Le PIB et la mesure de la richesse d'un pays

Le PIB et la Mesure de la Richesse d'un Pays

• Le PIB est considéré comme une mesure imparfaite de la richesse d'un pays par de nombreux économistes.
• L'augmentation du PIB ne reflète pas nécessairement une augmentation des richesses disponibles.

Critiques d'Ordre Comptable

• Il serait plus logique d'utiliser le taux de croissance du Produit Intérieur Net (PIN) au lieu du PIB.
• Une partie de l'investissement sert à remplacer les équipements usés (coût de l'amortissement du capital fixe).
• Ce coût devrait être déduit du PIB pour obtenir le PIN, qui mesurerait plus précisément la croissance économique.
• La difficulté de mesurer précisément le coût de l'amortissement conduit à l'utilisation du PIB.

Critiques Reposant sur la Notion d'Utilité

• L'utilisation du PIB suppose que tout ce qui est vendu ou effectué par les administrations constitue une richesse utile.
• Certains produits ou activités peuvent ne pas avoir de réelle utilité ou n'enrichissent pas vraiment la société.
• La comptabilité nationale considère que l'utilité est validée par les achats des consommateurs et les dépenses publiques votées par les élus.

Critiques sur la Qualité de la Vie

• Le PIB ne prend pas en compte les activités bénévoles et le travail domestique, qui contribuent à la qualité de la vie.
• Les activités bénévoles comprennent une grande partie des services rendus par les associations.
• Le travail domestique comprend le bricolage, l'entretien de la maison, les soins aux enfants, etc.

Critiques et Extension de la Sphère Marchande

• Le PIB augmente lorsque des activités existantes prennent une forme monétaire (extension de la sphère marchande).
• Exemples : une épouse d'agriculteur devenant salariée de l'exploitation, ou une famille vendant sa production au lieu de la consommer.

Critiques Liées à l'Environnement Naturel

• Une augmentation du PIB peut diminuer les ressources naturelles ou augmenter la pollution.
• Exemple : production d'électricité à partir de pétrole (polluante) ou d'énergie solaire (non polluante).

Critiques sur la Confusion Flux/Stock

• La croissance du PIB, qui permet de distribuer plus de revenus, est souvent confondue avec l'augmentation des richesses.
• Le PIB mesure des flux monétaires, et non le stock de richesses d'une économie à un moment donné.
• Les destructions de richesses ne sont pas déduites du PIB et peuvent même l'augmenter (reconstruction après une guerre).
• Le PIB est davantage une mesure de flux monétaires qu'une mesure du stock de richesses, et il manque une dimension qualitative.

Indicateurs de Développement Humain

• Le concept de développement humain, basé sur les travaux d'Amartya SEN, ne se limite pas à l'accumulation de richesses matérielles.
• Il inclut également le bien-être des populations.
• Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a été le premier à quantifier le concept de développement humain.

Indicateur de Développement Humain (IDH)

• En 1990, le PNUD a créé l'IDH, calculé annuellement pour tous les pays, basé sur trois critères :
  • Revenu par habitant
  • Espérance de vie
  • Niveau d'éducation (durée de scolarisation et taux d'alphabétisation)
• L'IDH est un nombre compris entre 0 et 1.
• Montre un classement des pays différent de celui basé sur le PIB par habitant.
• L'Allemagne, l'Islande et la Suède ont un IDH élevé par rapport à leur PIB, ce qui indique des politiques de santé et d'éducation performantes.
• Le Qatar, bien que riche en termes de PIB, a un IDH relativement bas.

Autres Indicateurs du PNUD

• Le PNUD a introduit d'autres indicateurs en 2010 pour améliorer ses diagnostics :
  • IDHI (IDH corrigé des inégalités)
  • IPH (Indicateur de Pauvreté Humaine)

Critiques des Indicateurs de Développement Humain

• Les indicateurs sont synthétiques et mélangent des données très différentes avec des pondérations discutables.
• Ils n'intègrent pas de critère démocratique (prise en compte démocratie ou dictature).
• Ils n'intègrent pas la dimension écologique.

