Dissertation sur Olympe de Gouges, Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne (1791) PDF

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This document is an excerpt from a dissertation outlining the potential political and social actions of Olympe de Gouges' 1791 Declaration of the Rights of Woman and the Female Citizen. The text discusses the context of the work and potential interpretations. Discussion of the historical and societal context of political and social change in the 18th century.

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DISSERTATION SUR OEUVRE : Olympe de GOUGES, Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne, 1791. Parcours : « Écrire et combattre pour l’égalité » « Pour une femme, écrire a toujours été subversif : elle sort ainsi de la condition qui lui est faite et entre comme par e raction dans un dom...

DISSERTATION SUR OEUVRE : Olympe de GOUGES, Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne, 1791. Parcours : « Écrire et combattre pour l’égalité » « Pour une femme, écrire a toujours été subversif : elle sort ainsi de la condition qui lui est faite et entre comme par e raction dans un domaine qui lui est interdit », écrit Béatrice Slama dans De la « littérature féminine » à « l’écrire-femme » : di érence et institution (Littérature n°44, 1981). Dans quelle mesure pensez-vous que ce jugement puisse s’appliquer à Olympe de Gouges quand elle publie la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ? Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle. Proposition de correction : éléments pour l’analyse du sujet et l’introduction Il s’agit d’un sujet qui demande dans quelle mesure vous partagez la thèse proposée par l’autrice de la citation : cela nécessite donc un plan dialectique, qui permet de nuancer et de discuter une thèse. - Analyse de la citation : « Pour une femme, écrire a toujours été subversif… » : subversif signi e « qui est susceptible de bouleverser, de détruire les institutions, les principes ; qui menace l’ordre établi ». Béatrice Slama sous-entend ainsi que dans un système patriarcal, les femmes ne sont pas censées jouer un rôle littéraire. « …elle sort ainsi de la condition qui lui est faite… » : ainsi formulé, le propos de l’autrice montre qu’une femme aurait donc dans la société patriarcale une place et un rôle qu’elle ne peut pas choisir. Être écrivain ne ferait précisément pas partie des conditions que peuvent occuper les femmes. Écrire serait une activité réservée aux hommes dans notre société patriarcale. « …et entre comme par e raction dans un domaine qui lui est interdit. » La comparaison de la femme qui « entre comme par e raction » associe l’acte d’écrire, pour une femme, à une profanation, car la littérature serait un territoire masculin. Ainsi, les femmes qui désirent écrire sont-elles condamnées à devoir agir sinon à la limite de la légalité, du moins en décalage avec l’ordre politique et social. - Reformulation de la thèse de l’autrice : Dans une société patriarcale où la littérature est vue comme un territoire réservé aux hommes, les femmes de lettres sont obligées de faire leur place en contestant cet ordre établi et donc de s’imposer avec force, sans attendre d’être acceptées par ceux-ci. Puisque les femmes sont exclues de la littérature par le patriarcat, elles doivent donc combattre pour être écrivaines, si bien qu’écrire, pour une femme, est déjà un acte politique engagé et provocateur. - Problématisation : il est demandé de véri er si cette thèse s’applique à Olympe de Gouges et plus précisément à sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Problématique possible : En publiant sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges accomplit-elle un acte politique qui remet violemment en cause l’ordre patriarcal établi ? 1 sur 4 ff ff ff fi ff fi En publiant la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges accomplit un violent acte politique contre le patriarcat. Le contexte d’écriture nous permet d’aller dans le sens de Béatrice Slama : Olympe de Gouges a publié sa Déclaration pour entrer « comme par e raction » dans un débat con squé par les hommes. En e et, Olympe de Gouges a choisi de publier sa Déclaration le 14 septembre 1791, c’est-à-dire le lendemain de l’acceptation par le Roi de la première constitution instaurant une monarchie constitutionnelle. Cette constitution reprend mot pour mot la Déclaration du 26 août 1789 alors qu’un intense débat avait agité les révolutionnaires quant au fait de modi er ou non ce texte a n qu’il gurât dans la constitution. Comme cette constitution contenait le texte initial de la DDHC sans modi cation, Olympe de Gouges, qui avait aspiré à ce qu’il fût modi é a n d’inclure des revendications féministes en son sein, décida de publier cette réécriture critique pour agir malgré tout pour la cause des femmes. Dans l’épître dédicatoire à la Reine, Olympe de Gouges présente elle-même son œuvre comme un acte politique engagé. En e et, dans cette dédicace, elle propose à Marie-Antoinette de faire une alliance politique : si la Reine soutient « le retour des Princes » et donne du poids à « l’essor des droits de