La liberté

Analyse de la notion de liberté

• La liberté est souvent perçue comme la capacité d'agir selon ses désirs, mais cette vision est problématique.
• Agir uniquement selon ses désirs peut mener à de mauvais choix et à une perte de liberté individuelle.
• Les désirs individuels peuvent entrer en conflit, entraînant une perte de liberté collective pour assurer la sécurité de chacun.
• La liberté de faire ce que l'on veut peut être considérée comme une liberté absolue, où l'individu assume ses choix, qu'ils soient guidés par la raison ou les désirs.
• Le libre arbitre est la capacité de décider sans contrainte extérieure.
• La liberté peut aussi être définie comme l'indépendance, mais même en faisant des choix, une personne peut ne pas être réellement indépendante à cause de l'inconscient collectif ou de l'influence de l'éducation.
• On peut être indépendant sans être autonome, l'autonomie étant la capacité de se donner des règles d'action rationnelles.
• Une personne financièrement indépendante peut manquer d'autonomie si elle ne sait pas comment gérer son argent.
• L'accrasie, selon Aristote, est le manque de volonté pour agir de manière rationnelle, même en connaissant le bien.
• Il faut distinguer la liberté de fait, qui est réelle, de la liberté de droit, qui est théorique.
• En démocratie, la liberté de droit suppose l'égalité juridique et politique (droit de vote, éducation, procès).
• Dans les faits, l'égalité n'est pas toujours présente: la richesse donne accès à de meilleures ressources (écoles, avocats, influence politique).
• Il n'y a pas d'égalité des chances en termes de capacités intellectuelles ou physiques.
• Un étudiant ayant reçu une éducation favorable aura plus de facilité à l'école.
• Les capacités physiques varient en fonction de la situation de naissance ou d'accidents, créant des inégalités de mouvement.
• Une autre conception de la liberté est celle du stoïcisme, qui consiste à comprendre et accepter la nécessité.
• L'existentialisme propose une autre perspective, "on est condamné à être libre".

Analyse de la notion de nécessité

• La nécessité est ce qui ne peut être autrement, s'opposant à la contingence (ce qui pourrait être différent).
• La nécessité s'oppose à la liberté, car elle implique d'obéir à des lois.
• On peut distinguer trois types de nécessité pour l'humain : naturelle, sociale/économique et absolue.
• La nécessité naturelle est liée à la survie et à la satisfaction des besoins primaires.
• Les pulsions de plaisir ou de peur, programmées par la nature, ne sont pas choisies. La mort est une nécessité pour tout être vivant (finitude).
• La nécessité sociale et économique distingue l'humain, influencé par ses propres inventions culturelles.
• L'humain, capable de choix multiples, peut devenir prisonnier d'un choix collectif, comme le travail salarié, nécessaire pour satisfaire ses besoins.
• Le sociologue Bourdieu affirme que l'inégalité entre les individus repose sur le capital social, économique et culturel.
• Le capital familial, la couleur de peau, le sexe ou l'éducation parentale créent des inégalités sociales.
• La nécessité absolue peut être pensée en religion via l'idée du destin, où le futur est prédéterminé.
• Dans cette perspective, aucune liberté n'est possible, car les choix individuels ne changent pas le plan prédéfini.
• Le destin implique une fatalité qui rend l'individu impuissant.
• Croire au destin peut être un besoin psychologique pour consoler face aux malheurs ou donner de l'espoir.
• Cette croyance peut être perçue comme une attitude de mauvaise foi et de déresponsabilisation.

La liberté comme compréhension de la nécessité : le stoïcisme

• Le stoïcisme est un courant philosophique antique prônant l'impassibilité et la résistance aux passions tristes afin de préserver sa liberté par la maîtrise de la raison.
• Le stoïcien adapte la nécessité du monde qu'il ne peut changer.
• Des penseurs stoïciens comme Marc Aurèle, Sénèque et Épictète proviennent de milieux sociaux différents.

Épictète et le stoïcisme

• Épictète, né esclave en 50 après J.-C., a surmonté la souffrance grâce au stoïcisme, malgré les tortures infligées par son maître.
• Affranchi, il est devenu professeur de philosophie, et ses enseignements ont été retranscrits par son disciple Arrien dans "Les Entretiens" et "Le Manuel".

