History of Muslims PDF

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This document provides a summary of Muslim history, focusing on figures like Saladin and his dynasty. It details events and key figures during the Middle Ages, highlighting aspects of religious and political contexts.

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1 Sommaire Chapitre Époque Date Page Chapitre 3 Saladin et sa (567 - 1169) Page 3 Dynastie (684 - 1250) Chapitre 4 Les Mamelouks (687 - 1250) Page 15 Turkomans (784 - 1382) Ch...

1 Sommaire Chapitre Époque Date Page Chapitre 3 Saladin et sa (567 - 1169) Page 3 Dynastie (684 - 1250) Chapitre 4 Les Mamelouks (687 - 1250) Page 15 Turkomans (784 - 1382) Chapitre 5 Les Mamelouks (784 - 1382) Page 30 Circassiens (923 - 1517) 2 CHAPITRE III Saladin et sa Dynastie (567 - 1169) (684 - 1250) C'est avec plaisir que l'on constate que ce prince chevaleresque, une des plus nobles figures de l'histoire, mérite la célébrité qui s'est attachée à son nom. A une époque où la cruauté et l'injustice étaient coutumières, Saladin fit preuve d'équité, de clémence et de bonté ; tandis que la plupart des chevaliers francs, absous par leurs prêtres, reniaient sans vergogne traités et promesses, amis ou ennemis pouvaient compter sur la parole de Saladin ; au sein du luxe et de la splendeur d'une cour orientale, il vivait simplement et sobrement, ne prenant plaisir qu'à des exercices virils tels que : 1) Le polo (importé comme on le sait de Perse et pratiqué par tous les princes d'Orient) 2) De doctes entretiens avec de savants théologiens. Extrêmement pieux, il suivait le rite sunnite avec une sincérité et une ferveur absolue. Son premier soin, lorsqu'il se trouva virtuellement maitre de l'Égypte, fut de ramener le pays, qu'il considérait comme adonné à une hérésie dangereuse, à la foi fondée sur les traditions. Pour atteindre ce but, il fonda : Des collèges religieux ou Madrassas et attira en Égypte les plus grands docteurs orthodoxes, plus particulièrement ceux qui enseignaient la doctrine de l'Imâm Châfey. Dès le commencement de son vizirat, Saladin s'efforça de gagner la confiance et l'affection des Égyptiens par sa justice et son humanité. Il appela auprès de lui plusieurs de ses frères, et, un an après son arrivée, il fut rejoint en Égypte par son père Ayoub. Ce vieillard sage et prudent avait pendant des années jouies d'une grande influence à la cour de Noûr-ed-Din, le célèbre sultan de Damas qui avait envoyé Saladin en Égypte avec Chirkouh. Son fils s'étant empressé de lui offrir sa dignité de vizir, il refusa de l'accepter, mais resta auprès de lui pour l'aider de ses conseils et de son expérience. 3 Les succès obtenus par Saladin contre les Croisés firent grandir sa popularité et, en 1171, il accomplit la révolution religieuse qu'il méditait depuis si longtemps. Le nom du Calife abbasside de Baghdad remplaça, à la prière du vendredi, celui de l'infortuné Fatimide el 'Aded, qui se mourait alors dans son palais d'une grave maladie. Aucune protestation n'eut lieu et on évita d'apprendre la nouvelle au moribond qui s'éteignit trois jours plus tard sans avoir été informé de la chute de sa dynastie. Quoiqu'âgé seulement de vingt-deux ans environ, el ‘Aded laissait onze fils, quatre épouses et plus de huit cents parents des deux sexes. Pour empêcher qu'ils n'aient des enfants qui puissent prétendre au trône, on les interna, avec beaucoup d'égards, de confort et même de luxe, dans deux palais différents, les femmes dans l'un et les hommes dans l'autre. Il est inutile de rappeler que, lors de cas parallèles en Europe au Moyen Age, les prétendants possibles étaient dans le même but, enfermés dans des monastères et des couvents. Le calcul ne réussit pas absolument dans le cas qui nous occupe et quelques prétendus descendants des Fatimides apparurent au bout d'un certain nombre d'années. Saladin, toujours simple et austère dans ses goûts, ne s'appropria pas le palais du Calife mais se contenta du palais du Vizirat dans lequel il était déjà installé. Il ne voulut pas non plus toucher à la fortune personnelle du Calife ; il en envoya la moitié à Noûr-edDin et distribua l'autre moitié aux pauvres. Mais l'Égypte, maintenant sujette d'un des plus grands hommes que le Moyen Age ait produits, ne devait pas jouir longtemps de la présence de son nouveau souverain. Entièrement absorbé par la guerre contre les Croisés, que sa foi lui faisait considérer comme un saint devoir, et dont l'histoire ne rentre pas dans les limites de cet ouvrage, Saladin passait à peu près tout son temps à combattre en Syrie, laissant son vizir Qaraqoûch investi de la régence au Caire. Ce dernier dirigea les travaux des fortifications destinées par Saladin à entourer l'ancienne capitale, Fostât, que l'on avait commencé à reconstruire, aussi bien que le quartier Toulounide d'el Qatây et la cité 4 royale d'el Qâhera, et surmontées par une forte citadelle pour dominer et défendre la ville. Les récents travaux de M. Creswell ont établi le fait que l'enceinte de Saladin, construite en hâte par Qaraqoûch, fut solidement renforcée sous le règne d'el Adel, quelques années plus tard. Les deux énormes tours qui font face au Moqattam, agrandies par el Adel de plus de la moitié, contiennent chacune une petite tour ronde qui lui sert de noyau, et qui constituait le bastion primitif de Qaraqoûch (PI. 12 et 13). Les caractères de Qaraqoûch : Qaraqoûch n'était pas comme son maitre doué de tact et de charme personnel Il se fit détester par la population au point que son nom est encore abhorré de nos jours et que les conteurs arabes redisent une ioule d'histoires aussi absurdes qu'apocryphes sur des jugements faux et grotesques attribués à Qaraqoûch. Pendant que Qaraqoûch s'occupait au Caire de construire la citadelle et aussi d'organiser et d'expédier en Syrie des troupes de réserve et des approvisionnements, Saladin continuait la série de ses victoires. En 583 / 1187, Jérusalem capitula après avoir été aux mains des Francs pendant quatre-vingt-huit ans (88). La façon dont fut traitée la garnison chrétienne nous fournit un exemple de la générosité et de la tolérance de Saladin ; les historiens chrétiens des Croisades eux- mêmes assurent qu'il n'y eut point de cruautés inutiles. Ceux qui étaient assez riches pour payer rançon eurent la permission de se racheter eux-mêmes et d'en racheter d'autres. El 'Adel, frère préféré de Saladin, lui demanda mille prisonniers en cadeau et les relâcha pour la plus grande gloire de Dieu, et le sultan lui-même ordonna que les vieillards incapables de payer fussent mis en liberté. Un certain nombre de dames, épouses et filles de chevaliers tués ou prisonniers, qui étaient venues se réfugier à Jérusalem, furent traitées par Saladin avec une bonté et une courtoisie chevaleresque. 5 La plupart des autres villes de Syrie et de Palestine tombèrent également entre les mains de Saladin et les Croisés demandèrent une trêve. Le sultan avait été rejoint en Syrie par le frère dont il vient d'être question, Seif-ed-Din el 'Adel, que les chroniqueurs francs appellent Safadin (Seif al din), et ce fut lui qui fut chargé de négocier avec Richard Cœur de Lion. Les deux princes se lièrent d'amitié au cours de ces pourparlers et on raconte que Richard pensa même à lui faire épouser sa sœur Jehanne, veuve du roi Guillaume le Bon de Sicile, et à placer le couple sur le trône de Jérusalem, mais que les évêques, horripilés, refusèrent de sanctionner une pareille alliance. Du reste l'impétueux roi d'Angleterre n'avait pas consulté sa sœur et la reine de Sicile ne tenait pas à épouser un musulman. Safadin eut en effet un nombre considérable de femmes dont l'une, la reine Chemsa que l'on appelle aussi el Adeliya du nom de son mari, est encore vénérée au Caire. Ce fut elle qui fit construire un tombeau qui recouvre le tombeau de l'Imâm Châfey, et le merveilleux cénotaphe de bois sculpte qu'elle fit faire pour elle-même se trouve encore à côté de celui du saint (Pl. 14). La mort de Saladin : On dut renoncer à l'accord projeté et Saladin reprit sa campagne victorieuse, interrompue par sa mort prématurée à Damas en 1193. Quoique seize fils lui aient survécu, aucun d'eux n'était aussi capable de le remplacer que son frère el Adel, et après une série d'intrigues qu'il est inutile de raconter ici en détail, l'Egypte se trouva entre les mains de cet habile prince ; il gouverna d'abord en qualité de régent pour un fils en bas âge d'el Aziz, fils de Saladin, en 595 / 1198 qui était mort après avoir régné cinq ou six ans au Caire. Les autres provinces du vaste empire Ayyoubide furent partagées, très inégalement, entre les autres fils de Saladin ; sa fille unique, la princesse Mounissa, épousa son cousin el Kâmel, fils et successeur d'el Adel. Les querelles et les divisions qui suivirent la mort de Saladin donnèrent aux Croisés des occasions qui faisaient défaut lorsque le monde musulman presque tout entier se trouvait 6 réuni sous un seul maitre. Voyant que le principal point de résistance se trouvait à Damiette, ils profitèrent de ce qu'el 'Adel était occupé à guerroyer en Syrie pour attaquer la source de ses approvisionnements et, arrivant soudainement par mer, ils mirent le siège devant Damiette en 615 / 1218. El 'Adel avait confié