Installation en Agriculture CM2 PDF

TRANSFORMATION DES MONDES AGRICOLES ET RURAUX Alexis ANNES CM2 MODULE 1 : APPROCHE SOCIOLOGIQUE DES TRANSFORMATIONS DES MONDES AGRICOLES ET RURAUX L’INSTALLATION EN AGRICULTURE Installation et foncier agricole En m...

TRANSFORMATION DES MONDES AGRICOLES ET RURAUX Alexis ANNES CM2 MODULE 1 : APPROCHE SOCIOLOGIQUE DES TRANSFORMATIONS DES MONDES AGRICOLES ET RURAUX L’INSTALLATION EN AGRICULTURE Installation et foncier agricole En moyenne, il y a 14 000 nouvelles installations par an depuis 10 ans. Le nombre d’installations varie en fonction de l’âge, du secteur d’activité et du sexe. En France, l’installation se fait surtout en élevage de bovins, grandes cultures, élevage de chevaux. Il y a beaucoup moins d'installations en élevage porcin car plus normes et les coûts de reprise porcine sont énormes. L’installation en agriculture est soutenue par des aides en France. La DJA (Dotation Jeunes Agriculteurs) est le principal outil pour encourager l’installation à l’agriculture. Elle a pour objectif de compléter la trésorerie et de financer les investissements d’installation. Les conditions d’attribution de la DJA se font en fonction de l’âge, du sexe, du parcours, du diplôme… On observe une diminution du nombre de DJA accordées (13 000 en 1990 contre 5 000 en 2020). Le mode de faire-valoir (mode d’exploitation d’une propriété agricole où la terre est cultivée par le propriétaire lui-même, à la différence du fermage ou métayage) varie en fonction de la taille de l’exploitation, du statut juridique, de l’âge, de la région… Les prix des terres sont très hétérogènes en fonction des départements (entre 2 330 et 15 840€/ha). Les prix les plus élevés sont retrouvés en zones urbanisées et touristiques (région du Nord, littoral méditerranéen). 1 TRANSFORMATION DES MONDES AGRICOLES ET RURAUX Alexis ANNES CM2 Enjeux humains de l’installation en agriculture 1. Entrée par reprise familiale La transmission d’une exploitation agricole se caractérise par une séparation : - De biens économiques : terres, troupeaux, bâtiments… - De biens symboliques : savoirs, croyances, valeurs… Les biens familiaux constituent un patrimoine : ce sont des biens qui ne se consomment pas comme des biens acquis, ils ont vocation à durer. Ils engagent le travail de la vie des agriculteurs mais aussi de celui des ancêtres. Il y a une notion de dette intergénérationnelle. La transmission de l’exploitation permet de faire perdurer l’héritage, le patrimoine familial. A l’inverse, le fait de ne pas transmettre peut être associé à l’idée de ne pas être digne des générations passées. Pour le repreneur, il y a aussi un enjeu, celui de continuer de faire vivre le bien (fructifier, transmettre). Aujourd’hui, 70% des exploitations s’inscrivent dans un cadre familial. Lors d’une transmission au sein de la famille, il peut y avoir une confusion entre places professionnelles et familiales : le parent est le patron/cédant, les enfants sont l’aide familiale/successeurs potentiels. Les attentes des générations précédentes peuvent freiner les capacités d’action du repreneur). On parle de phénomène d’endo reproduction de la profession agricole. Le transfert du contrôle de la gestion (délégation des responsabilités) et du pouvoir de décision correspond à une période charnière et complexe. La condition indispensable (mais pas suffisante) est d’être désigné par le cédant pour succéder. La question du choix du successeur peut être complexe : être né « dedans » (lien du sang), être un garçon, place dans la fratrie. Une période de collaboration avant la transmission peut permettre de démarrer la trajectoire professionnelle dans de bonnes conditions (notamment si l’enfant s’investit et montre une certaine réussite, il peut gagner en légitimité/autorité) mais peut aussi empêcher l’enfant d’être reconnu comme professionnel (autorité partielle). 🡪 Transmission dans les fratries mixtes La logique d’héritage professionnel familial est très souvent celle d’un successeur désigné : le fils. Il y a une socialisation d’héritier, c’est-à-dire que le fils est l’héritier des projets parentaux. Tout est décidé pour qu’il soit en capacité d’agir lors de la transmission de l’exploitation (éducation, expérience professionnelle, moment de la reprise…) : - Transmission des savoirs et savoir-faire agricoles - Apprentissage des techniques et pratiques végétales - Initiation à la conduite des tracteurs - Appui dans le choix d’orientation scolaire - Mobilisation pour les études agricoles À l’inverse, les filles ont été souvent formées à une socialisation domestique : - Transmission de ce qui est socialement souhaitable de faire lorsqu’on est une fille - Si elles expriment l’envie de s’installer : découragement par les mères (difficultés économiques) On assiste donc à une socialisation différenciée selon le sexe de l’enfant. 