Approfondissement : Psychologie clinique et psychopathologie - Chapitre 1 (CABANIS) PDF

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This document is a chapter on clinical psychology and psychopathology, focusing on the experiences of individuals who have migrated. It explores the psychological impact of migration and exile, including the psychological traumas suffered. The author analyses these experiences in context and addresses clinical aspects of these traumas.

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APPROFONDISSEMENT : Psychologie clinique et psychopathologie CHAPITRE 1 : Freddy Cabanis INTRODUCTION : En France, des personnes d’origine étrangère viennent d’Europe de l’Est (Albanie, Russie, Biélorussie, etc.), d’Afrique subsaharienne (Camerou...

APPROFONDISSEMENT : Psychologie clinique et psychopathologie CHAPITRE 1 : Freddy Cabanis INTRODUCTION : En France, des personnes d’origine étrangère viennent d’Europe de l’Est (Albanie, Russie, Biélorussie, etc.), d’Afrique subsaharienne (Cameroun, Angola, Congo, etc.), du Maghreb (Maroc et Algérie principalement) dont l’écrasante majorité ont quitté leur pays pour des raisons politiques, de guerres, pour avoir subi des tortures, pour leur orientation sexuelle, pour fuir un mariage forcé ou l’excision. En quittant leur pays d’origine, elles ne font pas que s’éloigner géographiquement comme ce qu’elles considèrent comme un danger. Elles font l’expérience de la perte comme Hannah Harrent nous le raconte « Nous avons perdu notre profession, c’est-à-dire l’assurance d’être quelque utilité dans ce monde. Nous avons perdu notre langue maternelle, la simplicité des gestes et l’expression spontanée de nos sentiments. Nous avons laissé nos parents dans les ghettos de Pologne et nos meilleurs amis ont été assassinés dans des camps de concentration, ce qui signifie que nos vies privées ont été brisés ». Hannah Harrent parle ici de réfugiés, elle n’emploie pas le signifiant « migrant ». Signifiant qui fait l’objet de tant de débats et de tension en France. > La migration signifie « déplacement volontaire d’individus ou de populations d’un pays dans un autre ou d’une région dans une autre pour des raisons économiques, politiques ou culturels ». Cette définition ne dit pas grand-chose des migrants en souffrance psychique qui viennent consulter au CHU. Pour autant la question de la dénomination est et a toujours été un enjeu important. La représentation par les médias : Durant l’année 2022, deux évènements tragiques ont eu lieu : le premier est la guerre en Ukraine et son peuple qui fuit le pays et le deuxième est la mort de 27 personnes dont des Syriens, des Afghan, et des Ethiopiens, tous noyés dans la manche en fuyant leur pays. Ces deux évènements tragiques présentent des personnes fuyant leur pays, pourtant, les médias ont décrit ces personnes différemment. Pour les ukrainiens, le terme utilisé était « réfugiés » et pour les 27 personnes, le terme était « migrants ». Les signifiants exilés et réfugiés ne préciseraient-ils pas mieux la situation que vivent toutes ces personnes ? D’ailleurs on les appelle également les « demandeurs d’asile », ce qui veut dire « demander un lieu où l’on se met à l’abri, en sureté». Cette demande précise mieux la situation du migrant qui est en fait un exilé, c’est-à-dire une personne qui a quitté son pays parce qu’elle se sentait en danger ou parce qu’elle a été bannie, expulsée de la société dont elle est issue. Ce sont donc des personnes en situations d’exile que Mr Cabanis rencontre en consultation. Quelques chiffres sur la migration en France : Ces chiffres sont issus d’une conférence de François Héran, sociologue et anthropologue français, sur la migration et la colonisation. Au niveau statistique, il y a + de 36 860 de Syriens en France dont 7 millions se sont déplacés à l’extérieur de leur pays, 18% de ces 7 millions sont arrivés en Europe et 18% de ces 18%, soit 3% sont accueilli en France. De l’année 2000 à aujourd’hui, on note une augmentation des mouvements migratoire de 62% dans le monde entier et c’est principalement lié à la mondialisation des études supérieures, ensuite vient l’amplification des conflits militaires et des persécutions, et ensuite la migration économique et familiale. Il faut avoir en tête que 70% à 80% des déplacements extérieurs se font sur les pays limitrophes. Donc il n’y a jamais eu autant d’immigrés que maintenant en France et c’est une progression linéaire et non exponentielle. En termes d’accueil, la France est très loin d’être à la pointe comparé à d’autres pays, comme l’Allemagne par exemple. Donc en France, en termes de migration c’est 50% les étudiants, 27% la migration de travail, 15% la migration de refuge (exile) et 3% la migration familiale. A l’heure d’aujourd’hui les migrants sont représentés mais dans les années 90, la migration était clandestine et dans les années 70, on appelait tous les migrants « boat people » car ils arrivaient avec des bateaux de fortune. Ce terme « boat people » a été remplacé plus tard par le terme « clandestin ». Ce terme d’exile permet donc de mieux mettre en lumière la situation des personnes en exile et d’en distinguer trois moments clés : ce qui a motivé le départ, le parcours d’exile et l’arrivée dans le pays d’accueil.  