Correction TD 1 DIP PDF 2024-2025

Document Details

UnselfishRosemary7711

Uploaded by UnselfishRosemary7711

Faculté de Droit

T. Lardeux

Tags

international public law international legal studies law studies legal research

Summary

This document provides an outline for a session on introduction to international public law. It discusses evaluation procedures, the structure of the joute, and the subject of the dissertation. The document also covers the definition of international law, including a discussion on public v. private international law.

Full Transcript

Travaux dirigés DIP I 2024-2025 T. Lardeux Séance 1 : Introduction au droit international public L’ordre juridique international Google Group : https://groups.google.com/g/dip-i-2024-2025 Nom...

Travaux dirigés DIP I 2024-2025 T. Lardeux Séance 1 : Introduction au droit international public L’ordre juridique international Google Group : https://groups.google.com/g/dip-i-2024-2025 Nom google groupe : DIP I 2024 2025 Mail : [email protected] Modalités d’évaluation durant le semestre - Une interrogation (coeff. 1) pendant une séance. Vous serez prévenus. - Une joute (coeff. 1) - Un galop d’essai (coeff. 2) avec sujet au choix entre une dissertation et un cas pratique. - Possible pondération, à la hausse ou à la baisse, de la moyenne obtenue en TD en fonction de votre implication (participation, sérieux du travail, assiduité, etc.). Déroulement de la joute A chaque séance deux binômes « s’affronteront », il vous est demandé par binôme de défendre une position, soit le pour et le contre d’un débat, soit les prétentions d’un Etat en fonction du sujet. La joute dure 20 minutes : - 8 minutes pour que le premier groupe présente ses arguments - 8 minutes pour que le second groupe présente ses arguments - 2 minutes de réplique pour que le premier groupe réponde aux arguments du second - 2 minutes de duplique pour le second groupe réponde à la réplique du premier groupe Sujet de dissertation : « Selon Kelsen (doc. 1), « le droit international général présente (...), sur tous les points essentiels, les caractéristiques d'un ordre juridique primitif ». Qu’en pensez-vous ? » Au regard de l’énoncé du sujet, deux questions doivent immédiatement vous venir à l’esprit : (1) Qu’est-ce que le droit international ? (2) Qu’est-ce que le caractère primitif d’un droit ou d’un ordre juridique ? I. La définition du droit international Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux Droit international Le droit international peut se définir comme « l’ensemble des normes et des institutions destiné à régir la société internationale » (P.-M. DUPUY, Y. KERBRAT, Droit international public, DALLOZ, 2020, 15ème édition, p. 1). Pendant longtemps, le droit international était uniquement conçu comme le droit régissant les relations entre les Etats, le droit interétatique. En 1927, la Cour permanente de Justice internationale (CPJI) dans l’affaire du Lotus affirmait par exemple que « le droit international régit les rapports entre des États indépendants » (CPJI, arrêt, 7 septembre 1927, Affaire du « Lotus » (France c. Turquie)). La société internationale a évolué et n’est plus uniquement interétatique. Les Etats ne sont plus les seuls sujets de droit, il y a aussi les organisations internationales (OI). De plus d’autres acteurs ont pris de l’importance sur la scène internationale et sont concernés par le droit international : les personnes privées, les ONG, les multinationales (voir notamment document 6 : A. PELLET, « Le droit international à la lumière de la pratique : l’introuvable théorie de la réalité », RCADI, 2021, vol. 414, p. 1-547, p. 84). Droit international public, droit international privé et droit transnational La distinction entre droit international public et privé repose sur une différence d’objet. Ainsi le droit international public régit principalement les rapports entre Etats alors que le droit international privé s’intéressera aux rapports entre les personnes privées, physiques comme morales, pourvu qu’il existe un élément d’extranéité dans ce rapport. Cet « élément d’extranéité » peut être lié à la différence de nationalité entre les différents protagonistes, ou si l’événement se situe en dehors du territoire national. Exemple : c’est le droit international privé qui vient régir le mariage entre deux personnes de nationalités différentes, ou le mariage de deux personnes de même nationalité dans un Etat étranger. Le droit international privé viendra principalement régir les conflits de lois et les conflits de juridictions. La dissociation droit international public et privé a pu être critiquée, car jugée artificielle (voir notamment G. SCELLE). En outre, la prise en compte grandissante des personnes privées par le droit international public rend de plus en plus ténue la différence entre droit international public et privé. Néanmoins cette distinction existe, elle a été entérinée par la science du droit. A noter que quand on fait seulement référence au « droit international », on fait référence au droit international public. Il faut aussi distinguer le droit international public du « droit transnational ». Cette expression, conceptualisée par Philipp Jessup, renverrait en réalité au droit s’intéressant à toutes les relations qui dépassent les frontières de l’Etat. Le droit transnational intègre donc le droit international public, le droit international privé, mais aussi le droit interne à portée internationale, ainsi que les relations juridiques « internationales » nouées entre les personnes privées (comme les contrats 2 