ED4 Ecosystème 2024-2025 PDF
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Université Claude Bernard Lyon 1
Pr Carrouel
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These notes detail the definition, types, and composition of dental biofilms, with a focus on the ecological aspects relating to oral health and dental caries.
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ED 4 : BIOFILMS BUCCAUX PATHOGENIE DE LA MALADIE CARIEUSE PARTIE 1 : LES BIOFILMS BUCCAUX OBJECTIFS Ø CONNAITRE LA DEFINITION D’UN BIOFILM ET LES DIFFERENTS TYPES DE BIOFILMS DENTAIRES Ø CONNAITRE LA PELLICULE ACQUISE EXOGENE Ø CONNAITRE LE PROCESSUS D’A...
ED 4 : BIOFILMS BUCCAUX PATHOGENIE DE LA MALADIE CARIEUSE PARTIE 1 : LES BIOFILMS BUCCAUX OBJECTIFS Ø CONNAITRE LA DEFINITION D’UN BIOFILM ET LES DIFFERENTS TYPES DE BIOFILMS DENTAIRES Ø CONNAITRE LA PELLICULE ACQUISE EXOGENE Ø CONNAITRE LE PROCESSUS D’ADHERENCE DES BACTERIES PIONNIERES Ø CONNAITRE LE DEVELOPPEMENT DU BIOFILM Ø COMPRENDRE QUELS SONT LES AVANTAGES DES BACTERIES ORGANISEES EN BIOFILM Ø CONNAITRE LA COMPOSITION DES BIOFILMS I. Définition et types de biofilms dentaires Biofilm / plaque dentaire : Un biofilm est une association de cellules bactériennes et/ou fongiques enveloppées dans des matrices de polymères extracellulaires (exopolysaccharides ou glycocalyx). Le biofilm dentaire est très adhérent à la surface des dents, des matériaux de reconstitution, des prothèses dentaires, implantaires. Il est aussi présent sur les muqueuses et dans l'espace gingivo-dentaire. Il est à différencier de la Materia alba : matière blanchâtre, composée de débris alimentaires, de leucocytes en désintégration, de cellules épithéliales desquamées et de micro-organismes, pouvant être éliminée par un jet d'eau sous pression. Selon leur localisation on distingue 2 types de biofilms fondamentalement différents sur le plan de l'écologie buccale : Le biofilm supra-gingival : l'environnement supra-gingival : milieu aérobie baigné par la salive et ses composants antibactériens, exposé au flux salivaire, aux mécanismes d'attrition (écrasement, frottement...), directement accessible aux mesures d'hygiène, Le biofilm sous-gingival : l'environnement sous-gingival : milieu anaérobie baigné par le fluide gingival, avec peu de chasse liquidienne et peu de forces mécaniques gênant les bactéries. Selon leurs potentiels pathogéniques, on distingue : Les biofilms compatibles avec l'état de santé buccal (pauvres en bactéries cariogènes et parodontopathiques). Les biofilms cariogénique (riches en bactéries cariogènes), Les biofilms parodontopathiques (riches en bactéries parodontopathiques) Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 72 II. Étape de la croissance du biofilm dentaire. La croissance du biofilm comprend plusieurs étapes : La formation d’un film conditionnant - L’adhésion réversible puis irréversible des bactéries - Maturation du biofilm - Détachement de cellules et/ou microcolonies qui vont coloniser d’autres sites. Il y a fixation, croissance, élimination puis à nouveau fixation. Ces étapes se succèdent en un processus continu, dans un système en constant remaniement. a. Film conditionnant : Pellicule acquise exogène (PAE) i. Définition C'est un film organique d'origine salivaire, acellulaire, acquise car elle n'existe pas naturellement sur l'émail, exogène car elle vient de l'extérieur (pas de la dent) dont l'épaisseur moyenne est de 1 μm. Comment se forme la PAE ? c'est l'adsorption spontanée d’exopolymères provenant des fluides buccaux à la surface de l'hydroxyapatite. Puis une 2ème couche de protéines se lie aux protéines de la 1ère couche. La PAE se forme naturellement et spontanément dans les minutes qui suivent un détartrage et va dépendre des propriétés physico- chimiques de l'émail (ions calcium, phosphates, hydroxyles et fluorures de l'hydroxyapatite). Les composants de la salive et du fluide gingival (mucines, IgAs et autres Igs..) vont s’adsorber sur la dent pour former la PAE. Ils favorisent alors l’adhésion des bactéries -> biofilm. Selon la composition de la PAE, les espèces bactériennes qui s’y fixent sont différentes. Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 73 ii. Composition variable : protéines et enzymes salivaires et du fluide gingival plus composants bactériens Les constituants organiques sont quantitativement peu importants dans la salive puisqu’on les trouve à la concentration moyenne de 3 à 3,4 g/L (à comparer aux 70 g/L du plasma sanguin). Les protéines représentent l’essentiel de ces éléments organiques. Certains constituants ont un rôle très important dans l’initiation de la PEA. Protéines Riches en Proline (PRP) à caractère acide : Origine : salive parotidienne et sous mandibulaire Adsorption à l’hydroxyapatite -> changement conformational de l’extrémitié carboxy-terminale -> fixation de bactéries orales (S. mutans, A. viscosus) Six PRP à caractère acide ont été isolées à ce jour : Ce sont des molécules fortement polarisées. Les charges négatives constituent des sites de fixation pour les ions calcium salivaires. Entre 5 et 52% du Ca2+ total salivaire est lié à ces protéines ; la diminution du pH ou l’augmentation de la force ionique de la salive fait chuter le nombre d’ions Ca2+ liés. Les aminoacides impliqués dans cette fixation du Ca2+ permettent également la fixation des PRPs à l'hydroxyapatite, participant ainsi à la formation de la pellicule acquise exogène. L'extrémité C-terminale de ces PRP joue un rôle totalement différent. Lorsqu’elles sont adsorbées à l'hydroxyapatite, les PRP acides sont capables de se lier à de nombreuses bactéries orales et notamment Actinomyces viscosus ou Streptococcus mutans. Cette liaison semble impliquer une interaction entre les fimbriae de type I et la portion carboxy-terminale de ces protéines. L'un des points importants est que cette fixation requiert l'adsorption préliminaire des PRP à une matrice telle que l'hydroxyapatite ; cette adsorption entraînant un changement conformationnel de l'extrémité carboxy-terminale des PRP. Il semble que les bactéries se fixent sur les plus grandes PRP. Les plus petites PRP permettent de réduire l'attachement initiale des bactéries puisque les grandes et les petites PRP entrent en compétition pour les sites de fixation à l'hydroxyapatite sur l'émail et que les petites PRP ne possèdent pas de site de fixation des bactéries. Stathérines : Les peptides appartenant à cette famille sont riches en tyrosine et contiennent deux phosphosérines adjacentes dans leur structure primaire. On les trouve dans la salive parotidienne et sous-mandibulaire. Jusqu'à récemment, le seul peptide de cette famille était une protéine de 43 aminoacides : la stathérine. Ce peptide possède une polarité de charge : la région N- terminale (résidus 1 à 13) contient tous les aminoacides chargés alors que la portion restante est principalement composée de tyrosine (7), proline (7) et glutamine (7). Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 74 Trois autres variants de la stathérine sont maintenant caractérisés. Tous sont phosphorylés sur les serines 2 et 3. L'un des variants, SV2, a la même séquence que la stathérine mais il lui manque les résidus 6 -15 correspondant aux aminoacides basiques. Les variants SV1 et SV3, n'ont plus le résidu phénylalanine C-terminal mais sont sinon identiques à la stathérine et SV2 respectivement. La stathérine et ses variants se lient avec une grande sélectivité à l'hydroxyapatite. Ils peuvent donc être des précurseurs potentiels de la pellicule exogène acquise. La stathérine, par le domaine constitué des 18 résidus amino-terminaux, inhibe la croissance des cristaux de phosphate de calcium, ce que font également d'autres protéines. Mais c'est la seule protéine salivaire qui inhibe la précipitation spontanée de phosphate de calcium dans des salives hypersaturées. La stathérine, lorsqu'elle est adsorbée sur l'hydroxyapatite, lie également A. viscosus. Elle possède une région reconnue par les fimbriae de A. viscosus localisée dans sa partie carboxy-terminale. Mucines salivaires = gP acides Cystatines Histatines Immunoglobulines (IgAS, IgG, IgM) Enzymes/gP : péroxydases, lysosyme, a-amylase, anhydrase carbonique (pouvoir tampon), lactoferrine... Produits/composés bactériens extra-cellulaires : enzymes (glycosyltransférases...), polysaccharides, fragments de paroi. Siqueira et collaborateurs, en 2007, ont découvert de nouvelles protéines de la PEA par spectrométrie de masse. Plus d’une cinquantaine de protéines sont actuellement décrites dans le protéome de la PAE, dont 25 nouvelles protéines En plus des protéines salivaires précurseurs classiques, une variété de protéines non exocrines dérivant du fluide gingival et des cellules épithéliales ont été découvertes. Fabian et collaborateurs en 2012 décrivent les protéines défense salivaire et leurs rôles dans l’immunité innée et acquise buccale. iii. Rôles de la PAE : à la fois bénéfiques et destructeurs Elle a un rôle bénéfique : - Protection vis-à-vis des aliments et boissons acides en s’interposant entre la dent et les stimuli externes (froid, sucre...). - Influence le processus carieux en modifiant la diffusion des ions hydrogènes de la plaque et celle des ions phosphates et calcium de l'émail : réserve de phosphates et calcium. Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 75 Mais elle a aussi un rôle destructeur car : - Elle maintient les acides en contact avec l'émail - Elle permet la colonisation des bactéries, car ses composants sont autant de récepteurs pour les adhésines bactériennes. Kolenbrander et collaborateurs, 2010, ont décrit quelques associations : Streptocoques, actinomyces et PRPs ; Fusobactéries et stathérines ; Streptocoques et a-amylases. b. Adhérence des bactéries pionnières L’adhérence des bactéries pionnières se fait en 2 temps : réversible puis irréversible. i. Provenance des bactéries Ce sont les bactéries présentes dans la salive et/ou sur les muqueuses (surtout la langue) qui vont se fixer sur les dents. - Des mouvements macroscopiques vont rapprocher les bactéries des surfaces dentaires (langue, joues, lèvres) mais aussi les courants salivaires, le mouvement Brownien (mouvements désordonnés des petites particules en suspension) et le mouvement propre des bactéries. - La colonisation initiale de la PEA dépend du nombre de bactéries transmises : il faut 104 S.m/mL de salive pour qu'ils se fixent sur la dent et 103 de S. sanguinis : notion de dose minimale infectieuse. ii. 1er temps = phase réversible = adsorption C'est un état d'équilibre ou les 2 surfaces (bactéries, PEA) sont soumises à 2 types de force : Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 76 Forces d'attraction : forces de Van der Waals qui entrent en jeu quand les bactéries sont à moins de 20 nm du support. Forces de séparation : Mouvement Brownien : mouvement désordonné des particules très petites en suspension. Répulsion électrostatique : particules de même charge se repoussent (B et PEA chargées moins) à partir de 15 nm. La résultante de ces forces opposées = maintien de la bactérie à une certaine distance du substratum. On parle d'adsorption*, car un courant d'eau, ou l'énergie développée par le mouvement des flagelles suffisent à détacher les bactéries. *Adsorption = fixation réversible de molécules sur une surface dure / liaisons faibles. Quand les molécules adsorbées s’en détachent on parle de désorption. iii. 2ème temps = phase irréversible Il se crée un pontage irréversible entre la bactérie et son substratum, si aucune force démesurée intervient, comme un détartrage par exemple. 3 types d'interactions entrent en jeu : 2 non spécifiques et 1 spécifique. Interactions électrostatiques : Ponts cationiques Interposition de cations divalents (Ca2+, Mg2+), provenant de la salive (libres dans la salive ou fixés sur la PEA), et établissant un pont entre les charges négatives de la PEA (gP...) et celles des bactéries (exemple les groupements phosphates très électronégatifs des LTA des G+). Interactions hydrophobes : Entre séquences moléculaires hydrophobiques présentes sur le substratum et sur la bactérie : domaine hydrophobe des LTA des G+ ou molécules hydrophobes des fimbriae de type I de Actinomyces, Streptococcus sanguinis, S. mutans, adhèrent aux PRPs et stathérines. Ce ne sont pas vraiment des liaisons mais elles assurent un environnement stable qui permet à d'autres interactions (faibles ou fortes, spécifiques) de se produire. Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 77 Interactions spécifiques : Ce sont des interactions de type adhésines-récepteurs ou enzyme-substrat. Ce sont des liaisons fortes et sélectives qui vont ancrer la bactérie à la surface et permettre la colonisation. Ces interactions peuvent avoir lieu entre les B/support, les B libres/B fixées (coadhésion), et entre les B liées / B liées (coagrégation). Récepteurs présents sur la PEA : (existent aussi sur les cellules épithéliales et les bactéries) Les molécules impliquées sont des gP, glycolipides, sucres, protéines surtout les PRPs, des stathérines. Interactions adhésines / Récepteurs présents sur la PAE : Les adhésines sont des protéines présentes à la surface des bactéries qui se lient de façon spécifique, à des récepteurs présents sur les surfaces des tissus (PAE). Les structures portant ces adhésines sont à l'extérieur de la bactérie (paroi, capsule/glycocalyx, fimbriae et membrane externe pour les Gram-). Les fimbriae ou le glycocalyx établissent un pont entre la bactérie et le support, qui sont encore à distance l'un de l'autre (non spécifique), puis