la garde de 1'Égypte à son fils el Kâmel, qui accourut au secours de Damiette et réussit à tenir les Francs en respect pendant quatre mois. Enfin, grâce à des tours d'assaut dressées sur des navires, ces derniers réussirent à prendre le fort, une puissante tour reliée au rivage par une chaîne de fer pour empêcher les vaisseaux de pénétrer dans la branche du Nil. Le vieux el "Adel, qui arrivait de Syrie en toute hâte, mourut en route en apprenant cette nouvelle et Kâmel se trouva seul pour défendre le royaume en trouve Assailli de difficultés de toute sorte, entouré de révoltes et de conspirations parmi ses propres émirs, Kâmel ne put sauver Damiette qui fut enfin prise par les Croisés et dont les habitants, traités avec la dernière barbarie, furent massacrés ou réduits en esclavage. Kâmel, voyant qu'el Qâhera elle-même était menacée, fortifia la ville de Mançoûra, au sud de Damiette, et envoya des messagers à tous ses cousins de Syrie pour les appeler à son secours. Puis, se sentant plus à même de négocier, il offrit de rendre le royaume de Jérusalem, tel qu'il était avant Saladin, en échange de Damiette. Suivant encore cette fois les conseils aveugles de leur ciergé, les Croisés refusèrent cette offre magnifique, décision insensée qu'ils ne tardèrent point à regretter amèrement. L'été vint, le Nil monta, les musulmans désespérés rompirent les digues et inondèrent le Delta tout entier. Les Francs, isolés sur quelques hauteurs, accablés par la chaleur, furent trop heureux de parlementer et cédèrent Damiette sans aucune des compensations qu'ils avaient refusées. Cependant el Kâmel, en concluant la trêve, leur accorda des conditions d'une générosité inattendue, car il n'avait aucun désir d'envenimer les haines de religion. Durant tout son règne, ce prince fit preuve d'un esprit de tolérance et de diplomatie bien en avance de son époque et fut même accusé par ses contemporains d'un défaut de ferveur religieuse. Il faut ajouter que la même accusation, en sens inverse, fut portée contre son adversaire, 7 l'empereur Frédéric Barberousse, qui conduisit les négociations d'une façon si amicale qu'il fut soupçonné d'être secrètement entaché d'islamisme. Et cependant, il obtint pour les chrétiens la possession de Jérusalem et du Saint Sépulcre, mais non pas celle du Dôme du Rocher que l'on appelle Mosquée d'Omar. Le fils aîné d'el Kâmel, qui lui succéda comme sultan d'Egypte, fut supplanté au bout de deux ans par son frère Çâleh Negm-edDin Ayoub. Ayant obtenu le trône par traitrise, ce dernier, pour consolider sa position, fit arrêter et exécuter les émirs et les Mamelouks qui avaient pris part à son usurpation ; puis il créa un corps tout nouveau de mamelouks, Les mamelouks : Des jeunes gens d'origine turkomane, achetés dans divers marchés, dont il fit sa garde du corps. Ils furent nommés la Halaqa (c'est à dire ceinture) royale et logés dans une caserne construite exprès pour eux dans l'ile de Roda ; c'est pour cette raison qu'on les appelait aussi Bahrys ou riverains. Cette innovation est d'une grande importance car ce fut l'origine de la première dynastie de sultans mamelouks dont il sera question dans le chapitre suivant. Çâleh était habile et courageux et il réussit à reprendre aux Francs et à ses propres cousins, les princes Ayoubides qui régnaient dans les villes de Syrie, la plus river à cette grande partie du royaume de Saladin. Pour fin il n'hésita pas à se faire aider par une horde de barbares, les Khouarezmiens, qui, après avoir fondé un empire qui comprenait Khiva, Boukhara et Samarkande, étaient maintenant chassés des hauts plateaux de l'Asie par le célèbre conquérant mongol, Gengis Khan, qui avait commencé en 1218 à dévaster l'Orient. La maladie du Çâleh : Çâleh arriva ainsi à reprendre Jérusalem et Damas ; il assiégeait cette dernière ville lorsqu'il tomba malade d'une plaie gangréneuse à la jambe, causée dit-on, par un poison répandu exprès sur une natte sur laquelle il avait l'habitude de s'accroupir pieds nus pour jouer aux échecs. Il reçut alors une nouvelle d'Égypte qui le décida à se faire 8 rapidement transporter au Caire en litière, car il n'était plus capable de monter à cheval ni même de se tenir debout. La nouvelle était que les Francs avaient débarqué près de Damiette. C'était la VIIe (7) Croisade, conduite non plus par des nobles avides et ambitieux, mais par un saint monarque, le roi Louis IX de France, qui mérita d'être plus tard canonisé par l'Église catholique et dont les vertus et la piété firent une impression profonde même sur les musulmans qui se trouvèrent en rapport avec lui au cours de cette campagne. L'histoire de cette époque est si chargée de crimes et de sang que c'est avec soulagement que l'on y rencontre deux hommes comme Saladin et saint Louis. Le roi de France amenait avec lui 50.000 hommes comprenant l'élite de la chevalerie française et tout ce qu'il leur fallait comme provisions et matériel de guerre. Damiette, soigneusement approvisionnée, ses fortifications remises à neuf, avait été confiée à la garde d'une tribu de Bédouins fort belliqueux, mais, surpris par l'arrivée inattendue des vaisseaux francs et se souvenant sans doute du sort de la malheureuse garnison en 1218, ces Bédouins prirent la fuite et les Français occupèrent la ville sans difficulté. Les troupes égyptiennes, sous l'émir Fakhr-ed-Din, se retirèrent à Mançoura, où le sultan se fit transporter malgré ses souffrances. Probablement à cause de sa maladie, il était accompagné cette fois de son épouse, en laquelle il avait une telle confiance qu'il la chargeait généralement de gouverner la capitale à sa place lorsqu'il était absent en campagne ; c'était d'ailleurs elle qui l'avait prévenu de l'invasion franque. La reine Chagaret-ed-Dourr : Cette femme remarquable mérite que nous accordions à son histoire un peu plus de détails que je n'ai pu en consacrer aux autres personnages de mon récit. C'était une esclave d'origine probablement turkomane, ou peut-être arménienne, que Çâleh avait épousée après qu'elle lui eût donné un fils qui mourut en bas âge. Douée d'une beauté et d'une intelligence exceptionnelles, elle avait acquis sur son époux une influence telle qu'il la consultait même pour des affaires d'État. 9 Peu de jours après son arrivée au camp de Mançoûra, la maladie du sultan s'aggrava et il mourut, au moment où les Francs sortaient de Damiette. La reine, Chagaret-ed-Dourr, (nom qui signifie arbre ou rameau de perles et qui dénote sa condition d'esclave), se rendit compte du danger où l'armée musulmane allait se trouver, privée d'un chef, tandis que l'armée franque avançait rapidement pour livrer combat. Elle décida de cacher la mort de son mari ; mettant deux ou trois fidèles dans le secret, elle convoqua une assemblée des principaux émirs et leur annonça que le sultan était trop souffrant pour les voir et leur ordonnait de lui jurer obéissance et, après lui, à son fils Tourânchâh qui se trouvait alors en Mésopotamie ; elle leur dit aussi que le sultan avait ordonné que l'émir Fakhr-ed-Din prît provisoirement le commandement de l'armée. Les émirs prêtèrent serment sans hésiter ; on expédia au Caire des décrets portant la signature du sultan, très habilement imitée par un esclave nommé Soheil. Le médecin de la cour, qui était un des complices, continuait régulièrement ses visites, on apportait tous les jours à la tente royale des plats destinés à l'auguste malade, bref, on ne négligea aucun détail propre à inspirer confiance. Ce ne fut que trois mois plus tard que Tourânchâh, fils de Çâleh par une première femme, revint de Mésopotamie, et pendant tout cet intervalle, Chagaret-ed-Dourr gouverna le royaume au nom de son époux défunt. Les circonstances étaient d'ailleurs fort critiques : l'armée des Francs approchait de Mançoura qu'ils attaquèrent le 8 février 1250, avec plus de bravoure que de stratégie. La bataille fut terrible ; le général musulman Fakhr ed Din fut tué et, au premier abord, les Francs parurent avoir le dessus. Mais ils avaient compté sans la garde turkomane de Çâleh, les mamelouks Bahrys, commandés par l'un des leurs, Rokn-ed-Din Baibars, dont nous reparlerons ; cette brillante cavalerie fondit sur l'ennemi avec une impétuosité irrésistible, abattant tout sur son passage ; les Francs furent écrasés et mis en pièces. Parmi les nombreux chevaliers qui périrent se trouvait le comte Robert d'Artois frère du roi, dont la folle témérité avait amené l'armée dans une position intenable. Cette bataille sanguinaire n'apporta cependant aucun changement : les deux partis avaient éprouvé de cruelles pertes, mais leur position relative restait la même et les deux 10 armées passèrent quelque temps à s'observer mutuellement sans risquer une nouvelle attaque. Sur ces entrefaites, Tourânchâh, héritier de Çâleh, arriva de Mésopotamie et la reine put enfin annoncer la mort du sultan et remettre le pouvoir aux mains de son beau- fils. Ce jeune prince, dont les seules qualités semblent avoir été le courage et un certain talent militaire, se montra fort peu courtois envers la veuve de son père, mais s'occupa immédiatement d'organiser une attaque combinée par terre et par le fleuve, faisant apporter du Caire des bateaux démontés qui furent rapidement mis à flot en aval de l'armée franque. Cette