel est l’élément démocratique de Rome selon Polybe ? - Il identifie la fonction du peuple (notion abstraite) : « dans cette constitution, le peuple est le seul maître des honneurs et des peines » (Livre VI, XIV) - Fonction juridictionnelle : idée que les décisions rendues par les tribunaux étaient faites pour le bien commun - Fonction législative : les comices curiates et centuriates étaient amenés à donner leur accord sur les lois - Fonction élective : celle des comices curiates et centuriates. Polybe était très critique vis-à-vis du pouvoir populaire brut. Il dit qu’il devrait seulement conserver un rôle symbolique. - Il évoque à la marge le rôle des tribuns : « qu’un seul tribun s'oppose aux résolutions du Sénat, celui-ci ne peut passer outre; il ne peut pas même s'assembler, si un de ces magistrats s'y oppose. Or, le devoir de ces magistrats est de ne rien faire que ce qui plaît au peuple, et de consulter en tout sa volonté. Tout ce système retient l'autorité des sénateurs dans de justes bornes, et les oblige à avoir des égards pour le peuple » (Livre VI, XIV). Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 Pour Polybe, les tribuns du peuple sont un moyen de se faire entendre. Pour lui, le régime mixte est le meilleur : - Il permet à chaque pouvoir, monarchique, aristocratique et démocratique, de s’empêcher ou de se soutenir mutuellement → il y a un agencement équilibré - Il évite les excès des régimes purs qui dégénèrent et disparaissent. Ce qui fait la grandeur de Rome c’est l’équilibre entre les pouvoirs. L’Empire qui va se mettre en place sera toujours équilibré car le Sénat était toujours là. C. La République, « chose du peuple », selon Cicéron Cicéron (-106/-43) est un auteur romain. Il n’est pas patricien et vient d‘une famille bourgeoise aisée. Il va monter dans la hiérarchie politique romaine et sera consul et sénateur. Il sera assassiné. Il a écrit « La République » et « Des devoirs ». Certains estiment que c’était un beau parleur et d’autre disent qu’il y a une véritable richesse chez Cicéron. Pour lui, le Peuple est la finalité de la République : « La chose publique est la chose du peuple ; un peuple n’est pas toute réunion d’hommes assemblés au hasard, mais seulement une société formée sous la sauvegarde des lois et dans un but d’utilité commune [...] » (La République, I). Cicéron était très critique vis-à-vis d’Athènes. Pour lui, se réunir sur une grande place, ce n’est pas se réunir. Il nous dit que le peuple c’est la société. Et la société, c’est un ensemble de personnes où il n’y a pas d’individualité. Ce qui compte ce n’est pas tant les personnes du peuple mais plutôt le but qui est l’utilité commune, c’est-à-dire, que le peuple ne sont pas des gens assemblés au hasard. Critique des institutions démocratiques athéniennes « Dans cette même Athènes, la démocratie sans frein nous donne le triste spectacle d’une multitude qui s’emporte aux derniers excès de la fureur et de l’aveuglement... » (Des devoirs, I). Pour lui, c’est ce régime démocratique pur qu’il critique. L’égalité politique est mauvaise car on en peut pas voit une égalité politique alors qu’il y a une inégalité naturelle. On est dans une conception naturaliste qui considère que le droit posé droit reflète le droit naturel. Défense de la nature mixte du régime républicain « Si dans une société la constitution n’a pas réparti avec une juste mesure les droits, les fonctions et les devoirs, de telle sorte que les magistrats aient assez de pouvoir, le conseil des grands assez d’autorité, et le peuple assez de liberté, on ne peut s’attendre à ce que l’ordre établi soit immuable » (Des devoirs, I). Il insiste sur les vertus des gouvernants. Il défend plus la composante monarchique et aristocratique car la vertu était chez les plus aisés. Il y a un lien entre la vertu et la richesse. La figure du Princeps : « Quiconque se destine à la conduite de la république doit s'attacher fidèlement à ces deux préceptes de Platon : avant tout qu'il veille à l'utilité publique avec une activité telle qu'il y rapporte toutes ses actions et oublie ses propres intérêts ; ensuite que ses soins s'étendent à tous les membres de ce vaste corps dans la crainte que les soins exclusifs donnés aux uns ne fassent négliger les autres. La république est une pupille placée sous la tutelle du gouvernant ; les soins qu'elle demande ont pour but son intérêt propre non celui du tuteur ». Il faut prendre en compte tout le monde. Le pouvoir ne doit jamais être un pouvoir personnel. Les mesures que va prendre le gouvernant ne doivent pas être prises dans son intérêt, elles doivent être au service de la collectivité. Cette théorie va être récupérée par les empereurs romains qui vont être considérés comme des empereurs Princeps. Le bien commun peut être servi par une seule personne. Ce qui compte est de savoir où on va → avec pour but de viser l’intérêt public. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 D. La « démocratie impériale » d’Aelius Aristide Aelius Aristide (117- 85) est un auteur originaire d’une province grecque de l’Empire romain et qui a été amené à venir à Rome. Le pouvoir d’un seul peut être démocratique, dès lors qu’il vise le bien commun. « une démocratie commune à la terre est instaurée sous l'autorité unique du meilleur gouvernant et ordonnateur, et tous convergent ici, comme vers une commune agora, pour obtenir chacun ce qu'il mérite » (Éloge de Rome). Pour lui, Rome est désignée comme une démocratie commune à la terre. Rome a conquis tout le monde civilisé. Cette idée apparaît en France, avec le consulat en 1799. Napoléon était admiratif de Rome. L’idée est qu’un homme peut gouverner pour le bien de tous en plus des plébiscites. De même en 1962 avec GDG et le SU. Le peuple est avant tout une finalité. Chapitre 3 : La Révolution française et la souveraineté de la nation Il va avoir un renouveau de l’idée démocratique qui va se développer. I. L’idée démocratique dans la pensée politique pré-révolutionnaire A. Locke et la théorie du consentement C’est à partir de John Locke, père du libéralisme politique et philosophe anglais, que l’on a l’idée que le consentement est nécessaire dans les sociétés et surtout dans celles démocratiques. Pour que le pouvoir soit légitime, il faut que les personnes y consentent. Donc on doit faire voter tout le monde. Il y a un changement majeur dans la réflexion politique avec un grand abandon du tirage au sort. Le libéralisme politique a comme objectif la limitation du pouvoir et la protection des libertés. Locke était proche de certains personnages politiques et écrit à un moment clé de l’histoire britannique dans la deuxième moitié du 17e. Les britanniques ont eu leur révolution en 1688. La monarchie britannique puissante cède le pouvoir au parlement britannique. On a un régime plus équilibré qui se met en place entre ces deux institutions. Il est du côté des révolutionnaires. Ouvrage majeur → 2 traités sur le gouvernement civil (1690) 1ère partie sur le gouvernement civil qui réfute les thèses qui promeuvent la monarchie. 