les adhésines entrent en jeu et se fixent sur un récepteur de la PAE (PRPs par exemple). Ce sont par exemple les polypeptides de la famille des antigènes I/II. Plusieurs membres de cette famille sont décrits chez différents streptocoques : les protéines Ssp chez S. gordonii, AgB, P1, SpaP, Pac chez S. mutans, SpaA, Pag chez S. sobrinus... Les Antigènes I/II se fixent à un composé salivaire proche des mucines appelé SAG (Salivary Agglutinin Glycoprotein). Interaction Enzyme-Substrat Un exemple célèbre d’adhésion Enzyme-Substrat : S. mutans et la GTF (glycosyltransférase). L’enzyme GTF est intégrée à la surface de la GTF S. mutans = GTF (glycosyl tranférase ) bactérie (Streptococcus mutans). Elle synthétise S. mutans S. mutans = Protéine de liaison aux glycanes = Glycanes S. mutans des polymères de type glycanes en présence du S. mutans saccharose de l'alimentation. Le glycane est Adhérence des streptocoques mutans à la PAE et coagrégation interbactérienne a) saccharose-indépendante. b) saccharose-dépendante (Barsotti et coll. dans Microbiologie en odonto-stomatologie, 2006). Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 78 fortement adhésif à la surface de la dent et la liaison de la GTF avec le polymère maintient la bactérie sur la dent. c. Développement du biofilm i. Les B pionnières forment des microcolonies Les 1ères bactéries qui se fixent sur la PEA donnent naissance à des microcolonies qui vont être emprisonnées dans des polysaccharides extracellulaires fabriqués par les bactéries elles-mêmes et dans des couches additionnelles de gP salivaires qui continuent de se déposer. Le plus souvent c'est un glycocalyx qui est mis en commun entre les éléments d'un même "clone" (S.mutans et polysaccharides extracellulaires). Dans un premier temps, les bactéries adhèrent à la surface jusqu'à occuper tous les sites récepteurs disponibles de la pellicule acquise exogène. La colonisation entre alors dans une phase de multiplication bactérienne très lente jusqu'à atteindre 1 000 000 de B/ mm2 puis la multiplication devient de type exponentiel. La colonisation de la PEA par des bactéries pionnières se fait rapidement (2x106/mm2 en 2 heures, Mouton et Robert, 1994). On retrouve ici essentiellement des streptocoques et des actinomyces. ii. Accroissement en diversité : succession bactérienne La diversité bactérienne caractéristique de la plaque ne peut pas s'expliquer uniquement par la fixation des espèces pionnières. La présence de la communauté pionnière créée physiquement de nouvelles surfaces bactériennes disponibles (parois) mais aussi un nouvel environnement grâce à l'activité métabolique de ses espèces pionnières (utilisation d'O2, un potentiel redox bas, favorisent l’arrivée des anaérobies). Ces conditions vont permettre la colonisation par de nouvelles espèces bactériennes : c'est la succession bactérienne. Chaque cellule entretient un réseau de relation avec ses voisines : interactions adhésives (adhérence interbactérienne homotypique et hétérotypique) et interactions nutritionnelles. Exemple d’interactions adhésives : La succession bactérienne et la diversité de la plaque dentaire est possible grâce à l'adhérence interbactérienne hétérotypique entre bactéries d'espèces ou de genres différents qui permet de faire cohabiter des bactéries qui sans cela ne le pourraient pas. Elle permet le recrutement de nouvelles espèces (exemple de F. nucleatum). Deux partenaires seulement : - Actinomyces possède une lectine spécifique du b-galactose de S. sanguinis Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 79 - Corn cob ou formation en épi de maïs : Corynebacterium matruchotii et Streptococcus cristatus Les adhésines les mieux connues sont les lectines dont la fonction est de reconnaître et se fixer à un sucre spécifique. Associations plus complexes (Kolenbrander, 2010, voir PEA) : F. nucleatum possède des récepteurs pour des tréponèmes, Pg, Selenomonas, Pi, P. denticola, Aa, Capnocytophaga sputigena, C. ochracea, C. gingivalis, S. oralis, S. mitis, S. gordonii, S. sanguinis, A. naeslundii, V. atypica, Haemophilus parainfluenzae, A. israelii. On ne sait pas encore reconstituer les séquences pour toutes les bactéries différentes présentes dans la cavité buccale, mais on commence à y voir plus clair. Cela permet une approche différente de la prévention : rompre les chaînes d'adhérence hétérotypiques. Exemple d’interactions nutritionnelles : Les veillonelles ne sont pas capables de métaboliser les sucres de l’alimentation pour les transformer en acides (lactates) mais elles peuvent utiliser directement les lactates, produits par les streptocoques ou les actinomyces, et les transformer en acides plus faibles (acétique, propionique...). iii. Biofilm mature = apogée / climax A chaque communauté succède une communauté plus complexe. L'accroissement en épaisseur de la plaque trouve une limite principalement due aux forces d'attrition (action de 2 corps durs qui se frottent) et à l'hygiène bucco-dentaire. La communauté établie n'est toutefois pas statique, mais en perpétuel remaniement sous la pression de forces antagonistes, propres à l'habitat. Au sein du biofilm les microcolonies sont séparées par des pores et canaux à eau formant un réseau de circulation : Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 80 ü Ce réseau permet d’acheminer nutriments et O2 dans les profondeurs du biolfilm et d’évacuer les déchets métaboliques. Le matériel soluble peut diffuser à travers la matrice d’exopolysaccharides et être utilisé par les bactéries. ü Il existe un gradient de nutriments et d’O2 du sommet à la base (micro-environnement anaérobie) du biofilm. -> l’état métabolique d’une bactérie dépend de sa localisation dans le biofilm. III. Avantages des bactéries en biofilm a. Meilleure utilisation d’un habitat par les bactéries en biofilm Il y a augmentation des nutriments disponibles à cause de la biodiversité des espèces : des métabolismes plus diversifiés génèrent plus de métabolites différents pour les bactéries qui vont les utiliser en alternance. Le partage des nutriments et la division du travail entre espèces bactériennes est un gage de productivité et d’équilibre. Enlever une espèce spécialisée (dans la production d'acide succinique, l’utilisation d'O2,...), et l'ensemble de l'écosystème en souffre. b. Augmentation de la survie en milieu hostile : meilleure tolérance aux stress environnementaux La co-adhésion des bactéries leur permet de mieux résister à la chasse salivaire, aux forces d’arrachement. Ilôts d’environnement favorable à la croissance bactérienne même en milieu hostile. c. Échappement aux défenses de l'hôte Les bactéries produisant des protéases détruisent les Igs et cela profite aussi aux bactéries voisines. Il en est de même pour les bactéries produisant des b-lactamases qui deviennent résistantes aux b-lactamines. Les bactéries en biofilm ont une résistance accrue aux agents antimicrobiens : Porphyromonas gingivalis adhéré en biofilm a une concentration minimale inhibitrice (CMI) 160 fois supérieure à celle de cellules planctoniques. Cette résistance est due en partie aux polysaccharides extracellulaires qui font barrière à ces produits anti-bactériens, mais aussi parce que le phénotype des bactéries adhérées est différent de celui des bactéries planctoniques. Elles expriment des gènes spécifiques à cette phase d’adhésion, avec comme conséquences une modification de la croissance, de la morphologie, de la résistance aux stress environnementaux (antiseptiques, antibiotiques, désinfectants). Elles sont en phase stationnaire de croissance et les antibiotiques par exemple sont plus efficaces lorsque les bactéries sont en phase exponentielle de croissance. Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 81 d. Synergie pathogène : Une bactérie est plus pathogène en groupe que seule, car elle s’adapte en permanence. Ainsi, une bactérie anodine peut acquérir facilement des facteurs de virulence (adhésines, résistance aux antibiotiques, toxines, hémolysines...) par transferts génétiques d’une souche et/ou espèce à l’autre car elles sont proches. Par exemple, il a été démontré un transfert de plasmides de résistance aux antibiotiques de Treponema denticola à Prevotella intermedia. e. Augmentation de la communication entre bactéries : notion de quorum sensing C’est un procédé de régulation qui couple l’expression de certains gènes à la densité cellulaire (les bactéries doivent atteindre un quorum). Il contrôle l’expression de la quasi-totalité des gènes impliqués dans la virulence et le transfert de plasmides. Une souche bactérienne peut posséder les gènes codant des facteurs de virulence (élastases, protéases, exotoxines) mais ne pas toujours les exprimer (ils ne sont pas produits de façon constitutive). Leur production (activation de la transcription des gènes) répond à ce système de régulation dépendant de la densité bactérienne. Au sein du biofilm, une facilité de communication intercellulaire et des informations plus riches permettent plus rapidement une activation ou une inhibition des transcriptions génétiques. Le rôle du QS sera de coordonner la réponse de l’ensemble de la population bactérienne grâce à une communication intercellulaire. Comment des organismes aussi simples que des bactéries peuvent-ils communiquer ? Les bactéries produisent des molécules de signalisation diffusibles appelées autoinducteurs. Chez les bactéries à Gram positif la molécule signal est un peptide, chez les bactéries à Gram négatif ce sont des sortes de phéromones, des acyl-homosérine lactones (acyl-HSL), qui donnent une indication de la densité cellulaire dans un environnement donné (les bactéries savent qu’elles sont en nombre important et qu’elles peuvent entreprendre). Ces molécules sont sécrétées en permanence par les bactéries. Elles diffusent librement dans le milieu et peuvent passer à travers l’enveloppe cellulaire bactérienne. Lorsque la population est plus importante, la concentration en auto-inducteur augmente. A grande concentration, cet auto- inducteur forme un complexe avec un facteur de transcription présent normalement dans la bactérie. Le complexe facteur de transcription/auto-inducteur active un gène. Ceci induit la production d’un signal qui confère à la population de nouvelles propriétés. Ces propriétés varient selon l’espèce de bactéries, la nature de l’auto- inducteur, le gène activé... En réponse au signal les bactéries peuvent s’agréger en biofilm ou exprimer de facteurs de virulence. Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 82 IV. Composition du biofilm a. Composition biochimique La matrice d’exopolysaccharide, essentiellement les glycanes pour Streptococcus mutans, représente quelque 85 % du volume total. i. Glucides : Polysaccharides extra-cellulaires : - PSEC insolubles (glycanes insolubles = mutanes) : ce sont des facteurs de virulence qui constituent pour une large part la matrice interbactérienne. Ils adhèrent à la surface de la dent et participent à l'agrégation interbactérienne. - PSEC solubles = glycanes solubles = réserve glucidique extra-cellulaire - Fructanes : homopolymères de fructose, macromolécules hydrosolubles. Ils contribuent à la survie des microorganismes de la plaque car, en période de disette, ils servent de réserve énergétique. ii. Protéines : gP salivaires ; Enzymes salivaires ou bactériens ; Ig iii. Lipides : - Acides gras à 18 atomes de carbones : acides stéariques, linoléiques, linoléniques (traces) et un acide à 22 atomes de carbone : ac. Érucique - Phospholipides (lipides complexes associés à des peptides) contenant du glycérol et des phosphates, provenant de la lyse bactérienne (paroi G+, membrane G- riche en phospholipides). iv. Produits inorganiques Ils sont sous forme libre ionique ou combiné : calcium, ions phosphates, potassium, fluor. b. Composition bacterienne i. Biofilm supra-gingival Communauté pionnière : - Cocci Gram+ : Streptococcus mitis, S. sanguinis, S. oralis - Bacilles Gram+ : Actinomyces, Lactobacillus - Bactéries Gram- : Veillonella, Neisseria, Eikenella, Haemophilus Dérive anaérobie : - Diminution cocci Gram+ (streptocoques, staphylocoques) et bacilles Gram+ (Actinomyces, Lactobacillus) - Augmentation des bactéries anaérobies ; bacilles et filaments Gram- ; Spirochètes et bactéries mobiles Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 83 ii. Biofilm sous-gingival La formation du biofilm sous-gingival est essentiellement due à la prolifération du biofilm supra- gingival en direction apicale (micro-organismes mobiles surtout à G- ) ou par un enfoncement résultant des forces de mastication et des manoeuvres d'hygiène (fil dentaire, sondage...). - Les mêmes cocci Gram+ et bacilles Gram+ que dans le biofilm supra-gingival mais en quantité moindre. - Les mêmes cocci Gram- de type Neisseria et Veillonella. - Les mêmes bacilles Gram- dont Leptotrichia, Fusobacterium, Bacteroides, Porphyromonas, Selenomonas mais plus nombreux. - Présence de spirochètes d’autant plus nombreux que la gencive est inflammatoire. Les bactéries arrivent dans un ordre déterminé en fonction des récepteurs bactériens de la PEA. Socransky et Haffajjee (2002, 2005) schématisent la formation du biofilm dentaire à partir d’une expérimentation effectuée en 1998 sur un large échantillon de plaque sous- gingivale (côté mésial de chaque dent chez 185 sujets avec (160) ou sans (25) parodontite) et différentes méthodes de groupement et de classement, puis quantifient la présence de 40 taxons sous-gingivaux dans 13 261 échantillons de plaque par des méthodes de biologie moléculaire. Ils définissent globalement 