manœuvre eut un tel succès que trente-deux des vaisseaux de saint Louis furent capturés par la flotte égyptienne. Découragés par ce revers, les Francs essayèrent en vain de parlementer et finirent par retourner vers Damiette où ils espéraient s'abriter. Mais les musulmans les poursuivirent et les rejoignirent à Fareskoûr, où eut lieu un épouvantable carnage ; d'après les chroniqueurs arabes, non moins de 30.000 Francs furent tués ou noyés. Le saint roi lui-même, fut fait prisonnier et tenu à rançon. Ce fut donc par une grande victoire que débuta le règne du dernier (Tourânchâh) sultan Ayoubides ; il fut lui-même cause de sa ruine et la mérita. Grisé par son succès et par sa royauté, il se crut assez puissant pour insulter et maltraiter les émirs de son père, il en fit mème exécuter plusieurs. Il exaspéra les Mamelouks par ses vices et sa brutalité, et il commit l'erreur funeste d'offenser sa belle-mère, à laquelle il devait le trône. Chagnret- edDourr, d'autre part, était très-aimée de la cour et de l'armée et l'on comparait son gouvernement plein de sagesse avec celui du jeune débauché qui, depuis sa victoire, passait tout son temps en compagnie de vils courtisans qu'il avait amenés de Mésopotamie. Les Mamelouks décidèrent sa mort et au Coeur d’un festin qui a eu lieu au Coeur de safar 648 Mai 1250 à faradkour ce fut Baibars qui lui porta le premier coup. Le sultan s'étant réfugié dans une tour de bois construite provisoirement sur le Nil pour échapper à ses assassins, ceux-ci y mirent le feu et, lorsqu'il se jeta dans le fleuve pour s'enfuir à la nage, Baibars plongea après lui et l'acheva dans l'eau. Son cœur arraché 11 de sa poitrine, fut apporté sur un plat à saint Louis dont on peut s'imaginer l'horreur à cette vue. Il fut tue aprés avoir régné 61 jours. Ainsi finit misérablement cette dynastie Ayoubides qui avait commencé si glorieusement avec Saladin et donné à l'Égypte trois autres grands souverains : El Adel. Son fils el Kâmel. Son petit-fils Çâleh Ayoub. Ce dernier contribua indirectement à la chute de son fils lorsqu'il créa la milice prétorienne qui devait pendant 250 ans fournir une série de sultans à l'Égypte. Cette première fois cependant, les Mamelouks ne se décidèrent pas à placer un des leurs sur le trône, mais s'arrêtèrent au parti sans précédent de couronner une femme, la veuve de leur maître, dont ils avaient déjà connu la domination douce et habile ; Chagaret-ed- Dourr fut proclamée « Sultan » d'Égypte sous le nom de Mère de Khalil, d'après le petit garçon qu'elle avait eu de Çâleh. L'histoire de son court règne et de la fin de sa dramatique existence appartient au chapitre suivant, mais il faut arrêter l'attention sur le fait remarquable que le premier souverain élu dans l'Égypte musulmane était une femme. Elle fut la première de cette série de sultans, placés sur le trône par le choix des turbulents émirs mamelouks, régime qui dura jusqu’à la conquête ottomane. A partir de ce moment, même lorsque le successeur d'un sultan était son propre fils, ce n'était qu'avec le consentement des Mamelouks et souvent pour préparer le chemin à quelque soi-disant régent qui ambitionnait le trône. Ce ne fut que durant le règne de Tourânchâh que le formidable corps de mamelouks réuni et formé par son père prit conscience de sa force et résolut de l'exercer. Depuis lors, eux et leurs successeurs occupèrent le pays et le gouvernèrent en étrangers, couronnant et déposant tour à tour des émirs choisis dans leurs rangs et formant divers partis, toujours en guerre les uns avec les autres. Ces fréquentes batailles portaient la terreur parmi les gens du peuple qui pâtissaient toujours, quelque fût le vainqueur ; leurs champs, leurs ateliers, leurs boutiques en proie 12 à la destruction et au pillage, la liberté de leurs femmes et de leurs enfants continuellement en danger. De lourds impôts accablaient la population toutes les fois qu'il fallait de l'argent, mais cet argent ne servait pas au bien public. Les sultans mamelouks ordonnaient à leurs ministres de bâtir de vastes greniers à l'instar du prophète Joseph, et de les remplir pour s'approvisionner contre la famine qui dévastait le pays lorsque la crue du Nil avait été insuffisante, mais ils en faisaient une source de gains illicites, vendant les céréales à haut prix à la population affamée. Les infortunés paysans, sans recours contre une pareille tyrannie, ne se révoltaient presque jamais, mais travaillaient avec patience, bénissant Allah lorsqu'un sultan plus humain que les autres allégeait quelques impôts ou distribuait quelques aumônes. L’art à l’époque ayyoubide : Des œuvres d'art de la période Ayoubides, c'est le bois sculpté qui est le plus remarquable ; le travail de certains panneaux conservés au Musée du Caire est d'une délicatesse et d'une finesse incomparables. Les sultans eux-mêmes ne montrèrent point l'amour des arts et du luxe qui, sous d'autres dynasties, encouragèrent les artisans à produire des objets de métal ou de verrerie destinés à l'usage de la cour. Ils se bornèrent à l'embellissement des mosquées et plusieurs d'entre elles contiennent encore de merveilleuses sculptures sur bois. Dans ces boiseries et dans le décor en plâtre qui atteignit également une grande perfection à cette époque, il est à remarquer que les inscriptions historiques ne sont plus en koufique. Cette ancienne forme de l'écriture arabe, en usage sous les Fatimides, est remplacée depuis cette époque par des caractères appelés nashki qui se rapprochent beaucoup plus de l'écriture arabe moderne et qui prévalaient déjà en Syrie depuis quelque temps lorsque Saladin les importa en Égypte. II paraît avoir pris une sorte de fierté religieuse à cette substitution. Malheureusement le même sentiment l'incita, ainsi que ses successeurs, à démolir les tombes et les palais de leurs prédécesseurs chiites, ce qui est une grande perte pour l'archéologie. (Remarque) 13 Le koufique cependant resta en usage pour les inscriptions coraniques et purement décoratives. CHAPITRE IV Les Mamelouks Turkomans (687 - 1250) (784 - 1382) Lorsque, après la mort violente de son beau-fils, Chagaret-ed-Dourr accepta le trône que lui offraient les Mamelouks, comme elle-même anciens esclaves de Çâleh Ayoub, il semble qu'elle se soit rendue compte de ce que sa position présentait d'anormal. Elle écrivit au Calife à Baghdad, l'assurant de sa fidélité et lui demandant son investiture ; puis, sans attendre sa réponse, s'occupa de faire exécuter de suite le traité par lequel saint Louis devait payer une énorme rançon en or et faire évacuer Damiette. Ce traité avait été conclu avant la mort de Tourânchâh et les émirs auraient voulu le dénoncer pour obtenir des conditions encore plus dures. Le sage souverain refusa de manquer à la parole donnée et cette attitude loyale lui fait honneur, mais ce premier conflit lui avait fait sentir le besoin d'un appui, et elle conféra le rang d'Atabek ou chef de l’armée, au plus important des Mamelouks, Ezzed-Din Aybek. En même temps elle s'attacha le peuple par une réduction des impôts, probablement facilitée par l'or de saint Louis. Mais il ne lui fut pas permis de conserver la royauté : le Calife au lieu de se laisser toucher par sa lettre, fit dire aux Mamelouks que, s'il ne se trouvait pas parmi eux un homme capable de régner, il viendrait en personne leur en amener un, ajoutant que le Prophète avait dit : 14 « Malheur aux peuples qui sont gouvernés par des femmes ! » On trouva une solution élégante : Aybek fut proclamé sultan et épousa la reine- qui, diton, l'aimait depuis longtemps-ce qui lui amena le concours des partisans de cette princesse. Il n'y eut donc rien de changé, sauf en apparence. Chagaret-ed-Dourr continua à régner au nom de son mari et paraît s'être contentée de ce compromis, n'étant pas femme à préférer l'apparence à la réalité. Mais de nouvelles difficultés ne tardèrent pas à surgir. Les descendants des Ayoubides qui régnaient encore en Syrie refusèrent d'accepter la déchéance de leur dynastie et l'un d'eux, en Nâcer, prince d'Alep, réussit arracher Damas à l'Égypte. On crut alors habile d'associer à Aybek un prince de la famille d’Ayoub ; les Mamelouks proclamèrent un enfant de six ans, petit-fils d'el Kâmel, et ajoutèrent son nom à celui d'Aybek à la prière du vendredi et sur quelques monnaies. Malgré cet expédient, les Ayoubides de Syrie assemblèrent une armée et marchèrent sur l'Égypte. Après une série d'engagements, Aybek réussit à vaincre ses ennemis et, n'ayant plus besoin de lui, se défit du pauvre petit qui avait partagé son trône. Enivré par ses succès, Aybek commença à se fatiguer de l'obéissance que lui imposait son épouse et se mit à faire des projets pour se débarrasser également d'elle. Il ouvrit des négociations avec Lou'lou' prince de Mossoul, dont il voulait épouser la fille. Ceci fut révélé à Chagaret-ed-Dourr par un Mamelouk qui avait été injustement traité par Aybek et, folle de rage et de jalousie, elle décida de faire assassiner l'ingrat. Elle plaça quelques esclaves qui lui étaient dévoués dans les bains royaux et, lorsqu'Aybek vint au bain après une partie de polo, ils se jetèrent sur lui et le tuèrent. On raconte que la reine était tout près et que, l'entendant appeler au secours, elle se repentit et voulut le