COURS MONDIALISATION RÉGIONALISATION (3) PDF
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Fabien LECHEVALIER
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Ce document est un cours sur la mondialisation et la régionalisation. Il explore les différentes phases de l'histoire des échanges commerciaux, en se concentrant sur l'évolution du commerce international, des politiques commerciales et des dynamiques économiques, surtout depuis la révolution industrielle. L'analyse couvre des facteurs comme la dominance britannique, la crise des années 1930 et l'émergence d'une deuxième forme de mondialisation.
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mondialisation régionalisation Fabien LECHEVALIER Licence 2 AEI - Semestre 1 manuels à lire ›Adda (J.), La mondialisation de l’économie, de la genèse à la crise, La Découverte, 2012. ›D’Agostino (S.), La démondialisation : mythe ou réalité ?, Bréal, coll. « Thème...
mondialisation régionalisation Fabien LECHEVALIER Licence 2 AEI - Semestre 1 manuels à lire ›Adda (J.), La mondialisation de l’économie, de la genèse à la crise, La Découverte, 2012. ›D’Agostino (S.), La démondialisation : mythe ou réalité ?, Bréal, coll. « Thèmes & Débats », 2020. ›Bairoch (P.), Mythes et paradoxes de l’histoire économique, La Découverte, 1994. ›Benichi (R.), Histoire de la mondialisation, Vuibert, 2008. ›Bensidoun (I.), Couppey-Soubeyran (J.) (dir.), Carnets graphiques. 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Pour certains, la mondialisation représente un moteur incontournable du développement économique mondial, inévitable et irréversible. n u s J a Pour d’autres, elle incarne une menace, exacerbant les inégalités à la fois au sein des nations et entre elles, menaçant l’emploi, les niveaux de vie, freinant le progrès social et écologique Les crises qui ont frappé les marchés émergents dans les années 90, notamment, ont mis en lumière les risques associés à la mondialisation. L’instabilité des mouvements de capitaux, combinée à la dégradation du tissu social, de l’économie et de l’environnement, amplifiée par la pauvreté, a clairement révélé les limites de ce processus. Quelle mondialisation voulons-nous aujourd’hui? Quel monde voulons-nous demain? Faut-il une démondialisation? Les Hommes sont-ils suffisamment raisonnable pour mettre en place une gouvernance mondiale plus durable? Une gouvernance respectueuse des Humains et non Humains? À l’heure où les marchés internationaux échappent de plus en plus au contrôle des États et en l’absence d’une vision claire sur la forme que devrait prendre la coopération économique internationale à l’avenir, les gouvernements oscillent entre deux grandes tendances. D’une part, certains souhaitent laisser les forces du marché opérer librement, en s'appuyant sur un nouveau modèle de politique économique axé sur l'adaptation des économies aux contraintes de la concurrence internationale à long terme, et sur la discipline monétaire ainsi que la réduction des déséquilibres macroéconomiques à moyen terme. D’autre part, la tentation persiste de renforcer leurs positions respectives dans l’économie mondiale, ce qui conduit à l’émergence de pratiques qualifiées de « néo-protectionnistes » ou « néo-mercantilistes », centrées sur une approche stratégique des relations économiques internationales. Dans ces conditions, n’est-il pas quelque peu illusoire de continuer à parler de coopération économique internationale, ou même d’un nouvel ordre économique mondial ? Ne serait-il pas présomptueux de prétendre à une sécurité économique internationale alors que l’économie mondiale est de plus en plus livrée à elle-même et que les nations ne semblent préoccupées que par la préservation de leurs avantages compétitifs sur les grands marchés internationaux ? Ces questions, loin d'être anecdotiques, sont au cœur des débats contemporains sur l'avenir de la mondialisation et les dynamiques qui façonnent notre monde économique. mondialisation régionalisation définitions mondialisation = interconnexion croissante des économies nationales du fait de l’accroissement des mouvements de capitaux financiers et de biens et services, mais aussi de l’augmentation des flux de personnes et de leurs savoirs trois dimensions : une “mondialisation commerciale” liée au développement du commerce international des biens et des services, une “mondialisation productive” à travers la mobilité des facteurs de production une “mondialisation financière” lié à la libéralisation financière internationale et à l’accroissement de la mobilité internationale des capitaux + une mondialisation culturelle ? globalisation = un village global où les spécificités nationales tendent à disparaître ? produits standardisés, vendus à bas prix, une convergence des marchés dans le monde entier commerce international dominé par des firmes globales définissant leur stratégie au niveau mondial mondialisation régionalisation plan I Ouverture des économies depuis le XIXe s. Dès l’Antiquité, il y a des flux commerciaux sophistiqués et complexes, notamment autour du Bassin méditerranéen et vers l’Asie. Par exemple, dès le IIe siècle avant J.