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux internationaux). Le vaste concept de droit transnational permet de rendre compte de l’encadrement juridique de l’ensemble des relations internationales, privées comme publiques. Aujourd’hui, le « droit transnational » désigne surtout les relations internationales en matière économique, entre les personnes privées (entreprises multinationales), ou entre celles-ci et les États. II. Le caractère primitif du droit international ? Il convient de s’intéresser au sens à donner au terme « primitif ». Ce dernier a deux acceptions : (1) Le terme primitif renvoie à l’état d’origine, une chose serait primitive s’il est dans son état d’origine. Dire que le droit international est primitif pourrait alors vouloir dire qu’il n’a pas réellement évolué depuis sa création. Ici, il convient de comparer le droit international d'aujourd’hui avec celui de ses origines. (2) Le terme primitif renvoie à l’absence de sophistication, à un état rudimentaire, voire lacunaire. Dire que le droit international est primitif pourrait alors vouloir dire qu’il n’a pas la même sophistication que les droits nationaux, qu’il s’agit d’un droit plus « nu ». Ici, il convient de comparer le droit international avec les autres systèmes juridiques. A. Primitif entendu comme l’absence d’évolution Origines du droit international Le droit international est en premier lieu le droit des Etats, qui en sont les sujets de droit primaires. Et pourtant les origines du droit international peuvent être trouvées avant l’avènement des Etats. Il est en effet possible de trouver dans la société pré-étatique internationale les premières traces du DI. Avant la naissance des Etats modernes (avec les Traités de Westphalie de 1648) des sociétés politiques existaient déjà sous l’Antiquité et au Moyen-Âge. Les relations entre les Empires et les Cités antiques étaient déjà régies par des formes rudimentaires de traités, des accords qui garantissaient notamment l’égalité entre les parties et le principe du caractère obligatoire des accords (pacta sunt servanda). Deux principes qui sont aujourd’hui les principes cardinaux du DIP. Le droit international continue à se définir au Moyen-Âge (conclusion de traités, relations diplomatiques). C’est véritablement à la suite des Traités de Westphalie qui redessinent l’Europe que se crée la société interétatique. Ces Traités posent le principe de souveraineté des Etats et d’égalité entre eux (souveraineté théorisée par Jean Bodin au début du XVIIème siècle). Or il faut bien comprendre que depuis la création du droit international moderne au XVIIème siècle, ce dernier n’a pas cessé d’évoluer. L’aspect évolutif du DIP serait par ailleurs une de ses caractéristiques essentielles (P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit international public, LGDJ, 2009, 8ème éd., p. 51). 3 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux Evolution du droit international L’institutionnalisation L’institutionnalisation du droit international traduit la volonté des Etats de mettre fin aux conflits les déchirant et d’assurer la paix. Au lendemain du premier conflit mondial, la Société des Nations (SDN) va être créée, cependant elle ne survivra pas à la Seconde Guerre mondiale. En 1945, c’est alors l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui va être mise en place. À partir de ce moment, les OI vont fleurir sur la scène internationale. Il peut s’agir d’organisation à vocation universelle, notamment celles créées sous l’égide de l’ONU (OMS, UNESCO, OIT, etc.). De nombreuses organisations régionales vont aussi voir le jour (CECA, Union africaine, etc.). La juridictionnalisation Historiquement, la médiation et l’arbitrage ont précédé le règlement judiciaire des différends. L’arbitrage est utilisé presque depuis l’Antiquité, et il va réapparaitre sous sa forme moderne en 1872 dans la sentence de l’Alabama (Etats-Unis c. Royaume-Uni). On se rend compte toutefois à l’époque de l’intérêt de mettre en place des juridictions internationales. En effet, un tribunal arbitral doit être créé pour chaque différend : il faut donc choisir les arbitres, la procédure, etc. Alors qu’une juridiction à l’avantage de la permanence : elle est préconstituée, existe physiquement, le droit et la procédure sont déjà établis. Il y aura plusieurs tentatives de création de juridictions qui sont demeurées infructueuses. Il y a eu la Cour de justice arbitrale, la Cour internationale des prises. Puis en 1907 est instituée la Cour de justice centre-américaine pour dix ans. Il faut véritablement attendre la création de la Cour permanente de Justice internationale (CPJI) qui se réunira pour la première fois en 1922. La CPJI disparaitra officiellement en 1946, et fera place à la Cour internationale de Justice (CIJ) conçue comme « l’organe judiciaire principal des Nations unies » (article 92 de la Charte des Nations unies). Dans les années 1950 apparaitront des tribunaux administratifs comme celui des Nations unies, de l’OIT, etc. Vont aussi apparaitre des juridictions spécialisées et/ou régionales, comme la CJCE, la Cour interaméricaine des droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’homme. C’est véritablement à partir des années 1980 qu’il est possible de parler de prolifération ou de multiplication des juridictions internationales. Il y a par exemple le tribunal international du droit de la mer (TIDM), l'Organe de règlement de différends de l’OMC (ORDOMC), les tribunaux pénaux internationaux, ou encore la Cour pénale internationale (CPI). L’apparition de nouveaux acteurs Le droit international ne peut plus uniquement être conçu comme un droit interétatique. D’une part, les Etats ne sont plus les seuls à participer à l’élaboration du droit international, les OI, mais aussi les ONG participent activement au développement du droit international (voir par exemple le droit de l’environnement et les COP). 