reprendre aux assassins mais que l'un d'eux lui fit remarquer que si le sultan échappait maintenant à la mort il la ferait certainement exécuter, elle et ses partisans. On essaya de dissimuler le meurtre ; on répandit le bruit que le sultan était mort d'épilepsie et on introduisit des pleureuses au palais. Mais les mamelouks d'Aybek, que l'on appelait les Mo'ezzys d'après son surnom royal d'el Malek el Mo'ezz, soupçonnaient la reine et torturèrent ses femmes pour en obtenir des aveux. Ils l'auraient tuée de suite 15 sans la protection de ses anciens camarades, les Mamelouks Çâlehys ; ceux-ci, cependant, ne purent empêcher qu'on la mît en prison et que l'on proclamât sultan un enfant nommé Aly, fils d'une première épouse qu'Aybek avait divorcée pour plaire à Chagaret-ed-Dourr. Les bijoux de Chagaret-ed-Dourr : Se voyant prisonnière et devinant la mort qui l'attendait, la reine déchue détruisit ses bijoux, pilant ses perles dans un mortier, afin qu'aucune autre femme ne pût les porter. La mort de Chagaret-ed-Dourr : Le premier acte du jeune sultan fut de la livrer à sa mère, qui, après l'avoir frappée et insultée, la fit dépouiller et mettre à mort par ses femmes à coups de galoches de bois (kabkab). Son corps fut jeté dans les fossés de la Citadelle et en partie dévoré par des chiens. Au bout de trois jours, ses restes furent recueillis par de pieuses mains et déposés dans un charmant petit mausolée enrichi d'un beau mihrâb en mosaïque byzantine qu'elle s'était fait construire dans un cimetière au sud du Caire, où se trouvaient déjà plusieurs tombeaux de saintes femmes datant de l'époque fatimide. Les travaux de Chagaret-ed-Dourr (Nouveautés) : Quoique bien court, le règne de cette Orientale si exceptionnelle fit sur l'Égypte une impression durable et son nom n'y a jamais été oublié. Elle avait fait le pèlerinage de la Mecque en litière et c'est à son temps que remonte la tradition par laquelle le palanquin ou mahmâl est supposé accompagner tous les ans la caravane des pèlerins. Elle avait institué une sorte de sérénade militaire, la nouba de la princesse qui, d'après un chroniqueur arabe, faisait tous les soirs le tour de la citadelle. Le danger de Houlagou sur l’Egypte : Le péril mongol menaçait de nouveau le monde musulman : Houlagou, petit-fils de Gengis Khân, avait pris Baghdad et fait mourir le Calife, envahi et ravagé la Syrie, 16 détruisant tout sur son passage, pris Damas, et s'avançait maintenant sur l'Égypte. Les Mamelouks décidèrent qu'un sultan de l'âge de 'Aly était inutile en un pareil danger, le déposèrent, et, mettant à sa place un des leurs nommé Qoutouz, marchèrent à la rencontre des envahisseurs. L'armée mamelouke, commandée par Qoutouz et par Baibars, dont il a déjà été question, rencontra les Mongols à 'Ain Djalout, près de Baisân, et leur infligea la première défaite qu'ils eussent encore subie. La légende les avait consacrés invincibles et l'effet moral de cette victoire fut immense ; en peu de temps Damas fut reconquise ainsi que toute la contrée jusqu'à l'Euphrate. La mort de Qoutouz : Qoutouz rentra en Égypte pour y être traitreusement assassiné par Baibars, qui fut proclamé sultan à sa place ; l'entrée triomphale préparée pour Qoutouz servit pour son assassin. La règne de Baibars el Bondoqdary : Malgré cet avènement répréhensible, Baibars fut un des plus grands souverains qui aient régné sur l'Égypte. Doué d'une capacité remarquable, il sut organiser l'administration du royaume de telle façon qu'aucun de ses successeurs n'eut jamais l'idée de modifier les lois et les règlements qu'il avait institués. De même en ce qui concerne la hiérarchie des Mamelouks et de l'armée, rien de ce que Baibars avait décrété ne fut changé jusqu'à la chute de l'empire mamelouk. Qui est Baibars el Bondoqdary : On l'appelait el Bondouqdâry, d'après Aydekin el Bondouqdar (l'arbalétrier) un émir auquel il avait appartenu avant de faire partie de la Halqa de Çâleh ; c'était un homme blond, fort et de haute taille, qui eût été beau s'il n'eût été défiguré par une cataracte qui lui avait fait perdre un œil. Désireux d'affirmer sa qualité de principal monarque musulman, il invita un représentant de la famille Abbasside à venir au Caire et l'intronisa Calife, donnant 17 ainsi un successeur à celui que les Mongols avaient mis à mort lors de la prise de Baghdad. En dépit des honneurs que leur accordèrent Baibars et ses successeurs, les Califes 'abbassides qui demeurèrent dorénavant au Caire jusqu'à la conquête turque, ne détinrent plus que l'ombre du pouvoir, avec un certain prestige religieux. Baibars tenait cependant, au lendemain de son usurpation, à s'assurer l'appui spirituel du Prince des croyants. Le premier Calife qu'il plaça sur le trône avait quelques ambitions ; il désirait reconquérir Baghdad et occuper le même rang que ses prédécesseurs. Baibars, trop habile pour le décourager, le laissa repartir pour la Mésopotamie, accompagné d'une escorte tout à fait insignifiante. Comme l'on pouvait s'y attendre, la petite bande fut attaquée et massacrée en route, et le Calife lui-même tué. Baibars proclama alors un autre Abbasside qui se contenta de rester au Caire et de jouir des vaines prérogatives qui lui était accordées. Les travaux de Baibars : C'était peut-être aussi dans le but d'attirer l'attention sur ses sentiments religieux que le sultan Al Zahir dépensa de gros ses sommes à fonder des institutions religieuses et à construire des mosquées. La grande mosquée qu'il avait fondée au centre du Caire fut malheureusement détruite au temps du Khédive Ismail pour faire place à une large rue, mais il reste des ruines imposantes de sa grande mosquée, Edh Dhâher, au nord du Caire (Pl. 15 et 16). Il donnait largement aux pauvres, fournissait les frais d'enterrement des musulmans indigents et, en temps de famine, faisait distribuer des secours efficaces. Au dehors il réussit, à reprendre les provinces de Syrie, nommant les princes qu'il détrônait vice-rois ou vassaux de l'Egypte, et leur imposant un tribut. L'émir de Damas ayant refusé de se soumettre, fut arrêté et jeté en prison. Afin de tenir en mains les rênes de son vaste empire : 18 Il réorganisa le service postal de pigeons voyageurs qui existait déjà au temps des Fatimides. Il établit un système de chevaux de poste par relais, au moyen desquels on pouvait se transporter de Damas au Caire en quatre jours. Baibars, lui-même excellent joueur de polo, se vantait de jouer dans ses deux capitales durant la même semaine. Sa force et son endurance physique étaient remarquables : nageur émérite - on se rappelle qu'il poursuivit Tourânchâh dans le Nil et le poignarda en plein courant, Maqrizi 9/15 siecle raconte qu'il traversait le fleuve revêtu de son armure et traînant un lourd fardeau. Cavalier infatigable, il fit un jour semblant d'être malade dans sa tente de Palestine, Chevaucha incognito jusqu'au Caire pour constater par lui- même la façon dont son fils s'acquittait de la régence, et rentra secrètement dans sa tente pour feindre une convalescence aussi fictive que l'avait été sa maladie. Afin de s'armer contre la menace de l'empire Mongol, qui comprenait maintenant toute la Perse et la Mésopotamie, il s'allia avec une tribu tartare, la Horde d'Or, qui s'était établie sur les rives du Volga et s'était convertie à l'Islam. Les Francs, de leur côté, ayant ouvert des relations amicales avec les Mongols de Perse qui étaient encore chrétiens de nom, ceci fournit au rusé Mamelouk un prétexte pour les attaquer et, peu à peu, les forteresses des Croisés tombèrent entre ses mains, à l'exception de Tyr, Tripolis et Saint- Jean d'Acre. A l'occasion de la prise d'Antioche, il prit un plaisir diabolique à écrire une lettre cruellement ironique à Bohémond, prince d'Antioche, énumérant les horreurs commises par l'armée mamelouke et le félicitant de s'être trouvé absent. La mort de Baibars : Baibars mourut en 676 / 1277, ayant bu une coupe de poison qu'il avait préparé pour un autre. D'après quelques historiens arabes, un astrologue avait prédit qu'un prince mourrait ce mois-là et Baibars, croyant qu'un petit-fils du triste Tourânchâh, Naçr-ed- Din Daoud, conspirait contre lui, offrit à cet émir une coupe qui fut par mégarde remplie à nouveau lorsque sa victime ne l'avait vidée qu'à moitié. Baibars ne sachant pas qu'il 19 restait du poison dans la coupe, but la liqueur, une sorte de lait fermenté dont les mamelouks étaient très friands, et mourut. Il ambitionnait d'être considéré comme un émule de Saladin, mais son caractère était tout l'opposé de celui du généreux Kurde. Mélange bizarre de courage, de ruse, de charité et de cruauté, il sut régner avec tant de succès que son souvenir est resté populaire et qu'encore maintenant les conteurs arabes redisent dans les petits cafés du Caire les exploits du grand sultan mamelouk. Le nom de Baibars signifie en turc Prince Panthère, et un fauve qui pourrait être un lion sans crinière ou une panthère est représenté sur ses monuments, armes. Son fils aîné lui succéda, mais, s'étant montré tout à fait dénué des capacités de son père, les Mamelouks le déposèrent et proclamèrent son frère, âgé de sept ans, avec un des leurs, l'émir Qalaoûn, comme Régent. La règne de Qalaoun : Qalaoûn, ainsi que Baibars, avait été l'un des