2e traité dans lequel il expose une théorie du pouvoir libéral plus respectueux des libertés. B. Montesquieu et le république démocratique des Anciens Montesquieu (1689-1755) est un penseur du libéralisme politique, auteur de « De l’esprit des lois » (1748). Il va avoir une réflexion sur le pouvoir politique. Les libéraux sont les partisans d’un régime mixte. Montesquieu est admiratif du régime démocratique mais dit que c’est un régime de l’antiquité. On ne peut plus l’utiliser aujourd’hui. Classifications de formes de gouvernement : - Républiques : plusieurs hommes - Monarchies : un seul homme - États despotiques : tyran. Montesquieu distingue deux types de république : démocratique et aristocratique. « Lorsque dans la république le peuple en corps a la souveraine puissance, c’est une démocratie. Lorsque la souveraine puissance est entre les mains d’une partie du peuple, cela s’appelle une aristocratie ». Il a une admiration pour la démocratie des Anciens qui est fondée sur la vertu. Ce qui permettait le fonctionnement de la démocratie c’est qu’ils cherchaient le bien commun et l’intérêt général. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 Mais la démocratie ne convient pas aux États modernes dont les sujets sont détournés des vertus civiques par la production, le commerce, la finance et les richesses. Les temps ont changés et les populations de la bourgeoisie sont plus intéressées par leurs situations personnelles. Les institutions fondamentales de la démocratie : - Une assemblée populaire à laquelle peuvent assister tous les citoyens. C’est une référence à l'Ecclésia d’Athènes - Un sénat choisi par tirage au sort parmi les trois classes les plus aisées. Le sénat qui vient de l’antiquité romaine. Il a pour mission : - De préparer des propositions de lois - De contrôler la politique étrangère - Un conseil d’anciens désigné pour préserver les anciennes coutumes et la morale. Ça regroupait les principaux archontes - Des censeurs qui ont pour mission d’éradiquer la corruption et le vice. Ils établissaient la liste des sénateurs. Le moteur de la démocratie est lavette donc ces magistrats veillaient à son bon fonctionnement - Des magistratures appliquant les lois et des citoyens jurés, à tour de rôle, dans les tribunaux. Le principe et les mœurs de la démocratie : - Le principe de la démocratie est la vertu politique que Montesquieu définit comme « l’amour des lois et de la patrie », « l’amour de l’égalité » et « l’amour de la frugalité » (EL, IV, 5 ; V, 3). La démocratie ne peut fonctionner que si la vertu politique est partagée par le plus grand nombre. - La vertu morale vient renforcer la vertu politique (EL, V, 2). C’est une attitude conduite par la simplicité et le rejet des passions excessives - Nécessité de préserver les anciennes coutumes et les bonnes mœurs (EL, V, 7). C’est une régime de vertu et de limitation. C’est une idée qui vient de Sparte fondée sur un système cas-communiste. Deux modèles de démocraties : - Militaire : Sparte. Fondée sur une égalité absolue et sur le partage - Agricole ou commerçante : Athènes. Fondée sur l’égalité et la frugalité mais c’est une démocratie fragile. Elle repose sur une équilibre délicat entre le commerce et peu d’enrichissement. Le territoire de la démocratie : - La démocratie suppose la mise en place d’institutions politiques sur une très petite échelle. Les citoyens doivent participer directement à l’élaboration des lois, la désignations des magistrats… - La démocratie est menacée par l’expansion territoriale. Plus le territoire de la république est grand, plus la démocratie est inadaptée. L’influence de Montesquieu sur la Révolution Française : - Attachement au principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire - Idée que la démocratie est inadaptée à l’époque moderne - Sentiment que la vertu politique est nécessaire. C. Rousseau et l’absolutisme démocratique Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) a écrit « du Contrat social ». C’est un philosophe présenté comme un philosophe des Lumières mais ses idées sont assez éloignées. On attache ses idées au républicanisme, c’est-à-dire attaché à la vertu civique. Son objectif est de comprendre de pourquoi les hommes ne sont pas libres de leur destin. Il considère que la démocratie parfaite est un gouvernement idéal, vers lequel on doit essayer de tendre. 3 thèmes centraux dans la pensée de Rousseau relative au régime démocratique : état de nature (1), théorie du contrat social (2), volonté général (3). Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 1. État de nature Comment vivaient les Hommes avant d’être en société ? Pour Hobbes, « l’Homme est un loup pour l’Homme ». Avant l’état de société, on était dans un état de guerre de tous contre tous. Rousseau dit que l’état de nature est caractérisé par la sociabilité entre les hommes. Les Hommes étaient bienveillant les uns envers les autres. Dans l’état de nature, les Hommes sont libres et égaux car il ne dépendent de personne pour assurer leur subsistance. 2. Contrat social C’est ce qui va faire sortir de l’état de nature pour faire arriver dans le vie de société. C’est l’acte fondateur de l’État et de la vie en société. Pour Rousseau, c’est le contrat conclu entre la collectivité et les individus. Chaque personne contracte avec le corps dont il va devenir une partie. « L’acte d’association renferme un engagement réciproque du public avec les particuliers » (CS, I, VIII). Pour Rousseau, le corps collectif a des intérêts communs avec chacun des hommes pris individuellement et il ne peut, par conséquent, vouloir leur porter tort. « L’association par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéit pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant » (CS, I, VI). Ça veut dire que la liberté et l’égalité de chacun sont préservées. Le contenu du contrat social : - chaque associé aliène la totalité de ses droits au corps collectif. Lorsqu’on cède des droits à la société, on le fait au bénéfice de la communauté - en contrepartie, ses droits sont protégés par le corps collectif. Aux relations d’homme à d’homme se substitue la relation du citoyen à l’État. Les droits naturels sont protégés au titre des droits civils. 3. La volonté général C’est une idée exprimée par le corps collectif. C’est une volonté qui est générale par son objet et par le nombre (le plus grand) des membres du corps collectif. Mais la volonté générale n’est pas la volonté majoritaire. Elle va poursuivre le bien commun et est la volonté de la nation, pas de tous. Pour Rousseau, volonté générale = souveraineté → le corps collectif est souverain « la souveraineté... consiste essentiellement dans la volonté générale » (CS, III, XV). La volonté générale (et donc la souveraineté) est inaliénable. Le corps collectif admet que des personnes prennent des décisions mais elles ne font qu’appliquer la volonté générale. « La souveraineté ne peut être représentée par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point … » « Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifié est nulle … » « Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant l’élection des membres du Parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien » (CS, III, XV) → parallèle avec le système EN. Rousseau défend la démocratie directe et admet une délégation du pouvoir. Les commissaires doivent être dans un rapport de subordination du peuple. Mandat impératif : mandat confié par les électeurs à un élu qui oblige l’élu à se conformer aux instructions reçues de la part des électeurs et à leur rendre des comptes. La volonté générale, et donc la souveraineté, est indivisible. