Intelligence animale: Romanes et le canon de Morgan

L'intelligence animale et Romanes

• Georges John Romanes (1848-1894) était un spécialiste des sciences naturelles proche de Charles Darwin, adhérant à un modèle évolutionniste.
• Romanes étudie diverses espèces animales pour mieux comprendre le comportement humain.
• Il montre un penchant pour l'anecdote et l'anthropomorphisme, voyant l'animal comme un humain en devenir, ce qui est cohérent avec sa perspective évolutionniste.
• Au lieu d'expériences sur divers sujets pour des attitudes moyennes, il s'intéresse à des cas particuliers pour une étude approfondie.

Le canon de Morgan

• Lloyd Morgan (1852-1936), pionnier de la psychologie comparée, critique l'anthropomorphisme et en souligne l'importance d'une méthodologie scientifique rigoureuse pour éviter les écueils de l'anthropomorphisme.
• Le canon de Morgan, ou principe de parcimonie en psychologie animale stipule de ne pas interpréter une action animale comme le fruit de facultés supérieures si elle peut être expliquée par des facultés de niveau inférieur (Morgan, 1903)
• En l'absence d'informations suffisantes, il ne faut présumer que l'animal raisonne comme un humain, il faut d'abord envisager les possibilités les plus simples, comme le hasard.
• Il faut donc envisager l'hypothèse parcimonieuse en premier.

Thorndike et la stupidité animale

• Edward Thorndike (1874-1949) était un psychologue américain, précurseur des lois de l'apprentissage.
• La loi d'effet stipule qu'une réponse suivie de conséquences satisfaisantes devient plus probable (Thorndike, 1911), principe repris par Skinner pour le conditionnement opérant.
• L'application stricte du canon de Morgan conduit à un renversement de perspective, en mettant l'accent sur la méthodologie.
• La puzzle-box de Thorndike est une cage servant à étudier l'apprentissage animal.
• Un chat doit actionner un mécanisme pour sortir et obtenir une récompense, menant à la loi de l'effet: un comportement suivi d'une récompense a plus de chances de se répéter.
• Le temps nécessaire au chat pour activer le mécanisme diminue progressivement, indiquant que le comportement devient automatique.
• Thorndike critique la tendance humaine à exagérer l'intelligence animale, en se concentrant sur des comportements spectaculaires plutôt que sur des situations où l'animal n'a pas de réaction notable.
• Il souligne qu'un comportement comme agripper une poignée de porte peut être interprété à tort comme une compréhension du mécanisme, alors qu'il résulte simplement d'un apprentissage par essais et erreurs.
• Il rejoint le canon de Morgan, affirmant qu'il ne faut pas attribuer de processus mentaux complexes à un animal si une explication simple (habitude, essai-erreur) suffit.

De la sécrétion chimique à la sécrétion psychique

• Ivan Pavlov, médecin et physiologiste, étudiait la digestion et la production de sucs digestifs chez les chiens.
• Il met au point une technique pour collecter la salive et les sucs gastriques via des fistules.
• Il distingue la sécrétion chimique normale de la sécrétion psychique.

La sécrétion chimique

• Elle se produit principalement lors de l'absorption de nourriture et dépend de la libération d'hormones digestives, comme la gastrine, qui stimule la production de sucs digestifs.

La sécrétion psychique

• C'est un phénomène biologique déclenché avant le repas par un stimulus externe non alimentaire (son, odeur, vue), activant le système nerveux pour anticiper la digestion.

Le conditionnement classique

• Avant le conditionnement, la nourriture provoque une salivation automatique (réponse inconditionnelle).
• Un signal neutre ne suscite pas de salivation particulière.
• Pendant le conditionnement, le signal est suivi de nourriture, ce qui provoque la salivation.
• Après le conditionnement, le signal seul provoque la salivation (réponse conditionnelle).

Extinction et généralisation

• L'extinction est la disparition d'un comportement acquis par conditionnement s'il n'est pas renforcé.
• Ce principe est pertinent en psychopathologie.
• La phase d'acquisition (SC + SI) se traduit par une augmentation progressive de la réponse conditionnée, à mesure que le sujet associe le stimulus conditionné (SC) au stimulus inconditionné (SI).
• Par example un chien apprend à saliver au son d'une cloche (SC) avant de recevoir sa nourriture (SI).
• Durant la phase d'extinction (SC seul), la réponse conditionnée diminue progressivement si le stimulus conditionné est présenté sans le stimulus inconditionné.
• Ainsi, si la cloche sonne sans apporter de nourriture, le chien cesse peu à peu de saliver.
• La généralisation est la réaction similaire d'un organisme à des stimuli ressemblant au stimulus conditionné, mais avec une intensité variable.
• Plus un nouveau stimulus est proche du SC initial, plus la réponse est forte; un animal conditionné à saliver au son "DO" salivera aussi au son "SI", mais avec une intensité moindre.

