Summary

Ce document traite des effets potentiels de l'introduction de l'IA dans l'économie, en se basant sur l'exemple historique du métier à tisser. Il explore les conséquences de l'automatisation sur l'emploi et les salaires, ainsi que l'impact de la révolution industrielle sur la société.

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Economie et IA Partie I. A partir des documents fournis et de vos recherches personnelles répondez aux questions suivantes: 1. En quoi l'introduction du métier et ses conséquences sur les sociétés nous informent-elles sur les effets potentiels de l’IA ? Acemoglu et Johnson (2024) ob...

Economie et IA Partie I. A partir des documents fournis et de vos recherches personnelles répondez aux questions suivantes: 1. En quoi l'introduction du métier et ses conséquences sur les sociétés nous informent-elles sur les effets potentiels de l’IA ? Acemoglu et Johnson (2024) observent que l’introduction du métier à tisser a eu des effets inattendus et contre-intuitifs sur l’emploi et les salaires. Et cela s’explique par l’ambigüité de l’impact d’une hausse de la productivité sur le secteur. En effet, l’automatisation que représente le métier à tisser entraine mécaniquement une hausse de la productivité des travailleurs, c’est-à-dire de leur ef cacité à produire. Par conséquent, on aurait pu s’attendre à ce que les salaires augmentent, poussés par un meilleur pouvoir de négociation des travailleurs et une demande croissante des entreprises, capables de stimuler la demande de tissus par une baisse des prix. Mais cet effet est contrebalancé par une baisse de la demande de tisserands, en partie remplacés par les métiers à tisser. Ce qui fait pression sur les salaires. L’effet net dépend alors de l’impact relatif de ces deux mécanismes. Comme l’expliquent les auteurs, à court terme, l’effet de substitution l’a emporté, et les salaires ont baissé dans le secteur textile. Mais à plus long terme, la baisse des coûts de production, qui a rendu possible une baisse des prix, a permis d’augmenter les volumes vendus et donc produits, ce qui a entrainé une stabilisation des salaires du secteur. Et dans le même temps, la possibilité d’obtenir un bien – le textile – utilisé comme ressources intermédiaires dans d’autres secteurs, a dynamisé ces secteurs qui ont alors été contraints, pour pouvoir embaucher, d’augmenter les salaires. Cette trajectoire éclaire sur les effets attendus de l’introduction de l’IA dans l’économie car, comme le métier à tisser, l’IA va permettre d’automatiser certaines tâches, créant dans un premier temps un effet de substitution qui pourrait augmenter la productivité tout en réduisant les salaires avant de créer une baisse des coûts dans un ensemble plus vaste de secteur qui viendrait augmenter leur productivité et in ne se répercuter, à la hausse, sur les salaires. 2. Pourquoi les tisserands ont-ils vu leurs revenus diminuer suite à l'apparition du métier à tisser? N'auraient-ils pas dû s'enrichir puisque la productivité du secteur a augmenté ? Les tisserands ont simultanément vu leur productivité augmenter – grâce à l’automatisation de certaines tâches – et leur rôle se réduire – un tisserand pouvant produire davantage grâce au métier à tisser qu’il ne le pouvait auparavant. Dans ce contexte, si la productivité augmente fortement et que la machine permet de remplacer un grand nombre d’emplois, les employés restants ne sont pas en mesure de négocier des salaires plus élevés, et le gain de productivité est « capté » par l’industrie sans se répercuter sur les salariés. Mais, comme l’expliquent Acemoglu et Johnson, cet effet a été transitoire : la mobilité des travailleurs s’est traduite par une baisse relative de l’offre d’emploi dans le textile – et donc une stabilisation des salaires – tout en répondant à une demande de travail croissante dans des secteurs utilisant le textile comme facteur de production. 