4 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux D’autre part, les Etats ne sont plus les seuls destinataires du droit international, même s’ils demeurent les destinataires principaux. En effet, le droit international s’intéresse aux personnes privées (par exemple concernant les droits de l’homme). Le droit international reconnaît de plus en plus des droits et obligations aux individus. La société civile internationale a fait son apparition et occupe une place indéniable dans la création, mais aussi l’application du droit international. L’expansion normative Historiquement, le droit international public concernait principalement le droit de la guerre, mais depuis la seconde moitié du XXème siècle, de nombreux traités ont été adoptés concernant des matières diverses et variées. Le droit international vient s’intéresser à l’espace extra- atmosphérique, aux Fonds marins, aux droits de l’homme, à l’environnement, à l’espace numérique, etc. En conclusion, il semble difficile de dire que le droit international n’a pas évolué et se trouve toujours dans son état d’origine. Bien au contraire, le droit international s’est diversifié et s’est adapté aux évolutions de la société internationale. Il s’agit d’un « droit à réaction » qui va notamment se modifier par nécessité (document 4 : P.-M. Dupuy, « Cours général de droit international public », RCADI, t. 297, vol. 2002 (IV), p. 26 et s). Le premier sens du terme primitif semble devoir alors être écarté. B. Primitif entendu comme le manque de sophistication et les lacunes Il convient ici de s’intéresser non pas aux origines du droit international et ses évolutions, mais plutôt de chercher à savoir si le droit international et l’ordre juridique international sont lacunaires, imparfaits, ou bien encore s’ils manquent de sophistication. Hans Kelsen, dans le document 1, invoque différents arguments pour justifier le caractère primitif du droit international : (1) Kelsen explique que le droit international serait principalement un droit coutumier, et que les traités n’y auraient qu’une place secondaire. Kelsen cherche alors à mettre en avant le fait que le droit international serait principalement un droit non-écrit comme l’était le droit dans les sociétés du Moyen-Age notamment. (2) Kelsen invoque ensuite l’absence d’organes centralisés au niveau international. Il met en avant l’absence de législateur ou d’organe exécutif. Il fait de l’absence d’organes centraux presque l’unique différence entre l’ordre juridique international et les ordres juridiques internes. Kelsen met ici en avant le caractère décentralisé de l’ordre juridique international, dans lequel les Etats sont à la fois créateurs, mais aussi interprètes et destinataires des normes. 5 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux D’autres arguments sont mis en avant par les défenseurs de la primitivité du droit international (voir notamment R. KOLB, « Le prétendu caractère ‘‘primitif’’ du droit international public », Mélanges Vukas, Brill, 2016, p. 801-820) : - l’absence de sanction des manquements au droit international - la fragmentation du droit international - la subjectivité du droit international - l’absence de juridiction obligatoire - l’emprise de la politique sur le droit international -, etc. LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL Les sources du droit international sont listées à l’article 38 du Statut de la CIJ : - les conventions internationales - la coutume : l’article 38 précise qu’il s’agit d’une « pratique générale acceptée comme étant le droit ». - les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées : principes communs à la plupart des ordres juridiques internes, dégagés par les juges internationaux (exemple : le principe de bonne foi) - à titre subsidiaire de la jurisprudence et de la doctrine des publicistes Il est possible de rajouter à cette liste les actes unilatéraux des Etats ou des OI qui n’ont pas été envisagés en 1945. Il peut s’agir de déclaration de reconnaissance d’un Etat, ou encore d’une résolution du Conseil de Sécurité des Nations unies. Le droit international est-il essentiellement non-écrit ? Il faut reconnaître que de nombreuses normes internationales sont de nature coutumière, et qu’un certain nombre de conventions ne font que codifier des règles coutumières. Comme la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités. La place importante faite aux règles non écrites en droit international joue en faveur des défenseurs de sa primitivité. La coutume et les traités entretiennent des liens particuliers, une relation complexe. Pour Kelsen, la coutume et les traités sont intimement liés puisque selon lui le respect des conventions est imputable à la règle coutumière pacta sund servanda (document 1). C’est vrai, les Etats sont juridiquement obligés par les traités en raison de l’existence de cette règle coutumière. Toutefois, il est difficile de penser que c’est uniquement en raison de cette règle que les Etats respectent leurs engagements. En effet, les Etats sont libres d’adopter et de ratifier les traités, c’est parce qu’ils le veulent qu’ils se lient par un traité. Dès lors, s’ils considèrent le traité comme obligatoire et se plient à ses prescriptions c’est aussi parce qu’ils le souhaitent. Il faut aussi rappeler qu’il n’existe pas de hiérarchie entre les sources du droit, comme dans certains droits anciens. Ainsi, la coutume ne sera pas par principe supérieure aux traités et inversement. 