mamelouks Bahrys de Çâleh, et avait atteint un rang élevé à la cour et dans l'armée. On pouvait s'attendre à ce qu'il passât de la régence au sultanat, d'autant plus que la situation paraissait nécessiter un chef vigoureux, Le jeune pupille de Qalaoûn fut donc détrôné et le nouveau sultan justifia le choix des Mamelouks par la défaite d'une nouvelle invasion mongole sous Abgha Khan et Mangoutimour en 1281. Il se tourna alors vers les villes qui restaient aux Croisés, détruisit Tripolis, et comptait en faire de même pour Saint-Jean-D’acre lorsque la mort le surprit, à l'âge de 70 ans. Il fut enterré dans un riche mausolée attenant à une mosquée et à un mâristân, ou hôpital pour les pauvres, qu'il avait construit en 683 / 1284, à l'instar de Nour-ed- Din Ce prince avait en effet fondé un hôpital à Damas et Qalaoûn lui-même avait eu l'occasion de se louer des soins qu'on y avait pu lui rendre. Les descriptions 20 contemporaines de cet hôpital, dont il ne reste que quelques Vestiges, donnent une impression surprenante des progrès de la science médicale au Moyen Age en Orient. Mais ce groupe de monuments avait été construit trop vite et les cheikhs, se basant sur des motifs d'ordre religieux, refusèrent d'abord de sanctionner l'usage du culte dans la mosquée qui faisait partie de l'édifice. Un palais fatimide en avait occupé l'emplacement et une princesse qui l'habitait avait été obligée de déménager un peu brusquement ; ses 8.000 dames d'honneur, esclaves, suivantes, etc.…, s'étaient éparpillées dans les rues comme des fourmis dont on aurait détruit la fourmilière et on avait crié au scandale. Les travaux avaient été exécutés par contrainte, des prisonniers de guerre, des esclaves, et des hommes libres travaillant tous ensemble, pêlemêle, ce qui était contraire à la coutume ; on leur avait même adjoint des particuliers qui passaient par hasard et que des sentinelles avaient forcé à prendre part aux travaux. On blâmait aussi que les matériaux eussent été pris à un édifice plus ancien ; cette objection parait curieuse lorsque l'on constate que cette déplorable habitude est actuellement générale en Égypte et qu'elle a causé la destruction totale de bien des ruines intéressantes. Enfin, la provenance de l'argent dépensé semblait douteuse. L'émir que Qalaoûn avait chargé de la direction des travaux répondit à cette dernière critique par la fable ordinaire d'après laquelle un trésor aurait été découvert lorsque l'on creusait les fondations du monument. Les chroniqueurs arabes racontent sérieusement cette histoire et il est possible qu'elle ait été vraie dans ce cas-ci, puisque l'en se Trouvait sur l'emplacement d'un palais fatimide. Mais elle a été redite tant de fois à propos d'autres monuments fondés par des princes orientaux que l'on ne peut se défendre d'un léger scepticisme, Quoiqu'il en fût, l'opposition des cheikhs finit par cesser au bout d'un certain temps. Le successeur de Qalaoûn : L'un des fils de Qalaoun, Ala-ed Din, était son préféré, et le sultan avait pris la précaution de l'associer au trône de son vivant. Mais ce prince mourut en 1288 et le 21 chagrin qu'il en ressentit hâta la fin de son père. Qalaoûn désirait que son second fils Khalil, dont il connaissait les vices et la cruauté, ne lui succédât point sur le trône d'Égypte. Néanmoins les Mamelouks proclamèrent Khalil à la mort de son père et ne tardèrent point à le haïr. Il satisfit pour quelque temps leur humeer belliqueuse, s'étant immédiatement disposé à exécuter l'intention que son père avait formée de conquérir Saint-Jean d'Acre, la dernière place restant aux Croisés en Syrie. Ayant réussi à prendre la ville, il la fit raser jusqu'à terre et massacra les habitants avec la dernière férocité. Ce fut lui qui, remarquant la beauté d'une église que les Croisés avaient construite, en fit transporter au Caire le portail gothique en marbre blanc. Qui fut utilisé pour la mosquée de son successeur et que l’on ne peut manquer de remarquer en passant près du mausolée de Qalaoûn qui y est adjacent. La mort de Khalil et la règne de Nâcer Mohammed : Les quelques villes de la côte qui restaient encore capitulèrent sans résistance et ainsi prit fin le royaume franc de Jérusalem quoique le titre en fût encore porté par les rois de Chypre, descendants de Guy de Lusignan, qui avait reçu l'ile en partage en 559 / 1205. Lorsque Khalil revint en triomphe au Caire, il fut assassiné par les émirs et son petit frère, en Nâcer Mohammed, place sur le trône en 693 / 1293. Le long règne de Mohammed, interrompu à deux reprises, fut l'un des plus importants de l'histoire de 1'Égypte et l'époque pendant laquelle l'art musulman atteignit son apogée. On put croire pour commencer qu'il en serait du petit sultan comme de bien d'autres, le régent Ketbogha l'ayant déposé et envoyé à la forteresse de Karak en Syrie pendant que lui- même assumait la royauté. Ketbogha ne tarda pas à être supplanté par Hoçam-ed-Din Lâgin, qui régna avec sagesse, se fit aimer de la population et ne cessait d'affirmer qu'il était prêt à rendre le trône au fils de son ancien maitre Qalaoun dès que l'enfant serait assez âgé pour régner. La règne de Lâgin : 22 C'est ce Lâgin qui ajouta à la mosquée d'Ibn Touloun la coupole qui recouvre le bassin du milieu de la cour, ainsi que la belle chaire en marqueterie, et qui en fit refaire l'intérieur du mihrâb et probablement le minaret. D'après les chroniqueurs arabes il s'était réfugié dans cette mosquée, alors en ruines et abandonnée par les fidèles, Pendant les troubles qui suivirent l'assassinat de Khalil, et, à son avènement au trône, il voulut restaurer le noble édifice auquel il devait la vie. Lâgin était place sur le trône de l’Egypte en 696 / 1296. La Mort de Lâgin et le second règne de Nâcer Mohammed : Lâgin fut assassiné en 698 / 1298 et Al Nâcer Mohammed, qui avait maintenant 14 ans, fut ramené de Karak. Il était encore trop jeune pour gouverner seul et ne tarda pas à tomber sous la domination absolue, non pas d'un seul, mais de deux émirs : Le Tartare Silâr, qui était régent et généralissime. Le Circassien Baibars II, surnommé le Gâchenkir, d'après son poste à la cour et pour le distinguer du grand sultan Baibars el Bondoukdâry. Ces deux hommes, après rivaux, se détestaient au fond mais dissimulaient leur haine sous une amitié apparente et étaient inséparables. Ensemble ils gouvernaient le sultan, la cour, l'armée, le pays entier, et avaient pris soin d'amasser d'immenses fortunes. Tout en traitant le jeune sultan avec un feint respect, ils le privaient de luxe et même de confort ; on raconte qu'il avait ardemment désiré manger une oie rôtie et que les deux émirs lui avaient refusé ce plaisir. Petit et faible de corps et maintenu dans une dépendance perpétuelle, Mohammed conçut contre ces deux hommes une haine profonde qui ne fut assouvie que par leur mort quelques années plus tard. Déjà à cette époque, il chercha à les faire assassiner mais le complot fut éventé et le jeune sultan, ulcéré, quitta el Qâhera, ostensiblement en route pour le pèlerinage de la Mecque, mais en réalité pour se réfugier en paix et en sûreté à Karak, d'où il écrivit aux émirs des lettres d'abdication. Son second règne, qui avait duré trois ans, vit une seconde invasion des terribles Mongols sous Ghâzan Khân. Vainqueurs au premier 23 moment, les Tartares ravagèrent toute la Syrie et des milliers de fuyards vinrent se réfugier en Égypte. L'année suivante, les Mongols furent mis en déroute par une brillante victoire, près de Damas, gagnée par l'armée mamelouke ; le jeune sultan avait été placé à la tête de son armée par les émirs, mais ceux-ci la commandaient en réalité. Le péril Mongol fut écarté pour un temps. Il ne faudrait pas confondre ces Tartares venant de la Perse, qu'ils avaient conquise, avec la tribu de Kiptchak que l'on nommait la Horde d'Or, qui était depuis quelque temps amie et alliée des sultans mamelouks. La propre mère de Mohammed, la princesse Asloûn, paraît avoir, appartenu à cette tribu et plusieurs années plus tard, en 720 / 1320, il épousa lui-même une princesse mongole nommée Toulbiya, dont le joli mausolée existe encore. Un autre fléau sévit pendant son second règne, un violent tremblement de terre qui dévasta l'Égypte en 702 / 1303 et démolit en partie plusieurs des plus belles et plus anciennes mosquées. Les riches émirs de la cour se montrèrent fort magnifiques à cette occasion et contribuèrent par de grosses sommes à la réparation du dommage : Silâr se chargea de restaurer la mosquée d'el Azhar. Baibars rebâtit les minarets de la mosquée d'el Hakam dont la partie supérieure s'était écroulée. Un autre émir nommé Bktimour, répara la mosquée fatimide de Câleh Tolaye et y plaça une chaire de toute beauté qui est encore en fort bon état. La règne de Baibars II : Au reçu des lettres d'abdication du jeune sultan, il y out un moment d'hésitation entre les deux rivaux, dont l'un devait naturellement être porté au trône. Silâr, plus charitable, était moins détesté par le peuple, mais Baibars avait plus de partisans à la cour et fut, par conséquent, proclamé sultan En 708 / 1308. Son règne ne dura pas longtemps. Cruel, incapable et maladroit, il était hai des Égyptiens au point qu'ils lui attribuaient la faible crue du Nil et la famine qui s'ensuivit. Les chrétiens sous son règne furent en proie à de cruelles persécutions. 