3. Si le métier à tisser fut néfaste pour les tisserands et sans effet sur les revenus des autres travailleurs, comment expliquer que la Révolution Industrielle qui a suivi ait eu des effets positifs sur la majorité de la population ? A court terme, les salaires ont bien diminué dans le secteur textile sans pour autant affecter ceux des autres secteurs. On pourrait donc conclure à un effet net négatif de l’introduction du métier à tisser. Pour autant, comme l’explique Schumpeter, cette déstabilisation de l’activité qu’entraine l’introduction d’une innovation technique ou organisationnelle, entraine une réorganisation dans tous les secteurs. Le secteur innovant se transforme, et les baisses de coûts, de prix, d’emplois et de volume qui découlent de l’innovation vont se propager aux secteurs qui interagissent avec celui-ci et de proche en proche affecter toute l’économie. Dans le cas du métier à tisser, la baisse des coûts et la plus grande capacité de production a permis de satisfaire une demande plus grande chez les fabricants de vêtements, les imprimeurs, les producteurs de cartes, les producteurs de voile, autorisant ces secteurs à réduire leurs coûts et répondre à une demande encore non satisfaite. L’innovation rend ainsi plus ef cace la structure productive d’une économie : produire davantage à facteurs de production constants. Et au-delà, les ressources libérées vont être mobilisées par des entrepreneurs pour produire de nouveaux services et de nouveaux biens, prolongeant ainsi le cycle de croissance. fi fi fi Partie II. A partir des documents fournis et de vos recherches personnelles, répondez aux questions suivantes: 1. Quels sont les types de métiers qui verront leur productivité augmenter le plus grâce à l’IA? Brynjolfsson et Li (2024) observent que quels que soient les métiers, ce sont les employés les moins expérimentés qui béné cient le plus des IA génératives. Ainsi, les gains de productivité dépendent du moment où l’employé sera en mesure d’utiliser une IA. Plus il le fait tôt dans son apprentissage, plus l’IA est en mesure de s’adapter et de détecter des schémas d’apprentissage favorisant son acquisition de compétences et de connaissances. Au-delà de cet effet fondamental, les articles de vulgarisation mettent en évidence le fait que l’IA est très ef cace lorsqu’il s’agit d’effectuer des tâches supervisées, répondant à un processus clair et séquencé – algorithmique – et ne nécessitant pas une compréhension de principes et d’idées implicites ou dif ciles à formuler. Cela implique que les métiers ayant recourt à ce type de tâches pourront connaître une forte croissance de leur productivité, à condition qu’ils ne soient pas uniquement cantonnés à ces tâches spéci ques, sans quoi, ils seront simplement remplacés par l’IA. On peut donc s’attendre à d’importants gains de productivité pour les métiers dont ces tâches représentent des activités annexes et qui, en les externalisant, pourront se concentrer sur leur cœur d’activité. On pense notamment aux artisans, aux métiers de services, mais aussi aux métiers de conseils et de stratégie. En ajoutant à cela le fait que les IA sont en mesure « d’halluciner », il est évident que de grands bouleversements auront aussi lieu dans les domaines de la production culturelle et créative. Avec ici des effets contradictoires : l’IA permettra à des petites structures, voire des individus seuls, de concurrencer de grandes entreprises dans le domaine de la publicité, du cinéma, de l’infographie ou de la musique ; mais elle entrainera aussi le remplacement de certains métiers spéci ques au sein de ces industries. 2. Quels sont les apports prévisibles de l’IA? Par les gains de productivité qu’elle génère l’IA va avoir trois effets majeurs : - Augmentation de la concurrence : En permettant d’internaliser des tâches auparavant externalisées à prestataires coûteux, l’IA va permettre à des entrepreneurs de se concentrer sur le cœur de métier et de produire davantage à un coût plus faible. Le boulanger pourra par exemple suivre en temps réel ses ventes et optimiser ses achats en fonction ; l’artisan pourra effectuer sa comptabilité et ses bilans sans recours à un tiers et chacun pourra utiliser l’IA pour produire un site internet et effectuer des missions de communication. De même, l’IA pourra fournir des éléments d’information sur les domaines nanciers, juridiques, comptables ou économiques. Dès lors, ceux qui utiliseront l’IA seront plus productifs, ce