6 groupes de micro-organismes. Les colonisateurs précoces : streptocoques, actinomyces, veillonelles précèdent toujours le groupe orange et rouge. Il est très rare de trouver les rouges sans les oranges d’abord. Par contre on trouve souvent la base (jaune, vert, violet, bleu) sans les rouges, on peut donc stopper les choses avant leur arrivée. Ils déterminent différents complexes bactériens, regroupant les espèces bactériennes les plus fréquemment associées dans la plaque sous-gingivale, et les ont reliés aux signes cliniques de la maladie parodontale. -> Les complexes bleu (Actinomyces), pourpre (Veillonella parvula et Actinomyces odontolyticus), jaune (espèces du genre Streptococcus uniquement), et vert (Eikenella corrodens, Capnocytophaga gingivalis, C. sputigena, C. ochracea, Campylobacter concisus, A. actinomycetemcomitans sérotype a) peuvent être considérés comme compatibles avec la santé parodontale. -> Les bactéries des complexes orange (Campylobacter rectus, C. gracilis, C. Showae, Fusobacterium nucleatum, F.periodonticum, Prevotella intermedia, P. nigrescens, Parvimonas micra, Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 84 Streptococcus constellatus, Eubacterium nodatum) et rouge (Porphyromonas gingivalis, Tannerella forsythia et Treponema denticola) ont été détectées avec une d’autant plus grande fréquence que la maladie parodontale est avancée. V. Minéralisation de la plaque : tartre a. Formation du tartre Le tartre est défini comme la minéralisation du biofilm (supra- ou sous-gingival) avec formation de cristaux de différents phosphates de calcium : le biofilm est à l’origine du tartre. Il est fortement attaché à la dent ou aux matériaux dentaires. La distribution topographique du tartre supra-gingival n'est pas superposable à celle de la plaque supra-gingivale, à l'origine de ce tartre. On trouve beaucoup de tartre sur les surfaces dentaires proches de sécrétions salivaires telles que les canaux de Wharton (faces linguales des incisives mandibulaires) et de Sténon (faces vestibulaires des molaires supérieures). Alors que la distribution topographique du tartre sous-gingival est superposable à celle de la plaque sous- gingivale. -> La transformation du biofilm en tartre est variable d’un individu à l’autre (selon la composition de la salive) et toujours précédée d’une accumulation de plaque : sans plaque, il n’y a pas de tartre ! ->D’abord apparition de petits cristaux dans la matrice extracellulaire, souvent très près des bactéries voire à l’intérieur, puis la matrice se minéralise complètement avec quelques inclusions de micro-organismes. -> A l’extérieur, une couche de micro-organismes non minéralisés, métaboliquement actifs est présente. ->Le tartre agresse mécaniquement les muqueuses, mais les bactéries de surface jouent également un rôle dans le développement de la maladie parodontale. b. Composition du tartre § Partie organique : 20 à 30% du tartre – P, glucides, lipides (les mêmes que ceux du biofilm). – Les phospholipides représentent 10% des lipides. Ils proviennent de la salive et des constituants membranaires des bactéries. Ils jouent un rôle important dans la minéralisation de la plaque. § Partie minérale : 70-80% du tartre – Constituants du tartre supra-gingival provenant de la salive – Constituants du tartre sous-gingival provenant du fluide gingival (tartre sérique noir) – Quatre sels de phosphate de calcium : hydroxyapatite, phosphate octocalcique, tricalcique et phosphate de calcium – Éléments mineurs : Mg, Na, carbonates, fluorures… Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 85 c. Dangers du tartre Il adhère fortement aux surfaces dentaires car la PAE se minéralise. La minéralisation progresse dans les sillons et imperfections de l’émail, du cément et de la dentine. Il existe donc un contact intime entre les cristaux de tartre et les cristaux de ces tissus durs qui sont de même nature. => en détartrant il est difficile de ne pas altérer ces tissus sous-jacents. Malgré un polissage soigneux, des irrégularités de surface persistent qui vont favoriser le développement du biofilm... et à nouveau le développement de tartre... Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 86 PARTIE 2 : ETIOPATHOGENIE DE LA MALADIE CARIEUSE OBJECTIFS Ø COMPRENDRE ET SAVOIR EXPLIQUER LA NOTION D’EQUILIBRE DE L’ECOSYSTEME BUCCAL ET D’HOMEOSTASIE MICROBIENNE Ø CONNAITRE LES FACTEURS IMPLIQUES DANS LE DESEQUILIBRE DE L’ECOSYSTEME BUCCAL ET LES CONSEQUENCES DE CE DESEQUILIBRE Ø CONNAITRE LA DEFINITION DE LA CARIE, LES TYPES DE LESIONS CARIEUSES ET LES DYSCHROMIES A DIFFERENCIER DES CARIES Ø CONNAITRE LES MECANISMES PATHOGENIQUES DE LA MALADIE CARIEUSE : ACIDOGENESE DEGRADATION DE LA TRAME ORGANIQUE Préambule : Notions d’homéostasie et dysbiose Le milieu buccal est très hétérogène. Le microbiote buccal est complexe ( 1010 bactéries, 1000 taxons ): les populations bactériennes varient d'un site anatomique à l'autre chez un même individu (flore des incisives, des molaires, des tissus mous, durs, des sillons...). La charge bactérienne totale est très variable d'un site à l'autre (5 à 50 bactéries/cellule épithéliale de la joue, 100 sur une cellule épithéliale de la langue). Il y a changement de la flore au cours de la vie d'un individu : régime alimentaire, changements hormonaux, traitements dentaires, modifications physiologiques (âge, puberté, grossesse...), modifications pathologiques (thérapeutiques, baisse du système immunitaire...). La grande majorité du temps, les bactéries et l'hôte vivent en harmonie = homéostasie microbienne. L'homéostasie microbienne est un état d'équilibre et de stabilité qui dépend des interactions bactéries-bactéries (synergie et antagonisme) d'une part et des interactions bactéries-hôtes d'autre part. Chaque individu abrite des bactéries cariogènes et parodontopathies, mais en petit nombre elles ne sont pas compétitives avec le reste de la flore et n’entraînent pas la maladie. En effet, la flore buccale commensale ( = flore de barrière ) s'oppose même à l'arrivée de pathogènes exogènes ou au développement anarchique de germes endogènes, pathogènes opportunistes. Dysbiose : la rupture de cet équilibre est à l'origine de la maladie (caries dentaires, maladies parodontales et péri-implantaires). Le développement d’une population bactérienne cariogène ou parodontopathique est permise par des facteurs : -immunologiques (déficit en IgAS, dysfonction des PNn, diminution de l’immunité cellulaire, immunosuppression, SIDA... -et/ou non immunologiques (hormones, médicaments tels qu ’antidépresseurs, AB..., déséquilibre alimentaire(saccharose), toxicomanie, hyposialie.... Historique du concept de plaque : Plaque non spécifique : Miller en 1890 pense que la plaque a un rôle étiologique dans la carie mais sans distinguer les espèces impliquées. Loe, 1965 fait une expérience sur des étudiants : il leur demande de ne pas se brosser les dents pendant plusieurs jours et constate l’apparition d’une gingivite. Plus la plaque s’accumule plus il y a inflammation et si on supprime la plaque, l’inflammation disparaît. Dans ce concept c’est l’accumulation de plaque qui entraîne la pathologie et son élimination suffit à prévenir la maladie. Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 87 Plaque spécifique : Dans les années 70, avec l’amélioration des techniques de cultures bactériennes, d’identification des espèces..., Socransky, Slots et Loesche se rendent compte que la flore d’une gencive saine est différente de celle d’une gingivite qui est différente de celle d’une poche parodontale. Listgarten découvre la présence de bactéries mobiles dans les sites pathologiques. Loesche en 76 propose le concept de plaque spécifique : caries et MP sont le résultat d’infections bactériennes spécifiques et 3 types de plaque sont décrits : cariogène, parodontopathique, compatible avec l’état de santé dentaire et parodontal. Dans cette hypothèse spécifique, certaines espèces sont responsables de la pathologie et la stratégie préventive consiste à éliminer spécifiquement certains agents bactériens et non la plaque elle- même. Concept actuel : concept de plaque écologique : actuellement on considère que caries et MP sont des maladies infectieuses, dues à des bactéries opportunistes (cariogènes, parodontopathiques), et qu'elles sont le résultat d'un déséquilibre de l'écosystème buccal. Ces bactéries pathogènes opportunistes (BPO) sont présentes, mais en petit nombre,chez la plupart des individus. En petit nombre ces pathogènes ne sont pas compétitifs avec le reste de la flore. Pour entraîner la maladie, il faut qu'ils deviennent dominants. Le développement de ces BPO va dépendre de la réponse de l’hôte (facteurs internes et environnementaux) à l’agression des bactéries. Pour cela il faut des changements dans l'environnement local et l'imposition d'une forte pression de sélection qui pourrait favoriser leur croissance. Caries, maladies parodontales (MP) et péri-implantaires (MPI) sont des maladies polymicrobiennes et multifactorielles et on peut schématiser les relations Hôte-Bactéries dans la cavité buccale de la façon suivante : d’un côté l’agression bactérienne, de l’autre, la réponse de l’hôte, modulée par un certain nombre de facteurs que l’on peut diviser en 2 grands groupes : - Facteurs internes : Hérédité (denture : résistance de l’émail, encombrement, salive..) : prédisposition génétique, facteurs hormonaux, immunitaires, Etat physiologique (adolescent, femme enceinte, vieillissement), Etat de santé général (maladie, traitements, certaines conditions systémiques comme neutropénie, diabète, maladie de Crohn, colites ulcéreuse, sida...), qui altèrent le système immunitaire et/ou entraînent hyposialie/xérostomie. - Facteurs environnementaux : o Habitudes de vie : habitudes alimentaires et modes de consommation (nature des sucres, fréquence d’ingestion, quantité, boissons sucrées, acides, façons de les ingérer/laissées en bouche pour enlever les bulles, boissons des sportifs, troubles alimentaires (boulimie, anorexie...), dépendances = toxicomanie, tabagisme, alcoolisme). Hygiène buccale : qui peut être gênée par ODF, handicap, malpositions/encombrement, restaurations iatrogènes. o Environnement professionnel : pâtissier qui goûte ou respire les poussières de sucre, environnement acide, natation/piscine... o Stress social Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 88 Tous ces facteurs peuvent agir les uns sur les autres et rendre les sujets à haut risque carieux ou parodontal I. Définition de la maladie carieuse Maladie infectieuse due aux bactéries cariogènes du biofilm dentaire, qui vont détruire progressivement les tissus dentaires et conduire à la lésion clinique : la lésion carieuse. Elle survient dans les sites où le biofilm peut se développer, qui sont peu accessibles à l’hygiène, à la salive et à l’auto-nettoyage par la mastication : sillons dentaires, sillons gingivo-dentaires, faces proximales. II. Types de lésions carieuses a. Lésion initiale Elle touche l’émail ou le cément (chez la personne âgée essentiellement lors de récessions gingivales). Elle peut être active ou inactive. i. Lésion initiale active La lésion carieuse initiale active, c’est la phase aiguë de la maladie, on parle de lésion à progression rapide. La lésion amélaire active est soit de couleur orangée soit de couleur blanche crayeuse. Cette tache blanche (white spot) ne doit pas être confondue avec une fluorose débutante. Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 89 De même, la lésion cémentaire active, d’une couleur jaune à brun clair, ne doit pas être confondue avec une fluorose sévère (toute la surface et plusieurs dents). Ces lésions actives sont en général recouvertes d’un biofilm ii. Lésion initiale inactive : lésion à progression lente : phase chronique de la maladie La lésion carieuse initiale peut être inactive, c’est la phase chronique de la maladie, on parle de lésion à progression lente, de carie arrêtée. En effet, la carie ralentit, voire s’arrête, si les facteurs d’agression (biofilm) sont éliminés. L’émail peut retrouver sa translucidité ou bien la lésion se manifeste par une tâche brune « brown spot » dure (cette coloration provient de pigments salivaires et/ ou du biofilm) Les lésions cémentaires sont brun foncé à noires. Leurs surfaces lisses, dures ressemblent aux lésions d’érosion/abrasion : - Lésion d’érosion dues à une action chimique acide (boissons acides, fruits acides, médicaments acides par voie buccale, régurgitations ou vomissements acides lors de grossesse, ou d’anorexie/boulimie) ou - Lésion d’abrasion mécanique (brossage horizontal par un dentifrice abrasif) sans intervention bactérienne. Le critère différentiel est l’absence de plaque sur ces lésions acquises. iii. Diagnostic différentiel avec une fluorose La fluorose se présente sous la forme d’une lésion dyschromique et structurale des tissus durs de la dent (émail, dentine, cément). Elle fait suite à une ingestion chronique de dose toxique de fluor (> dose optimale) pendant les années de formation des dents temporaires et permanentes au cours de la minéralisation dentaire (0-8ans). La sévérité des lésions dépend de la durée d’exposition, de la dose et de la susceptibilité individuelle. Les stigmates apparaissent diffus et l’atteinte est symétrique. Elle est caractérisée par : - Des tâches blanchâtres, ternes, opaques au niveau de l’émail - L’émail peut être strié, moucheté ou grêlé - L’émail est coloré du jaune au brun noir selon la sévérité de l’intoxication - Dans les cas les plus sévères il y a présence de puits et de larges zones d’hypoplasies qui transforment la morphologie dentaire. Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 90 Pour affiner le diagnostic de fluorose dentaire il faut rechercher : - Si le patient a eu plusieurs sources de fluor (alimentation/sel, boissons fluorées, traitement) - Si le patient a habité une zone d’endémie - Si les lésions dentaires sont symétriques - Si la sévérité des lésions augmente avec la chronologie d’éruption des dents. iv. Diagnostic différentiel avec d’autres dyschromies : amélogenèse imparfaite, syndrome MIH, hypoplasie, nicotine, cyclines Le diagnostic différentiel se fait avec d’autres dyschromies : - l’amélogenèse imparfaite (anomalie héréditaire touchant les 2 dentures) - une hypoplasie (défaut quantitatif d’émail : taches blanches ou brunes suite à un traumatisme...) - autres : nicotine, cyclines (patient traité par tétracyclines pour acné) - syndrome MIH (hypominéralisation incisives molaires - molar incisor hypomineralisation), Les molaires et incisives présentent des défauts au niveau la translucidité de l’émail. Les contours de ces opacités sont bien délimités et peuvent présenter différentes colorations : blanches, jaunes, brunes, selon lʼintensité de lʼatteinte. Cet émail étant plus fragile, il a tendance à se déliter sous les forces masticatrices. Cela entraîne une mise à nue de la dentine, cʼest pourquoi ces dents présentent généralement, en association, des lésions carieuses importantes. L’étiologie de ces MIH n’est pas complètement expliquée : ce serait un trouble survenant entre la fin de la grossesse et les 4 premières années de l’enfant (pendant l’édification de l’émail). La MIH pourrait être causée par des situations d'hypoxie périnatale (durée d’’accouchement prolongée, césarienne, naissance prématurée ou gémellaire), mais aussi par des situations d'hypoxie post-natale, en particulier lorsque l'enfant est sujet à des pathologies respiratoires durant les 4 premières années de sa vie. De plus, l'exposition à des xénobiotiques tels l'amoxicilline, le bisphénol A ou encore les dioxines comme la TCDD, augmentent de façon significative le risque de développement de MIH chez l'enfant. b. Lésion dentinaire Si les facteurs pathogènes ne sont pas éliminés, la lésion progresse vers la dentine, sans atteindre encore la pulpe. Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 91 III. Pathogénie de la carie dentaire La lésion carieuse résulte : - Dʼune acidogenèse : déminéralisation de la trame minérale de la dent par les acides bactériens, et - De la dégradation de la trame organique par les enzymes bactériens a. Acidogenèse : déminéralisation de la dent Solubilisation des cristaux d’hydroxyapatite de l’émail, du cément, de la dentine par des acides d’origine bactérienne (B cariogènes du biofilm dentaire) Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 92 i. Origine des acides bactériens Ils sont dus au métabolisme des glucides fermentescibles de l’alimentation (sucres pouvant être fermentés par les bactéries cariogènes du biofilm) et à l’hydrolyse des polysaccharides intra et extra-cellulaires. Pénétration des sucres dans la bactérie - Direct : les monosaccharides (glucose, fructose, galactose) et les disaccharides (saccharose, lactose, maltose) peuvent être utilisés directement par les bactéries du biofilm - Indirect : les amidons (polysaccharides) sont d’abord transformés en maltose et glucose par l'amylase salivaire Mécanismes de transport des sucres selon les conditions environnementales Si abondance de sucres dans l’alimentation, mise en jeu d’un système de transport actif nécessitant des protéines de transport (perméases) et de l’ATP (provenant de la glycolyse). Si rareté des sucres dans l’alimentation, mise en jeu d’un système de transport PTS (phosphotransférase). Le sucre est relâché à l’intérieur de la bactérie sous forme de sucre- phosphate. L’énergie nécessaire et le phosphate proviennent du PEP (phosphoénol-pyruvate / glycolyse). Pour les streptocoques du groupe mutans (S. mutans, S. sobrinus) il existe en plus du système PTS, un système de transport métabolisme multisucre (Msm) permettant de faire entrer dans la bactérie des sucres plus rares que les oses communs (mélibiose, raffinose, isomaltose retrouvés dans les miels). Devenir des glucides intracellulaires Dès que les glucides sont à l'intérieur de la cellule bactérienne, ils sont soit : - Immédiatement métabolisés par la voie de la glycolyse afin de fournir de l'énergie à la bactérie. Les produits terminaux résultant de cette glycolyse sont variés du fait de la présence d’espèces bactériennes différentes. Leur proportion dépend de la quantité de sucres disponibles et du pH et de la pression en oxygène. Streptocoques et lactobacilles, dans des conditions d’abondance de sucre et d’anaérobiose, sont des homofermentaires lactiques. L’acide lactique représente 90% des métabolites terminaux. S’il y a rareté d’un nutriment (sucre), un pH alcalin ou des conditions d’aérobiose, ces bactéries adoptent un métabolisme de type hétérofermentaire. Ils produisent en plus de l’acide lactique des acides acétique, propionique, formique et de l’alcool éthylique. - Mis en réserve sous forme de polysaccharides intracellulaires, généralement de type glycogène, s’ils sont en excès. Les micro-organismes de la plaque, en particulier S. mutans, ne transforment pas en acides la totalité des sucres disponibles. Ces polysaccharides servent de réserve intracellulaire énergétique qui pourra être utilisée en cas d'absence de sucres exogènes Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 93 Saccharose : 90% pénètre directement dans la bactérie et 10% est transformé - Soit en glucose + fructose par une invertase. - Soit en PSEC qui seront stockés à l'extérieur de la cellule : § Leur biosynthèse est catalysée par des enzymes constitutives, glycosyltransférase (GTF) et fructosyltransférase (FTF), qui sont soit larguées dans le milieu par les bactéries, soit maintenues à la surface des bactéries. Ces polysaccharides extracellulaires (PSEC) sont de 3 types : - PSEC insolubles (glycanes insolubles = mutanes) : ce sont des facteurs de virulence qui constituent pour une large part la matrice inter bactérienne. Ils adhèrent à la surface de la dent et participent à l'agrégation inter bactérienne. Ce sont aussi des facteurs de rétention des acides au contact des dents et qui empêchent la salive de pénétrer (perte du pouvoir tampon). - PSEC solubles = glycanes solubles = réserve énergétique extra-cellulaire. - Fructanes : homopolymères de fructose, macromolécules hydrosolubles. Ils contribuent à la survie des micro- organismes de la plaque car, en période de disette, ils servent de réserve énergétique extracellulaire. Hydrolyse des polysaccharides intracellulaires et extracellulaires Quand les glucides