6 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux FORMATION ET RELATIVITE DU DROIT INTERNATIONAL Dans l’ordre juridique international, il n’y a pas de législateur unique investi du « pouvoir » de faire le droit. C’est cette absence d’organe centralisé qui est l’un des arguments les plus couramment utilisés pour affirmer la primitivité du droit international. Ce « pouvoir » est au contraire diffus, il y a une décentralisation normative. C'est-à-dire qu’il y a plusieurs centres d’impulsion du droit international, plusieurs « auteurs » du droit international qui coexistent. Une norme peut être créée par un Etat seul, par deux Etats, par une multitude, ou encore par des organisations internationales. La norme créée par l’un ou l’autre de ces auteurs sera considérée comme du droit, toutefois il ne s’agira pas d’un droit objectif comme l’est une loi en droit interne. En effet, en droit interne une fois la loi adoptée et entrée en vigueur régulièrement, elle s’impose à tous les individus et est considérée comme obligatoire. En droit international, le traité qui va être régulièrement conclu entre deux Etats ne sera obligatoire qu’à l’égard de ces deux Etats, mais pas pour les autres. C’est ce que le professeur Jean Combacau appelle la subjectivité du droit international (document 3 : J. COMBACAU, « Le droit international : bric-à-brac ou système ? », Archives de philosophie du droit, vol. 31, 1986, p. 85 et s.). En effet, chaque Etat étant souverain, on ne peut pas lui imposer quelque chose pour lequel il n’a pas consenti. La CPJI affirme ainsi en 1927 que « les règles de droit liant les Etats procèdent de la volonté de ceux-ci » (CPJI, arrêt, 7 septembre 1927, Affaire du « Lotus » (France c. Turquie)). Pour être plus précis, il existe quelques règles dites autoritaires en droit international, mais elles sont très rares. C'est-à-dire qu’il est extrêmement rare qu’un Etat se voie imposer une norme alors même qu’il n’a pas concouru à son élaboration ou qu’il n’y a pas consenti. L’AUTO-INTERPRETATION DU DROIT INTERNATIONAL Qui plus est, les Etats ne sont pas uniquement les auteurs des normes, ils en sont aussi les interprètes. En ce sens, c’est à eux que revient en premier lieu la tâche d’interpréter le droit, on parle d’interprétation authentique. Cette interprétation peut être décidée à plusieurs, les Etats adopteront ensemble un document interprétatif, il leur sera alors opposable. Mais dans la majorité des cas, il revient aux Etats d’interpréter individuellement la norme en cause. Cette interprétation est alors éminemment subjective, et elle ne vaut que pour l’Etat l’ayant adoptée (voir notamment le document 3). Par exemple : un traité est ratifié par 120 Etats, aucun document interprétatif n’est adopté, alors il peut potentiellement émerger 120 interprétations différentes du traité. Une même norme pourra faire l’objet d’interprétations convergentes ou divergentes. L’AUTO-EXECUTION DU DROIT INTERNATIONAL La décentralisation normative s’accompagne d’une décentralisation des mécanismes de mise en œuvre du droit international. En dépit de l’essor des organisations et juridictions internationales, l’exécution du droit international demeure largement entre les mains des Etats. On 7 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux parle d’auto-exécution du droit international. C’est effectivement une différence majeure par rapport au droit interne. Il n’existe pas de « police internationale » qui assurerait le respect des règles de droit international. Il n’y a pas d’autorité unique chargé du respect du droit international. L’ONU ne possède pas ce rôle et bien souvent l’application des règles dépend du bon vouloir des États. Exemple : les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale à l’encontre de Omar Al- Bashir, ex-Président de la République du Soudan. Théoriquement, les mandats d’arrêt émis par la Cour obligent les États sur le territoire duquel se trouve le suspect à le livrer à la Cour. Pourtant, Omar Al Bashir s’est librement promené sur le territoire de quelques États africains, sans qu’aucun d’entre eux ne l’arrête pour l’envoyer à La Haye. L’exécution du droit international dépend encore beaucoup aujourd’hui des rapports de force entre les Etats. A fortiori, les rapports de force rythment la vie internationale. Et par ailleurs, les rapports de force sont aussi présents dans les systèmes internes, toutefois la sophistication des sociétés internes les occulte davantage. Ainsi la dénonciation de la violation d’une norme de droit international ou encore la sanction de ce manquement dépend grandement de l’auteur de ladite violation. Exemple : La Chine occupe le Tibet depuis plus de cinquante ans en violation manifeste du droit international. LA SANCTION DES MANQUEMENTS AU DROIT INTERNATIONAL Certains auteurs, surtout des internistes, expliquent qu’il n’existe pas dans l’ordre juridique international de mécanismes de sanction. D’autres, plus nuancés, vont expliquer que certes il existe des mécanismes de sanction, mais que ces derniers sont particulièrement peu évolués. Or il existe des mesures de contraintes, des sanctions au sens large du terme. Ces mesures sont prises par les Etats et ont pour but d’exercer une pression sur l’Etat auteur des violations du droit international : - les mesures de rétorsion : mesures licites sur le plan juridique, mais préjudiciables. Il s’agit d’actes inamicaux. Exemple : le non-renouvellement d’un accord commercial, l’expulsion de diplomates, etc. - les contre-mesures : mesures intrinsèquement illicites, mais qui sont justifiées par l’illicéité commise par l’État objet des contre-mesures. Exemple : saisie de navires, confiscation de biens, etc. Ces actes font penser à un système assez primitif. La justice privée (le « droit de se faire justice à soi-même ») semble être au cœur de la vie internationale. Il faut tout de même garder à l’esprit que la Charte des Nations unies interdit le recours à la force (article 2 §4), il n’y a donc pas de représailles armées. Seul le Conseil de Sécurité peut décider s’il faut mettre en place une sanction « armée ». 