qui renforcera la concurrence et pourrait s’accompagner d’une baisse des prix. Par ailleurs, la possibilité pour un bon utilisateur d’IA d’effectuer un grand nombre de tâches techniques seuls va entrainer une baisse des coûts d’entrée sur des secteurs jusqu’à présent fortement concentrés et intensifs en main d’œuvre. Autrement dit, de petites structures vont pouvoir concurrencer des grosses entreprises. - Réduction de la demande d’emplois supervisés, algorithmiques et sans relation directe au client nal : Le recours à l’IA pour assurer ces tâches va entrainer une baisse de la demande de travail pour un ensemble important de métiers qui se situent dans ce qu’on pourrait appeler le « middle management » (comptable, mais pas expert-comptable ; formaliste mais pas avocat ou juriste ; secrétaire et assisant de direction ; graphiste, vendeur à distance). Aussi, ce sont des métiers considérés comme plutôt protégés qui vont être le plus impactés par l’arrivée de l’IA. Au-delà, certains métiers fondés sur des logiques de blockbusters – où une petite part des emplois attirent la majorité des ressources – vont être encore plus concentrés. Qu’on pense notamment aux acteurs : l’IA permettant de reproduire le jeu, la voix et l’apparence d’un acteur favorisera une ubiquité qui permettra aux acteurs les plus demandés de jouer dans davantage de production, réduisant d’autant la demande pour les acteurs moins demandés. - Création de nouveaux produits, voire de nouveaux secteurs : Il s’agit de l’effet le plus prometteur, mais aussi du plus dif cile à quanti er et à prévoir. L’IA étant fondée sur une logique différente de l’esprit humain, pourrait, si elle est bien utilisée, favoriser la production d’idée radicalement innovante et donner lieu à de nouvelles productions. Dans une moindre mesure, l’IA facilite déjà la découverte de phénomènes qu’un cerveau humain ne peut observer ni comprendre. A titre d’exemple, l’analyse statistique des mutations de l’ensemble des gènes sur un brin d’ADN permet de prédire l’apparition de certaines pathologies et la modélisation en 3D de protéines permet de simuler les réponses à un ensemble de traitements à une vitesse très rapide et pour un coût relativement faible. La conjonction de ces deux phénomènes va donc inévitablement favoriser l’apparition d’une médecine prédictive ef cace, fondée il est vraie sur des raisonnements statistiques qui rendront l’explication causale entre un phénomène, une pathologie et un traitement beaucoup moins évident que dans la médecine traditionnelle. Ce que Chris Anderson décrivait comme « la n de la théorie » dans on célèbre article publié dans Wired le 23 juin 2008. fi fi fi fi fi fi fi fi fi fi fi Partie III. A partir des documents fournis, de vos recherches personnelles et de vos propres ré exions, répondez aux questions suivantes: 1. Pourquoi peut-on af rmer que les systèmes de génération de contenus (LLM) sont des technologies à usage universel (GPT)? Eloundou et al (2023) rappellent qu’une technologie à usage universel (General Purpose Technology) est une technique qui peut être utilisée dans un ensemble très vaste de domaine pour assurer un grand nombre de tâches. Autrement dit, ce qu’on nomme une technologie à usage universel, toujours a posteriori, est un changement technique qui modi e en profondeur la façon de produire, de travailler, et ouvre la voie à l’apparition de nouveaux débouchés. A titre d’exemple, le travail animal, la roue, le moulin, la machine à vapeur ou encore l’horloge peuvent être considérés comme des technologies à usage universel, car elles ont marqué une véritable révolution dans les façons de produire de l’énergie, de fabriquer des biens ou d’organiser les activités. Au fond, elles entrainent toujours un bouleversement qui va au-delà de l’activité économique pour laquelle elles avaient été conçues et nissent par transformer les relations humaines dans leur ensemble. (A cet égard, Michel Serres rappelait que la première technologie à usage universelle est sans doute la libération de la main qui a suivi la bipédie, permettant simultanément de créer des objets mais aussi de dégager le larynx et de permettre l’apparition du langage). L’IA