Les raisons du départ, ce qui les décide à quitter leur pays, quand ils ne sont pas directement bannis, sont diverses et variées. Quel que soit l’évènement qui les a poussés à partir, qu’il soit traumatique ou non, cet évènement rencontre un appareil psychique singulier et unique (la subjectivité). Pour autant, suivant les pays on retrouve plus ou moins les mêmes faits, c’est-à-dire la guerre sous toutes ces formes (en Afghanistan, au Soudan, en Ethiopie), le terrorisme, l’esclavagisme, la torture comme en Guinée. Et certaines pratiques culturelles comme l’excision ou le mariage forcé. L’homophobie et bien d’autres situations mettant en péril la santé physique et psychique de ces hommes et de ces femmes.  Le deuxième moment est le parcours qui les ont conduits jusqu’en France. Il est généralement chaotique et peut durer plusieurs années. L’Europe est souvent choisie car elle représente pour beaucoup de personnes dans le monde, un territoire sur et prospère. Après la violence du départ, vient la violence du trajet, avec le trafic d’êtres-humains, les passeurs, les conflits militaires, les conflits politiques avec le passage des frontières.  Le troisième moment est l’arrivée dans le pays d’accueil. Cette arrivée peut être dans un premier temps vécue comme un soulagement, c’est la fin d’un périple chaotique et l’espoir d’une vie meilleure. Mais les représentations, l’imaginaire, la pulsion de vie qui les a conduits jusqu’ici viennent se cogner à un réel, laissant place à de l’insécurité psychique, à une angoisse, les laissant souvent emprise à des réactivations traumatiques. L’imaginaire, le symbolique et le réel sont les trois registres de la psychanalyse lacanienne. Lacan les défini pour comprendre la formation et l’évolution de l’individualité au cours de la vie. Il regroupe ça sous l’acronyme RSI. L’imaginaire est l’ensemble d’images qui forment l’identité et il le distingue bien de l’imagination et du fantasme dans la mesure où l’imaginaire renvoi aux caractères formateurs de l’image (le stade du miroir). Le symbolique est le registre du langage, il est dans la perceptive de Lacan ce qui va sortir le sujet de l’unité fusionnel qu’il vivait avec sa mère et le confronter au monde extérieur. Ainsi la relation à autrui serait essentiellement langagière car l’individu s’est inséré dans un ordre d’échanges qui conditionne son être. Le réel est tout ce qui résiste au symbole. Lacan le distingue de la réalité et dit que « le réel n’est pas dans ce monde, il y a aucun espoir d’atteindre le réel par la représentation. » Le réel est tout ce qui ne peut pas se dire (c’est la mort). La langue France, la culture occidentale, l’administration française, plongent les personnes dans une autre réalité très éloignée de leur représentation, de leur culture. Les conditions d’accueil dans les pays européens varie d’un pays à un autre. On peut même parler dans certains pays d’hostilité. Le signifiant migrant ou plutôt la représentation que l’on s’en fait cristallise des débats et des tensions en France, ce qui a inévitablement un impact direct sous les conditions d’accueil des personnes en exile. Il est donc nécessaire de pouvoir déconstruire ce qui fait peur face à l’inconnu. ***Comme le disait George Devereux, le premier ethnopsychanalyse, celui qui a écrit « l’indien dans la plaine » : « l’altérité provoque une angoisse reflexe qu’on en soit conscient ou non, il importe donc de pouvoir la reconnaitre pour la dépasser » C’est un questionnement indispensable et capital dans l’accueil des personnes en exile. Le travail avec des personnes venant de pays et de cultures différentes demande une précaution toute particulière pour tenter d’éviter une colonisation de l’autre. L’ethnocentrisme désigne pour William Sumner « cette vue des choses qui fait de notre propre groupe le centre de toute chose et évalue toutes les autres par rapport à lui ». L’ethnocentrisme est un piège que le psychologue clinicien doit s’en cesse questionner. D’autant qu’il existe semble-t-il une dissymétrie entre les personnes exilées qui connaissent plus leur culture que nous la leur, dans des pays anciennement colonisés par la France. Pour être dans la rencontre avec l’autre, il faut bien accepter que quelque chose nous échappe et ainsi créer des passages culturels. Il faut se méfier du savoir. La démarche administrative des demandeurs d’asile plonge généralement les personnes exilés dans une très grande précarité sociale. Cette situation aggrave des troubles psychiques et peut perpétuer les effets du trauma chez certains d’entre eux. C’est souvent à ce moment, à leur arrivée, que les premiers signes cliniques d’une névrose traumatique peuvent être observés ou d’une décompensation psychotique. Les premiers motifs d’une consultation passe généralement par le corps. Ce corps qui témoigne de ce qui leur est arrivé, qui dit quelque chose de ce qui n’arrive pas encore à mettre en mot. Un corps qui témoigne de l’indicible avec cet enjeu de reconnaissance et de réparation. On retrouve alors des pathologies liées au stress comme l’hypertension, les pathologies digestives, les réactions cutanées, les céphalées importantes, des douleurs dorsales, des vertiges. C’est un moment crucial dans l’accompagnement, dans ce moment de régression psychique comme en a pu le décrire Thérèse en accompagnent des patients traumatisés de guerre. Il s’agit de contenir la personne et non de la servir, dans le sens où il faut accompagner la personne vers une position de sujet et non dans une position d’objet. Le patient a une position d’objet médical (problème à la peau = il est traité), si le patient a une position de sujet (humanisme, redevenir sujet). Souvent ces personnes-là ont été en position d’objets pendant tout leur trajet (par exemple : objets sexuelles) et les ramener en France sur une