24 Le troisième règne de Nâcer Mohammed : Il irrita en Nâcer dans sa retraite en lui écrivant des lettres insultantes ; finalement, l’exsultan, poussé par les nombreux partisans de sa maison et en dépit des appréhensions de sa mère, se décida à revenir. Il fut immédiatement rejoint par de nombreux contingents et rentra au Caire en triomphe. Baibars s'enfuit vers Assouân, prenant avec lui de grosses sommes puisées dans le trésor royal : Une troupe de beaux chevaux. Une escorte de mamelouks. La mort de Baibars II : Il fut poursuivi, repris et ramené au Caire où Mohammed le fit étrangler en sa présence après l'avoir accablé de reproches et d'insultes. Il fut enterré dans le beau mausolée qu'il s'était fait construire dans le quartier Gamaliya, mais Mohammed en fit marteler l'inscription qui citait ses titres royaux. La mort de Silâr : Le sort de Silâr fut encore plus tragique. Il avait fait sa soumission à Mohammed qui parut d'abord disposé à lui pardonner et lui permit de se retirer dans la petite ville fortifiée de Chaubak en Syrie. Quelque temps après, le sultan envoya l'ami intime de Silâr, l'émir Sangar el Gaoûly, l'inviter à revenir pour une affaire qui le concernait. Sangar et le vice-roi s'aimaient comme des frères ; ils s'étaient mutuellement promis de servir de pèreaux enfants du premier des deux qui viendrait à mourir et avaient décidé d'être enterrés l'un près de l'autre. C'était donc un raffinement de cruauté de la part du sultan que de faire Sangar un instrument inconscient contre son ami. Silâr Obéit et revint au Caire où il fut jeté en prison pour y mourir de faim. On raconte que le sultan eut pitié de lui au dernier moment et lui envoya de la nourriture, mais trop tard pour le 25 sauver. Sangar enterra son malheureux ami dans la belle mosquée qui porte son nom, la Gaouliya, dont les coupoles jumelles sont si caractéristiques et, détail touchant, fit décorer le tombeau de Silâr beaucoup plus richement que la sienne propre. Sangar devint gouverneur de Palestine après ces événements dramatiques et, plus heureux que la plupart de ses contemporains, vécut en paix jusqu'à un âge avancé. L’art a l’époque de Nâcer Mohamed : Délivré enfin de ses oppresseurs, le fils de Qalaoun, maintenant âgé de vingt-cinq ans, remonta sur le trône pour la troisième fois et y resta jusqu'à sa mort, trente ans plus tard. Ce fut en somme un règne paisible et prospère. La ville du Caire s'enrichit de nombreux édifices d'utilité publique aussi bien que de belles mosquées. Les grands émirs, pour la plupart membres de la famille royale, le sultan ayant marié onze de ses filles aux principaux d'entre eux, suivirent l'exemple de leur maitre et se firent construire de magnifiques mausolées. Les artistes et les artisans furent protégés et encouragés et les plus beaux objets de métal travaillé qui se trouvent encore dans nos musées datent de cette époque. L'écriture nasḫī, introduite en Égypte par Saladin, avait atteint au XIV siècle une forme allongée du plus beau style, et des inscriptions, soit en rosaces concentriques, soit en longues bandes, constituent un ornement caractéristique sur les objets de bronze ou de cuivre où l'on peut déchiffrer le nom d'en Nâcer Mohammed. C'est aussi de ce règne que datent les plus anciens spécimens de ces merveilleuses lampes de mosquée en verre émaillé dont le Musée d’art islamique au Caire possède une collection si complète. Les plus belles et les plus nombreuses proviennent de la mosquée du sultan Hassan, fils de Mohammed, mais il en reste quelques-unes plus anciennes, dont l'une, de forme assez originale, fut faite pour la mosquée de Sangar el Gaoûly, l'ami de Silâr. On dépensait alors des sommes fantastiques ; l'épouse favorite de Mohammed, pour accomplir le pèlerinage, dépensa 100.000 pièces d'or, prises dans le Trésor royal. Lorsque le sultan avait besoin d'argent, il n'hésitait pas à faire accuser et condamner 26 quelque riche émir d'un crime imaginaire, afin de confisquer ses biens ; il paraitrait même qu'il donnait aux grands fonctionnaires toute facilité de s'enrichir d'abord pour que les fortunes à confisquer fussent plus importantes, comme on engraisse une volaille avant de la manger. Il est juste cependant d'ajouter qu'il protégea les pauvres, faisant fouetter publiquement les boulangers qui provoquaient une hausse artificielle dans le prix du pain, et que les chrétiens et les juifs ne furent pas persécutés sous son règne comme ils l'avaient été sous celui de Baibars II. La mort de Nâcer Mohammed et la règne de son fils sultan Hassan et sa mort : Mohammed mourut pieusement à l'âge de cinquante-huit ans, après avoir désigné un de ses huit fils pour lui succéder. Ces princes insignifiants régnèrent tour à tour, couronnés ou déposés comme des marionnettes par les différents émirs et leurs partisans, et il est inutile d'en nommer ici plus d'un, le sultan Hassan, dont la mémoire a été consacrée par sa mosquée, monument qui compte parmi les plus grandioses du monde entier et qui est un des joyaux les plus précieux du diadème de l'Égypte. Hassan régna d'abord avec l'aide puissante et même loyale de son régent, l'émir Altémfch ; il fut ensuite déposé, emprisonné et supplanté par l'un de ses frères. En 754 / 1354, il fut libéré par un nouveau complot et régna encore pendant sept années, au bout desquelles il fut renversé et peut être assassiné ; les historiens ne sont pas d'accord sur Ce point et nous ne savons si son corps se trouve ou non dans sa tombe. Après sa disparition en 762/1361, quelques-uns de ses neveux, descendants de, Qalaoûn, se succédèrent au milieu de scènes continuelles de violences, de désordres et d'assassinats. Ces émirs falots, placés sur le trône tout enfants par des émirs ambitieux qui voulaient gouverner en leur nom, étaient assassinés l'un après l'autre lorsqu'ils atteignaient l'âge d'homme et le même drame recommençait, quelque autre malheureux enfant tenant le rôle principal. Les deux derniers, 'Aly, qui mourut en 783 / 1381 à l'âge de onze ans, et son successeur 'Haggy ibn Chaaban, âgé de six ans, eurent pour régent un émir circassien nommé 27 Barqoûq, qui, un an plus tard, dédaigna cette comédie et fit déposer et exiler le petit sultan pour s'emparer ouvertement du trône. C'est ainsi que finit la dynastie turkomane ou bahry des sultans mamelouks. Les Mamelouks Turkomans (687 - 1250) (784 - 1382) Sultan Règne Mort Enterre Ezz-ed-Din Aybek 648 / 1250 Assainie par Chagaret ed --- 655 / 1257 Dourr. Aly 655 / 1257 --- --- 657 / 1259 Qoutouz 657 / 1259 Assainie par Baibars el --- 658 / 1260 bondoqdary. Baibars el bondoqdary 658 / 1260 Bu une coupe de poison --- 676 / 1277 qu’il avait préparé pour un autre. Qalaoun 678 / 1279 Mort à l’âge de 70 ans. Mausolée de Qalaoun. 689 / 1290 Khalil 689 / 1290 Assainie par l’émir. --- 693 / 1293 Nâcer Mohammed 693 / 1293 --- --- 1er fois 694 / 1294 Ketbogha 694 / 1294 Assainie. --- 698 / 1296 Hoçam-ed-Din Lâgin 696 / 1296 Assainie. --- 698 / 1299 Nâcer Mohammed 698 / 1299 --- --- e 2 fois 708 / 1309 Baibars II 708 / 1309 Nâcer Mohammed le fit Dans son beau Mausole a la 709 / 1310 étrangler. quartier Gamaliya. L’émir Silâr --- Mort de la Fain en prison. Sangar l’enterra dans la mosquée qui porte son nom. Nâcer Mohammed 709 /1310 Mort a l’âge de 58 ans. --- e 3 fois 741 / 1340 28 Hassan 752 / 1351 Il fut renversé et peut être Nous ne savons si son corps 755 / 1354 assassiné. se trouve ou non. Qalaoûn 762 / 1361 --- --- 764 / 1363 Aly 778 / 1377 Mort à l'âge de 11 ans. --- 783 / 1381 'Haggy ibn Chaaban 783 / 1381 --- --- 784 / 1382 CHAPITRE V Les Mamelouks Circassiens (784 - 1382) (923 - 1517) On nomme généralement la seconde série de sultans mamelouks en Égypte la « dynastie circassienne » mais, ce n'était pas à proprement parler une dynastie, puisque le pouvoir n'était pas héréditaire chez ces souverains comme il l'avait été, jusqu'à un certain point dans la famille de Qalaoûn. Chacun de ces sultans s'efforça pourtant d'assurer à son fils la fidélité de ses émirs, mais sans jamaisy réussir. Le nom de Circassiens était plus exact. Les derniers sultans de la famille de Qalaoûn avaient acheté un grand nombre d'esclaves jeunes et vigoureux, provenant des rives de la mer Caspienne, pour contrebalancer le pouvoir des Mamelouks indisciplinés qui étaient, comme les princes eux-mêmes, d'origine turkomane. Ces nouveaux gardes du- corps, logés, non pas dans la caserne de Rôda, mais dans la Citadelle, et nommés à cause de cela Bourgys, ou habitants d'un fort, ne tardèrent pas à se montrer aussi turbulents que leurs prédécesseurs. Ils furent même moins fidèles à ceux de leurs camarades qu'ils avaient élus, dix-sept d'entre leurs sultans ayant régné moins de deux ans en moyenne. Il en fut cependant quelques-uns, plus forts et plus habiles que les autres, qui réussirent à rester sur le trône pendant assez longtemps et sous le règne desquels l'Égypte, maîtresse de tout le proche Orient, continua à compter comme l'une des grandes puissances mondiales. Leurs noms nous intéressent surtout à cause des mausolées admirables qu'ils se firent construire et qui témoignent d'un goût exquis tant de la part de leurs architectes 29 que des artisans qui en exécutèrent