Liberté et nécessité selon les stoïciens

• La liberté réside dans la capacité de maîtriser nos désirs grâce à l'interprétation rationnelle des événements.
• Le désir n'est pas une passion subie, mais quelque chose qui peut être contrôlé ou même supprimé par la raison.
• Les stoïciens distinguent ce qui dépend de nous (notre âme, notre interprétation) de ce qui n'en dépend pas (santé, beauté, mort).
• Pour les stoïciens, la véritable identité se trouve dans l'âme, séparée du corps.
• Un tyran, bien que puissant, est moins libre qu'un stoïcien car il dépend des autres, tandis que la pensée du stoïcien reste inviolable.
• Bien que des maladies soient d'origine génétiques, le stoïcien nous apprend à accepter et à souffrir moins face aux situations immuables.
• La mort est moins troublante quand on accepte notre finitude.
• La richesse, soumise au hasard, ne doit pas être un désir ardent. Il faut accepter son sort, qu'on soit esclave ou empereur.
• Le stoïcien reste indifférent à l'opinion d'autrui, car il considère ces pensées comme infondées et sans vérité sur son identité.
• La colère face aux insultes est perçue comme une faiblesse, car elle accorde à l'autre le pouvoir de nous affecter.

Providence divine et acceptation de la réalité

• La providence divine est une vision du destin où tout est nécessaire et voulu pour le bien. Le stoïcien accepte les événements sans chercher à les changer, les considérant comme positifs.
• Face à la mort, le stoïcien adopte un point de vue universel, la voyant comme un élément nécessaire du cycle de la vie.
• Les stoïciens croient en un univers cyclique où chaque individu pourrait revivre ses expériences passées.
• Nietzsche reprend cette idée dans le concept de l'éternel retour, qui permet d'identifier le surhomme.
• La liberté véritable s'atteint en acceptant les événements tels qu'ils se présentent.
• Le stoïcien remercie les dieux d'avoir créé le meilleur des mondes possibles, et s'il souffre à cause des autres, c'est qu'il n'a pas su rester indifférent à leurs actions.

L'illusion du libre arbitre et la nécessité absolue

Le déterminisme selon Spinoza

• Le déterminisme stipule qu'une nécessité naturelle régit le réel par un enchaînement de causes à effets, excluant hasard et liberté.
• Le libre arbitre serait ainsi une illusion, nos désirs étant déterminés par des lois que nous ignorons.
• Spinoza, philosophe du 17e siècle né à Amsterdam en 1632, a été influencé par l'Inquisition espagnole qui a contraint ses parents juifs à fuir l'Espagne.
• Spinoza entretenait une relation conflictuelle avec la religion et fut excommunié de la communauté juive d'Amsterdam.
• Pour Spinoza, le dieu transcendant est une invention humaine; Dieu est en réalité la nature.
• Spinoza est un penseur panthéiste, Dieu et la nature ne font qu'un.
• Il rejette la liberté humaine, le péché, la rédemption et le jugement divin exercé par les hommes.
• Si Dieu est la nature, des lois éternelles régissent notre être et sa réalisation dans la nature.
• Selon Spinoza, l'humain fait partie de la nature et est déterminé par elle, contrairement à l'idée que l'humain se représente.
• Le corps et la pensée sont des substances soumises aux lois de Dieu et de la nature.

L'ignorance et l'orgueil comme motifs de l'illusion du libre arbitre

• Dans sa "Lettre à Schuller", Spinoza imagine une pierre dotée de conscience pour illustrer le déterminisme.
• L'humain n'est pas plus libre qu'une pierre, car il fait partie de la nature
• La pierre, mue par des causes extérieures (lois physiques), pourrait s'illusionner sur l'origine de son mouvement si elle en ignorait la cause.
• L'humain, comme la pierre, ignore les causes qui précèdent ses actions et désirs, se croyant à tort à l'origine de ses choix.
• Le déterminisme humain est plus complexe que celui de la pierre, soumis à des lois physiques, psychologiques, sociales et économiques.
• L'instinct amoureux, par exemple, est influencé par le déterminisme social (recherche inconsciente d'un partenaire de même milieu) ou par un contre-modèle parental.
• L'humain est orgueilleux de se croire supérieur à la nature, libre et au-dessus des lois.
• Freud, comme Spinoza, souligne la relation narcissique de l'humain au monde et au savoir.
• La théorie de l'héliocentrisme, l'évolution des espèces et la découverte de l'inconscient ont décentré l'humain de sa position privilégiée.
• La théorie de l'inconscient de Freud démontre que l'humain est soumis au déterminisme du passé, qui va influencer ses désirs ou ses peurs qu'il ne contrôle pas.