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 Rousseau critique la théorie de Montesquieu divisant le pouvoir de l’État en 3 fonctions car la souveraineté est une et indivisible. « La volonté est générale ou elle ne l’est pas, elle est celle du corps en peuple, ou seulement d’une partie. Dans le premier cas cette volonté déclarée est un acte de souveraineté et fait loi. Dans le second, ce n’est qu’une volonté particulière, ou un acte de magistrature ; c’est un décret tout au plus » (CS, II, II). Il n’existe qu’une seule souveraineté, la souveraineté du Peuple. La volonté générale, et donc la souveraineté, est infaillible. Elle ne peut mal faire et, pour cette raison, ne peut être ni ne doit être limitée. « l’autorité suprême ne peut plus se modifier que s’aliéner ; la limiter, c’est la détruire » (CS, III, XVI). Rousseau a eu une influence sur la Révolution Française : - l’idée de souveraineté indivisible et infaillible - l’importance de la loi dans l’organisation de la société. D. Mably et la démocratie tempérée Gabriel Bonnot de Mably (1709-1785) critique la propriété privée car elle est source d’inégalités. Mably et la démocratie tempérée : - critique la démocratie radicale/directe : « La pure démocratie est le plus mauvais des gouvernements » (Observations sur les Grecs, 1749) - défend la démocratie dans un régime mixte. « Démocratie tempérée par les Lois du Gouvernement Monarchique et de l’Aristocratie, était propre, il est vrai, à rendre le Citoyen heureux au-dedans, et à lui donner les vertus qui lui étaient nécessaires » (Parallèle des romains et des français, 1740). Mably adhère aux idées rousseauistes de souveraineté de la volonté générale et de législation de la Nation venant d’elle-même. Mais il préfère le régime représentatif et défend en France la mise en place d’une « monarchie républicaine ». II. Les principes politiques de la Révolution et la démocratie A. La fin de l’absolutisme monarchique Jusqu’en 1789, le régime politique de la France était une monarchie absolue de droit divin. Il y a une volonté d’en finir avec ce régime. Le 5 mai 1789 : il y a la réunion des états généraux à Versailles. Le 17 juin : les représentants du Tiers état se proclament AN. Le 20 juin : serment du Jeu de Paume aux termes duquel les membres de l’AN jurent « de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ». 27 juin : le Roi cède et accepte les demandes des députés. 9 juillet : l’Assemblée se proclame Assemblée nationale constituante (ANC). 14 juillet : l’ANC élit le premier comité de constitution et arrête « que la constitution contiendrait une Déclaration des droits de l’homme ». B. La DDHC de 1789 et la souveraineté nationale « Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme... ». Les orientations constitutionnelles de la Déclaration de 1789 : - le principe d’égalité (art. 1er et 6) Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 - les droits naturels et imprescriptibles de l’homme : « la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression » (art. 2) - la souveraineté nationale : « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément » (art. 3) - la loi, expression de la Nation : « la loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation (art. 6) - le consentement des citoyens à l’impôt (art. 14) - la séparation des pouvoirs : « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » (art. 16). C. La C° de 1791 et le gouvernement représentatif censitaire Le but est de se munir de la DDHC qui sera le préambule de cette C°. Ils ont mis 2 ans pour l’adopter à cause de divergences entre les parlementaires. La République sera minoritaire au début mais l’idée va s’implanter. Une monarchie constitutionnelle est alors mise en place, inspirée de ce que l’on trouve au RU. Consécration de la souveraineté nationale et du gouvernement représentatif. « La Souveraineté est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la Nation ; aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s’en attribuer l’exercice. » (art. 1er du Titre III) → inspiration rousseauiste. « La Nation, de qui seule émanent tous les Pouvoirs, ne peut les exercer que par délégation. La Constitution française est représentative : les représentants sont le Corps législatif et le roi. » (art. 2 du Titre III) > le roi détient ses pouvoirs de la nation et non plus de Dieu. Le pouvoir législatif est délégué à une assemblée, le corps législatif, composé de 745 membres élus pour deux ans au suffrage censitaire indirect. La citoyenneté : Seuls les hommes de nationalité française et âgés de 25 ans ou plus sont citoyens, à l’exception des domestiques et des esclaves. Les femmes sont exclues de la citoyenneté. Les étrangers résidant en France peuvent devenir des citoyens sous conditions. La citoyenneté et le suffrage censitaire : Distinction des citoyens actifs et des citoyens passifs (qui n’ont pas de droit politique) fondée sur l’assujettissement à un impôt direct, le cens. Scrutin à deux degrés : les citoyens actifs (cens de 3 journées de travail) élisent des électeurs du second degré, disposant de revenus plus élevés (cens de 250 journées de travail), qui à leur tour élisent les députés à l’Assemblée nationale législative. Le pouvoir exécutif est délégué au Roi des Français qui accède à sa fonction par hérédité. Louis XVI (né en 1754, Roi depuis 1774), de la Maison des Bourbons, demeure Roi. Le Roi est le Chef du Gouvernement : il nomme et révoque librement les ministres et les hauts fonctionnaires. « Le Pouvoir Judiciaire est délégué à des juges élus à temps par le peuple » (art. 5 du Titre III). Chronologie de la chute de la monarchie : 20-21 juin 1791 : fuite du Roi et de sa famille ; ils sont rattrapés à Varennes, puis ramenés à Paris. 10 août 1792 : après l’invasion du Palais des Tuileries par la foule, le Corps législatif prononce la suspension de Louis XVI ; lui et sa famille sont emprisonnés. 21 septembre 1792 : les députés votent à l’unanimité l’abolition de la monarchie et décident de dater les décrets de l’an I de la République. 21 janvier 1793 : le Roi est guillotiné Septembre 1792 : élection d’une convention nationale au suffrage masculin non censitaire en vue d’élaborer une nouvelle C°. Les femmes, les esclaves et les domestiques n’ont pas de droit de vote. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 D. La C° de 1793 et le gouvernement démocratique L’objectif des girondins est d’avoir une paix pour avoir un retour du développement économique. Après le rejet du projet « girondin », le projet « montagnard » est adopté le 6 messidor an I (24 juin 1793) et soumis à référendum en août 1793. Le projet girondin est assez démocratique mais ce sont pour des raisons politiques qu’il sera rejeté → 1 er référendum de l’histoire constitutionnelle française avec un scrutin masculin non censitaire et une participation de 25 % environ et 99 % environ de oui. Cette constitution est précédée d’une nouvelle DDHC (article 18 → abolit la servitude et la domesticité ; article 28 → droit du peuple à la révision de la constitution ; article 35 → droit à l’insurrection). La prépondérance du corps législatif : - le pouvoir législatif est exercé par une assemblée unique, corps législatif dont les membres sont élus pour un an - le pouvoir exécutif est confié à un conseil exécutif dont les 24 membres sont nommés pour deux ans par le corps législatif ; ils sont soumis à son autorité. Une constitution démocratique : - Suffrage masculin non censitaire (21 ans) - Scrutin direct pour l’élection des députés - Droit de vote des étrangers - Rôle des citoyens dans la procédure de révision constitutionnelle (initiative et ratification) - Veto populaire → après qu’une loi a été adoptée par le corps législatif, les citoyens peuvent demander l’organisation d’un référendum sur la loi. La constitution de l’an I ne sera pas appliquée et un gouvernement révolutionnaire est mis en place le 10 octobre 1793 (19 vendémiaire an II). Le gouvernement révolutionnaire et la Terreur prennent fin le 27 juillet 1794 (9 thermidor an II) avec l’arrestation de Robespierre (auteur du gvt de la Terreur). III. Le gouvernement démocratique dans la pensée politique révolutionnaire A. Sieyès et la souveraineté de la représentation nationale Emmanuel Joseph Sieyès (1748-1836) va jouer un rôle important dans les institutions mises en place par Bonaparte. Qu’est-ce que le Tiers État ?, 1789 « Le plan de cet écrit est assez simple. Nous avons trois questions à nous faire : - Qu’est-ce que le Tiers état ? TOUT - Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? RIEN - Que demande-t-il ? À ÊTRE QUELQUE CHOSE. » Le principe de la souveraineté nationale : La Nation : entité collective, abstraite et transcendante différente du peuple de Rousseau. La toute- puissance de la Nation. « La volonté nationale n’a besoin que de sa réalité pour être toujours légale, elle est l’origine de toute légalité. Non seulement la nation n’est pas soumise à une Constitution, mais elle ne peut pas l’être, elle ne doit pas l’être » (QQTE). La négation de la souveraineté individuelle des citoyens : considéré isolément, le pouvoir des citoyens est nul, il ne réside que dans l’ensemble. La théorie de Sieyès n’implique pas le droit individuel de participer aux affaires publiques. Une aristocratie élective plutôt qu’une démocratie : Il préconise de réserver les droits politiques à une minorité instruite et aisée (« citoyens actifs »). Il critique le gouvernement populaire (démocratie) qui est primitif et inadapté. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 « la très grande pluralité de nos concitoyens n’a ni assez d’instruction, ni assez de loisir pour vouloir s’occuper directement des lois qui doivent gouverner la France ». Défense du gouvernement représentatif : « Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), ne peut parler que par ses représentants » (Discours du 7 septembre 1789). La France n’est pas assez éduquée, pas assez riche et trop vaste pour être une démocratie directe. Défense du mandat libre des représentants de la Nation et le rejet du mandat impératif : pour Sieyès, ce ne sont pas les électeurs qui ont choisi un député, c’est la nation tout entière qui a désigné une assemblée, dont ce représentant est issu. « un député l’est de la nation toute entière » (discours du 7 septembre 1789). Chaque représentant est donc libre vis-à-vis des électeurs. Le despotisme doit être évité par la distinction entre le pouvoir constituant et les pouvoirs constitués, les seconds étant soumis au respect du premier. « si un corps pouvait se constituer lui-même, ou toucher à sa constitution, bientôt il changerait de nature, il se rendrait propre à tout envahir, et à dévorer ses créateurs » (Bases de l’ordre social, 1795). Proposition de l’établissement d’un gardien de la Constitution : le « jury constitutionnaire », proposé par Sieyès en 1794, était « un véritable corps de représentants (...) avec mission spéciale de juger les réclamations contre toute atteinte qui serait portée à la C° ». C’est l’ancêtre du conseil constitutionnel. Sieyès propose la mise en place d’une assemblée composée de 108 membres, choisis par les chambres parmi les anciens parlementaires. La proposition fût rejetée à l’unanimité. B. Condorcet et l’établissement d’une République éclairée Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet (1743-1794) est le leader du camps des girondins, a rédigé le projet de constitution girondine. Membre et président de l’assemblée législative puis considéré comme un ennemi politique et exécuté. Méthode Condorcet : promoteur d’une « mathématique sociale », il conçoit une méthode de vote fondée sur l’idée de consensus. Le vote doit être basé sur une évaluation des options en présence : « s’il existe un candidat qui lorsqu’on le confronte n’importe quel autre candidat, st préféré à cet autre candidat par une majorité d’électeurs, alors ce candidat est celui d’entre tous que le peuple préfère » Chaque électeur classe les candidats par ordre de préférence et on comptabilise les résultats en regardant les rapports bilatéraux entre les candidats. Celui qui remporte le plus de duels l’emporte. Condorcet défend le suffrage universel et notamment l’égalité politique des hommes et des femmes. Il insiste sur l’importance de l’instruction publique de la population pour constituer un peuple éclairé : il considère que la population doit exercer son pouvoir politique mais elle n’est pas instruite → obstacle. Il considère que les gens qui ne sont pas instruits ne sont pas intéressés, et défend l’idée qu’il faut instruire tout le monde. « Même sous la construction la plus libre un peuple ignorant est un esclave » → contraint de faire confiance aux plus éclairés d’où l’intérêt d’instruire directement le peuple. Condorcet soutient l’établissement d’un régime représentatif mais admet l’idée d’une législation populaire. Il va être le défenseur du référendum d’initiative citoyenne. Projet girondin de C° en 1792. « De la censure du peuple sur les actes de la représentation nationale et du droit de pétition » (titre VIII). Il veut mettre en place un contrôle populaire des lois. Les citoyens pouvaient initier le vote d’une loi qui sera soumise à référendum. Si une loi était adoptée par le parlement, les citoyens pouvaient demander que soit organisé un référendum sur cette loi. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 C. Robespierre et le gouvernement représentatif sous contrôle populaire Maximilien de Robespierre (1758-1794) a eu un rôle politique décisif sous la révolution. Il a eu l’idée d’un gouvernement représentatif sous contrôle populaire et est élu député du tiers état. Il défend le droit à la résistance et à l’insurrection populaire. C’est le héros des sans culottes parisiens : il veut donner un vrai pouvoir au peuple. Il va se faire réélire à la convention et devient chef des montagnards. Artisan de la Terreur, il est considéré comme un dictateur mais est indispensable à la révolution. Il s’est inspiré de la conception rousseauiste de la souveraineté. Chaque homme va conserver une part de souveraineté, réunion de l’ensemble des citoyens qui va faire naître la Nation. La Nation est composée de la multitude des individus. Robespierre s’oppose donc totalement à une distinction entre les citoyens actifs et passifs (contrairement à Sieyès). Il va prendre position sur une conception large du corps des citoyens et s’oppose ainsi au suffrage censitaire. « Tous les hommes nés et domiciliés en France sont membres de la société politique, qu'on appelle la Nation française, c’est-à-dire citoyens français. Ils le sont par la nature des choses et par les 1 ers principes du droit des gens. Les droits attachés à