générative peut donc être considérée comme une technologie universelle car son rôle n’est pas cantonné à certaines fonctions mais limité uniquement par la créativité humaine. Les modèles de langage (LLM) peuvent en effet servir à automatiser certaines tâches, à optimiser les ux économiques et logistiques, à créer des applications, à produire des textes et des images, à synthétiser de l’information, à simuler des essais cliniques ou à modéliser des phénomènes complexes tels que les évolutions du climat ou les mutations urbaines. De la recette de cuisine à la création d’une bombe, l’apport de l’IA générative semble presque sans limite. 2. Quels sont les types d'emplois les plus menacés? En quoi est-ce une nouveauté par rapport aux précédentes innovations et révolutions techniques? Quelles implications cela a-t-il sur le plan de la formation et de l'accompagnement des travailleurs présents et futurs? Frey et Obsorne (2017) estiment que les emplois les plus susceptibles d’être remplacés par l’IA se trouvent dans les secteurs des services, de la vente et des fonctions supports (backof ce et administratif). Il s’agit là d’une nouveauté par rapport aux précédentes révolutions techniques qui avaient principalement bouleversés les métiers manuels. Cela s’explique par le fait que les révolutions passées touchaient à la façon de produire de l’énergie ou d’exécuter des tâches physiques. C’était le muscle qui était visé. D’où l’idée, bien ancrée dans l’inconscient collectif, que la machine menace les métiers manuels et que ceux-ci sont simultanément les plus exposés et ceux ayant le moins de valeur. Avec l’IA, c’est l’intellect qui est visé. Autrement dit, ce sont d’abord des métiers des industries de services qui vont être impactés. Or, il s’agit de métiers très demandés et pour lesquels sont formés un très grand nombre de personnes dans la plupart des pays développés. L’arrivée de l’IA va donc nécessiter de former un important cortège de gens diplômés pour lesquels aucune mesure d’accompagnement n’avait été prévue. 3. Quel a été l'impact sur l'emploi du changement technologique apparu entre dans les années 1990? Quelles leçons en tirer quant à l'introduction des systèmes de génération de contenus? Gregory et al (2022) montrent que la démocratisation de l’ordinateur et d’internet ensuite a mis du temps avant de porter ses fruits. Au cours des premières années, la multiplication des ordinateurs ne s’est pas accompagnée d’une augmentation de la productivité ni d’une évolution des salaires. Raison pour laquelle le Nobel d’économie Robert Solow disait à leur propos : « on voit des ordinateurs partout sauf dans les indicateurs de productivité ». Ce paradoxe s’explique en réalité par le fait qu’il faut un certain temps pour former les individus à l’utilisation des nouvelles techniques et que pendant cette période, les dépenses augmentent – formation et achats de matériel – ce qui peux avoir, à court terme, un effet négatif sur la productivité et les salaires. Ainsi, une révolution technologique peut débuter par un re ux de la croissance avant que la vague ne se propage. Et c’est ce qu’observent Gregory et al (2022) : après plus d’une décennie, la révolution numérique a eu un effet positif sur la productivité et les salaires, le nombre d’emplois a augmenté dans l’ensemble des pays ayant adopté ces techniques et il y a bien eu un effet positif sur la croissance. Cette analyse est très utile dans le cas de l’IA car elle permet de nuancer les craintes mais aussi de prévoir les déceptions à venir. Il est probable que l’IA mettra un certain temps avant de produire ses effets sur la productivité, les salaires et la croissance et elle pourrait même entrainer un ralentissement de l’activité à court terme. Mais cela ne doit pas amener à conclure qu’elle n’aura pas d’effet positif à moyen terme et que pour en béné cier au mieux il faut s’y préparer immédiatement. Autrement dit, ce que nous apprend l’histoire des révolutions techniques c’est que nous surestimons toujours les effets d’une innovation à court terme et sous- estimons ces effets positifs de long terme. fi fl fl fi fi fi fi fl

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