la femme », alors elle aura le soutien d’Olympe de Gouges qui a rme qu’ainsi, elle trouvera une manière de redorer son image, très écornée. Il s’agit d’un manifeste1 véhément contre le patriarcat et en faveur du droit des femmes. En e et, l’autrice emploie un ton polémique, n’hésitant pas à interpeller directement le patriarcat lorsque, dans le texte intitulé « Les droits de la femme », elle l’apostrophe ainsi : « Homme, es-tu capable d’être juste ? ». De plus, son texte est provocateur, car lorsqu’elle dédie son œuvre à la Reine – et non au Roi – et en l’appelant « Madame » et – et non « Majesté », Olympe de Gouges pose d’entrée de jeu un rapport d’égalité avec Marie-Antoinette alors que l’idée de monarchie suppose une relation asymétrique entre un monarque et ses sujets. En n, Olympe de Gouges met en valeur les femmes, qu’elle place systématiquement aux côté des hommes dans les articles de sa Déclaration : dans l’article III, par exemple, le terme « Nation », présent seul dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est glosé en « Nation, qui n’est que la réunion de la Femme et de l’Homme » dans la Déclaration d’Olympe de Gouges. D’ailleurs, dans le « préambule », l’autrice rend hommage aux femmes qui sont selon elle un « sexe supérieur en beauté comme en courage dans les sou rances maternelles ». Toutefois, la Déclaration porte un engagement politique plus large et constitue une œuvre littéraire riche et complexe. Olympe de Gouges ne s’attaque pas qu’au patriarcat et ne défend pas que les femmes. En e et, Olympe de Gouges dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne e ectue une véritable synthèse de ses di érents combats politiques : celui en faveur des femmes, bien entendu, mais aussi ceux en faveur des enfants nés en dehors du mariage (qu’elle défend dans l’article XI), d’un nouveau contrat de mariage, égalitaire (qu’elle appelle de ses vœux dans le postambule, dans la section « Forme du contrat social de l’homme et de la femme »), du strict respect de la loi (à la toute n du postambule, elle rapporte une anecdote personnelle : elle fut contrainte de payer à son cocher plus que prévu par la loi et cet abus a été conforté par un magistrat, c’est-à-dire par un représentant de la loi). En n, elle met particulièrement en avant son 1 Un manifeste est un texte argumentatif faisant partie de l’essai : il s’agit d’une déclaration solennelle et publique dans laquelle on expose un programme politique. 2 sur 4 ff ff ff fi ff fi ff fi fi ff ff fi ff fi fi fi fi ffi fi rejet absolu de l’esclavage et du comportement des colons blancs dans les Antilles : dans le Postambule, elle amène, sur le mode de la digression, la situation des « hommes de couleur ». Auparavant, Olympe de Gouges avait déjà dénoncé l’esclavage dans sa pièce Zamore et Mirza (1784). Olympe de Gouges mène donc un combat politique, social et sociétal bien plus large. Dans sa Déclaration, Olympe de Gouges ne fait pas seulement preuve d’un engagement politique, mais aussi d’un engagement littéraire. En e et, ce texte est riche et complexe sur le plan littéraire : l’autrice joue avec les genres littéraires avec une certaine subtilité. Concernant l’épître dédicatoire, on a vu qu’elle réutilise cette forme en se démarquant des attendus. La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne à proprement parler constitue un texte complexe qui oscille entre réécriture critique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et pastiche juridique pour nalement constituer un essai : sous la forme d’un texte de loi, elle fait en réalité passer ses idées en s’attaquant implicitement à la Déclaration, réputée presque sacrée, de 1789. En outre, elle manie le style rhétorique avec aisance, comme on le voit au début du « Postambule » : on retrouve des métaphores et un lexique caractéristiques des Lumières, comme dans la phrase « Le ambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation. » Elle sait également construire des « périodes », ces longues phrases rhétoriques censées donner de l’ampleur dans un discours. Elle se réfère aussi à l’intertextualité, notamment biblique, car, en écrivant : « ‘Femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ?’ ‘Tout’, auriez- vous à répondre. », elle reprend un épisode de l’Évangile selon Saint Jean2. Écrire la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen constitue donc autant un acte littéraire qu’un acte politique. Il serait réducteur d’a rmer que le positionnement politique d’Olympe de Gouges est radical et que son texte serait extrêmement violent. Olympe de Gouges, en tant que pionnière du féminisme, a longtemps été représentée, en raison d’une grande misogynie, comme une féministe extrémiste ; or c’est faux : son texte, même s’il utilise le registre polémique et une certaine virulence, n’appelle pas à la fondation d’un matriarcat, ni à l’éviction des hommes du pouvoir. Au contraire, sa Déclaration ne cesse, notamment dans les articles, d’adjoindre les femmes aux hommes, qui sont toujours présents aux côtés des femmes. De plus, son positionnement politique était en réalité modéré : partisane des Girondins, bien moins radicaux que les