les détails. Quoiqu’il soit avéré que ces édifices furent l'œuvre d'esclaves et d'ouvriers contraints par la force, les ornements charmants qui les décorent ne peuvent avoir été exécutés que par des artistes qui aimaient profondément leur art. La vie des peuples durant l’époque des Mamelouks Circassiens : Nous ne savons pas grand-chose de la vie du peuple à cette époque ; les historiens arabes se contentent de raconter ce que faisaient la cour et l'armée avec, de temps en temps, la biographie sommaire d'un saint homme ou d'un savant. Il est probable que les gens du peuple n'étaient pas moins opprimés que dans les pays d'Europe au Moyen Age. La tyrannie et la violence des troupes mameloukes étaient excessives : les différents émirs avaient chacun ses propres partisans qui se battaient avec les autres dans les rues, et malheur à qui se trouvait sur leur chemin. Pour chercher un ennemi ou un rival, les soldats n'hésitaient pas à fouiller les maisons des paisibles citadins, allant jusqu'à torturer les esclaves pour leur arracher des renseignements. Les femmes craignaient de sortir pour aller au bain, à des noces ou à des funérailles et, le soir, les marchands fermaient les portes de fer qui protégeaient chaque quartier de la cité. Le peuple n'avait rien en commun avec l'armée qui était maintenant composée entièrement de mamelouks. Les poste et la vie des Mamelouks Circassiens : L'organisation et la hiérarchie en étaient restées telles qu'au temps de Baibars el Bondouqdâry, mais la discipline avait beaucoup perdu. Chacun des grands émirs était à la tête d'un clan à lui, composé de ses affranchis et de ses esclaves, qui s'intitulaient mamelouks Royaux si leur maitre venait à être proclamé sultan. En ce cas, ce dernier était des mains des partisans de son prédécesseur les grades militaires et les postes importants à la cour et les distribuait à ses propres mamelouks. Les dignitaires à la cour comprenaient 30 Le Sāqī : (échanson) Le Silahdar : (porte- glaive) Le Dawādā : (porte-écritoire) Le Ğūkandār : (responsable du jeu de polo) etc. Ces officiers avaient l'habitude de porter un écu ou renk que nous appelons blason à cause d'une fausse analogie avec les armoiries des nobles Francs, mais dont la vraie signification est encore obscure, quoique depuis quelques années les orientalistes les plus qualifiés se soient efforçés d'éclaircir la question. Le regrettévan Berchem a formulé dans son dernier livre une théorie qui ne se rapproche probablement plus qu’aucune autre de la vérité, et d'après laquelle les différents insignes représenteraient la classe au corps des pages dans laquelle chaque jeune mamelouk aurait été inscrit au début de son éducation ; ainsi la coupe signifierait qu'il avait été versé dans la classe des échansons, le sabre dans celle des porte-glaives, le plumier dans celle des écrivains, etc. Blason Tamgā Epigraphique Simple Compose cartouches ‫تمغا‬ (2-9) Personal Fonction (sultan) (emir) Ecuyer (‫)امير اخور‬ Calies ou échanson ‫مسئول االسطبل الملك ي‬ Porte ou épu Ğamdar ‫مسئول عن االثواب‬ (‫(الملكية‬ 31 ‫طبر دار‬ ‫علم دار‬ Porte ou écritoire Ğāsinkir ‫جاشنكير‬ Les grades militaires descendaient depuis le Maréchal des Armées jusqu'aux émirs commandant mille, cent, quarante ou dix hommes. A partir d'un certain grade, les officiers généraux avaient droit à une fanfare avec tambours (tabl) et par conséquent au titre d'émir tabal-khana. Il n'y avait pour ces officiers rien d'humiliant à avoir été esclaves, au contraire c'était le chemin par lequel on pouvait espérer faire fortune et les sultans eux-mêmes s'enorgueillissaient de leur origine. Qalaoûn, dont la beauté et l'intelligence étaient remarquables, avait été acheté mille pièces d'or et c'était pour se vanter de ce prix élevé qu'il avait adopté le surnom d'Eliy, elf signifiant mille. Ils étaient également très fiers des propriétaires auxquels ils avaient appartenu et ajoutaient leurs noms au leur avec une terminaison indiquant le rapport entre les deux. Baibars el Bondouqdâry avait été esclave d'Aydekin el Bondouqdar. Altunbogha, Aqsunqur, Qoussoun, etc., qui avaient servi en Nâcer Mohammed s'intitulaient en Nâcery. Ceux qui avaient été fonctionnaires sous plusieurs sultans portaient toute une série de noms « relatifs d'appartenance » qui ont une grande valeur documentaire lorsqu'il s'agit de déterminer la date d'un objet ayant appartenu à un Mamelouk. L’état des sultans à l’époque Mamelouks Circassiens et Le premier des sultans circassiens, Barqoûq : Les sultans n'avaient que peu d'autorité sur ces prétoriens turbulents qui avaient été leurs camarades ; ils craignaient sans cesse d'être détrônés par les partisans de quelque rival. Ceux d'entre eux dont il est question dans ce chapitre étaient plus forts de caractère 32 que les autres et en même temps, pour la plupart, d'une cruauté inflexible ; il est probable que c'est à cause de la terreur qu'ils avaient su inspirer qu'ils réussirent à rester aussi longtemps sur le trône. Le premier des sultans circassiens, Barqoûq, commit d'abominables cruautés mais il n'est que juste d'ajouter qu'il allégea considérablement le fardeau d'impôts sous lequel le peuple était écrasé. Son nom est connu au Caire à cause de la belle mosquée qu'il y construisit et du mausolée au désert dans lequel il fut enseveli par son fils Farag. Son père, Anas, paysan ignorant, vint du Caucase pour le visiter en Égypte avant qu'il fut proclamé sultan. Le riche mamelouk accueillit affectueusement le rude vieillard, qui, quoique ne sachant pas un mot d'arabe, consentit à embrasser l'Islam et reçut le titre d'émir. Lorsqu'il mourut, son fils, maintenant sur le trône, lui fit construire un mausolée à côté de l'emplacement destiné au sien. Le péril mongol avait alors reparu, sous un nouveau conquérant, musulman fanatique d'origine turkomane, Timour, surnommé Lenk ; ce mot turc, qui signifie boiteux, avait été ajouté à son nom après une blessure de guerre, et les historiens occidentaux l'appellent Tamerlan. Barqoûq, et après lui Farag, réussirent à protéger l'Égypte contre le redoutable Tartare, qui leur arracha cependant leurs provinces de Syrie. Timour mourut avant d'avoir eu le temps de faire une nouvelle tentative contre l'Égypte, et les émirs mamelouks reprirent leurs querelles intestines. Farag, battu et fait prisonnier à Damas par une troupe de rebelles fut condamné à mort par le Calife et les cheikhs à cause de sa vie impie. Arrivé sur le trône à l'âge de treize ans, il s'était de suite livrée à la débauche et avait tué plusieurs personnes de ses propres mains, y compris une femme qu'il avait épousée et divorcée ensuite. Un interrègne suivit, durant lequel le Calife, Moust'ain b'illah, essaya sans succès de réunir en sa personne le pouvoir temporel au pouvoir spirituel. Enfin, le vainqueur de Farag fut proclamé sous le nom d'el Moua'yyad (assisté de Dieu). Savant et rusé, c'est par des intrigues peu scrupuleuses qu'il arriva au trône, mais il gouverna avec sagesse et prudence et son fils Ibrahim reconquit en Syrie presque tout ce qui avait été pris par Timour ou par les princes vassaux d'Égypte qui s'étaient révoltés. 33 La règne de Farag et Barsbây : A son retour au Caire, l'heureux général fut accueilli avec tant d'enthousiasme par la population que son père en conçut de la jalousie et qu'il mourut, dit-on, d'un poison administré par le médecin de la cour. Il fut enterré sous la coupole que son père s'était fait construire à l'entrée de la magnifique mosquée qui porte son nom. Au temps de sa révolte contre Farag, avait été emprisonné dans un cachot qui faisait partie de la muraille fatimide, tout près de la porte Zuwaila et y avait beaucoup souffert de la saleté et de la vermine. Arrivé au trône il fit démolir la prison et la remplaça par une mosquée dont les deux minarets, se dressant sur les deux bastions de la porte fatimide, composent un ensemble inoubliable. Après la mort d’el Moua’yyad, en 824 / 1421, trois sultans se succédèrent en quelques mois, jusqu'à ce qu'un puissant émir, Seif-ed-Din Barsbây, s'emparât du trône qu'il garda jusqu’à sa mort seize ans plus tard. Il choisit pour régner le titre d'el Achraf (le très-noble). Son règne marqua peut-être l'apogée de la grandeur de l'Égypte sous ses souverains mamelouks. Son armée et sa flotte conquirent l'ile de Chypre, qui appartenait alors à la maison française de Lusignan. Le roi Janus de Lusignan fut amené enchaîné devant Barsbây et on se réjouit fort au Caire de l'humiliation des Francs et des chrétiens en sa personne. Plus tard ayant été rançonné par l'intermédiaire d'un marchand vénitien, il fut traité en hôte de marque par Barsbây et invité à des parties de chasse au faucon, monté sur un cheval de prix et escorté de brillants cavaliers mamelouks. Il retourna en Chypre avec le titre de lieutenant du sultan et lui et ses héritiers continuèrent à régner comme vassaux de l'Égypte, payant chaque année un tribut qui se montait à une somme considérable. Le sultan Barsbây conçut un fol orgueil de cette conquête ; il écrivit des lettres extravagantes aux souverains européens, leur intimant l'ordre de renoncer à leur religion, d'adopter la foi musulmane, et, surtout, de reconnaître sa suprématie. Il se distingua aussi par un grand sens des affaires commerciales, protégeant