Prise en Compte de la Dimension Écologique

• Depuis 2020, le PNUD calcule un IDH ajusté aux pressions exercées sur la planète (IDHP) prenant en compte les émissions de CO2 et l'utilisation de matières premières. (Australie chute dans le classement).

Prise en Compte de la Dimension Écologique en France

• En 2015, une loi oblige le gouvernement à publier un rapport annuel sur l'évolution de nouveaux indicateurs de richesse, évaluant l'impact des réformes sur ces indicateurs.
• Ces indicateurs portent sur les inégalités, la qualité de vie et le développement durable.

Indicateurs de Richesse Nationale en France

• Le gouvernement a retenu dix indicateurs, dont :
  • Dimension économique: dette publique, % du PIB consacré à la recherche, taux d'emploi des 15-64 ans.
  • Dimension environnementale : empreinte carbone de la consommation, degré d'artificialisation des sols.
  • Qualité de vie : espérance de vie en bonne santé, inégalités de revenus, taux de pauvreté, sorties précoces du système scolaire, indice de satisfaction dans la vie.
• Cet indice de satisfaction démontre une prise de conscience que le bien-être ne dépend pas uniquement de la croissance.

Influence de la Croissance sur le Bien-Être et le Développement Humain

• Les enquêtes mesurent le bien-être subjectif en demandant aux personnes d'évaluer leur satisfaction de vie sur une échelle de 0 à 10.
• En France, l'indice de satisfaction dans la vie était de 7,1 en 2022.

Comparaison Internationale de l'Indice de Satisfaction

• Dans les pays très pauvres, l'indice est généralement entre 3 et 4.
• Dans les pays relativement pauvres, il est entre 6 et 7 (plus élevé que dans les pays très pauvres).
• Dans les pays relativement riches ou très riches, il est entre 6 et 8, sans lien clair avec le PIB/habitant.

Évolution de l'Indice de Satisfaction dans le Temps

• Dans les pays occidentaux, l'indice a peu augmenté malgré la croissance du PIB.
• En France, il est passé de 6,6 en 1980 à 7,5 en 2012, puis à 7,1 en 2022, alors que le PIB/habitant a doublé.

Interprétation et Paradoxe d'Easterlin

• La croissance du PIB n'améliore pas nécessairement le bien-être, sauf pour sortir de l'extrême pauvreté (Paradoxe d'Easterlin, 1974).
• Le bien-être est subjectif et varie selon les groupes (ex: plus élevé chez les jeunes).

Indicateurs Objectifs de Développement Humain

• L'espérance de vie est nettement inférieure dans les pays très pauvres, mais similaire dans certains pays avec un PIB plus faible que la France.
• Les indicateurs montrent qu'il est possible d'atteindre le niveau de développement humain des pays riches avec un PIB/habitant plus faible.
• Dans les pays riches, la croissance n'est pas nécessaire pour améliorer le développement humain.

Critique de la Croissance dans les Pays Riches

• Certains auteurs pensent que la poursuite de la croissance dans les pays riches pourrait mettre en danger le développement humain global.
• La croissance a des conséquences qui suscitent de plus en plus d'inquiétudes.

Apparition des Inquiétudes et Critiques Vis-à-Vis de la Croissance

• À partir des années 1960, certains penseurs ont critiqué la "société de consommation".
• Ivan ILLICH soutenait que l'industrialisation crée plus de nouveaux besoins qu'elle n'en satisfait.
• Des intellectuels marxistes ont critiqué la volonté d'accroître sans cesse la production.
• Ces idées ont influencé les mouvements de contestation de la fin des années 1960 et du début des années 1970.

Rapport au Club de Rome (1972)

• En 1972, le rapport "Limits to growth" prévoyait une diminution des ressources en matières premières et en produits alimentaires à partir du début du XXIe siècle.

Catégories de Problèmes Liés à la Croissance

• L'augmentation rapide de la population mondiale.
• L'épuisement de certaines matières premières.
• Le risque de pénuries en alimentation et en eau douce.
• L'augmentation de la température moyenne de l'atmosphère terrestre.