position d’objet c’est de les ramener à cette condition-là, de les déshumaniser. Les amener vers une position sujet, c’est les rendre humain à nouveau. Réappropriation du corps et de sa culture pour éviter de rester objet social et médical. Ce sont donc des médecins, des infirmiers, des travailleurs sociaux qui dans un premier temps accueillent ce corps en demande, avant que leur soit proposé une consultation avec un psychologue. Donc un corps en demande, et non pas une demande de voir un psychologue. C’est une demande de réparation. L’accompagnant trouve que l’individu ne va pas bien (il en dort pas, a mal à la tête, etc.). Sauf que l’individu devient objet social de l’autre qui veut le réparer, qui veut le sauver, il n’est pas sujet de lui-même. Il leur faudra beaucoup de temps pour exprimer leurs souffrances psychiques. Il faut que s’installe un lien de confiance entre le psychologue et le patient et cela passe inévitablement par le respect du temps psychique du sujet et des défenses qu’il met en place. C’est absolument capital de respecter le temps psychique des personnes. Par exemple, Mr Cabanis a suivis une patiente qui ne pouvait pas tenir plus de cinq minutes en entretien car elle n’arrivait pas à tenir plus longtemps et maintenant après plusieurs mois, l’entretien dure de 30 à 40 minutes et la personne commence à parler de ce qu’elle a vécue. Elle ne commence pas à parler d’elle, mais elle parle de la guerre. Donc c’est très important de respecter son temps psychique et les défenses qu’elle met en place (les moments où elle dit « je suis angoissée mais je ne peux pas/veut pas dire ». Exemple clinique d’un patient qu’il suit depuis plus d’un an et demi et qui ne pouvait pas tenir plus de 10 minutes en entretien sans s’endormir après avoir raconté très brièvement les violences subis au pays et sur son parcours d’exile. Chaque semaine le même entretien, il parle pendant 10 minutes et s’endort (il ne dort pas les nuits, seulement 10/15 minutes). Jusqu’au jour où la relation avec son père va faire irruption dans l’entretien, du jour au lendemain. Depuis ce jour, il ne s’endort plus dans les entretiens et investie ce temps et cet espace dans la mise en mot et l’élaboration d’un récit. Il aura fallu un petit peu plus d’un an pour qu’il puisse s’autoriser à mettre les mots pour le dire. (« Les mots pour le dire » livre de Marie Cardinale). Autre cas clinique : Quand j’ai reçu Abdoulaye pour la première fois en consultation, il a pris le temps de me montrer toutes ses cicatrices. Toutes les marques physiques de ce qu’on lui avait fait pendant trois semaines dans une prison Guinéenne. Il y avait un avant et après Abdoulaye « Je n’étais pas comme ça avant. Aujourd’hui je suis comme à moitié mort, je ne suis plus un être-humain. Je ne dors pas, ma tête me chauffe et je revois tout ce qui s’est passé comme un film. J’ai envie de mourir ». Le rendez-vous suivant, Abdoulaye reviendra avec une corde qu’il sortira de son sac pour me dire qu’il veut se pendre et en finir. Cette corde s’avèrera être une demande de lien, peut- être même une tentative pour se reconnecter avec l’avant, avec ce qu’il a été : un être-humain. Situation très complexe en tant que clinicien. C’est un moment très particulier où il ne faut pas mal réagir et prendre le temps. Il faut essayer de prendre du recul et prendre les bonnes décisions sans précipitation. Au fur et à mesure des entretiens, son combat d’opposant politique à l’UFDG (union des forces démocratiques de Guinée) reprendra du sens et un récit de vie commencera à émerger. Dans cette courte vignette clinique, on peut entendre la sémiologie (science qui étudie les symptômes) la plus fréquente qu’on les patients réfugiés en grande souffrance psychique qui renvoie aux manifestations cliniques de la névrose traumatique ou du trauma psychique. En psychiatrie, le syndrome de répétition qui est considéré comme le signe clinique qui caractérise le stress post-traumatique se déclenche après une période de latence souvent à l’arrivée dans le pays d’accueil. Il se manifeste par des réminiscences ou des reviviscences de jour comme de nuit, des cauchemars de répétions particulièrement angoissants qui sont en lien avec une situation vécue. L’évènement est alors revécu dans des cauchemars tel qu’il a été perçu aux détails près avec la conviction que l’évènement est en train de se reproduire (on dit qu’il se réactualise). Pour autant, l’exile ne peut être réduit à un stress post-traumatique (exile = pas trauma). Le concept de trauma est central dans l’appareil théorique de la psychanalyse. Sa définition est bien plus étendue que dans la psychiatrie car ce concept ne se limite pas à un syndrome. Il est également constitutif de la subjectivité. En effet, la psychanalyse se démarque du discours actuel de la victimologie qui place l’évènement en priorité et le sujet en second sauf peut-être pour les demandeurs d’asile dont l’évènement traumatique est même contesté. La psychanalyse, elle, met en avant le caractère fondamental constitutif du trauma. Le langage est un outil qui permet à l’être-humain d’affronter les questions existentielles que sont la mort et la sexualité. Mais il n’existe pas de signifiant pour tout dire de ces questions. Raison pour laquelle le sujet trouve une solution fantasmatique pour y faire face. C’est ainsi que le traumatisme vient enlever ce voile du fantasme laissant le sujet en prise avec le réel (se rendre compte qu’il y a la mort et le sexe partout, ce qui change notre vision de tout). Ce troumatisme comme le nommait