exogènes sont absents et que les bactéries ont besoin d’énergie pour se multiplier : - PSIC (PS de réserve = glycogène) : dépolymérisés/glycogène-phosphorylase -> Glucose - > catabolisé / voie glycolytique ->énergie + acides Les PSIC (réserve énergétique intracellulaire) peuvent être dépolymérisés par une glycogène- phosphorylase qui va donner du glucose. Ce glucose par glycolyse intra-cellulaire va donner de l’énergie aux cellules et produire des acides. Chez l’homme, le nombre de caries serait proportionnel à la teneur du biofilm en PSIC. Cela s’explique par la production prolongée d’acides, même en l’absence de sucres dans l’alimentation. Cela entraîne la mise en place d’une pression écologique sélective en faveur des bactéries aciduriques (lactobacilles et actinomyces). - PSEC : hydrolysés par des enzymes inductibles d’origine bactérienne : Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 94 Les PSEC (réserve énergétique extracellulaire) peuvent être dégradés par des enzymes inductibles d’origine bactérienne : § il y a induction chez S.m d'une fructanase qui hydrolyse les fructanes en fructose qui peut être catabolisé à des fins énergétiques par glycolyse intracellulaire entraînant ainsi le maintien d'un environnement acide. Fructane hydrosolubles / fructanases => fructose => énergie + acides § les glycanes solubles sont hydrolysés par une glycane-hydrolase en glucose qui par glycolyse intra-cellulaire va donner de l’énergie à la cellule et produire des acides. Glycanes solubles / Glycane-hydrolases => glucose => énergie + acides Résumé sur les origines des acides - Sucres fermentescibles de l’alimentation / glycolyse - Hydrolyse des PSIC et PSEC si disette ii. Mécanismes de déminéralisation/reminéralisation des tissus durs Déminéralisation de lʼémail : Les acides organiques (H+) bactériens vont abaisser le pH à l’interface biofilm-émail => une déminéralisation de l’émail si le pH devient critique (< 5,5). Les ions acides (H+) pénètrent profondément à travers les structures de l’émail de surface (ou du cément) et entraînent la dissolution du calcium et du phosphate de l’hydroxyapatite. Hydroxyapatite + H+ => Ca2+ + PO43- Le biofilm et la salive sont alors saturés en ions calcium et phosphates. Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 95 Reminéralisation si le pH remonte : Il y a diminution des acides quand les glucides exogènes sont épuisés. Le pH remonte quand les acides résiduels sont progressivement éliminés, dilués et/ou neutralisés. Des éléments de la salive et des bactéries y contribuent. Quand l’acidité diminue, l’homéostasie salivaire* permet aux ions calcium, phosphates et fluor provenant de la salive de regagner l’émail superficiel et de précipiter => reminéralisation de la surface. *Homéostasie salivaire = stabilisation des constantes physiologiques. Éléments en faveur de la reminéralisation Les éléments en faveur de la reminéralisation proviennent de la salive et des bactéries - Salive : Le flux salivaire élimine les résidus alimentaires, les bactéries non adhérées et dilue les acides résiduels. La clairance = coefficient d’épuration, l’aptitude de la salive à diluer, à éliminer les acides. Le pouvoir tampon de la salive va neutraliser les acides : carbonates, phosphates, urée. La teneur en calcium et phosphates aide à la reminéralisation. Les IgAS neutralisent les bactéries. Les molécules antibactériennes lactoferrine, lysosyme, lactopéroxydase, mucines...agissent sur les bactéries. - Bactéries : Les métabolites alcalins (amines, ammoniaque) provenant du catabolisme des protéines, peptides, urée, composés azotés, neutralisent les acides. Les bactériocines comme les sanguicines produites par S. sanguinis empêchent la croissance de S. mutans. Les acides forts (acide lactique) sont transformés en acides plus faibles par des veillonelles (acides propionique, acétique...). La lésion se développe en dessous de l’émail superficiel : Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 96 La partie minérale en surface devient moins poreuse que la lésion de subsurface car la salive est sursaturée en calcium et phosphates. La surface de l’émail est apparemment intacte. Elle est plus résistante aux acides car très minéralisée (1000 fois moins soluble que l’émail de subsurface) avec une forte teneur en fluor. De plus, la PEA retarde la déminéralisation et sert de réservoir aux ions phosphates, calcium et fluor. Le phénomène de déminéralisation- reminéralisation est idem pour l’émail, le cément et la dentine. La déminéralisation de la zone de subsurface peut diminuer : ne pas restaurer un sillon qui peut se reminéraliser Ne pas ignorer une carie mais pas de sur-traitement Mais, si les facteurs d'agression (biofilm cariogène) ne sont pas éliminés et que les facteurs de défense salivaires et bactériens ne suffisent plus, la carie progresse dans la dentine. Après invasion de l’émail ou du cément, les micro-organismes envahissent la dentine La lésion dentinaire : Le processus de destruction des dentines coronaires et radiculaires est similaire. Les micro-organismes atteignent la dentine après invasion de l'émail ou du cément. La déminéralisation (solubilisation des cristaux d'HA) de la dentine péritubulaire, puis intertubulaire par les acides bactériens aboutit à un élargissement des tubules qui va permettre une invasion bactérienne. Sur la photo : différents stades de déminéralisation depuis (1) la lésion initiale (white spot) que l’on peut reminéraliser (tooth mousse - crème au phosphate et calcium bio-disponibles pour applications topiques) ou traiter par des résines jusqu’à la (4) cavitation (étape critique et irréversible). La carie progresse plus rapidement dans la dentine que dans l'émail, car : - C’est un tissu moins minéralisé, (70% / 98%) - Perméable à cause des milliers de tubules qui le traversent. Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 97 - Contrairement aux surfaces amélaires, les surfaces dentinaires ne sont pas en contact permanent avec la salive qui peut neutraliser les acides bactériens, et sont peu accessibles au brossage, ce qui favorise le développement du biofilm dentaire. b. Dégradation de la trame organique par les enzymes bactériens La trame organique (protéines, lipides...) est détruite par : - Enzymes bactériens : collagénases, hyaluronidases - Enzymes présents dans la dentine et libérés par la déminéralisation : métalloprotéases matricielles (MMP-2, MMP-20...) A ce stade : - Soit il y a reminéralisation des tubules et formation d’une dentine réactionnelle (barrière biologique qui s’oppose à l’entrée dans la pulpe des MO, leurs toxines et acides). - Soit il y a atteinte pulpaire (les cellules odontoblastiques et leurs prolongements sont détruits). Écosystème buccal et dysbiose – Cours FGSO2 2024-2025– Pr Carrouel 98