Augmentation Rapide de la Population Mondiale

• La planète devra nourrir 3,5 fois plus de personnes qu'en 1960 et 17 fois plus qu'en 1700.
• L'augmentation de la population mondiale a été plus rapide depuis le milieu du XXe siècle que jamais auparavant.
• Après 2070, la population mondiale n'augmentera presque plus.
• Le défi est de savoir s'il y aura assez de ressources pour assurer un revenu par personne supérieur à celui d'aujourd'hui à plus de 10 milliards d'humains en 60 ans.

Épuisement de Certaines Matières Premières

• Depuis le début du XXIe siècle, les prix mondiaux de nombreuses matières premières, en particulier les métaux, ont fortement augmenté.
• Certains métaux (les "terres rares") sont indispensables à la fabrication des produits électroniques et des véhicules électriques.

Risque de Pénuries en Alimentation et en Eau Douce

• Une partie de la population mondiale souffre déjà de sous-alimentation chronique (690 millions de personnes).
• La surface de terres cultivables est limitée, et il y a des pénuries d'eau douce.
• Plus d'un milliard de personnes n'ont pas accès à une eau douce non polluée.
• L'agriculture utilise déjà 70 % des prélèvements d'eau douce, et l'industrie 20 %
• La pénurie d'eau pourrait être une cause majeure de guerre.

Augmentation de la Température Moyenne de l'Atmosphère Terrestre

• Le réchauffement est mesuré à +1,2°C par rapport au XIXe siècle (moyenne sur 5 ans, mais 1,5°C en 2024).
• Il provient de l'effet de serre dû aux émissions de gaz par les activités industrielles et les transports.
• Le dioxyde de carbone (CO2) est le principal gaz à effet de serre, avec une concentration atmosphérique 55 % supérieure à celle de 1850.
• Le méthane a plus que doublé et piège aussi la chaleur du soleil.

Conséquences du Changement Climatique

• Le GIEC (Groupe Intergouvernemental des Experts du Climat) a été créé par l'ONU en 1988.
• Le GIEC travaille avec des climatologues et des scientifiques d'autres disciplines.

Prévisions du GIEC

• La température moyenne continuera d'augmenter d'ici 2100, même si les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) étaient stoppées immédiatement (+0,1°C).
• Si les émissions continuent au rythme actuel, la température augmentera de 3,4°C supplémentaires d'ici 2100 (+4,6°C par rapport au XIXe siècle).

Types de Conséquences du Réchauffement

• Multiplication d'événements climatiques extrêmes (sécheresses, inondations, cyclones violents). Augmentation du coût des assurances.
• Élévation du niveau des océans (fonte des glaces et dilatation thermique).
  • Au XXe siècle, le niveau moyen a monté de 17 cm.
  • Les prévisions pour le XXIe siècle varient entre 43 cm et 84 cm selon les émissions de GES.
• Bouleversements pour l'agriculture.
  • Le réchauffement est plus important loin de l'équateur et dans l'hémisphère nord.
  • Les zones agricoles subissent un réchauffement plus important que la moyenne.
  • Les types de cultures possibles pourraient devoir se déplacer de plusieurs centaines de kilomètres vers le nord.

Répercussions Économiques du Changement Climatique

• La première étude estimait une baisse du PIB mondial de 20 % avec un réchauffement de 5°C (Nicholas STERN, 2005).
• Les conséquences économiques seront particulièrement graves pour les pays les moins développés (PNUD, 2008).
• D'ici 2050, le réchauffement climatique pourrait pousser 216 millions de personnes à migrer (Banque Mondiale).

Seuil de Réchauffement et Conséquences

• Un réchauffement de 2°C aurait des conséquences beaucoup plus graves qu'un réchauffement de 1,5°C.
• Un réchauffement légèrement supérieur à 2°C pourrait entraîner un emballement climatique imprévisible (dégel du pergélisol => émissions de méthane).

Impact des Politiques de Freinage du Climat

• Les conséquences économiques du changement climatique dépendent de l'efficacité des politiques mises en œuvre.