Lacan, laisse ainsi le sujet dans une détresse archaïque loin de l’autre protecteur. Certains évènements peuvent donc créer une brèche dans le fantasme, mettant à découvert le trauma originel. Ce qui veut dire qu’à la naissance, il y a une totalité, il est seul au monde avec sa mère. Et à un moment donné, on lui dit qu’il n’y est pas tout seul ce qui créer un trauma, la trauma originel et il perd une partie de lui. L’individu trouvera donc un fantasme pour retrouver cette partie manquante de lui. Le sujet privé de sa protection et au prise avec la jouissance qui le pétrifie d’horreur, tout comme le regard de la méduse qui devient mortel pour quiconque croise ses yeux. Il est indispensable de bien garder à l’esprit que nous utilisons des concepts occidentaux et qu’il est important de procéder à des décalages, des pas de côtés, en questionnant ses propres représentations. Certains processus psychiques ne doivent pas être confondus avec les éléments culturels. Ce qui est transgressif dans une société ne l’est pas forcément dans une autre. La norme, la morale (le bien et le mal), les repères sociaux culturels peuvent être très variables d’une société à une autre et c’est un sujet avec sa subjectivité et sa singularité que le psychologue clinicien va rencontrer dans cet entretien. L’hypothèse est que le déplacement, le mouvement, cet exile peut se penser comme un symptôme dans le sens de la création, un tentative de faire lien avec l’autre. L’exile est constitutif de la subjectivité dans le sens où il évoque la séparation plus où moins bien vécu du sujet pour accéder au symbolique. Cet exile originel construit l’identité et inscrit le sujet dans une culture et un langage. De cette expérience fondatrice d’un exile antérieur, on peut penser que tout déplacement hors de sa propre culture est une façon de réactualiser cette épreuve du lien et de la perte. L’exile est un acte, un agir, une pulsion de vie qui ne peut être que soutenue en attendant que le sujet puisse au moment où il l’aura choisi, démarrer une mise en mot, une symbolisation, une mise en récit de son histoire. Mais avant, il faut pouvoir accueillir l’autre pour lui proposer une place de sujet, tant qu’il est souvent délogé de son statut d’humain. Il faut respecter le temps psychique de l’individu, c’est-à-dire respecter le temps qu’il va mettre pour parler. Primo Lewis en 1947 dit « Aujourd’hui encore, à l’heure où j’écris, assis à ma table, j’hésite à croire que ces évènements ont réellement eu lieu ». Comme il n’arrive pas à intégrer cette information, il n’arrive pas à y croire. L’apparent déstructuration du sujet, la déshumanisation dans lequel se trouve les personnes exilés peut faire penser à la psychose. H est apparu comme morcelé et c’est dans l’accueil, dans sa forme de contenance qu’il est possible de lui proposer une possibilité de restructuration. L’idée d’une structure psychotique est une hypothèse à ne pas écarter. Cependant, la réactualisation, la répétition d’un trauma originel dans une forme névrotique prenne la forme d’une psychose passagère comme l’a décrit Ferenczi. La souffrance, l’exclusion, la confrontation à la mort, la déshumanisation ont des effets sur le psychisme de manière universelle. Autre vignette clinique : Accueilli dans un état de sidération, Allie, dit qu’il ne dort plus que quelques minutes par nuit. La sidération ou l’effroi : quand on est pris par le réel (la mort). Il faudra beaucoup de temps pour que la confiance s’installe entre Cabanis et lui, pour qu’il lui dise que quand ça lui arrive de dormir, il se réveille aussi tôt terrifié par la remémoration du massacre de sa famille par la milice en somalie. Qu’il a peur de tout en permanence, qu’il ressent un vide en lui, qu’il ne veut plus vivre. Après plusieurs entretiens, et la perceptive d’une convocation à l’OFPRA (office français de protection des réfugiés et apatrides) vont susciter chez lui un espoir : celui d’être sur de ne plus rentrer chez lui et d’être entendu par une instance juridique. L’instance juridique est importante car elle est symbolique. Sa demande d’asile sera refusée et il va replonger dans une détresse et une sidération inquiétante. Il avait repris confiance en lui, il avait réussi à se rassembler, à rejoindre la communauté des humains. Il faudra donc beaucoup de temps pour qu’il se remobilise, se rassemble psychiquement pour réenclencher un recours à la CNDA (cours national du droit d’asile). Aujourd’hui, il attend sa convocation. Il ne travaille pas, il n’a pas le droit. Il va de rendez-vous en rendez-vous dans une sorte d’errance administrative acculée dans ses reviviscences traumatiques, ses angoisses, ses nuits sans sommeil et dans la terreur d’être renvoyé dans son pays. Là, où, il le sait, il en est persuadé, il sera tué par les miliciens. Tout cela, Allie tente de le mettre en mot lors des rencontres hebdomadaires avec Mr Cabanis. Ces trois personnes sont exilés de leur patrie et quelques choses les lie. On peut penser que la répétition d’un trauma originel dans un évènement qu’il soit extraordinaire ou non a provoqué chez eux un besoin d’agir, un désir de déplacement. Dans tous les cas, cet acte dans sa singularité est une tentative de survie face à un indicible qu’ils vont rencontrer à un moment donné de leur vie. Se maintenir en tant que sujet loin de leurs repères culturels est une quête. Ce deuxième exile réactualise des défenses archaïques et ordonne leur fonctionnement psychique. Hors l’accueil qu’il leur ait fait, avec leur refus de demande d’asile empêche une tentative de