8 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux Kelsen lui va justifier le caractère primitif du droit international non par l’absence de sanctions en tant que telles, mais par l’absence d’organes centralisés pour assurer l’application des sanctions. Ainsi, il n’est pas question de contester l’existence des sanctions, mais simplement leur efficacité (voir document 5). Il faut toutefois nuancer le propos, des formes institutionnalisées de sanctions sont apparues même si elles demeurent relativement exceptionnelles : - Le Conseil de Sécurité des Nations unies peut décider de la prise de mesures « non coercitives » sur le fondement de l’article 41 de la Charte. Il s’agit de sanctions économiques ou encore diplomatiques. - Il peut aussi exister des mécanismes de sanctions internes aux OI ou à leurs organes. Par exemple, en 1974, l’Assemblée générale des Nations unies avait pris une résolution dans laquelle elle condamnait la politique d’apartheid menée par l’Afrique du Sud. Elle invitait les Etats à rompre leurs relations diplomatiques, économiques avec l’Etat sud-africain, et prônait pour l’exclusion de ce dernier des conférences et organisations internationales. A la différence de l’ordre juridique interne, il faut garder à l’esprit que les sanctions en droit international ne sont pas systématiques. Elles sont souvent prises au terme d’un long processus de pressions venant de l’opinion publique, d’ONG, de certains États, etc. Elles ne sont pas non plus centralisées, des sanctions très diverses peuvent se superposer (prises par les États de façon individuelle et/ou par une OI). De plus, on peut parfois constater une certaine faiblesse dans la mise en œuvre des sanctions, qui reposent sur les États. (exemple : Un embargo décidé par le Conseil de Sécurité sera exécuté par les États membres de l’ONU). La situation actuelle en Ukraine illustre les limites de mise en œuvre du droit international, la Russie méconnait sciemment ses obligations sans qu’une solution puisse être trouvée pour le moment (voir document 9 : Communiqué de la Société française pour le droit international sur l’agression de l’Ukraine par la Russie, 25 février 2022). A tout le moins il faut reconnaître qu’il n’a jamais été demandé aux Etats d’agir uniquement conformément au droit (ce qui a vocation à changer avec le mouvement d’humanisation du droit international) ; tout comme la vie entre personnes physiques dans une société n’est pas uniquement régie par le droit. Si le droit international est respecté dans sa grande généralité, il convient de remarquer que ses violations sont d’une particulière importance. LA JUSTICE INTERNATIONALE L’expression « Justice internationale » peut être trompeuse, il n’y a pas dans l’ordre juridique international de système judiciaire unique et centralisé qui aurait une compétence de plein droit sur les Etats. Il n’y a pas par exemple un droit à saisir le juge comme dans l’ordre juridique interne. Il existe des juridictions internationales ou des organes arbitraux. Mais il n’y a pas en principe de hiérarchie entre ces différentes institutions. La CIJ est certes « organe judiciaire principal des Nations unies », mais ce n’est pas une cour de cassation qui statue en dernier ressort. L’appel est quasiment inconnu en droit international. La notion centrale dans la « Justice internationale » est celle de consentement. Une juridiction ou un tribunal arbitral ne sera compétent à l’égard d’un Etat que si celui-ci a donné à un moment ou à un autre son consentement. Toutes les parties au litige doivent le donner. Ce dernier pouvant 9 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux s’exprimer sous différentes formes. Nous allons prendre l’exemple de la CIJ qui est la juridiction la plus emblématique sur la scène internationale. La Cour internationale de Justice La CIJ est créée en 1945 et succède à la CPJI. Elle a une fonction consultative, elle peut être saisie par différentes organisations internationales pour rendre un avis sur une question juridique (fonction à laquelle on ne va pas s’intéresser ici). Elle a aussi une fonction contentieuse, elle va régler les litiges entre les Etats (et uniquement les Etats, article 34 du Statut de la CIJ). Or, pour qu’elle puisse exercer sa fonction contentieuse, il faut que les Etats aient donné leur consentement. Il existe plusieurs modes d’expression du consentement, la juridiction de la CIJ sera soit facultative soit obligatoire : La juridiction facultative, c'est-à-dire que le consentement de l’Etat est donné au cas par cas. Il y a deux possibilités : (1) Le compromis. Les Etats parties au litige vont conclure entre eux un compromis donnant compétence à la juridiction qu’ils souhaitent saisir pour régler le différend. Les Etats vont ensuite saisir conjointement la juridiction. Exemple : CIJ, arrêt, 