2 TRANSFORMATION DES MONDES AGRICOLES ET RURAUX Alexis ANNES CM2 Il y a cependant des cas où la fille reprend. Si l’héritier désigné renonce à la reprise, cela représente une opportunité pour l’une des sœurs de reprendre. Les avantages de ce mode de transmission sont que la fille est souvent moins tributaire des projets parentaux et qu’elle a acquis souvent plus par sa propre volonté une certaine culture professionnelle. Cependant, elle peut rencontrer des difficultés à se faire accepter en tant qu’héritière et à s’émanciper face aux figures parentales. 🡪 Transmission dans les fratries féminines Les expériences de socialisation sont bien différentes de celles des fratries mixtes. C’est une socialisation appropriée au domaine de l’agriculture (notamment pour les ainées). Il y a très souvent un rôle clé du père dans la formation de l’héritière, délaissant la mère (relativement en retrait dans la réalisation quotidienne des déclarations d’intentions éducatives). Là encore, il y a très souvent de la part du père une formulation d’ambitions sociales et professionnelles, dans la perspective d’une pérennisation de l’exploitation agricole. Pour l’ensemble des agricultrices issues du monde agricole, les résultats révèlent : - Une image de la mère comme femme active mais dépendante de son conjoint (d’un point de vue financier et professionnel). - Des agricultrices qui aspirent à d’autres modèles identificatoires de femmes actives, autonomes et indépendantes. 2. Entrée par le mariage (le métier n’est pas choisi) Au départ, il y a une socialisation professionnelle éloignée de la profession agricole. L’avantage est que la trajectoire biographique (origine, formation expérience professionnelle…) permet l’acquisition d’une certaine capacité d’action. Mais en contrepartie, il y a une méconnaissance de la culture professionnelle agricole, un besoin d’apprendre les codes et potentiellement des conflits avec les générations précédentes (légitimité). L’agriculture est une catégorie socio-professionnelle où les inégalités hommes/femmes existent et persistent. Il existe encore aujourd’hui des freins et des difficultés qui se posent à l’installation des femmes : manque de reconnaissance, droits… 3. Entrée par projet de couple (installation « néorurale ») L’installation se fait souvent après une première carrière professionnelle. Les travaux de Samak (2017) suggèrent deux situations : - Reconversion pour des aspirants-artisans en difficulté sur le marché de l’emploi salarié - Installation dans une dynamique de retrait d’un statut professionnel stable (rupture professionnelle, expérience d’une situation de travail devenue problématique, aspirations nouvelles quand volonté de fonder une famille…). Les épouses ont tendance à renoncer au statut professionnel. Hypothèses : - Absence de mère ou belle-mère agricultrice pour contre-modèle - Conditions réelles moins connues - Envie de s’émanciper moins pressant Les avantages sont là-aussi une trajectoire biographique antérieure permettant l’acquisition d’une certaine capacité d’action et un nouveau regard sur la profession. Cependant le champ professionnel agricole est méconnu (manque de culture professionnelle et réseaux agricoles) et impose un apprentissage des codes. 3 TRANSFORMATION DES MONDES AGRICOLES ET RURAUX Alexis ANNES CM2 4. Entrée par décision personnelle L’entrée dans le métier se fait par passion pour la profession, le mode et cadre de vie. L’installation se fait souvent sur de plus petites surfaces que la moyenne (en raison notamment du cout du foncier). Ce type d’installation est très souvent associé au développement d’activités de niche (culture de produits rares, diversification) ou à forte valeur ajoutée (agrotourisme, fabrication de produits transformés). Dans ce cas de figure, il y a une grande capacité d’action chez le nouvel exploitant mais un champ professionnel inconnu qui peut faire douter de la viabilité de l’exploitation. 