Adam Smith et le libéralisme économique

Adam Smith et les fondements du libéralisme économique

• L'objectif est de comprendre les dynamiques d'enrichissement et comment les économistes expliquent l'origine de la valeur et des richesses, en particulier de la fin du XVIe siècle à l'industrialisation.

Les premières conceptions de la richesse : bullionisme et mercantilisme

• Aux XVIe et XVIIe siècles, les penseurs espagnols expliquent la richesse par l'accumulation de métaux précieux (or et argent) provenant des colonies américaines, une théorie appelée bullionisme.
• Le contexte espagnol inclut un vaste empire colonial, le pillage des civilisations précolombiennes et l'afflux de métaux précieux vers l'Espagne.
• L'accumulation excessive de métaux précieux entraîne une forte inflation et des déficits commerciaux, ce qui conduit à une critique de ce modèle.
• Le mercantilisme met l'accent sur une balance commerciale excédentaire, où il faut exporter plus qu'importer pour accumuler des richesses.
• L'économie est perçue comme un jeu à somme nulle, où l'enrichissement d'un État se fait au détriment d'un autre.
• L'État doit activement chercher à capter la richesse, notamment en prélevant des impôts élevés.

La critique des physiocrates : la terre comme source de richesse

• Au XVIIIe siècle, les physiocrates, avec François Quesnay, rejettent cette logique et considèrent la richesse à l'échelle de la société.
• Pour Quesnay, seule la terre produit une véritable richesse, car l'agriculture crée de la valeur, tandis que le commerce et l'industrie ne font que transformer ou redistribuer les produits.
• Le Tableau économique de Quesnay (1758) représente les flux de richesses dans l'économie, imaginant une circulation entre les classes sociales avec un effet multiplicateur.
• La pensée physiocratique reflète le contexte rural de l'époque et structure l'économie en classes sociales, initiant une réflexion sur la richesse globale d'une nation.

Adam Smith : l’invention de l’économie politique

• Adam Smith, figure majeure des Lumières écossaises, publie en 1776 "Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations".
• Il fonde le libéralisme économique en rompant avec les mercantilistes, défendant la liberté du marché, la division du travail et la non-intervention de l'État (sauf pour la sécurité, la justice et les infrastructures).
• La "main invisible" : la poursuite de l'intérêt personnel par les individus concourt à l'intérêt général, créant une autorégulation du marché.
• Milton Friedman (1976) reprend ce concept, voyant dans la main invisible une manière de coordonner les actions volontaires de millions d'individus sans direction centrale.
• Les contributions majeures de Smith incluent la critique du mercantilisme, la promotion de la division du travail (illustrée par la fabrique d'épingles) et l'idée que la valeur d'un bien résulte du travail nécessaire à sa production.
• Des débats existent sur l'interprétation de Smith, certains y voyant une pensée théologique, d'autres insistant sur son empirisme.

L’industrialisation : un processus de longue durée

• Le récit traditionnel de l'industrialisation met en avant les innovations technologiques majeures, notamment dans le textile avec la mécanisation de la filature (machine à vapeur dès 1774).
• Walt Rostow propose un modèle de développement dans Les étapes de la croissance économique (1960), parlant de "décollage" lorsqu'un pays entre dans une croissance rapide grâce à l'industrialisation.
• Jan de Vries propose une autre lecture, la révolution industrieuse, soulignant que le changement part des pratiques de consommation et de la volonté des populations de travailler plus pour consommer plus.
• Dans le textile, des mutations précèdent la révolution technologique, avec l'émergence de marchés hybrides, de production à domicile, d'ateliers intermédiaires et de grandes manufactures.
• L'industrialisation est un processus graduel plutôt qu'une "révolution industrielle" brutale.
• Des chercheurs comme Villerme s'intéressent à la question sociale, étudiant le lien entre pauvreté, santé, conditions de travail et les effets sociaux de l'industrialisation.

Pourquoi l’Europe ?

• La domination économique de l'Europe à partir du XIXe siècle suscite de nombreuses explications.

Politiques, culturelles et religieuses

• David Landes : le libéralisme européen a limité le pouvoir des despotes, favorisant ainsi l'économie.
• Max Weber : dans L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, il met en évidence comment certaines valeurs protestantes ont encouragé l'esprit d'épargne et d'entrepreneuriat.

Facteurs géographiques et démographiques

• David Cosandey, Le secret de l'Occident : la forme fractale du littoral européen a favorisé le commerce et les échanges.
• Gregory Clark : en Angleterre, dès le XVIIe siècle, les familles ont moins d'enfants, ce qui témoigne d'un changement mental vers l'épargne et l'investissement.

L’explication de Kenneth Pomeranz : La grande divergence

• Vers 1800, la Chine et l'Angleterre avaient un niveau de développement comparable.
• L'Angleterre disposait d'un empire colonial qui lui fournissait des ressources.
• Elle possédait des gisements de charbon abondants, proches des zones industrialisées (Liverpool, Manchester).
• Ces éléments ont permis à l'Angleterre de surmonter ses contraintes écologiques et de lancer le processus d'industrialisation.