-C., les Chinois avaient mis en place un réseau commercial pour exporter la soie vers l’Occident. Sans remonter aussi loin, avant la révolution industrielle, plusieurs villes avaient connu un essor considérable grâce au commerce extérieur : Bruges (1200-1350), Venise (1350-1500), Anvers (1500- 1560), Gênes (1560-1620), Amsterdam (1620-1788). Fernand Braudel, dans son ouvrage La Méditerranée (1949), parle d’« économies-mondes » pour désigner ces villes assez autonomes mais ouvertes aux échanges extérieurs. Les grandes découvertes des XVe et XVIe siècles vont transformer cet ensemble d’économies-mondes juxtaposées et autonomes en un espace économique plus intégré à l’échelle mondiale, à travers le développement des comptoirs économiques (entre le XVIe et le XVIIIe siècle) et de la colonisation (aux XVIe et XVIIe siècles en Amérique, puis au XIXe siècle en Afrique et en Asie du Sud et Sud-est). Certains territoires restent malgré tout quasiment totalement fermés aux échanges extérieurs, comme le Japon ou la Chine. Dans l’Europe du XVIIIe siècle, encore influencée par les idées mercantilistes, chaque pays mène des politiques favorisant ses propres exportations. Le mercantilisme atteindrait son apogée avec les guerres napoléoniennes, comme l’expliquent Ronald Findlay et Kevin O’Rourke dans Power of Plenty (2007). Commerce et puissance sont alors liés : l’essor du commerce, en accroissant les revenus des pays, en créant des contacts entre les populations, en intégrant celles-ci à des degrés divers dans des flux d’échanges, est alors un déterminant de la puissance des pays. Les grands empires augmentent aussi les flux du grand commerce. Au cours du XIXe siècle, le rythme d’augmentation du commerce international est plus rapide que celui de la production mondiale. C’est le début de la “mondialisation”. La “mondialisation” est aujourd’hui au centre des débats. Mais nous allons voir qu’il ne s’agit pas d’un phénomène totalement nouveau puisqu’une “première mondialisation” est ainsi intervenue des années 1870 au début de la Première Guerre mondiale (Suzanne Berger, Notre première mondialisation. Leçons d’un échec oublié, 2003). C’est donc à une “seconde mondialisation” de l’économie à laquelle nous assistons depuis les années 1980. 1 Mondialisation commerciale et politiques commerciales Commerce international = correspond aux opérations d’achat et de vente de biens et de services réalisés entre les résidents d’espaces économiques nationaux différents. 1.1 Les transformations des flux commerciaux depuis la révolution industrielle 1.1.1 La domination commerciale britannique au XIXe siècle rappel : taux d’exportation (Exportations/Produit national brut X 100) Au cours du XIXe siècle, le rythme d’augmentation du commerce international est plus rapide que celui de la production mondiale. Le commerce par tête est multiplié par 25 entre 1800 à 1913, alors que la production par tête ne l’est que par 2,2. Cette tendance entraîne une ouverture commerciale accrue des pays qui participent aux échanges, au premier rang desquels on trouve les pays européens dont le taux d’exportation (Exportations/Produit national brut X 100) est passé de 4,4 % en 1830 à 13,2 % en 1910. Les échanges sont en effet dominés par l’Europe. En 1913, les importations européennes (commerce intra-européen et échanges avec les autres régions) représentent plus de 60 % des importations mondiales. Le Royaume-Uni domine largement le commerce mondial grâce au niveau de sa production. La France et l’Allemagne suivent. Les États-Unis et le Japon commenceront à s’imposer dans les échanges à la fin du XIXe siècle seulement. Pendant le XIXe siècle, la structure d’ensemble du commerce évolue peu. Les produits primaires (agricoles et miniers) représentent plus de 60 % des échanges mondiaux, le reste correspondant aux produits manufacturés. C’est dans ce second sous-ensemble qu’on assiste à une transformation progressive des échanges puisque la part des exportations de textile diminue au profit de celle des productions métallurgiques et chimiques. La division internationale du travail (DIT) oppose alors schématiquement les pays producteurs de biens manufacturés et les pays producteurs de produits primaires : l’Europe achète principalement des produits primaires (plus de 80 % de ses importations) et vend des produits manufacturés (entre 55 % et 65 % de ses exportations selon les années) d’après les estimations de Paul Bairoch (1930-1999). 