16 avril 2013, Différend Frontalier (Burkina Faso/Niger) : « 1. Par une lettre de notification conjointe […], le Burkina Faso et la République du Niger ont fait tenir au greffier un compromis entre les deux Etats, […], par lequel les gouvernements de ces deux Etats sont convenus de soumettre à la Cour le différend frontalier qui les oppose sur un secteur de leur frontière commune. » (2) Le forum prorogatum. Dans ce cas les Etats ne saisissent pas conjointement la juridiction. Par exemple, un Etat va déposer une requête introductive d’instance devant la CIJ concernant un litige, cette requête va être transmise à l’Etat défendeur. Pour que la Cour soit compétente, il faut que le comportement de l’Etat défendeur induise qu’il consent à ce que le litige soit réglé par la Cour. Exemple : CIJ, arrêt, 25 mars 1948, Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Albanie). Le Royaume-Uni avait saisi la CIJ contre l’Albanie. La CIJ déduit que l’Albanie a accepté la compétence de la Cour en ce qu’elle s’est présentée à l’instance. La possibilité de forum prorogatum a été introduite à l’article 38 §5 du Règlement de la CIJ (document 11). Ce mécanisme a été utilisé dans l’affaire opposant Djibouti à la France en 2006. Cette fois-ci le ministre des Affaires étrangères françaises a envoyé une lettre au greffier de la Cour (voir document 12). La juridiction obligatoire. Attention ici, il ne faut pas comprendre le terme obligatoire comme s’imposant aux Etats sans leur consentement. La juridiction est dite obligatoire, car les 10 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux Etats ont accepté sa compétence pour l’avenir. Le consentement est donné avant l’émergence du différend. Il faut différencier deux cas de figure : (1) Les accords attributifs de compétence. Il peut s’agir d’un accord passé entre plusieurs Etats donnant compétence générale à une juridiction pour trancher des différends qui surviendraient entre eux. Il peut aussi s’agir d’une clause compromissoire, c'est-à-dire une clause insérée dans un traité ou un protocole, qui prévoit que les Etats se tourneront vers une juridiction donnée quand un différend naîtra sur l’interprétation ou l’application dudit traité. Exemples : La CIJ a compétence obligatoire pour les différends liés à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (document 13 : Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948). (2) La déclaration facultative d’acceptation de la juridiction obligatoire. C’est l’exemple de l’article 36 §2 du Statut de la CIJ (document 10). Les Etats peuvent faire une déclaration dans laquelle ils acceptent pour l’avenir la compétence de la CIJ. Ils peuvent l’accepter sans réserve, et donc pour tout différend, soit avec réserve limitant la compétence de la Cour. Exemple : CIJ, arrêt, 2 février 2017, Délimitation maritime dans l'océan Indien (Somalie c. Kenya). Le Kenya et la Somalie ont fait des déclarations facultatives sans réserve, la Cour est alors compétente. Les autres juridictions Les autres juridictions internationales sont aussi soumises au principe du consentement. Il peut parfois prendre d’autres formes. Ainsi dans le cadre de la Cour européenne des droits de l’homme, en ratifiant la CEDH l’Etat accepte la juridiction obligatoire de la Cour (document 14). L’Etat consent à la compétence obligatoire de la Cour par la ratification, il n’est pas possible de ratifier le traité sans accepter la compétence de la juridiction. A l’inverse, en ce qui concerne la Cour interaméricaine des droits de l’homme, la compétence est facultative, seuls 20 Etats sur 35 la reconnaissent. Parfois c’est simplement la justice qui va être imposée et non pas la compétence obligatoire d’une quelconque juridiction. Par exemple dans le cadre de l’OMC, il est possible d’aller devant l’ORD, ou alors de choisir un autre mode de règlement des différends comme la négociation. La justice internationale est facultative par principe, cependant il y a véritablement une juridictionnalisation de la vie internationale. Un phénomène positif qui traduit la volonté d’assurer le respect du droit international. 11 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux RISQUE DE FRAGMENTATION La multiplication des juridictions a créé un risque de fragmentation. En effet, puisqu’il n’y a pas de hiérarchie entre les juridictions, elles peuvent adopter des jurisprudences contradictoires. Il faut toutefois nuancer ce risque pour deux raisons principales : - les risques de chevauchement de compétences (ie. juridictions compétentes pour un même litige, ou des litiges similaires) sont relativement rares - globalement les juridictions font attention aux jurisprudences de leurs homologues, et notamment à celle de la CIJ qui dispose d’une forte autorité morale. POLITIQUE ET DROIT INTERNATIONAL Certains auteurs soutiennent que le droit international n’existe pas réellement, à tout le moins qu’il est inutile, puisque la vie internationale serait uniquement régie par des rapports de forces et des considérations politiques. Il faut reconnaître, et c’est indéniable, que le droit international entretient des rapports étroits avec le politique. La conclusion d’un traité, l’adoption d’une résolution à l’Assemblée générale des Nations unies ou au Conseil de sécurité sont motivées par des considérations politiques. Or comme le rappelle le Professeur Alain Pellet (document 5 : A. Pellet, « Le droit international à l’aube du XXIème siècle », Cours Euros-Méditerranéens Bancaja de droit international, 1997, vol. 1, p. 37 et s.) : « toute norme juridique est le résultat d'un