5. Entrée par décision collective Dans les années 1960-70, le phénomène de structuration de l’agriculture de groupe apparait avec les premières formes coopératives et sociétaires. C’est une période de développement du modèle agricole familial productiviste. Après 1968, on assiste aux premières vagues néo-paysannes de retour à la terre. L’agriculture apparait comme un moyen de s’extraire de l’asservissement au travail et de la primauté de la famille nucléaire dans l’organisation des solidarités et comme un moyen de développer des pratiques plus respectueuses de la nature. A quelques exceptions près, ces expériences collectives de retour à la terre n’ont pas perduré, faisant face à de grandes difficultés humaines, économiques et agricoles. L’installation agricole collective sous forme sociétaire n’a cessé de se développer depuis les années 1960 (27,8 % des installations de jeunes de moins de 40 ans en GAEC en 2016). Les installations collectives néo-paysannes correspondent à l’émergence d’un nouveau type d’installation : - Des groupes d’au moins 3 personnes majoritairement HCF, souvent constitués avant même d’avoir accès au foncier - Une combinaison d’ateliers de production à haute valeur ajoutée (agriculture biologique, transformation, circuits courts) - Une aspiration à un projet de vie où la dimension collective occupe une place centrale - Une distinction par rapport aux vagues néo-paysannes antérieures avec une volonté affirmée de professionnalisme et de pragmatisme économique Les avantages de l’installation collective sont multiples. Tout d’abord, il concerne l’accès au foncier. Les projets d’installation étaient plutôt associés à des micro fermes ou fermes moyennes car peu de foncier et de capital de départ. Mais le cumul des fonds propres des différents membres du collectif et la mobilisation des réseaux familiaux (prêts, dons) et de soutien citoyen (via le financement participatif) permettent de constituer un capital d’installation. De plus, ce type d’installation permet le développement de fermes agronomiquement cohérentes, avec une imbrication d’un grand nombre de productions de polyculture et d’élevage. Il y a une notion de rationalisation des actions en finalité et valeur (mise en œuvre de moyens spécifiques, calculés afin d’atteindre un objectif préalablement fixé). Cela permet de répondre à une logique d’économie circulaire, de bouclages de matière (les déchets des uns, comme le fumier, devenant les ressources des autres), des rotations complexes et un niveau de biodiversité élevé. Autant de leviers pour la santé des sols, des animaux et des plantes. Les aspirations sont variées : - Esthétiques (diversité des paysages) - Nourricières (autonomie alimentaire sur la ferme) - Économiques (production d’une offre diversifiée sur la ferme) 4 TRANSFORMATION DES MONDES AGRICOLES ET RURAUX Alexis ANNES CM2 Mais une répartition des taches est plus que nécessaire pour faire face à la complexité inhérente au développement de fermes très diversifiées. L’installation collective semble également permettre une amélioration des conditions de travail et de vie : possibilité de s’entraider, expression de besoin de créativité et d’expérimentation de chacun, favorisation des interactions humaines… Des tensions humaines peuvent néanmoins apparaitre avec ce type d’installation collective d’où l’importance, pour la pérennité des initiatives, d’une anticipation et d’une bonne gestion des difficultés humaines liées au collectif, en s’appuyant notamment sur le conseil agricole. Conclusion Les trajectoires des exploitants qui s’installent sont très variées et entrainent des pratiques professionnelles différenciées. Les installés ont des capitaux différents. La société est un système hiérarchisé de groupes sociaux ou de positions sociales attachés à différentes dotations. Les capitaux sont distribués par la famille ou cultivés tout au long de notre vie. On parle de « capital » et non de « ressource » car il peut être cultivé au cours de la vie d’un individu et ainsi changer son groupe ou sa position sociale. Capital économique Ensemble de possessions matérielles et financières Capital social Ensemble des relations sociales dont dispose un individu ou un groupe social ⮚ Aspect structurel : nombre de liens (quantité) ⮚ Aspect relationnel : force des liens (qualité) Capital humain Ensemble des connaissances théoriques et pratiques, savoir- faire et savoir-être Exemple : Installé non issu du monde agricole Installé issu du monde agricole (formation initiale non agricole) (formation initiale agricole) CAPITAL ÉCONOMIQUE Structure déjà en place Pas de contacts, doit subir CAPITAL SOCIAL l’acceptation des autres acteurs du monde agricole : doit se faire une place et un nom CAPITAL HUMAIN Formation obligatoire, codes à Savoir-faire acquis dès l’enfance s’approprier Les entrées dans le métier sont donc diversifiées. Les nouveaux installés ont des trajectoires différentes : - Capital économique, social, humain divers - Avantages/inconvénients différents - Façons plurielles d’exercer le métier Les choix des systèmes d’exploitation ne sont pas forcément liés à des motivations éthiques et sociales (rationalité en finalité vers un but utilitaire VS en valeur). 5