1.1.2 Les échanges commerciaux pris au jeu des « égoïsmes sacrés » dans l’entre-deux-guerres Au cours de l’entre-deux-guerres, le taux de croissance des échanges internationaux est inférieur à celui de la production ; ce qui se traduit par un moindre degré d’ouverture des économies. La crise des années 1930 se traduit même par une diminution absolue du commerce international. On assiste également à une modification de la hiérarchie entre les puissances commerciales. À la fin des années 1920, le Royaume-Uni est toujours le premier exportateur mondial de produits manufacturés mais son avance s’est progressivement réduite car les États-Unis et l’Allemagne ont comblé leur retard commercial. Quelques années plus tard, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne est devenue le premier exportateur mondial de produits manufacturés : elle réalise 23,4 % des exportations de ces produits en 1937 contre 22,4 % pour le Royaume-Uni, 20,3 % pour les États-Unis. La composition du commerce international par produits ne subit aucune modification notable : la part des produits primaires représente toujours à peu près deux tiers des exportations mondiales. La DIT reste structurée autour de l’opposition entre nations productrices de biens manufacturés et celles qui produisent des biens primaires. 1.1.3 La remise en cause progressive de la domination commerciale américaine pendant les Trente Glorieuses Après la Seconde Guerre mondiale, le commerce mondial progresse de nouveau à un rythme plus rapide que celui de la production mondiale sur fond de croissance économique soutenue et de stabilité des taux de change (système monétaire international de Bretton Woods). Jusqu’aux années 1960, les États-Unis dominent nettement les échanges dans un contexte de bipolarisation liée à la Guerre froide. Par la suite, les pays européens et le Japon vont contester progressivement la domination commerciale américaine. Les pays du Sud de leur côté n’occupent qu’une place limitée dans le commerce mondial. L’augmentation rapide des échanges de produits manufacturés (sous l’effet des produits des industries électromécaniques et des biens de consommation) entraîne un recul relatif des échanges de produits primaires dans le commerce mondial dont la part dans les exportations mondiales passe de 45 % à 38 % entre 1963 et 1973. 1.1.4 La montée en puissance des émergents depuis les années 1970 1.1.4 La montée en puissance des émergents depuis les années 1970 Dans la composition des échanges, plusieurs évolutions sont notables : – la part des produits manufacturés dans les échanges a continué de croître – la part des services reste relativement stable mais la nature des services échangés a évolué – les échanges « intra-branches » (produits issus d’une même branche d’activité) se sont beaucoup développés (NB, voir slide suivante) NB: Parmi les échanges intra-branches, J.-L. Mucchielli distingue : 1) les échanges horizontaux de produits différenciés (échanges de produits de valeur comparable au même stade de finition comme les échanges de véhicules automobiles entre la France et l’Allemagne par exemple) 2) les échanges de gamme (échanges de produits au même stade de finition mais de valeurs unitaires différentes comme les échanges de voiture de luxe contre des voitures bas de gamme) 3) les échanges verticaux de produits décomposés (échanges de produits, sous-ensembles de produits ou de composants) – le développement des firmes multinationales (FMN) et la décomposition internationale des processus productifs ont entraîné une montée des échanges « intra-firmes », c’est-à-dire entre maisons- mères et filiales et entre filiales d’une même FMN. – on note, enfin, une régionalisation des échanges dans la période récente. On désigne par-là, la tendance des pays à commercer entre eux au sein d’une même zone géographique (par exemple les États-Unis avec le Canada et le Mexique). 