processus politique », que la norme soit nationale ou internationale. La sophistication des ordres juridiques internes, leur institutionnalisation, dissimule ces conflits politiques et ces rapports de force pourtant ils sont présents. Le droit international est simplement « plus nu, plus naturel ». LE DROIT INTERNATIONAL, UN IDEAL DEMOCRATIQUE ? Certains auteurs vont plus loin et considèrent que le droit international est un idéal démocratique, dans lequel le droit n’est pas la chose de quelques-uns, mais celle de tous. En effet les Etats participent directement à la formation des règles de droit et ne sont pas liés contre leur volonté. Alors qu’au sein d’un ordre juridique interne, les règles s’imposent aux individus sans qu’ils concourent directement à leur formation. Le système interne serait alors fondé sur l’idée de contrainte, ce qui le rendrait primitif. Cette thèse, expliquée par le professeur Robert Kolb (R. KOLB, « Le prétendu caractère ‘primitif’ du droit international public », Mélanges Vukas, Brill, 2016, pp. 809-810), est sans doute trop « extrême », trop idéaliste, en ce qu’elle occulte totalement les inconvénients du système international. 12 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux III. Bilan Lorsqu’ils s’intéressent à la question du caractère primitif du droit international, les auteurs le font souvent dans un esprit de comparaison avec le droit interne. Mais finalement ils essayent de comparer l’incomparable. Le droit reflète les rapports de pouvoir qui existent dans une société, c'est-à-dire que le droit est intrinsèquement lié à la société qu’il entend régir (voir notamment le document 2 : G. SCELLE, Précis de droit des gens. Principes et systématique, Paris, Sirey, 1932, rééd. Dalloz 2008, p. 31). En ce sens, il y a autant de droits que de sociétés. Or, puisque la société internationale est différente de la société interne, il est normal que le droit international soit différent du droit interne. Cela ne veut pas dire que le droit international est « mieux » ou « moins bien », il est simplement différent. Cette idée est exprimée par le Professeur Alain Pellet dans l’extrait de son cours de 1997 (document 5) : « Il n’est pas surprenant que les théoriciens de la non-juridicité du droit international se recrutent surtout parmi les internistes. Formés au droit interne, ces juristes ne conçoivent le droit qu’à l’image de ce qu’ils connaissent : les droits nationaux. Constatant que le droit international ne correspond pas aux schémas dont ils ont l’habitude, ils le frappent d’anathème et déclarent péremptoirement que ‘‘ce n’est pas du droit’’ » L’ordre juridique international est en définitive un ordre juridique original (voir notamment en ce sens : M. VIRALLY, Le droit international en devenir : Essais écrits au fil des ans, 1990). Il ne met pas l’accent sur la sanction-répression comme le droit interne. Les sanctions existent sous d’autres formes, comme la condamnation par les pairs, par l’opinion publique, etc. S’il fallait toutefois opérer une comparaison, il est vrai que le droit international apparait primitif, se faisant il s’agit essentiellement d’une primitivité structurelle. Ici, le terme primitif doit être détaché de toute considération péjorative. C’est notamment ce que fait Kelsen dans le document 1. Il explique que l’unique différence entre l’ordre juridique interne et international c’est l’absence d’organes centraux. Il s’agit d’une différence structurelle, mais pas une différence tenant à la substance du droit. Les règles de fond (dites règles primaires par opposition aux règles « secondaires » qui sont les règles de procédure), sont très développées dans certains domaines. Le droit international peut faire preuve d’une grande précision et d’une grande technicité. Contrairement à certaines idées préconçues, les règles du droit international ne sont pas rudimentaires, mais évoluées. 13 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux IV. Correction de la dissertation Les corrections fournies ne sont jamais entièrement rédigées, sauf indication contraire, cela vaut pour les cas pratiques et pour les dissertations. Accroche : Un fait d’actualité ou une citation. Vous trouverez dans vos documents de nombreuses citations possibles. Attention toutefois à ne pas oublier de faire un lien entre votre phrase d’accroche et la suite des développements. Définition des termes du sujet : Droit international général : l’ensemble des normes et des institutions destiné à régir la société internationale Ordre juridique : « l’organisation d’un système (plus ou moins complexe) de normes et d’institutions destinées à s’appliquer effectivement aux sujets constitutifs d’une communauté déterminée » (P.-M. DUPUY, L’unité de l'ordre juridique international, Martinus Nijhoff Publishers, 2002, t. 297). L’ordre juridique international est une notion apparue relativement récemment (environ un siècle). Primitif : tout dépend de la manière dont vous souhaitez aborder le sujet. Il semble plus adéquat de donner à ce terme le sens de lacunaire, imparfait, manque de sophistication. Délimitation : Temporelle : vous pouvez faire débuter votre analyse à l’apparition du droit international moderne (après les Traités de Westphalie). Vous pouvez aussi choisir de vous intéresser plus particulièrement aux XXème et XXIème siècles. L’important est de justifier votre choix. Spatiale : il est compliqué, voire impossible, d’en faire une ici. Conceptuelle : il faut ici exclure le droit international privé, et le droit transnational, pour s’intéresser uniquement au droit international public. (Pour rappel, si la délimitation conceptuelle n’est pas obligatoire, elle peut parfois être opportune). Contexte : Vous pouvez revenir rapidement sur les nombreuses évolutions du droit international depuis ses origines, mais aussi rappeler que le droit international est souvent critiqué, pour son manque de juridicité ou son inapplication. 