ce titre ne dépendent ni de la fortune que chacun d'eux possède, ni de la quotité de l'impôt à laquelle il est soumis, parce que ce n'est point l'impôt qui nous fait citoyens » (Discours du 25 janvier 1790). Il va perdre ce combat en 1791 avec la C° qui met en place un suffrage censitaire. Cependant, dans celle de 1793, rédigée par les montagnards, ce principe apparaît. La souveraineté appartient au peuple qui doit exercer le gouvernement directement et, subsidiairement, par l’intermédiaire de ses représentants. Robespierre n’est pas favorable à la démocratie directe et absolue. Il va reprendre les idées de Rousseau en disant que la souveraineté est inaliénable, indivisible et imprescriptible. Les représentants doivent être soumis au contrôle des citoyens car la représentation est dangereuse selon Robespierre : les délégués du peuple sont corruptibles. Des moyens doivent être mis en place pour les contrôler : - mandats courts pour éviter que les personnes restent trop longtemps au pouvoir et pour permettre aux citoyens de changer de représentants s’ils sont insatisfaits - publicité des travaux parlementaires - obligation de rendre des comptes (sorte de mandat impératif) : idée de tribunal populaire pour juger les fonctionnaires. Objectif de chasser les ennemis de la révolution. Il défend une organisation des pouvoirs publics distinguant les pouvoirs du peuple et ses représentants et les fonctions subordonnées des agents (roi, administrateurs…). Cette distinction vise le fait que l’administration doit être subordonnée au peuple et les agents doivent être subordonnés aux représentants et au peuple. D. Olympe de Gouges et la quête de l’égalité politique Olympe de Gouges (1748-1793) est l’une des seules femmes à avoir écrit lors de la Rév fr. Elle est en quête de l’égalité politique. Elle sera la 2e femme guillotinée à cette période. Elle dénonce l’esclavage des « hommes nègres » dès 1784. « Un commerce d’hommes !... Grand Dieu ! Et la nature ne frémit pas ! S’ils sont des animaux, ne le sommes-nous pas comme eux ? Et en quoi les Blancs diffèrent-ils de cette espèce ? C’est dans la couleur … » (Réflexions sur les hommes nègres, 1788). Elle défend l’égalité entre les hommes et les femmes, en particulier dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. « Article 1er. La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune », « Article 6. La loi doit être l’expression de la volonté générale : toutes les citoyennes et citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation … ». Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 Chapitre 4 : Le parlementarisme libéral et le triomphe de la démocratie représentative Limiter le pouvoir même populaire. Idée de gouvernement représentatif. Le libéralisme va défendre le parlement → caractérisé par la délibération. I. La démocratie dans la pensée libérale A. Constant et les deux libertés Benjamin Constant (1767-1830) a écrit « La liberté des anciens comparé à celle des modernes » et « Principe de politique ». Il rédige avec Napoléon la Constitution des 100 jours. Constant distingue la liberté des Anciens et la liberté des Modernes. - La liberté des anciens est la « participation active et constante au pouvoir collectif » → droit de participer à la vie politique. La liberté des anciens est donc politique et collective, pour l’intérêt général. - La liberté des modernes est la « jouissance paisible de l’indépendance privée » → tournée vers les individus, liberté personnelle. Cette liberté est inscrite dans la DDHC. Pour Constant, ces 2 libertés distinctes correspondent à 2 sociétés opposées. La distinction repose sur : - la structure des États : changer la manière de faire de la politique. Les États sont trop grands pour pratiquer la démocratie directe. - le contexte social : différence entre la société ancienne et moderne : avant, l’esclavage était répandu, ce qui permettait aux citoyens de libérer du temps pour participer à la discussion publique. Alors que les modernes ont des activités professionnelles qui ne leur permettent pas de se libérer : vision caricaturale. - les aspirations populaires : elles ont changé, les anciens avaient besoin d’actions tandis que les modernes avaient besoin de profiter de la vie, jouir de leurs biens, se reposer. Dans son discours, Constant va critiquer ceux qui ont cru qu’on pouvait transposer la liberté politique des anciens aux modernes (tel que les montagnards, ou Rousseau). Il redoute un gouvernement tyrannique de la minorité au nom de la majorité. La tyrannie de la majorité n’existerait pas car pas de majorité, il y a toujours des minorités rendues majoritaires par le système électoral. Le risque c’est que cette minorité opprime les autres au nom du peuple. Constant ne dit pas qu’il faut que les modernes abandonnent la liberté politique. La seconde partie de son discours est aussi un plaidoyer en faveur de la liberté politique des modernes. « Loin donc messieurs de renoncer à aucune des deux espèces de libertés dont je vous ai parlé, il faut, je l’ai démontré, apprendre à les combiner l’une à l’autre ». Deux raisons de ne pas négliger la liberté politique : - La liberté politique est la garantie des droits individuels : le peuple doit surveiller les représentants vis- à-vis de la politique ; il est favorable à des mandats politiques brefs avec possibilité d’alternance au pouvoir. La liberté politique permet de s’assurer que ses droits ne sont pas menacés. - La liberté politique est un moyen de perfectionnement de soi : on n’est pas enfermé dans son individualisme et on pense aux intérêts de la communauté, pas seulement à ceux de sa personne. La liberté politique est très importante chez les modernes. Les institutions représentatives doivent consacrer l’« influence (des citoyens) sur la chose publique, les appeler à concourir, par leurs déterminations et par leurs suffrages, à l’exercice du pouvoir, leur garantir un droit de contrôle et de surveillance par la manifestation de leurs opinions ». Constant associe le libéralisme avec une idée de démocratie représentative. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 B. Tocqueville et l’avènement inéluctable de la société démocratique Alexis de Tocqueville (1805-1859) a écrit « De la démocratie en Amérique » (1835-1840). Il observe les évolutions des démocraties. Au début il devait se concentrer sur le système pénitencier mais a été marqué par la modernité des USA → précurseurs des sociétés européennes qui vont devenir démocratiques. Son ouvrage a vocation de parler de la démocratie au XIXe siècle et comment elle va s’implanter en France et en Europe. Pour Tocqueville : « la démocratie, c’est la liberté combinée avec l’égalité ». C’est bien plus que le gouvernement du peuple, c’est un état social qui affecte l’ensemble des mœurs et sentiments. Il va opposer les sociétés aristocratiques et démocratiques. Aristocratiques : fondées sur l’inégalité, sur la hiérarchie entre les élites et la masse du peuple. Démocratiques : se caractérisent par l’amour de l’égalité → idée d’une société d’individus. Selon lui, l’ensemble des sociétés suit un mouvement historique général qui les conduit à passer de l’état aristocratique à l’état démocratique. Il pense que la démocratie est liée à l’égalité, son instauration repose sur l’existence d’une volonté égalitaire, sur la recherche sans fin d’une