1.2 L’intervention des États et des organisations internationales sur les flux de biens et services : les politiques commerciales Selon les objectifs qu’il poursuit, le pouvoir politique a la faculté de modeler les flux commerciaux en définissant sa politique commerciale. Celle-ci peut tendre, selon les pays et les époques, vers le protectionnisme (lorsqu’elle vise à empêcher ou limiter les importations de biens et services) ou au contraire vers le libre-échange (quand elle vise à réduire les obstacles à la circulation des biens et des services). Les pouvoirs publics disposent de nombreux instruments pour influencer les flux commerciaux. Dans cet ensemble, les économistes distinguent généralement la protection tarifaire (les droits de douane) de la protection non tarifaire. Le droit de douane est un impôt sur les importations. C’est l’outil de protection commerciale le plus ancien qui a constitué pendant longtemps la principale ressource des budgets publics. Le rôle des droits de douane a beaucoup diminué au cours du XXe siècle. Aujourd’hui les gouvernements ont souvent recours à des barrières non tarifaires. Parmi celles-ci on trouve notamment : les subventions à la production (une aide publique versée à une entreprise qui diminue son coût de production et ses prix et qui limite les importations), les subventions à l’exportation (une aide publique versée à une entreprise qui vend sa production à l’étranger), les quotas d’importation (un plafond quantitatif pour les importations d’un produit donné sur une période donnée) les règles de contenu local (une mesure qui impose qu’une fraction donnée d’un bien vendu dans un pays doive être produite sur le territoire national). 1.2.1 Libre-échange et protectionnisme au XIXe siècle Le XIXe siècle est marqué par des avancées et des reculs du libre-échange. On peut distinguer plusieurs périodes de 1815 à 1913. 1re période : 1815-1846 Cette première période est marquée par la domination du protectionnisme dans la quasi-totalité des pays européens et aux États-Unis. Aux États-Unis. P. Bairoch évoque ainsi un « océan de protectionnisme cernant quelques îlots libéraux ». 2e période : 1846-1860 Au cours de cette période, le libre-échangisme progresse au Royaume-Uni alors que le protectionnisme caractérise largement le reste du monde. 3e période : 1860-1879 Le traité de commerce franco-anglais de 1860 débute une période d’extension du libre-échange entre les économies européennes. Le traité Cobden-Chevalier prévoyait des réductions tarifaires réciproques importantes entre la France et l’Angleterre et comportait « la clause de la nation la plus favorisée » (principe de non-discrimination entre les partenaires commerciaux d’un même pays selon lequel toute réduction tarifaire entre deux pays membres doit être étendue à tous les autres pays partenaires). Après la conclusion de ce traité, les accords se sont multipliés entre les autres puissances européennes (effet domino). 4e période 1879-1913 La dépression économique et la crise agricole en Europe continentale ont transformé le contexte économique et politique au moment de reconduire de nombreux traités signés. La politique commerciale des pays d’Europe continentale va devenir graduellement plus protectionniste. 1.2.2 L’essor du protectionnisme dans l’entre-deux-guerres La Première Guerre mondiale se traduit par un renforcement du protectionnisme, y compris au Royaume-Uni qui s’y « convertit ». Les « égoïsmes sacrés » qui conduisent les pays à faire prévaloir leur intérêt national par un recours au protectionnisme se soldent par l’effondrement du commerce international et l’augmentation des tensions commerciales. 1.2.3 L’après Seconde Guerre mondiale : de l’AGETAC à l’OMC Pour les questions commerciales, deux processus sont mis en place : Une conférence internationale conduit à l'Accord général sur les tarifs et le commerce (AGETAC ou General Agreement on Tariffs and Trade GATT) signé par 23 pays en 1947, reposant sur des principes comme la « clause de la nation la plus favorisée » et la libéralisation progressive des échanges. En 1994, la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est décidée. L'OMC, opérationnelle depuis 1995, avec plus de 160 membres, est une organisation qui reprend les principes de l'AGETAC. 