La névrose expérimentale

• L'intérêt de comprendre comment le conditionnement peut servir de modèle pour comprendre la pathologie humaine et animale.
• Les théories du conditionnement, comme celles de Pavlov, peuvent expliquer des comportements pathologiques en observant comment des stimuli externes influencent la réponse émotionnelle et comportementale.
• L'intérêt aux personnalités ou aux comportements de chaque chien permet d'étudier les différences individuelles dans les réactions aux stimuli.
• Les expériences de conditionnement peuvent affecter différemment chaque individu, qu'il soit humain ou animal.

De la physiologie vers la psychologie

• Pavlov et ses élèves ont observé des variations étranges dans les réponses aux stimuli chez les animaux, que l'on peut expliquer par leur personnalité (Lichnost') ou leur caractère (Kharakter).
• Certains chiens sont amicaux, d'autres indépendants voire hostiles.
• Pavlov oriente ses recherches vers la compréhension de ces facteurs, cherchant une explication physiologique.

Production d'une névrose (comportements anormaux) chez l'animal

• Dans l'expérience de Shenger-Krestovnikova (1914), élève de Pavlov, l'objectif était d'étudier la névrose chez l'animal à travers le conditionnement visuel, analysant les effets du stress et des émotions.
• Les chiens sont conditionnés par association : un cercle signifie nourriture, une autre forme (carré, croix...) signifie absence de nourriture.
• Exposition à des formes ambigües entre le cercle et la forme rejetée, résultant à des comportements de confusion, de stress et d'anxiété, surtout lorsqu'ils étaient exposés à des formes qui ne correspondaient ni à la récompense ni à l'absence de récompense.

Lien avec la névrose expérimentale

• Elle se manifeste par un conditionnement trop complexe, ambigu ou contradictoire.
• Les chiens ont des réactions émotionnelles perturbées : anxiété, comportements désorganisés, stress, salivation excessive, etc.
• Ces symptômes sont interprétés comme une forme de névrose, provoquée par un stress émotionnel trop important.

Une inondation au laboratoire

• En 1924, une inondation du laboratoire de Pavlov a causé la mort de certains chiens, et des effets négatifs/bizarres sur leur comportement.
• La possibilité de créer des névroses expérimentales à suscité une inondation factice, qui a aboutit a la création d'une névrose bien réelle chez les sujets étudiés.

La névrose expérimentale

• Pavlov a proposé ce terme pour désigner les troubles du comportement qu'il a observés chez ses chiens.
• La névrose expérimentale serait due à un conflit physiologique et se manifesterait par une agitation ou une inhibition.

Pavlovisme et psychanalyse (Todes, 2014)

• Pavlov postule un mécanisme commun à l'animal et à l'humain : un conflit entre excitation et inhibition (Anna O. Des Études sur l'hystérie (1895)).
• Pavlov, lecteur de Freud, résume le cas d'Anna, qui est mise dans la situation difficile de prendre soin de son père mourant tout en faisant semblant que tout allait bien.
• Il affirme que, derrière les théories psychologisantes se cachent des mécanismes physiologiques encore inconnus, qui pourraient être compris grâce à ce qu'il a observé sur les chiens.

Pavlov Psychothérapeute

• Pavlov a ouvert une clinique des troubles nerveux en 1931 pour lier sa théorie physiologique aux troubles psychiatriques auprès de patients névrotiques.
• Il a proposé une psychopathologie basée sur ses idées: la neurasthénie serais le produit d'un conflit à prédominance d'inhibition, et l'hystérie celui a prédominance d'excitation.
• Il a constaté que ses chiens ont des personnalités différentes et que le modèle de névrose expérimentale est parfois difficile à reproduire.

Controverse entre Schilder et Pavlov

• Paul Schilder (1929), psychanalyste viennois, conteste la lecture réflexologique de la psychanalyse par Pavlov.
• Schilder réfute l'idée que le fonctionnement psychique soit réductible à un comportement réflexe ou même à la physiologie.
• Pavlov rétorque que si les chiens pouvaient parler, ils commenteraient sans doute leur « état psychologique », mais ces commentaires n'apporteraient rien aux observations physiologiques...

La frontière entre l'humain et l'animal

• Adams (2020) a analysé la présentation des travaux de Pavlov dans les manuels.
• Il a trouvé que la notion de caractère ou de type nerveux comme la dimension relationnelle entre Pavlov et ses chiens est absente.
• L'image d'un Pavlov déconnecté de ses relations avec les animaux a été construite.
• Peut-on faire de la psychologie en traitant les humains (ou les animaux) comme des objets ?

Anthropomorphisme

• L'anthropomorphisme est l'attribution de caractéristiques, d'émotions humaines à des entités ou objets non-humains.
• Le risque est d'humaniser à outrance et de visualiser avec filtre de notre vision du monde.