14 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux Intérêt du sujet : C’est le cœur de votre introduction duquel doit découler votre problématique, il faut particulièrement soigner le style. Il faut déterminer les enjeux entourant votre sujet. L’intérêt ici est de comprendre les caractéristiques principales de l’ordre juridique international, et notamment de s’interroger sur la réalité du droit international. De plus, il faut s’intéresser au fonctionnement de l’ordre juridique international en comparaison avec l’ordre juridique interne, et comprendre l’originalité de l’ordre international. Ici l’analyse sera axée sur l’assimilation discutable et discutée qui est faite entre la primitivité de l’ordre juridique international et son originalité. L’ordre juridique international a des caractéristiques primitives, mais n’est pas pour autant un ordre juridique primitif. Problématique : Dans quelle mesure l’originalité de l’ordre juridique international en fait-elle un ordre juridique primitif ? I. La primitivité structurelle de l’ordre juridique international A. La subjectivité du droit international due à la décentralisation normative - L’absence de législateur unique centralisé : le droit est créé par la volonté des Etats. Par principe, il n’est pas possible de leur imposer une règle à laquelle ils n’ont pas consenti (rareté des normes autoritaires en droit international). Il n’y a pas de droit objectif imposé par une autorité supérieure comme dans un ordre interne, certains Etats vont être liés par certaines règles, d’autres non. - L’absence de législateur unique fait une place importante au droit non-écrit : les principes généraux de droit, mais surtout la coutume. Cela rappelle les sociétés « primitives », notamment celles du Moyen-Âge dans lesquelles le droit était principalement non-écrit. - L’absence de hiérarchie entre les sources du droit : la pyramide de Kelsen est inapplicable en droit international, puisqu’il n’y a pas de hiérarchie entre les auteurs de la norme (les Etats ou OI). Il n’y a pas de supériorité reconnue à une quelconque forme d’expression de la volonté sur une autre (i.e. la coutume n’est pas supérieure aux traités ou inversement). - L’auto-interprétation du droit international : chaque Etat interprète pour son compte les normes qu’il adopte. B. La mise en œuvre du droit international tributaire de la volonté des Etats - L’absence de sanctions centralisées et systématiques, mais à la place des mécanismes qui rappellent une forme de justice privée. La mise en œuvre du droit international prend parfois la forme d’une loi du Talion. - L’absence de police internationale : l’auto-exécution du droit international. L’application du droit international dépend intrinsèquement de la volonté des Etats. 15 Séance 1 : L’ordre juridique international T. Lardeux - La justice internationale : il n’y a pas de compétence de principe d’un quelconque juge, les Etats décident de soumettre un différend à un juge (principe du consentement). Le consentement est obligatoire à un moment ou à un autre, même devant des juridictions réputées obligatoires. II. L’originalité de l’ordre juridique international A. L’adéquation de l’ordre juridique avec les singularités de la société internationale - L’ordre juridique est toujours lié à la société à laquelle il s’applique : c’est là que l’argument de la primitivité du droit international échoue. L’ordre juridique international est différent de l’ordre juridique interne, car les sociétés auxquelles ils correspondent sont différentes. - La souveraineté des Etats : l’égalité entre les Etats, mais aussi l’absence de soumission à un organe supérieure (législatif, exécutif ou judiciaire). Il n’y a pas de rapport vertical dans la société internationale, mais des rapports horizontaux. Impossibilité de mettre en place des sanctions, ou un droit pleinement objectif contraignant pour tous, etc. - L’ordre juridique international est relativement jeune comparé aux ordres juridiques internes, pourtant il s’adapte particulièrement bien aux évolutions de la société internationale : nouveaux acteurs, nouveaux besoins, etc. B. L’absence de sophistication de l’ordre juridique international - Il ne faut pas y voir ici une critique négative : le droit international est un droit plus « nu » (cf document 5). Il n’y a pas d’institutionnalisation aussi poussée qu’en droit interne dès lors, les rapports de forces apparaissent plus distinctement en droit international (exemple pour la négociation d’un traité). - Tout droit est essentiellement le fruit d’un affrontement politique, que celui-ci ait lieu entre des groupes politiques à l’Assemblée nationale, ou entre des Chefs d’Etat et ambassadeurs dans une conférence internationale. - La structure de l’ordre juridique international en ferait un idéal démocratique : participation égalitaire des Etats à la création du droit. C’est une forme de démocratie directe. Ici cette argumentation doit être nuancée, mais elle peut faire une belle ouverture en renversant la qualification de primitivité comme le montre Robert Kolb : le droit interne serait le droit primitif du point de vue de l’idéal démocratique car fondé sur la contrainte. 16

Use Quizgecko on...
Browser
Browser