guérison et réactualise une millième fois le programme. Cette ultime refus plonge souvent les demandeurs d’asile vers l’errance. Ces trois situations montrent la complexité de l’imbrication, de l’articulation qui existe entre un traumatisme initial et son rapport à l’évènement, entre évènement et subjectivité. L’exile est une solution que le sujet trouve pour traiter cette imbrication. La rencontre clinique (au chevet de) quel qu’elle soit est toujours singulière, unique. Cabanis a la conviction aujourd’hui que le savoir ne peut être que supposé et non incarné. C’est-à-dire que le patient suppose un savoir que l’on a pas, que l’on a pas incarné. C’est là le démarrage du transfert, ce qui est important. La position du psychologue clinicien doit être tenu, défendu, et même revendiquée. Soutenir la personne exilée dans sa place de sujet avec son symptôme, sa culture, son histoire, est la fonction première du psychologue clinicien. LA DEMANDE D’ASILE : L’asile désigne à l’origine une constellation de lieux sacrés servant de refuge à ce qui se soustrayait à un péril imminent. Le terme asile à tout au long de son histoire, connoté un espace de paix pour s’extraire d’une menace intérieure ou extérieure (référence aux conditions asilaires). Le droit d’asile est internationalement reconnu par la convention de Genève en 1951 et inscrit dans la constitution française. Il permet de protéger toute personne victime de persécution. En Europe, pour 10 000 habitants, depuis 10 ans, les chiffres fluctuent de 5 pour 10 000. Dans 70 à 80% des cas, la demande d’asile est refusée. Cette demande est faite à l’OFRA (office français de protection des réfugiés et apatrides). La personne fait une demande s’asile et l’étude de cette demande est en fait une enquête sur la personne. Son pays d’origine et son écrit (faire un écrit sur ce qui leur est arrivé). Un entretien suit donc l’étude de ce dossier, de 3 mois à 6 mois d’attente, mais aujourd’hui, il faut compter au moins 1 an, pour regrouper les information et vérifier la véracité de l’écrit de la personne en situation d’exile. En quoi elle est en danger dans son pays, est-elle dans une situation physique ou psychique qui nécessite ce statut de réfugié, et peut-elle être protéger dans son pays. Ainsi l’OFRA a différentes études géopolitiques qui évalue la dangerosité d’un pays. Mais ces critères ne rendent pas compte malheureusement des subtilités culturelles et politiques de chaques pays. Des différentes formes de guerres, de massacres, des évènements non-officiels ou non-reconnu par l’ONU. Par exemple la loi du Kanun en Albanie est non reconnu officiellement par l’état albanais et les état européens. Cette loi autorise la vengeance du sang, c’est-à-dire le droit de tuer pour se venger d’un préjudice subi. Cette vengeance est inscrite dans un code particulièrement complexe avec des variantes selon les régions. Elle a pour conséquences de produire des conflits entre les familles sur plusieurs générations. Autre exemple, le massacre en Guinée : manifestation dans un stade et tous les militaires sont venus massacrer tous les opposants. 7 ans après les faits, et 6 ans après le début de l’instruction mené par la justice guinéenne, plusieurs figures importantes de l’ageinte sont inculpées mais la procédure d’éternise et beaucoup de questions demeurent sur le procès à venir. Par conséquent, il est difficile pour les rescapés d’obtenir le statut de réfugié. Nous voyons bien avec ces deux exemples la complexité géopolitique, anthropologique et juridique que vient poser la venue d’exilé sur le sol français. L’entretien à l’OFPRA par du postulat que la personne qui fait la demande est suspecté de venir sur le sol français pour des raisons économiques et de ce fait elle doit prouver qu’elle est en danger de mort dans son pays. Pour se faire, il faut que le pays d’origine soit reconnu par l’état français comme instable. Les récits des personnes sont ainsi regroupés avec des documents sur les situations politiques et économiques du pays d’origine. La symptomatologie : La symptomatologie des patients ayant vécu des évènements extrêmement violents montre des altérations de la mémoire et des repères spatio-temporels, ainsi que des clivages (mécanisme de défense où une partie de nous intègre ce qu’il s’est passé et l’autre en fait un déni. Qui fait que la personne commence à raconter un évènement extrêmement violent qu’elle a subi et ait complètement détachée des affects. Il y a un clivage au niveau psychique qui lui permet de survivre). Ces éléments symptomatiques peuvent donner l’impression que la personne raconte n’importe quoi tant elle peut paraitre détachée des faits et confuse dans le récit. La clinique nous apprend qu’il s’agit de mécanismes de défenses face à l’innommable. Elles ne peuvent dire l’indicible de l’évènement traumatique. Et par définition, elles n’ont pas de mots. Il y a rupture dans la chaine signifiante pour traiter cette effraction du réel. Il est donc très fréquent que les demandeurs s’asile soit dépités car ils n’ont pas réussi à faire un récit de leur histoire ou ne semblent pas avoir vécu ce qu’elles expliquent car le traumatisme fait que la personne récite une histoire et non leur histoire. Elles peuvent être dégoutée et pire, ces personnes vivent ce type d’entretien comme une révilescence de l’évènement traumatique et tout particulièrement dans des cas de tortures et de viol. Il est courant qu’une névrose traumatique s’installe à ce moment-là. Exemple d’un cas clinique : Mariame prend rendez-vous par l’intermédiaire