Décisions Gouvernementales Face au Changement Climatique

• 1992 : "Sommet de la Terre" à Rio de Janeiro => "Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique" (CCNUCC).
• Depuis 1995 : COP ("Conference Of Parties") réunit chaque année les 196 signataires de la CCNUCC.

Décisions Prises

• En 1992 à Rio : 41 pays développés se sont engagés à stabiliser leurs émissions de GES jusqu'en 2000 (la plupart n'y sont pas parvenus).
• En 1997, le "Protocole de Kyoto" obligeait les pays industrialisés à réduire leurs émissions de GES de 5,2 % en moyenne avant 2012 (par rapport au niveau de 1990).
  • Chaque pays développé avait un objectif chiffré (ex : USA -7 %).
• Le protocole ne devait entrer en application que s'il était signé par un nombre de pays représentant 55 % des émissions mondiales.
• Les États-Unis l'ont rejeté en 2001.
• La signature par la Russie fin 2004 a permis son application en 2005.

Marché de Permis d'Émission de CO2

• Les pays européens ont mis en place un marché de permis d'émission de CO2 (ETS = Emissions Trading Scheme).
• Les entreprises les plus polluantes (12 000 sites industriels en Europe) se sont vues attribuer un quota (permis d'émission exprimés en tonnes de CO2).
• Celles qui réduisent leurs rejets peuvent revendre les permis non utilisés.
• Environ 100 milliards d'euros de droits d'émission sont échangés chaque année.
• Ce marché permet de fixer un plafond maximal de pollution tout en incitant financièrement les entreprises à investir.

Inefficacité du Marché ETS

• Le marché a été moins efficace à cause des pressions des grandes entreprises et des égoïsmes nationaux.
• La Commission européenne attribue des droits d'émission tous les 5 ans, et chaque pays demandait le plus possible de droits pour ne pas pénaliser ses entreprises.
• La quantité de permis d'émission s'est avérée trop importante => le prix s'est effondré (de 30 € la tonne en 2008 à 6 € en moyenne à partir de 2012).
• Une réforme a été décidée (réduction de moitié du nombre de quotas gratuits) => à partir de 2021 le prix est remonté (~70 € aujourd'hui).
• Les premières années du marché ont permis aux pays de l'UE de respecter l'engagement de Kyoto : réduction des émissions de 12 % (engagement global de 8 %).
• Au niveau mondial, l'impact a été limité : l'UE a émis ~1 Gigatonne de moins qu'en 1990, mais les USA ont émis ~1 Gigatonne de plus.
• L'Inde et la Chine, non concernées par le protocole, ont émis ~10 Gigatonnes de plus à elles deux (une grande partie liée à la production de biens achetés par les pays occidentaux).

Conférence de Copenhague (2009)

• La conférence visait à définir les engagements au-delà de 2012, mais aucun accord n'a été trouvé pour succéder au protocole de Kyoto => échec.

Accord de Paris (2015)

• Les COP entre 2010 et 2014 ont préparé l'accord mondial signé à Paris lors de la COP 21.
• L'accord résulte d'une démarche "Bottom-Up" qui additionne des engagements définis par chaque pays (NDC = National Determined Contributions).
• L'objectif est de "limiter le réchauffement bien en-deçà de 2°C à la fin du siècle".
• Le cumul des engagements conduirait à un réchauffement entre 2,7°C et 3,5°C à la fin du siècle.
• L'accord prévoit une révision des engagements tous les 5 ans.
• L’accord est insuffisant sur 2 points : Ne precise pas la maniere d'atteindre les objectifs + les engagements actuels mèneront à une augmentation de 20% entre 2016 et 2030.

Objectifs Supplémentaires Nécessaires

• Il faudrait faire baisser les émissions de 15 % d'ici 2030, puis de 75 % entre 2030 et 2100.
• Cela exigerait une baisse annuelle de 7,6 %, supérieure à celle de 2020 (due à la baisse de 3 % du PIB mondial).
• Si tous les engagements étaient respectés, la hausse de la température serait de 2,3°C dès 2050.
• Les prochaines COP devraient augmenter les NDC (peu probable, surtout à la COP de 2025 => NDC horizon 2035).