1.3 Le débat libre-échange versus protectionnisme 1.3.1 Protéger les industries « naissantes » et « sénescentes » List se prononce pour la « protection des industries naissantes » car au moment où elles apparaissent, les industries « dans l’enfance » ne peuvent lutter à armes égales avec celles de pays à industrialisation plus avancée. La libre compétition entre pays inégaux risque de bloquer le développement du plus faible. Le protectionnisme éducateur, dont List affirme la nécessité, doit être limité (des industries jeunes trop abritées de la concurrence étrangère pourraient ne pas faire l’effort de productivité nécessaire) et provisoire (il ne faut pas soutenir artificiellement et indéfiniment des productions qui ne pourraient à terme soutenir la concurrence internationale). Dans la continuité de l’argumentation précédente, des voix s’élèvent régulièrement pour défendre l’idée d’une protection temporaire des industries « sénescentes ». Afin de faciliter la réallocation des facteurs de production vers des branches d’activité plus compétitives, les pouvoirs publics peuvent protéger temporairement de la concurrence internationale des industries sur le déclin dans lesquelles le pays aurait perdu son avantage comparatif. 1.3.2 La défense d’un « protectionnisme de zone » La croissance des pays d’Asie à partir de la fin des années 1970 comme les difficultés de certaines économies européennes depuis la rupture de croissance des années 1970 ont amené des économistes à défendre l’idée d’un « protectionnisme de zone », c’est-à-dire mis en œuvre aux frontières d’un ensemble d’économies ayant établi une zone de libre-échange entre elles. C’est le cas, dès 1978, de Jean-Marcel Jeanneney (1910-2010) qui réclamait l’existence de droits de douane pour protéger l’industrie européenne afin qu’elle s’adapte à la nouvelle donne du commerce international. À la faveur de la crise économique récente, les analyses d’auteurs comme Emmanuel Todd se sont inscrites en partie dans cette lignée. Pour lui, la crise provient d’un déficit de la demande à l’échelle mondiale, dont la cause première est le libre-échange. Le libre-échange a rompu l’équilibre entre la production et la consommation et conduit les entreprises à considérer leurs salariés comme un coût en oubliant qu’ils sont aussi des consommateurs. Face aux délocalisations qui cherchent à réduire les coûts de production, Todd préconise un protectionnisme européen qui favoriserait la recherche et l’innovation. 1.3.3 Le débat sur les politiques commerciales stratégiques Dans certaines branches d’activité où le nombre de firmes en présence est restreint, l’action des pouvoirs publics peut être décisive pour faire émerger des « champions nationaux » au détriment des concurrents étrangers. Des mesures prises par les pouvoirs publics pour aller dans ce sens (aides publiques, subventions, etc.) correspondent à ce que l’on appelle des « politiques commerciales stratégiques ». James Brander et Barbara Spencer (1985) ont ainsi montré, en s’appuyant sur la théorie des jeux et en illustrant leur propos par la guerre commerciale que se livrent Airbus et Boeing pour dominer le marché aéronautique, qu’une subvention publique pouvait être décisive pour qu’une firme se positionne sur un marché. 1.3.4 Protectionnisme et soutenabilité sociale et environnementale L’ouverture commerciale met en concurrence des producteurs soumis à des normes sociales différentes mais est-il juste, comme le souligne Dani Rodrik, de considérer l’absence ou la faiblesse des dispositifs de protection sociale dans certains pays comme des avantages comparatifs ? Pour Rodrik (2008) la réponse est négative et pour éviter que le rejet de la mondialisation ne gagne du terrain dans les opinions publiques des pays du Nord, il propose de tenir compte de ces choix sociaux différents en introduisant des « clauses de sauvegarde sociale » dans le cadre des négociations commerciales multilatérales menées à l’OMC. L’accroissement des échanges commerciaux est source d’émission de gaz à effet de serre en même temps que la mobilité internationale du capital conduit à la localisation des producteurs polluants dans les économies où les réglementations environnementales sont moins strictes qu’ailleurs. C’est le phénomène des « émissions importées » et des « fuites de carbone ». Une telle situation amène des économistes comme Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux (2012) à proposer d’instaurer une « taxe carbone ajoutée » aux frontières des économies vertueuses en matière de réglementation environnementale comme l’Union européenne pour compenser le différentiel de réglementation.