d’une assistance sociale du CADOR. Au premier entretien, c’est une jeune fille d’une vingtaine d’années qui semble particulièrement anxieuse, elle regarde partout autour d’elle en touchant souvent ses cheveux et en bougeant sans cesse de position sur le fauteuil. Après avoir présenté le cadre de l’intervention, Mr Cabanis lui demande ce qu’il lui a amené vers un psychologue, elle dit que c’est l’assistante social qui lui a conseillé de consulter par rapport à son histoire. Il observe souvent que les patients sont « obligés » d’expliquer les évènements traumatiques, alors qu’ils ne sont pas obligés, ils peuvent parler d’autre chose et prendre le temps d’expliquer le traumatisme et leur souffrance. Mariame va faire part de son angoisse, elle va alterner parole et silence tout le long de l’entretien. Elle vient de la république démocratique du Congo, là-bas elle était dans l’opposition gouvernemental en conséquence de quoi elle a été emprisonnée. Et pendant deux semaines, elle a été torturée et violée. Mariame n’entre pas dans les détails, et Mr Cabanis lui dit qu’ils ont le temps. Mais son récit parait détaché d’affects (« j’ai vécu ça mais tout va bien »). Ce qui l’inquiète c’est qu’elle commence à parler la nuit sans s’en rendre compte. Elle explique que dans son pays, quand on parle la nuit, c’est que l’on est possédé, ensorcelé par les mauvais esprits. La mère de sa copine, également Congolaise et qui l’héberge dans le moment va prendre peur et lui donner son congé. Suite à cet épisode, Miriam va partir au CADOR à Rennes. Mais à ce moment-là, elle est convoquée par L’OFPRA et c’est à partir de cet entretien qu’elle l’a vécu comme une torture et que ses angoisses ont commencé. Des cauchemars en relation avec les tortures vécues s’installent et perdurent toutes les nuits, accompagnées de perturbations neurovégétatives et de troubles de la mémoire. Elle est en vigilance constante et craint d’être arrêtée à chaque coin de rue (état d’hyper vigilance). Cet entretien semble avoir provoquée une décompensation névrotique chez Miriam. Ainsi, on peut faire l’hypothèse que l’entretien à l’OFPRA, avec l’injonction à dire, de raconter ce qui s’est passé puisse provoquer un mécanisme de défense sur le mode d’une décompensation. Ce mode d’entretien pose donc question. L’attente de la réponse est une autre épreuve, tout aussi insupportable, les délais d’attente peuvent durer plusieurs mois durant lesquels les patients se situent dans une sorte de « no mans land » (on appelle ça le « syndrome de la salle d’attente »). Un espoir subsiste et qui fait tenir le patient quand il n’a pas décompensé après l’entretien et est donc très difficile pour le clinicien de soutenir cet espoir sachant dans certains cas, dans certaines situations que la demande a de forte chances d’être refusée. Et dans ce moment d’attente, il est difficile pour la patient de commencer un travail, de commencer une mise en récit de son histoire, du fait de la situation insécurisante, non- contenante dans laquelle il se trouve. Un autre aspect complexe a gérer pour le psychologue clinicien c’est que le patient considère souvent le psychologue comme un interlocuteur qui peut l’aider à constituer son dossier en y incluant des attestations. Mais au-delà de cette demande de documents, c’est aussi un espace où le patient peut être entendu sans que sa parole ne soit mise en doute. La non reconnaissance du préjudice de l’évènement vécu par cette nouvelle communauté (la France), peut avoir des conséquences désastreuses pour le sujet quand elle ne marque pas une entrée dans la folie. Cela signifie pour ces personnes qu’elles devront vivre sans papiers, sans droits, sans toits, sans moyens financiers. Bien souvent, ils ne parlent pas ou peu la langue française, ils deviennent donc des clandestins avec les risques sanitaires et psychiques que cela comporte. Ce refus signifie pour eux qu’ils doivent rentrer dans leur pays ou vivre dans la clandestinité. Mais le retour au pays peut vouloir dire l’éventualité d’être tué, emprisonné, violé. On observe souvent dans ces moments, des phénomènes qui s’apparentent à la psychose avec des délires, des éléments de dépersonnalisation et d’errance. Etude clinique : Djibril est Guinéen, il a vécu le massacre d’opposants en 2009 dans le stade. Après une demande d’asile puis un recours refusé, il obtiendra un permis de séjour pour soin. Il réussit a trouvé un travail en intérim de nuit. Cet emploi lui permet de travailler la nuit et de se construire un réseau d’amis. Il tient avec cet entaillage qu’il s’est construit, il s’est intégré. Mais il garde ce secret de ce qu’il lui est arrivé en guinée. Ce qui frappe son discours est le clivage qu’il a mis en place entre le 28 septembre 2009 et le reste de sa vie. Il a complètement isolé l’évènement de sa vie et de son corps, c’est-à- dire que son corps se détache (« mes yeux ont vu des choses »), ces yeux n’appartiennent pas à son corps. L’effroi qui la frappé ce jour-là, fait penser au mythe de la méduse. Tout comme la méduse pétrifiant d’effroi du regard ses ennemis, Djibril a été pétrifié d’effroi devant la méduse et il n’avait pas de bouclier pour s’en protéger. Il vit donc avec cet inexistant, avec cet évènement qui n’a pas eu lieu et qui n’a pas été reconnu par l’OFPRA et par la CNDA. Seuls ses yeux, qu’il détache de son corps ont vu l’indicible. Le rescapé a peut-être besoin de l’autre pour voir et entendre ce qu’il ne peut pas éprouver envers lui-même et ainsi commencer à symboliser cet indicible. L’interprétariat : Par définition, la