Objectifs des Institutions Européennes

• Réduire les émissions de GES de 55 % en 2030 par rapport à 1990 (elles ont baissé de 37 % entre 1990 et 2023 => devront baisser 2 fois plus vite sur les 7 années suivantes).
• Atteindre la "neutralité carbone" en 2050 (pas plus de CO2 émis que naturellement absorbé).

Transformations Majeures de l'Économie Mondiale

• L'objectif de limiter le réchauffement exige des transformations majeures de l'économie mondiale.
• Il faut laisser dans le sol plus de 80 % des réserves de charbon connues, un tiers des réserves prouvées de pétrole, et la moitié de celles de gaz.
• Il faut une transition énergétique de l'économie mondiale vers une économie "sobre en carbone".

Changements Économiques Structurels

1. Investir massivement dans les économies d'énergie (isolation des logements).
2. Modifier profondément les modes de transport (transports collectifs, motorisations électriques).
3. Généraliser rapidement les énergies renouvelables (éolienne et solaire).

Investissements Considérables Nécessaires

Le coût annuel de ces investissements est estimé à 1 % ou 1,5 % du PIB mondial. Il faudra consacrer au moins la moitié de l'accroissement des revenus à la transition énergétique (avant la crise du coronavirus et la guerre en Ukraine la croissance économique mondiale etait d'environ de 3% par an).

Concept de Développement Durable

Un concept vise à rendre cette transition énergétique compatible avec la poursuite de la croissance économique : "le développement durable".

Définition du Développement Durable

• Le terme "Développement durable" est l'une des traductions françaises possibles de "Sustainable development".
• Ce concept a été formalisé en 1987 dans un rapport élaboré à la demande de l'ONU, dit "Rapport Bruntland".
• Ce rapport le définissait ainsi : "Le développement soutenable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs".
• Il s'agit de trouver les moyens de changer le contenu de la croissance pour que la croissance puisse se poursuivre à long terme.

Critique du Développement Durable

• La possibilité que la croissance puisse se poursuivre à long terme est discutée depuis longtemps.
• Aujourd'hui, quelques économistes et beaucoup d'écologistes pensent que c'est impossible.
• Ils pensent que la gravité des problèmes écologiques est telle qu'on ne pourra pas les résoudre en continuant à accroître la production.
• Ils pensent donc que le concept de développement durable est sans intérêt voire nuisible.

Partisans de la Décroissance

• Ils sont donc partisans de la décroissance (la baisse du PIB) au moins dans les pays développés.
• Peu d'économistes en font partie.
• Le premier fut Nicholas GEORGESCU-ROEGEN (1906-1994).
• Le plus connu en France est Serge LATOUCHE (1940-).

Arguments des Partisans de la Décroissance

1. Impossibilité du découplage croissance-énergie : la croissance implique forcément une augmentation de la consommation d'énergie.
   • Non : parce que depuis 50 ans l'intensité énergétique mondiale (la quantité d'énergie utilisée pour générer chaque € de PIB) a baissé de 50 %.
   • Oui : parce que, le PIB mondial ayant augmenté de 400 %, la consommation mondiale d'énergie a augmenté de plus de 200 %.
   • Un découplage relatif (une augmentation de la consommation d'énergie moins rapide que l'augmentation du PIB) est donc possible, mais un découplage absolu (une baisse de la consommation d'énergie quand le PIB augmente) paraît hors de portée.
2. L'effet rebond : lorsque l'on utilise mieux les ressources, on est incité à en consommer plus.
   • Exemples :
     • Les moteurs des voitures sont plus performants, mais les voitures sont plus lourdes et consomment autant.
     • Diminution des prix des produits fabriqués avec moins de matières premières => augmentation des achats par le consommateur.
     • Amélioration de l'isolation des logements => augmentation de la température de chauffage.

Conséquences de la Décroissance

Pour les partisans de la décroissance, utiliser moins de ressources et moins polluer n'est possible qu'en consommant moins. Il faut revenir en arrière pour vivre à nouveau en harmonie avec l'environnement. Ce retour en arrière est-il généralisable ?