Montagnards, elle fut opposée à la mort du Roi. D’ailleurs, en dédiant son œuvre à la Reine, Olympe de Gouges lui reconnaît un rôle institutionnel et politique important. La Déclaration d’Olympe de Gouges est donc un texte égalitariste sans être radical ni extrémiste. Par conséquent, publier la Déclaration est l’acte politique fort d’une femme de lettres humaniste. Il s’agit d’une œuvre humaniste sur le plan politique. On peut en e et quali er d’humaniste son combat dans la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Plus qu’un texte en faveur du seul droit des femmes, il s’agit un texte qui promeut les droits humains et l’égalité en général. C’est en e et ce qui constitue le l rouge de tous ces combats (égalité homme / femme, Blancs / Noirs, époux / épouse, enfants légitime / enfants illégitimes…) qui, à première vue, semblent réunis de manière disparate. Il s’agit d’une œuvre humaniste sur le plan littéraire. En e et, Olympe de Gouges, en tant que femme de lettres des Lumières, prolonge l’héritage des écrivains et penseurs humanistes de 2 Dans l’épisode biblique des noces de cana, relaté dans l’Évangile selon saint Jean (2, 1-11), Jésus répond à sa mère qui l’informe que les invités n’ont plus de vin : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre toi et moi ? » Cette phrase a souvent été utilisée pour montrer la misogynie du Christ, de la religion chrétienne. 3 sur 4 ff fl ffi fi fi ff ff ff fi la Renaissance. En e et, elle promeut le progrès, la ré exion et le savoir contre l’obscurantisme. De plus, la question du droit des femmes était déjà posée au 17e s. dans le Grief des dames de Marie de Gournay, grande lectrice et commentatrice de l’humaniste Michel de Montaigne. L’autrice de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne s’inscrit donc bel et bien dans cette tradition. D’ailleurs, à l’image de l’œuvre de Montaigne, qui est autant l’œuvre d’un philosophe que d’un écrivain, la Déclaration d’Olympe de Gouges est à la fois un essai de philosophie politique et une œuvre littéraire dans laquelle la dimension autobiographique n’est pas absente. Un message modéré et novateur servi par un propos franc et percutant. Replacé dans son contexte (l’héritage humaniste et son inscription dans le mouvement des Lumières), la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de 1791 complète les revendications d’égalité et de progrès portés par les Révolutionnaires de 1789. En ce sens, le message d’Olympe de Gouges, partisane des Girondins, est nalement plus modéré que radical. En revanche, c’est avec le « talent du manifeste », pour reprendre le mot de l’historienne Michelle Perrot à propos d’Olympe de Gouges dans son ouvrage Les femmes rebelles, qu’elle fait passer ce message, novateur pour son époque. En e et, elle n’hésite pas à apostropher son lecteur (« Homme, es-tu capable d’être juste ? » demande-t-elle dans « Les droits de la femme ») et sa lectrice (« Femme, réveille-toi » lance-t-elle au début du « Postambule »), à employer des formules franches et percutantes, comme lorsqu’elle a rme dans l’article X que « La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit pouvoir avoir aussi celui de monter à la tribune. » La publication de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791 s’apparente en e et à un acte politique fort qui remet en cause le patriarcat : ce texte, qui sous une apparence juridique est en réalité un manifeste pour le droit des femmes, manie le registre polémique. Toutefois, la Déclaration est bien plus que cela : c’est une œuvre qui mène bien d’autres combats que celui pour les droits des femmes et qui n’est pas seulement un texte politique : c’est aussi un texte littéraire jouant malicieusement avec les codes de di érents genres (épître, texte juridique) et usant avec nesse de l’intertextualité. Aussi la Déclaration est-elle le texte, profondément humaniste, d’une femme de lettres qui cherche à transmettre un message politique novateur et universel à la fois. Le propos d’Olympe de Gouges en 1791, s’il est profondément novateur dans une société dominée par les hommes de manière écrasante, n’en est pas moins l’héritier d’une tradition héritée des humanistes. Il serait donc légèrement forcé de dire qu’elle entre « par e raction » dans « un domaine qui lui est interdit » comme l’écrit Béatrice Slama dans De la « littérature féminine » à « l’écrire-femme » : di érence et institution. Toutefois, c’est en e et un « acte subversif », tant sur le plan politique que littéraire, elle amène un sou e nouveau sur le combat pour le droit des femmes et elle le fait en usant avec nesse de genres et de procédés littéraires qu’elle réemploie de manière parfois audacieuse. La dimension subversive de l’écriture féminine ne s’arrête pas avec l’acte courageux d’Olympe de Gouges en 1791, et la littérature reste après elle un territoire dominé par les hommes : au 19e s., Amandine Aurore Lucile Dupin de Francueil dut, pour s’imposer dans les milieux littéraires où elle excella ensuite, prendre un nom de plume masculin : celui de George Sand. 4 sur 4 ff ff ff ffi ff ff fi fi fl ff fi ff ffl

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