plus grande égalité. A ses yeux la tendance démocratique est inéluctable. Pour Tocqueville, la démocratie est, dans les faits, le gouvernement du plus grand nombre, de la majorité. Il met en garde contre une déviation du gouvernement démocratique : « la tyrannie de la majorité ». Viser les minorités privilégiés en essayant de supprimer leurs avantages → risque : la population est obsédée par l’idée d’égalitarisme. La tyrannie de la majorité se nourrit avec l’« individualisme sentimental » → il faut que tout le monde soit pareil, personnes concentrés sur eux. Par conséquent, les individus se replient sur eux mêmes car ils pensent à leur condition personnelle, ils vont laisser la gestion de la cité à quelques uns qui vont gouverner au nom de la majorité. Il va analyser ce qu’il faut faire pour éviter la tyrannie de la majorité. Il envisage des moyens pour préserver la liberté : - techniques constitutionnelles de limitation du pouvoir - la liberté d’association : possibilité pour les citoyens de se rassembler eux mêmes → permet aux citoyens d’atténuer l’individualisme et permet de peser plus fort. - la décentralisation : la séparation des pouvoirs peut être horizontale mais aussi verticale entre le pouvoir de l’État et celui des collectivités. La décentralisation permet d’éviter le despotisme. - la liberté religieuse : estime qu’en France la révolution s’est construite contre la religion → pas la bonne manière pour protéger les libertés. La liberté religieuse permet la protection des libertés. Elle favorise une tolérance. C. Bentham et le contrôle populaire des gouvernants Jeremy Bentham (1748-1832) est un auteur moderne et libéral. Il présente une théorie juridique puissante ; c’est le 1er à avoir utilisé le terme « déontologie ». Il fonde l’utilitarisme, école de pensée qui se base sur le fait que les individus recherchent la maximisation de leurs intérêts → recherche du bonheur. Un bon gouvernement est celui qui respecte le principe d’utilité = la maximisation du plus grand bonheur pour le plus grand nombre. Il défend à ce titre la démocratie représentative et le SU (lié à la démocratie parlementaire). Cette démocratie représentative permet au plus grand nombre de choisir leur dirigeants. Les représentants s’estiment indépendants des électeurs, ce qui pose problème. Il faut de ce fait trouver un moyen de corriger la représentation en créant des garanties contre les abus de pouvoirs que peuvent Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 entraîner des positions hiérarchiques ou des responsabilités qui permettent à certains individus de disposer d’un certain pouvoir sur les gens. Il distingue le pouvoir « opératif » qui est remis aux dirigeants, du pouvoir « constitutif » qui appartient aux citoyens. D. Mill et les prémices de la démocratie délibérative J. S. Mill (1806-1873) a écrit « De la liberté » (1859) et « considération sur le gouvernement représentatif » (1861). Il propose une théorie de la démocratie représentative. Dans « De la liberté », Mill reprend la critique de Tocqueville dénonçant la « tyrannie de la majorité » comme une forme de despotisme/lois liberticides. Il essaye de concilier le gouvernement représentatif et la démocratie. Il refuse d’opposer le gouvernement représentatif fondé sur le principe de compétence de quelques uns, et le gouvernement populaire, fondé sur le principe de participation de tous. Il propose une association entre les institutions du parlementarisme et le principe de souveraineté du peuple fondé sur l’extension de la sphère délibérative, au-delà des seules arènes parlementaires, au corps citoyen tout entier. Les citoyens vont aussi débattre des sujets pour qu’ils choisissent les meilleurs représentants → importance de se forger sa propre opinion. Le gouverneur représentatif peut devenir démocratique s’il est fondé sur la discussion ouverte à tous. Pour Mill, la démocratie représentative est la meilleure forme de gouvernement car elle permet la jonction de deux critères que doit posséder tout bon gouvernement : ses institutions, tout comme les qualités des citoyens permettent de favoriser la promotion du bien commun. E. Kelsen et la défense de la démocratie parlementaire Hans Kelsen (1881-1973) est un théoricien du droit et de la justice constitutionnelle. C’est l’un des principaux avocats de la démocratie représentative. Il devient professeur de droit et vit a Viennes où il a une carrière académique, il joue un rôle important dans l’écriture de la C° autrichienne de 1920. Il est le père de la justice constitutionnelle en Europe, et joue un rôle dans la vie des institutions car il sera nommé à la Cour constitutionnelle autrichienne, poste qu’il quittera quand la Cour constitutionnelle va s’opposer à une loi interdisant le divorce. Il va en Allemagne puis en Suisse et enfin aux US où il vit depuis 1940 jusqu’à son décès. Il écrit « La démocratie. Sa nature - Sa valeur » et « Théorie générale de l’État et du droit ». Il va être un défenseur de la démocratie parlementaire, en 1920 se développe l’antiparlementarisme qui est critique envers les parlementaires. Kelsen rejette la distinction classique des formes de gouvernement (monarchie, aristocratie, démocratie) qu’il juge superficielle. Il distingue la démocratie et l’autocratie, en se fondant sur la liberté politique dont jouissent les individus (critère de distinction). Pour lui, est politiquement libre celui qui est soumis à sa propre volonté et non pas à une volonté hétéronome ou étrangère. Cette liberté est « l’autodétermination de l’individu par sa participation à la création de l’ordre social. La liberté politique est liberté, et la liberté c’est l’autonomie » (Théorie générale de l’État et du droit) - Dans l’autocratie, les individus sont privés de cette liberté dans la mesure où ils ne peuvent pas participer à la création des règles de l’ordre juridique auquel ils sont soumis. Les normes juridiques sont adoptées par un pouvoir autoritaire qui n’a pas de légitimité populaire. L’autocratie suppose l’asservissement, car « les sujets sont exclus de la création de l’ordre juridique, l’harmonie entre l’ordre et leur volonté n’est pas garantie » (La démocratie. Sa nature - Sa valeur). Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 - La démocratie est fondée sur la non domination des hommes, libres et égaux. Démocratie = « la volonté exprimée dans l’ordre juridique étatique est identique à la volonté des sujets » (La démocratie...). « S’il doit y avoir société, et plus encore État, il faut qu’il y ait un règlement obligatoire des relations des hommes entre eux, un pouvoir. Mais si nous devons être commandés, du moins ne voulons-nous l’être que par nous-mêmes. La liberté naturelle se transforme en liberté sociale et politique. Est politiquement libre celui est assujetti sans doute, mais seulement à sa propre volonté et non pas à une volonté étrangère » (La démocratie...). Pour Kelsen, le fondement de la culture démocratique réside dans un scepticisme quant aux buts à atteindre ou valeurs à défendre. Scepticisme : la vérité est inaccessible, il n’y a que des opinions qui doivent être soumises à un examen critique. La démocratie permet à toutes les opinions et valeurs d’être présentes et défendues : « l’idée démocratique suppose une philosophie relativiste » (La démocratie…). Pour Kelsen, la démocratie parlementaire est