• On peut en douter (ne sommes nous pas tous plus ou moins "addicts" à certaines consommations ?).
• On peut ne pas le souhaiter : parce que la baisse du PIB aurait forcément des conséquences négatives : baisse des revenus des ménages, mais aussi des administrations (=> disparition de beaucoup de services publics ?).

Nécessité de la Croissance pour le Développement Durable

• Ceux qui croient au développement durable estiment que la lutte contre le changement climatique exige de la croissance.
• Sans croissance, il ne sera pas possible d'effectuer les énormes investissements nécessaires pour développer les énergies renouvelables, et diminuer très fortement la consommation d'énergies fossiles et de matières premières.

Actions et Transformations pour un Développement Durable

• L'expression "Développement durable" est devenue si populaire qu'elle a été récupérée par les spécialistes du marketing qui essaient de convaincre les consommateurs que la plupart des actions des entreprises vont dans le sens du développement durable : ils font ce que les écologistes appellent du "greenwashing".
• Le concept de développement durable est pourtant très exigeant => Il implique des transformations profondes de l'économie, que l'on peut regrouper en 5 objectifs à atteindre, les 5 clefs du développement durable :

Objectifs du Développement Durable

1. Décarboner l'énergie et l'économiser :
   • Décarboner l'énergie : sa production va devoir émettre beaucoup moins de GES.
   • Niveau mondial 82 % de l'énergie provient de produits fossiles (émetteurs de GES) : dont Pétrole 32 %, Charbon (le + émetteur de CO2) 27 % (sa consommation mondiale a été multipliée par 4 depuis 1950, presque par 2 depuis l'an 2000).
   • 11 % provient du nucléaire et de l'hydraulique (n'augmentera pas rapidement).
   • 7 % provient de l'éolien et du solaire => production à augmenter très rapidement => l'UE a fixé à ses membres l'objectif de produire en 2030 + de 42 % de leur énergie grâce à l'éolien et au solaire (La France en est a 25%: très en retard.).
   • Économiser l'énergie (meilleur moyen pour limiter rapidement le réchauffement)
     • Techniquement possible : il y a quelques années l'association "Négawatt" affirmait que l'on pourrait économiser 70 % de l'énergie consommée en France rien qu'en utilisant des technologies existantes, à condition de modifier les appareils électriques et surtout de mieux isoler les habitations.
     • Mais l'isolation de tous les logements exige des investissements considérables qui impliquent des aides publiques massives aux ménages, et aux entreprises du bâtiment qui doivent développer très rapidement de nouvelles compétences.
2. Recycler les matières premières et dématérialiser l'économie :
   • Pour éviter l'épuisement des matières premières et l'accumulation des déchets, il faut un recyclage systématique des produits en fin de vie pour en récupérer l'essentiel des matières premières.
   • Les filières industrielles de recyclage sont pour l'instant limitées à quelques produits et quelques pays (en Europe : batteries électriques, mais des directives de l'UE exigent de généraliser les filières de recyclage des automobiles et du matériel électronique).
   • La généralisation du recyclage permettrait l'émergence d'une économie circulaire symbolisée par certaines expériences d'écologie industrielle dans lesquelles les déchets ou la chaleur produits par certaines entreprises servent de matières premières aux entreprises voisines (Cf. "symbiose de Kalundborg").
   • Faciliter le recyclage en incitant les producteurs à concevoir des produits à plus longue durée de vie et plus faciles à recycler =>
   • Laisser les producteurs propriétaires des produits qu'ils fabriquent, en transformant les vendeurs de produits en loueurs de services = changer de logique économique pour aller vers une économie de la fonctionnalité :
     • évolution déjà en cours dans les échanges inter-entreprises (exemple : la plupart des entreprises et des administrations ne sont plus propriétaires des photocopieurs et des véhicules qu'elles utilisent),
     • évolution qui devra être étendue aux ménages en les incitant à louer les véhicules et les équipements ménagers qu'ils utilisent => Augmenter la durée d'utilisation de ces équipements (pour en fabriquer moins) et combattre l'obsolescence programmée des produits (volontairement conçus pour s'user vite et ne pas pouvoir être réparés) => Une loi votée en 2015 à l'initiative des écologistes comprend plusieurs mesures destinées à lutter contre cette obsolescence programmée : allongement du délai de garantie, obligation de fourniture des pièces détachées.
3. Transformer l'agriculture et l'alimentation :