personne exilée de son pays d’origine passe d’une langue à l’autre. De fait, elle ne connait pas la langue du pays d’accueil sauf peut-être si celui-ci est francophone. L’entretien clinique devient particulièrement complexe et le recours à un interprète professionnel semble être la seul solution. Ces interprétariats se font soit par téléphone, soit directement par la présence physique d’un professionnel. C’est un exercice complexe. L’interprétariat est systématiquement proposé aux patients qui ne parlent pas la langue française ou très peu. Pour autant on constate que beaucoup d’entre eux apprennent le français et qu’ils s’efforcent de pratiquer, ce qui est autant plus compliqué quand l’apprentissage s’oppose à nous. La psychologue va devoir interpréter les signifiants de la personne a qui ont a confié cette mission, l’interprète. En somme, il interprète la traduction subjective du professionnelle. En ce qui concerne la relation transférentielle, la question se pose également, puisqu’il y a un tiers dans la relation. Pour autant le travail du clinicien est de créer un espace où les choses peuvent se dire, un espace pour accueillir une parole. Et comment sujet peut-il parler de lui sans utiliser sa langue maternelle ? Comment peut donc se mettre en place une relation transférentielle ? La travail de Marie Cécille et Edmond Ortigues avec leur ouvrage intitulé « Œdipe Africain » et sur ce point particulièrement intéressant. Elle pose la question de l’inscription et de la présence de l’interprète dans l’entretien. De la parole et de sa traduction, et enfin des relations intrasubjectives d’entretien. Ces trois points sont extrêmement importants. D’autres demandent un interprète dans un premier temps avant d’acquérir un français qui lui semblera suffisant pour poursuivre des entretiens sans la tiers personne. Cette question doit être pensée avec le patient et même avec un français rudimentaire, il est possible de faire un travail clinique et d’autant plus si on respecte son choix de ne pas inclure un interprète. Freud nous dit « quelqu’un part ailleurs maitre de soi souffre d’un conflit interne auquel il ne peut mettre fin tout seul si bien qu’l finit par venir chez le psychanalyste à qui il demande de l’aide » Névroses, psychoses et perversions. La demande est au cœur de l’entretien clinique. Le psychologue clinicien doit l’analyser et reconnaitre le désir du sujet mais cela n’est pas évident. Au désir du sujet, s’ajoute celui du clinicien et souvent celui d’un tier, alors qu’il porte le désir d’une demande d’entretien. Si la question du désir du clinicien peut être interroger dans une psychanalyse, en revanche le désir d’un parent, des services sociaux ou de la médecine reste à identifier. En effet, beaucoup de patients, se sont adressés à Mr cabanis, soit par les services sociaux, soit par les médecins. La question est d’autant plus délicate car les patients présentent souvent des psychotraumatismes. Peut- être que pour se défendre du réel que suscite les évènements traumatiques vécues par les patients exilés, l’adresse à un psychologue clinicien peut répondre au désir d’agir et de sauver. Mais qu’en est-il du patient ? nous l’avons vu avec les entretiens de l’OFPRA, forcer la parole quand elle ne peut se dire, peut être dangereux. Néanmoins, un travail peut se faire avec les médecins sur la question de la demande, d’autant qu’il arrive parfois de conseiller dans l’autre sens certains patients pour aller voir les médecins afin d’aller vérifier si certains symptômes somatiques ne sont pas d’origine biologique. Les patients exilés pour une grande partie d’entre eux, ne savent pas ce qu’est un psychologue clinicien. Il y a une dimension culturelle qui doit être absolument prise en compte. Il n’est pas rare que les patients attendent une prescription médicamenteuse ou de la magie. Un premier travail consiste donc à identifier qui porte la demande et chemin faisant, à amener le sujet (celui qui souffre), à élaborer sa propre demande ou sa non-demande. En ce qui concerne les demandes magiques ou médicamenteuses, il est important de suspendre la réponse pour laisser se déployer la demande et laisser apparaitre ce que le sujet veut. LE TRANSFERT : Le transfert désigne le processus par lequel les désirs inconscients s’actualisent et sont projetés sur l’analyste. - Le contre transfert est l’ensemble des réactions inconscientes positives et négatives de l’analyste vis-à-vis de son patient et plus particulièrement par à rapport au transfert de ce dernier. - Le contre transfert culturel : il s’agit de repérer la dimension culturelle donc collective du contre transfert dans la rencontre avec l’altérité. - Projection : opération par laquelle le sujet expulse de soi et localise dans l’autre personne des choses de qualités, des sentiments, des désirs, voire des objets Lacan dit que le transfert c’est de l’amour qui s’adresse au savoir mais ce qui frappe dans cette clinique (clinique de l’exile) c’est que la demande prend des allures d’ordre vital. C’est quelque chose qui se rejoue et qui se répète. Bien souvent les patients demandent à ce que l’on supprime leurs symptômes tant la douleur est vive. Ils demandent à ce qu’on leur enlève une partie d’eux-mêmes pour pouvoir revivre. L’espace, le lieu de l’entretien, devient un asile, un refuge où un espoir de dessine. La demande devient à lors débordante et massive. Il y a fréquemment des positionnements d’ordre archaïque de la petite enfance très bien décrit par Lewis « alors une désolation totale m’envahie, comme certains