Réflexions sur le Moyen Âge

L'éternel retour du Moyen Âge

• L'auteur cite des phrases de Léon Bloy tirées de "Exégèse des lieux communs" (1902).
• Bloy y critique l'exigence des examens sur le Moyen Âge et l'évolution "moyenâgeuse" de la société bourgeoise.
• L'observation de Bloy invite à reconsidérer la réception moderne du Moyen Âge.
• Cinquante ans avant 1902 ramène à 1852, une période de reflux du romantisme et de montée du positivisme.
• L'histoire de la réception médiévale est une succession d'éclipses et de redécouvertes.
• En 1996, l'auteur a soutenu une thèse sur Joseph Bédier, la première en histoire des études de philologie médiévale en France.
• L'attention portée à la perception du Moyen Âge par la Modernité est antérieure à sa reconnaissance académique.
• Au début du XXe siècle, Bédier a réalisé des recherches historiques sur les problèmes et les œuvres médiévales, souvent avec des biais.
• Les érudits et écrivains qui l'ont précédé ont également réfléchi sur l'intérêt pour les objets littéraires et artistiques médiévaux.
• Stendhal, dans "De l'Amour", est considéré comme un médiévaliste.
• Claude Fauchet, à la Renaissance, questionnait avec incrédulité les vieux manuscrits qu'il commentait.
• Pétrarque, dès le XIVe siècle, a forgé l'expression "medium aevum", témoignant d'une interrogation précoce sur la place du Moyen Âge.
• Le travail de l'auteur est guidé par trois paires conceptuelles.

Moyen Âge « rose » et « noir »

• L'imaginaire médiéval est divisé en deux axes : un Moyen Âge positif ("rose") et un Moyen Âge négatif ("noir").
• Ces axes sont définis selon une ligne de partage chronologique.

Moyen Âge « rose »

• Il s'inspire principalement du Moyen Âge central (XIe-XIIIe siècles).
• Il met en avant la courtoisie, les cathédrales, les troubadours, les universités naissantes et une vision idéalisée des Croisades.

Moyen Âge « noir »

• Il s'alimente des périodes entourant le Moyen Âge central (Ve-Xe et XIVe-XVIe siècles).
• Il inclut les luttes féodales, la barbarie des époques mérovingiennes, les famines, la peste, l'Inquisition, la sorcellerie et la guerre de Cent Ans.

Périodisation des deux axes

• Les visions du Moyen Âge « rose » et « noir » ne sont jamais pures, mais l'une domine souvent l'autre.
• Le XVIIIe siècle troubadour, regardant le Moyen Âge avec condescendance, l'embellit souvent en rose.
• Le Romantisme avait une profonde admiration pour cette période, la voyait plus volontiers en noir.
• Les cultures européennes avaient différentes visions du Moyen Âge.
• L'Angleterre a lancé la mode du gothique, une vision sombre du Moyen Âge, dès 1764.
• En France, le Moyen Âge était perçu comme aimable et « gaulois ».
• Au XIXe siècle, la science philologique allemande a instauré une asynchronie durable en France.
• L'éclipse du Moyen Âge pendant la période moderniste a été précipitée par l'instrumentalisation fasciste et nazie de l'imaginaire médiéval.
• L'Italie voit le Moyen Âge à travers un prisme plutôt rose depuis cinq siècles, grâce aux romans de Pulci, Boiardo et Arioste.

Reconstitution

• Une histoire sérieuse de la réception médiévale doit être internationale.
• L'auteur a esquissé les aspects comparatifs de son sujet dans "Le Moyen Âge à travers les âges".
• Les médiévalistes anglo-saxons donnent l'impression d'ignorer l'existence de la France et de son rôle entre 476 et 1492.
• Depuis les années 1970, la couleur du renouveau médiéval est un mélange de rose et de noir dans la littérature et la bande dessinée.
• Une part didactique croissante s'invite aux fêtes médiévales, avec une sensibilité écologique qui reconduit certains poncifs du Moyen Âge rose.

Grecs antiques et Latins médiévaux

• Contrairement à la dichotomie précédente, celle-ci est exclusive.
• Depuis Pétrarque, les érudits se divisent entre ceux qui valorisent la Grèce antique comme fondatrice de la civilisation et ceux qui privilégient le Moyen Âge comme carrefour d'héritages divers.
• La première attitude reste actuelle.

Héritage Philosophique

• La recrudescence des bandes dessinées médiévalistes a suscité, par réaction, l'émergence de séries remettant en valeur l'héritage philosophique de l'Antiquité.
• Les séries "50 nuances de Grecs" et "La Sagesse des mythes" en sont des exemples.
• Ernst Robert Curtius, l'auteur de "La Littérature européenne et le Moyen Âge latin", se range du côté des « Grecs antiques ».
• Curtius suggère que l'Antiquité tardive a fixé un répertoire de topoï qui a freiné la civilisation européenne pendant mille ans.
• Chrétien de Troyes affichait un mépris envers les Grecs et les Romains dans le prologue de "Cligès".
• Frappier a souligné que Chrétien ne considérait pas la culture comme immobile.
• Frappier a affirmé qu'il n'existe pas de culture sans tradition, mais les civilisations peuvent périr par leurs mandarins.

Réception érudite et réception profane

• La troisième dichotomie (réception érudite vs. profane) est essentielle pour comprendre la réception médiévale.
• Les médiévalistes négligent souvent le rôle des érudits.
• Christian Amalvi ne consacre aucune ligne à la réception érudite dans "Le Goût du Moyen Âge".
• L'auteur plaide pour une prise en compte des deux réceptions, qui s'entremêlent.
• Certains érudits ont été d'excellents écrivains.
• Joseph Bédier, un exemple parfait, a laissé des travaux érudits importants et une adaptation tristanienne populaire.
• Le rôle de vulgarisateurs de certains érudits a été essentiel dans l'appréhension du Moyen Âge par les artistes.
• À l'époque romantique, la distinction entre érudits, amateurs et écrivains était moins marquée.
• Le philologue positiviste Gaston Paris a eu une activité de vulgarisateur.
• Les écrivains et les artistes n'ont pas toujours dédaigné de lire des travaux d'érudition.
• Wagner connaissait les meilleures éditions critiques de son temps et était abonné aux revues philologiques.
• Cingria critiquait le manque de cœur des érudits.
• Cingria a donné l'exemple de travaux d'érudition pertinents.
• Les universitaires admirent de plus en plus Cingria.
• Les paradigmes philologiques ne sont pas linéaires, mais cycliques

Conclusion

• Peu de questions littéraires sont plus actuelles que celle du médiévalisme.
• Elle interroge le sens de notre civilisation.
• Les spécialistes de la réception médiévale doivent étudier l'histoire du Moyen Âge minutieusement.
• Un dialogue constant entre passé et présent est nécessaire.
• Les fantômes du passé médiéval se superposent à ceux d'époques récentes.
• Le passé continue de nous façonner, parfois à notre insu.