Le déterminisme des passions

• Les passions, du latin "pathein" (subir), impliquent que nous subissons des émotions.
• L'ivrogne, l'enfant et le fou illustrent la soumission de l'humain à des causes extérieures ou à ses propres pulsions.
• L'ivrogne est soumis à l'alcool et perd le contrôle.
• L'enfant est soumis aux pulsions de son corps.
• Le fou ne maîtrise pas sa raison et subit ses passions.
• Spinoza anticipe les neurosciences en affirmant le parallélisme entre corps et âme, réfutant l'idée d'une maîtrise du corps par l'esprit.
• Le lâche, le vengeur et le bavard illustrent d'autres formes de déterminisme.
• Le lâche est déterminé par la crainte.
• Le vengeur est déterminé par la colère.
• Le bavard est déterminé par un besoin de reconnaissance, une peur de la solitude ou un désir immédiat de parler.

L'existentialisme : "On est condamné à être libre"

Sartre et l'existentialisme

• Jean-Paul Sartre, philosophe français du 20e siècle, né à Paris, agrégé de philosophie, a enseigné à la Sorbonne.
• Il a encouragé ses étudiants à participer au soulèvement de mai 1968, défendant une pensée communiste opposée à l'économie libérale.
• L'existentialisme suppose que l'humain doit se définir par ses choix et ses actes.
• L'expression "l'existence précède l'essence" signifie qu'il n'y a pas de nature humaine prédéfinie à la naissance.
• L'existence est la capacité de se projeter dans des choix ou des actes qui définissent ce que nous sommes, un être en devenir.
• Simone de Beauvoir, philosophe existentialiste et féministe, est connue pour son affirmation "On ne naît pas femme, on le devient".
• Il n'y a pas de nature féminine, la femme est construite par des stéréotypes culturels; devenir une femme est soit subir une détermination, soit choisir qui l'on sera.

L'humain sans Dieu

• Sartre reprend l'expression de Dostoïevski "Si Dieu n'existe pas, tout est permis".
• Sans religion, l'humain n'a plus de repères moraux, ce qui pourrait mener à une perte de la morale.
• L'absence de Dieu rend la morale nécessaire, contrairement à l'idée que l'athéisme est fatalement immoral.
• L'humain est délaissé, jeté dans le monde sans repères, et doit donc être moral par lui-même.
• Le déterminisme qui croit au destin considère que l'humain n'est pas responsable de ses actes.
• Même sans Dieu, il n'y a pas de morale universelle, car chaque situation est singulière.
• Le dilemme moral d'un étudiant hésitant entre rejoindre la résistance ou rester auprès de sa mère illustre l'absence de solution universelle.
• L'individu doit choisir seul ce qui lui semble le plus juste, et ses actes définiront alors une justice.
• L'humain est délaissé car il ne trouve ni en dehors de lui (Dieu), ni en lui-même des valeurs morales certaines.

Le déterminisme comme attitude de mauvaise foi et la liberté comme nouvel optimisme

• "L'humain est seul sans excuse" lorsqu'il fait un choix, et peut ressentir de l'angoisse car il n'est jamais certain de faire le bon choix.
• Kierkegaard affirme que "l'angoisse est le vertige de la liberté" : l'humain se sent responsable sans savoir où il va ni ce qu'il doit faire.
• L'individu de mauvaise foi justifie ses choix par des causes extérieures, faisant comme s'il n'avait pas pu faire autrement.
• Contrairement à Spinoza, Sartre considère que la passion n'est pas une excuse : on choisit de se laisser emporter par la passion.
• Même celui qui prétend appliquer des signes divins est de mauvaise foi, car il interprète ces signes de manière personnelle.
• L'avenir doit être pensé en harmonie avec l'idée d'humanité.
• La mauvaise foi est d'affirmer qu'il y a un destin, alors que l'humain doit choisir son avenir en fonction des possibles.
• Chaque choix engage toute l'humanité, pas seulement l'individu.