désespoirs enfuient dans les souvenirs de la petite enfance. Une douleur à l’état pure que ne tempère ni le sentiment de réalité, ni l’intrusion de circonstances extérieures. La douleur des enfants qui pleurent ». Toujours est-il qu’il n’est pas anodin de recevoir en entretien des patients qui ont vécu des atrocités, que ce soit les scènes de guerre, de torture ou de massacre. Quant est-il pour le psychologue clinique, comment peut-il penser cette clinique et métaboliser ce réel ? Il lui est arrivé (Mr Cabanis) de faire des rêves angoissants sur ce que j’ai pu entendre ou ce que je n’ai pas entendu. Car c’est bien du réel dont il s’agit, de ce qui n’arrive pas à s’élaborer faute de signifiants. Ce qui frappe toujours dans la lecture de « si c’est un homme » de Lewis, ou de « la nuit » de WIESEL, c’est l’horreur de ce qui n’arrive pas à être dit. Le prof a ressenti de matière plus intense cet aspect-là lors d’entretien sur les évènements extraordinaires. Devereux : « l’altérité provoque une angoisse reflexe qu’on en soit conscient ou non, il importe donc de pouvoir la reconnaitre pour la dépasser » Ferenczi a beaucoup contribué aux avancées conceptuelles du traumatisme, notamment pendant et après la première guerre mondiale avec les névroses de guerre (les névroses de guerre : concept par Freud et Ferenczi après la première guerre mondiale). En 1919, dans sa collaboration « Sur les névroses de guerre » avec Freud et Abraham, il fait observer que certains soldats revenus du front présentait une forme d’hystérie du fait de mécanismes de conversion. Ces soldats, disait-il, ne sont pas encore revenus de leur effroi. Dans un premier temps, Ferenczi travaille avec ses patients comme si il s’agissait d’hystérie de conversion (à la freud). Mais il observe rapidement que ses patients souffrent de violents symptômes comme la caticardie, la sudation, des troubles du sommeil entrecoupé de cauchemars, d’excès de colère et d’inhibition sexuel. En somme, pour Ferenczi, une grande partie des symptômes peuvent être ramenés à une dépression hypocondriaque et une hypersensibilité du moi. Il constate également que ces symptômes leur permettent d’éviter toutes menaces de répétitions de l’évènement traumatique et tout cela dans une angoisse d’appréhension. Pour éviter cette angoisse, ils adoptent des postures étranges (comme le fait d’être tout recourbé : l’impossibilité de se tenir debout). Ce qui frappe le plus Ferenczi dans cet évènement, c’est la régression affective du patient qui semble retourner imaginairement dans son enfance. Les malades voudraient être dorlotés, soignés et plaints comme des enfants. L’auteur fait l’hypothèse toujours dans le même texte, que le patient suite à un ou plusieurs chocs à retirer aux objets son intérêt et sa libido pour les ramener dans le moi. il s’est produit une stase de la libido dans le moi qui s’exprime par ces sensations organiques hypocondriaques anormales et par l’hypersensibilité. Cet amour excessif pour le moi dégénère souvent en une sorte de narcissisme infantile. ***la commotion survient toujours sans que le sujet soit préparé, sans défense et sans signal d’angoisse. Ce choc produit chez le sujet, une blessure narcissique dans le sens où « elle (la commotion) a dû être précédée par le sentiment d’être sûr de soi dans lequel par suite des évènements, on s’est senti déçu. Avant, on avait trop confiance en soit et trop confiance au monde environnent, après trop peu ou pas du tout. On aura surestimé sa propre force et vécu dans la folle illusion qu’une telle chose ne pouvait pas arriver, pas à moi ». Ferenczi parle d’une certaine fragilité constitutive du aux expériences primaire du sujet avec l’objet. Il parle de confusion de langue entre le langue passionnel des parents et celui de l’enfant qui peut alors prendre la forme d’une surexcitation sexuelle. Une réponse inadaptée du parent face à la détresse de l’enfant, entre un objet trop présent ou trop absent entrainerait un état de déstresse primaire qui pourrait se réactiver à tout moment. Référence « confusion des langues ». Il ferait l’hypothèse d’une blessure narcissique où le patient retire ses investissements objectaux et retourne à des stades infantiles pour n’être capable d’aimer un autre que lui-même, c’est-à-dire le narcissisme primaire. Personne vulnérable et fragile (être objet de). Il va donc s’interroger sur la possibilité d’une psychose passagère et le refoulement traumatique primaire. Il fait l’hypothèse que pour se protéger du choc, le patient tente une rupture avec la réalité dans une amnésie névrotique. Il parle alors de clivage psychotique qui entrainerait une expulsion d’une partie du moi. Le sujet clive sa propre personne en une partie endolorie et brutalement détruit et une autre partie omnisciente aussi bien qu’insensible. Tout comme on est en droit de parler de refoulement, on peut admettre le point de vue topique même en ce qui concerne ces cas où la personnalité est déchirée en deux ou plusieurs parties. Les fragments produit par la désintégration prenant pour ainsi dire la forme et le mode de fonctionnement d’une personne entière. La théorie du trauma pour Ferenczi est différente que cette de freud dans les origines métapsychologiques. Ainsi il décrit le traumatisme comme un choc qui fait éclater la personnalité, d’où en résulterait un clivage et un replis vers des stades infantiles. Cependant, il conserve l’idée d’un choc originel qui se répèterait avec des évènements particuliers pour le sujet.

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