   • L'agriculture mondiale est confrontée à 3 défis majeurs : l'érosion des sols, l'épuisement des nappes phréatiques, la pollution due aux pesticides.
   • Elle va devoir continuer à augmenter sa production pour nourrir une population qui va continuer à augmenter pendant des dizaines d'années.
   • Les agronomes proposent différentes améliorations techniques :
     • repenser les systèmes d'irrigation (ex : goutte-à-goutte en Algérie).
     • Des techniques préservant la richesse biologique des sols (limitation des labours, couvert végétal, rotation des types de cultures, "agroforesterie", "agrivoltaïsme"...).
   • Mais ces améliorations ne permettront pas à l'ensemble de la population mondiale d'adopter le régime alimentaire occidental car il inclut beaucoup trop de viande (Ex: consommation de viande d'un français = double de la moyenne mondiale).
   • La production mondiale de viande a déjà été multipliée par 4 en 50 ans.
   • Cette production (surtout de viande bovine) pose 2 problèmes :
     • Elle exige une utilisation de surfaces agricoles et d'eau très supérieure à la production de céréales ou de légumes pour l'alimentation humaine (produire 1kg de bœuf nécessite 60 fois plus de m2 et 120 fois plus d'eau que produire 1kg de pommes de terre)
     • Son empreinte carbone est très élevée (ex : l'empreinte carbone d'un repas avec du bœuf est 14 fois plus élevée que celle d'un repas végétarien ) => Un développement réellement durable exige un régime alimentaire plus végétarien.
4. Repenser la mobilité et relocaliser l'économie :
   • Pour lutter contre l'effet de serre il faut limiter en priorité certains modes de déplacements individuels :
     • Les transports aériens qui émettent le plus de GES par passager/km (ex : AR France-Australie = + de 5 tonnes eq.CO2 par passager).
     • Les compagnies aériennes prévoient une augmentation considérable du transport aérien à l'échelle mondiale : complètement incompatible avec la lutte contre l'effet de serre.
     • Le trafic automobile : il y a aujourd'hui 1100 millions d'automobiles en circulation et dans 20 ans on en prévoit 2000 millions => la généralisation des voitures électriques pourrait être la solution, à condition que l'électricité soit produite par des énergies renouvelables, ce qui est très loin d'être le cas.
     • Il faudra partout fortement développer les transports en commun qui consomment 4 fois moins d'énergie / passager que l'automobile.
   • Il faudra aussi limiter les déplacements de marchandises : transports par camions, mais aussi fret maritime (par lequel transite 90 % du commerce mondial) qui émet autant de CO2 que l'aviation => relocaliser l'économie : obliger les producteurs à rapprocher leurs différents lieux de production + rapprocher les lieux de production et de vente = inverser le processus de mondialisation économique et éviter le développement du e-commerce (not. "fast-fashion").
   • Dans une économie de marché cette relocalisation économique ne peut être provoquée que par l'augmentation du coût des transports = "Internaliser les effets externes des transports" => hausse des prix pour les consommateurs donc résistances très fortes.
5. Transformer les structures urbaines :
   • La diffusion de la voiture individuelle a entraîné un étalement spatial des villes qui rend la voiture indispensable.
   • Il faudra trouver les moyens d'augmenter la densité de certaines villes (densité très variable : < 10 h/ ha dans certaines villes américaines, ~50 dans la plupart des villes françaises, ~100 dans plusieurs grandes métropoles asiatiques) => Lorsque cette densité est trop faible il est impossible de développer des réseaux de transports en commun (seraient trop coûteux car trop étendus).
   • Pour limiter les déplacements dans les villes il faudra inverser la tendance à la spécialisation des zones (bureaux-> centre-ville, logements-> périphérie, commerces ->zones commerciales) => Certaines villes développent des modèles d'habitat intermédiaire entre le pavillon et la tour (ex : Fribourg).
   • Mais pour modifier profondément la structure d'une ville il faut souvent près d'un siècle or il faudrait le faire en deux décennies pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
   • L'étalement urbain détruit des espaces naturels qui sont indispensables pour l'absorption du CO2 par la végétation (et éviter ruissellements donc inondations) => En France la loi "Climat et résilience" (2021) fixe comme objectif pour 2050 le "Zéro Artificialisation Nette" => dès maintenant les communes doivent réduire de moitié leur consommation d'espaces naturels / décennie précédente (ZAN => reconstruire la ville sur elle-même).