la forme démocratique la plus adaptée aux sociétés contemporaines. La règle de la majorité est une limitation acceptable au principe d’autodétermination. Selon Kelsen, c’est la règle majoritaire qui est la plus encline à garantir le maximum d’autonomie tout en permettant des modifications de l’ordre social. Les partis politiques jouent un rôle essentiel dans la démocratie parlementaire, comme porte-paroles des différentes opinions. « La démocratie ne peut, par suite, sérieusement exister que si les individus se groupent d’après leurs fins et affinités politiques, c’est-à-dire que si entre l’individu et l’État viennent s’insérer ces formations collectives dont chacune représente une certaine orientation commune à ses membres, un parti politique. La démocratie est donc nécessairement et inévitablement un État de partis » (La Démocratie …). Kelsen défend les prérogatives des partis politiques (scrutin proportionnel, révocation des parlementaires...) et critique les conséquences excessives attachées au mandat représentatif. « Si l’on pouvait se résoudre à organiser légalement les partis politiques et à leur abandonner par une application conséquente de l’idée d’élection proportionnelle le choix des députés auxquels ils ont droit d’après leur force numérique, rien ne s’opposerait à ce qu’on reconnût également aux partis devenus une pièce essentielle du mécanisme constitutionnel le droit de révoquer leurs députés » (La démocratie …). Pour Kelsen, la démocratie est compatible avec l’établissement d’une juridiction constitutionnelle chargée de contrôler la constitutionnalité des lois car : - le parlement n’est pas souverain, il doit être soumis à la C° qui est la norme suprême de l’ordre juridique - la juridiction constitutionnelle est un instrument de la séparation des pouvoirs - la juridiction constitutionnelle permet la protection des minorités. II. Les critiques de la démocratie représentative aux 19e et 20e siècles Critiques qui ont toutes pour cible le régime politique des démocraties libérales/parlementaires. Ces courants vont reprendre des idées développées par Rousseau et prendre la pratique des régimes parlementaires. A. Le rejet de la démocratie bourgeoise par le mouvement ouvrier La démocratie représentative est en réalité bourgeoise. Naissance du mouvement ouvrier dans la seconde moitié du 19e siècle : - transformation de l’économie avec son industrialisation : « révolution industrielle » - dégradation des conditions de vie des travailleurs - prise de conscience de l’unité du monde ouvrier face à la bourgeoisie industrielle et commerçante. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 Critique de la doctrine de la représentation par le mouvement ouvrier : - la désillusion à l’égard du suffrage universel → rien changé car les ouvriers ne sont pas présents dans les chambres. Sentiment d’être exploité politiquement et économiquement - appel à la séparation ouvrière : « Manifeste des soixante ». Les ouvriers doivent arrêter de voter la bourgeoisie républicaine → se manifeste lors des élections législatives de 1863. Les ouvriers vont présenter leurs propres candidats et d’autres ouvriers qui vont faire confiance au mouvement républicain avec des concessions → à l’avantage des républicains. En 1864, le Manifeste des soixante est une déclaration nationale d’indépendance du mouvement ouvrier qui appelle à se distinguer des bourgeois/républicains. Ce manifeste critique la démocratie représentative de 1789 : déclaration abstraite qui garantie les droits de la bourgeoisie notamment le droit de propriété. Rupture brutale car le mouvement ouvrier n’est pas homogène → radicalisation d’une partie du mouvement ouvrier : le renversement de « l’ordre parlementaire bourgeois » par une stratégie révolutionnaire. La Commune de Paris en 1871 est le symbole de la révolution populaire. Révolte du mouvement ouvrier parisien, régime révolutionnaire qui a tenu 72 jours avant d’être réprimé par l’armée. Ajd, la Commune de Paris fait partie des modèles des mouvements ouvriers. Quels auteurs ont influencé le mouvement ouvrier ? - Influence de Saint-Simon (1760-1825) : économiste et philosophe, fondateur d’une doctrine → imbrication de la politique et de l’économie. Il va étudier le développement de la société industrielle en France qui entraîne de fortes inégalités. Intervention de l’état dans l’économie pour éviter une concentration des richesses entre les mains d’une classe bourgeoise dominante. - Influence de Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) : issu d’un milieu populaire. Doctrine riche de la critique de la démocratie représentative, critique de la conception de la Nation retenue en 1789 (conception abstraite qui contribue à isoler les citoyens en les dissociant des communautés auxquelles ils appartiennent). Il considère que l’économie doit primer sur la politique : la question première n’est donc pas politique (droit de vote), mais plutôt question de l’économie de production prioritaire. Critique de la démocratie représentative qui n’a rien de populaire car c’est une aristocratie élective qui gouverne. - Influence de Karl Marx (1818-1883) : il a étudié l’histoire, l’économie, la philo. Selon lui, la lutte des classes est le moteur de l’histoire. Il va remonter à l’antiquité pour expliquer la lutte des classes, en étudiant la république romaine et la lutte entre praticiens et plébéiens. Antagonisme bourgeoisie/ prolétariat → lutte des classes lié à l’industrialisation. Il ne pense pas à une révolution populaire car le peuple serait sous une emprise intellectuelle et financière de la bourgeoisie. Le prolétariat a conscience d’être exploité donc départ de révolution par eux. Révolte de la minorité ouvrière éclairée. Critique de l’idéologie bourgeoise de 1789, droit de propriété pour ceux qui ont de l’argent. - Influence de Louise Michel (1830-1905): célèbre par son parcours et ses pamphlets, elle va ouvrir des écoles pour enseigner aux enfants démunis. Elle développe une activité militante et journalistique, participe à des meetings politiques, et va être un modèle pour le mouvement ouvrier. Elle va participer à la Commune de Paris, en 1873, est condamnée au bagne en nouvelle Calédonie, mais bénéficie de la loi d’amnistie en 1879 donc continue sa lutte politique à Paris. Elle défend un socialisme révolutionnaire, ne croit pas aux urnes, est partisane de l’action directe : prise d’arme pour changer le système. Elle combat pour les droits sociaux des femmes mais ne va jamais réclamer le droit de vote des femmes car estime que c’est une mascarade, ne sert à rien. Elle va demander le droit d’avoir un statut de droit privé égale à celui des hommes. B. La critique de la démocratie parlementaire par Carl Schmitt Carl Schmitt (1888-1985) est un auteur classé à l’extrême droite, qui a écrit « Parlementarisme et démocratie ». Il est connu sous la république de Weimar et fait une critique sur la démocratie représentative, savoir qui est le gardien de la C°. En 1933, il devient juriste officiel des nazis. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 Il dénonce la contradiction irréductible qui se trouve au cœur de la démocratie libérale (défendue par Constant) incarnée par le parlementarisme. Il confond les deux → le gouvernement qui gouverne au nom d’une souveraineté populaire. La démocratie parlementaire se fonde sur des principes politiques distincts et hétérogènes : - le principe démocratique d’identité entre gouvernants et gouvernés - le principe libéral de la représentation. Il considère que le parlementarisme est lié au libéralisme et non à la démocratie : la représentation du peuple peut aussi bien être assurée par les parlementaires que par un seul homme (césarisme). Le libéralisme repose fondamentalement sur l’idée que la vérité peut être trouvée à partir du libre conflit des opinions. Le parlement est avant tout le lieu d’échange et de rencontre des opinions. Deux critiques : - critique de la croyance libérale dans les vertus de la discussion. La politique repose sur le principe de décision, seule voie pour mettre fin aux conflits entre opinions. - le parlementarisme contemporain est une version dévoyée de l’idéologie libérale : il n’y a plus d’échange libre d’opinion entre les individus permettant d’aboutir à une solution consensuelle. Le parlement est le lieu d’affrontement de délégués des partis politiques qui pensent avant tout à leurs intérêts. Critique de la démocratie des parties politiques qui ne prennent pas en compte les intérêts de la population. C. Le dénigrement néolibéral de la démocratie Le néolibéralisme est la doctrine économique dominante sur les pays occidentaux et elle a une influence sur la démocratie de ces pays. C’est une idéologie qui conçoit les personnes et l’État sur le modèle de l’entreprise contemporaine et prônant l’extension du modèle économique à l’ensemble des sphères de l’interaction sociale. C’est une manière de penser totalement différente parce que les valeurs centrales sont l’efficacité économique et la recherche de profit à défaut de la politique → instrumentalisation de la politique au service de la croissance économique. Effets du néolibéralisme sur la démocratie : - effacement du citoyen derrière la figure du consommateur - préférence pour un pouvoir de l’État autoritaire (car plus efficace pour parvenir aux fins recherchées). « dé-démocratisation néolibérale » (Wendy Brown) → le néolibéralisme est en train de revenir sur les acquis démocratiques, au bénéfice de gouvernements autoritaires. D. La démocratie libérale face au populisme Le populisme est une réaction, une critique face à la démocratie libérale. La démocratie libérale : La notion s’impose au cours du 20e siècle, face à celle de démocratie populaire → principe démocratique + SDP + protection des droits et libertés. On parle parfois démocratie constitutionnelle (État de droit démocratique). La démocratie libérale est essentiellement représentative, elle est liée au libéralisme économique (capitalisme). Le populisme : « Une stratégie discursive établissant une frontière entre deux camps : « ceux d’en bas » et « ceux qui sont au pouvoir » » (Ernest Laclau). C’est une manière de présenter les choses. John B. Judis, auteur américain, dit qu’il existe deux sortes de populisme : Populisme de droite : il y a 3 entités, ceux d’en bas, ceux d’en haut et un 3 e groupe que les élites protègent du peuple. Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 Populisme de gauche : défend l’opposition du peuple contre les élites → les élites confisquent le pouvoir politique et les avantages économiques. Le populisme est une idéologie qui se nourrit de plusieurs idées selon Jans Werner-Müller : - l’antipluralisme - la revendication politico-morale d’un monopole de représentation du peuple, dont découle notamment une opposition entre les élites politiques et le peuple. Le populisme de droite et le césarisme démocratique : un leader parle au nom du peuple (par ex : Bonaparte). Le populisme de gauche et la démocratie radicale : - Ambiguïté du populisme de gauche de Chantal Mouffe qui défend une démocratie représentative agonistique et non une participation directe des citoyens à l’exercice du pouvoir. C’est une démocratie qui repose sur l’affrontement d’idées - Réformes profondes de la démocratie représentative (RIC, révocabilité des élus, veto populaire, …). Origine : populisme agraire et industriel aux États-Unis (fin du 19e siècle). Objectif : subordination des représentants aux citoyens, développement des voies concurrentes (démocratie directe et semi-directe). E. La promotion de la démocratie participative Qu’est-ce que la démocratie participative ? = « participatory democracy » (Arnold S. Kaufman, 1960) - critique de la dimension oligarchique des démocraties représentatives (tjrs les mêmes qui gouvernent) - proposition de nouvelles formes de participation citoyenne. Démocratie participative : ensemble des moyens permettant d’augmenter l’implication directe de la population dans le gouvernement des affaires publiques → forme rénovée de la démocratie directe. Caractéristiques de la démocratie participative : - ne se limite pas aux citoyens (au sens strict) → ouvert à tous les habitants de la commune qu’importe leur nationalité ou corps électoral - des moyens plus variés que l’initiative populaire et le référendum - des moyens favorisant la délibération populaire. La démocratie délibérative est une philosophie qui se repose sur le fait que la meilleure décision est prise au terme d’un échange entre les participants (a influencé la démocratie participative). Influence de Jürgen Habermas : le moteur de la démocratie c’est la discussion. - critique le modèle libéral et le modèle « républicain » de démocratie - propose une démocratie procédurale fondée sur un principe de discussion. Les assemblées citoyennes : institution temporaire, composée d’un échantillon représentatif de citoyens tirés au sort, en vue de délibérer sur des thèmes précis, se traduisant, in fine, par la formulation de recommandations. Tirage au sort de citoyens + délibérations éclairées. La disparition du tirage au sort dans les gouvernements modernes : - volonté des pères fondateurs des républiques françaises et américaines d’instaurer une aristocratie élective (Madison, Sieyès...) - attachement à l’idée que seul le consentement est la source de l’autorité légitime et de l’obligation politique (Hobbes, Locke, Rousseau). Le renouveau du tirage au sort à l’époque contemporaine : - la redécouverte du caractère aristocratique de l’élection Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024 - le développement de la pratique de l’échantillon représentatif par les sciences statistiques et les sondages d’opinion. L’objectif est de construire des minis peuples - l’essor de la démocratie délibérative. Convention citoyenne pour le climat : Budget participatif : dispositif qui permet à des citoyens non élus de participer à la conception ou à la répartition des finances publiques (Y. Sintomer) : - une institution apparue à Porto Alegre (Brésil) en 1989 - premier budget participatif en France en 1995 (Morsang-sur-Orge) - 400 communes en 2022 (150 en 2019, 7 en 2014). Des citoyens vont proposer des dépenses liées aux compétences de la ville → rendre une rue piétonne, ralentisseur sur la route, projet artistique, ombrager certaines places… La mairie vérifie que c’est financièrement possible + dans les compétences de la ville. Les propositions sont ensuite soumises au vote des citoyens. Procédure de vote qui aboutit à la sélection de projets. → technique de démocratie participative (pouvoir de décision). Margaux ELICHEGARAY - L1 S1 Droit - Cours de M. Senac - Semestre 2 - 2023-2024