Outils Économiques de Protection de l'Environnement

• Ces 5 types d'objectifs ne pourront pas être atteints sans de fortes incitations économiques.
• Les outils économiques de protection de l'environnement peuvent être classés en trois grandes catégories :
  • Les réglementations
  • Les marchés de quotas
  • Les taxes.

Les Réglementations

• Très utiles pour imposer aux entreprises des productions plus respectueuses de l'environnement, peuvent même être indispensables lorsque la poursuite d'une production aurait des conséquences irréversibles : par exemple au début des années 1980 les scientifiques ont découvert que la couche d'ozone était peu à peu détruite par les CFC contenus dans la plupart des appareils frigorifiques => en 1987 le protocole de Montréal à interdit les CFC.
• Mais les industriels sont souvent tentés de ne pas respecter les réglementations pour diminuer leurs coûts (exemple : les fabricants de moteurs diesels avaient inventé des logiciels pour que les émissions de particules soient sous-estimées pendant la durée des tests).
• Les réglementations impliquent généralement une hausse des coûts de production, donc réduisent le pouvoir d'achat des ménages de deux manières:
  • en tant que consommateurs ils doivent souvent payer les produits plus chers,
  • en tant que contribuables ils doivent financer les organismes chargés de faire respecter la réglementation.
• Les réglementations fausseraient la concurrence entre entreprises si elles n'étaient mises en œuvre que sur une partie du marché => Sur le marché unique européen les réglementations doivent être européennes => Difficulté à trouver un consensus entre les 27 pays membres (mais consensus récemment obtenu sur l'interdiction de la vente de voitures neuves à moteur thermique dès 2035).

Les Marchés de Quotas

• Semblent mieux adaptés à une économie de marché puisqu'ils permettent aux acteurs privés (grandes entreprises pour l'instant) de choisir librement entre investir pour réduire leurs émissions ou acheter des droits d'émission.
• Mais 2 ensembles de risques :
  1. Risques de délocalisation : si le marché est géographiquement trop limité les entreprises seront tentées de s'installer ailleurs.
     • Avantage marché ETS : concerne l'ensemble de l'UE.
     • Mais risque que les entreprises européennes soient désavantagées par rapport aux non-européennes => "Mécanisme d'ajustement carbone" aux frontières de l'UE (= taxer les produits importés en fonction de leur "contenu carbone", à partir de 2026 s'appliquera au ciment, à l'aluminium et l'acier, aux engrais).
  2. Fortes incertitudes sur les prix des droits d'émission => peuvent dissuader les entreprises d'investir si elles ne sont pas sûres de revendre ces droits à des prix suffisants.

Les Taxes

• Permettent de créer un "signal prix" pour orienter la consommation tout en respectant les libertés individuelles. Mais 3 inconvénients :
  1. Généralement très impopulaires parce qu'elles diminuent le pouvoir d'achat de tous les ménages.
     • Handicapent particulièrement les ménages à faibles revenus => moins responsables de l'effet de serre : un français parmi les 50 % les moins riches émet 5 T de CO2/an, parmi les 10 % les plus riches 25 T.
     • Sentiment d'injustice:
       • 2014 abandon de l'"écotaxe poids lourds" (mouvement des "bonnets rouges") ;
       • 2019 le gouvernement renonce à l'augmentation de la "Contribution Cl