et encourageant le négoce avec les Indes et se faisant de gros revenus par des monopoles. Les monnaies d'or qu'il fit frapper avaient plus de valeur que les dinars de ses 34 successeurs. Le peuple, cependant, était chargé d'impôts et toute la population fut, à deux reprises, décimée par de violentes épidémies de peste. Les descriptions des contemporains sont effrayantes d'après eux, 20.000 personnes moururent au Caire en vingt-quatre heures ; on était à court de bois pour les cercueils, de cotonnades pour les linceuls. Les cheikhs organisèrent à el Azhar une grande réunion de prière après laquelle, dit le chroniqueur, la peste sévit plus que jamais. La mort de Barsbây : Barsbây mourut en 841 / 1438 d'une maladie qui avait affecté son cerveau depuis quelque temps. La cruauté insensée dont il fit preuve pendant ses derniers jours était peut-être chez lui à l'état latent. Ses dernières actions ressemblent à celles d'el Hâkem, le Calife dément ; il suffit d'en citer comme exemple l'exécution de ses deux médecins, qui, n'ayant pas su le guérir, furent par son ordre sciés par le milieu du corps. Quoiqu'il ait forcé les Mamelouks à jurer fidélité à son fils Gamâl-ed-Din Youssef, ils ne tardèrent pas à déposer le jeune prince et proclamèrent un des leurs nommé Gaqmaq. Celui-ci, exceptionnellement doux et humain, ne désirait faire aucun mal au fils de son prédécesseur et le logea confortablement dans la Citadelle. Mais Gamaly Youssef, poussé par un esprit aventureux et peut-être par de mauvais conseils, s'échappa de sa cage dorée : il se déguisa en marmiton et descendit vers la ville, portant sur sa tête un plateau de friandises et suivant un prétendu cuisinier, son complice, qui le régalait d'injures et de coup de pieds de la façon la plus réaliste et la moins respectueuse. Ayant réussi de cette manière à atteindre la ville, le jeune fugitif ne sut plus que faire et se laissa prendre sans difficulté. Le sultan, bien qu'à regret, 1'envoya à la prison fortifiée d'Alexandrie. Le règne de Gaqmaq : Le règne de Gaqmaq, quoiqu’assez long (quinze ans), n'est pas assez intéressant pour trouver place dans ce court précis. On peut en dire autant d'Inâl, (qui cependant bâtit un mausolée-couvent dans le même genre que celui de Barqoûq), de Khochqadam le 35 Grec et de quelques autres dont les noms mêmes ne valent pas la peine que l'on en prenne note. La règne de Qâitbây : Il n'en fut pas ainsi du quinzième sultan circassien, le grand Qâitbây dont le règne dura vingt-huit ans et qui construisit tant de merveilleux monuments qu'il a mérité de donner son nom au style architectural de son époque. Originaire de Kiptchak sur le Volga, il avait été saisi étant enfant par des marchands d'esclaves et amené au Caire pour y être vendu ; d'après une tradition, il avait rêvé qu'il deviendrait sultan d'Égypte et était occupé à raconter ce songe à un camarade lorsque les deux petits bergers furent surpris et enlevés par une troupe de marchands. Il appartint successivement à el Achraf Barsbây et à Edh Al Dhâher Gaqmaq qui l'affranchit. Il parcourut tous les degrés de la hiérarchie mamelouke et fut proclamé sultan en 872 / 1468, à 1'âge de cinquante-cinq ans, à la place d'un mamelouk circassien, Edh Dhâher Abou Said Timourboghâ, qui avait été son camarade et qui n'avait d'ailleurs pas désiré rester sur le trône. Qâitbây le traita avec beaucoup d'égards et lui permit de se retirer en liberté à Damiette. Les six premières années du règne de Qâitbây furent paisibles et il put se livrer à sa passion pour l'architecture. C'est de cette époque que date son joli mausolée dans le désert, non loin de ceux de Barqoûq et de Barsbây, que l'on regarde avec raison comme le type du style et qui est surtout remarquable par l'élégance du minaret, le riche décor en pierre sculptée de la coupole et l'harmonie générale des proportions. Ce charmant monument fut suivi de beaucoup d'autres, trois mosquées, des okâlas ou caravansérails, des abreuvoirs, une khanqa, plusieurs palais. De plus, Qâitbay fit faire des restaurations et des additions à el Azhar, au pont de Baibars, à la Citadelle, etc... Cela sans compter ses monuments à Jérusalem, à la Mecque et en Syrie. Le décor en stuc, tant employé pendant les dynasties précédentes, fit place à une sculpture en pierre, à relief peu accentué, de l'effet le plus artistique. Les coupoles que 36 l'on dirait drapées de guipure et que l'on voit pour la première fois au IX / XV siècle, sont particulières à l'Égypte ne se trouvent pas ailleurs, Les grands émirs de Qaithay voulurent suivre son exemple et nous ont laissé tout un groupe de beaux monuments parmi lesquels il faut citer les mosquées : De Qichmâs et Ishaqy. D’Abou Bakr Mazhar. De 'Ezbek el Youssefy. D’un autre 'Ezbek. De Gânem el Bahlaouân. Le palais de l'Emir Mamáy dont les restes portent le nom de Beit el Qâdy, etc. Il est vrai qu'afin de se procurer de l'argent pour construire il eut recours à des moyens fort répréhensibles ; il accabla d'impôts la malheureuse population et extorqua de l'argent à ses propres émirs par la torture et les confiscations. Brave et autoritaire, il exerçait un ascendant complet sur les Mamelouks qui avaient terrorisé ses prédécesseurs, et lorsque, six ans après son avènement, il désira abdiquer, il en fut empêché par une protestation unanime des émirs. Le fait était qu'un grave danger s'annonçait et que, tandis que Qâitbây lui-même craignait de ne pouvoir y parer, les Mamelouks étaient persuadés que lui seul était capable de gouverner l'Egypte dans un moment aussi critique. Mehmet II, qui avait conquis Constantinople en 857 / 1453, (époque de la mort de Gâqmaq), une vingtaine d'années auparavant, venait d'attaquer Ouzoun Hassan, chef d'une tribu turkomane qui, nominalement du moins, était vassale de l'Égypte, et le sultan mamelouk se rendait compte que le conquérant ottoman envahirait ensuite la Syrie. En l'année 883 / 1477, Qaitbây, accompagné d'une faible escorte et cheminant trèsrapidement, visita ses frontières syriennes, faisant réparer les fortifications et s'assurant de la fidélité de ses sujets par des présents et des menaces. Le péril se trouva évité peu après par la mort de Mehmet II dont les deux fils étaient trop occupés à se 37 disputer la succession pour penser à la conquête de la Syrie. Qâitbay commit l'erreur politique de soutenir le plus faible des deux, le prince Djem, qui fut plus tard empoisonné par ordre du pape Alexandre Borgia, de sinistre mémoire, et le vainqueur, Bayazid, que nous appelons Bajazet, ne lui pardonna jamais. Après onze ans de guerres intermittentes, pendant lesquelles le nom de 'Ezbek, général de Qâitbây, est à retenir, un traité fut enfin conclu entre Qaitbây et l'empire ottoman. Qaitbây saisit cet intervalle de tranquillité pour faire valoir ses droits au tribut annuel que l'ile de Chypre payait à l'Égypte et qui avait été suspendu pour un temps à cause d'un changement de régime. Le dernier des Lusignans, Jacques le Bâtard, avait laissé son royaume à sa veuve, Caterina Cornaro, qui appartenait à une noble famille de Venise, et la République avait réussi à s'en emparer. Le sultan d'Égypte donna à entendre qu’il ne se mêlerait de rien tant que le tribut serait payé régulièrement et Venise fut heureuse de s'assurer ainsi sa neutralité. La paix qui fut conclue avec l'empire ottoman n'était pas destinée à durer plus d'une quinzaine d'années ; Qâitbây n'en vit que cinq. C'était maintenant un vieillard : il n'était sans doute pas aussi capable d'imposer son autorité qu'au temps où il n'hésitait pas à châtier la désobéissance de ses propres mains. Ses mamelouks avaient déjà commencé à se disputer le royaume avant qu'il n'eût rendu le dernier soupir et quatre sultans lui succédèrent pendant une période de cinq ans. L'avénement du cinquième, Qançouh el Ghoûry, fut marqué par un événement qui eût pu avoir une portée considérable sur l'avenir de l'Égypte si la conquête turque n'avait eu lieu au bout de si peu de temps. A cette occasion le peuple égyptien, fatigué des révolutions sanguinaires qu'infligeaient au pays les turbulents et capricieux émirs, insista pour être consulté, et les principaux cheikhs prirent part à l'élection du sultan. El Ghoûry, qui fut choisi par cette assemblée extraordinaire, était un mamelouk déjà âgé qui avait appartenu à Qâitbây. Brave, simple et jusqu'alors dépourvu d'ambition, il ne désirait pas régner et n'y consentit que sur la promesse que, s'il venait à mécontenter ses 38 électeurs, on lui permettrait de rentrer dans l'obscurité. Il est cependant probable que les gens ne se réjouirent pas longtemps de son avénement car il les accabla de lourds impôts et alla même jusqu'à déprécier les monnaies pour avoir plus d'argent à sa disposition. Les travaux de Qançouh el Ghoûry : Il en fit sagement usage, construisant et réparant des ponts, creusant des puits, restaurant les aqueducs et les fortifications. Il fonda une belle mosquée et un mausolée qu'il n'était pas destiné à occuper. Il fit aussi de grosses dépenses pour la marine, mais sans en retirer avantage, une de ses flottes ayant été détruite dans la mer Rouge par les Portugais. Une autre fut capturée dans la Méditerranée par les Chevaliers de Saint- Jean de Jérusalem. El Ghoûry, répétant la faute de Qâitbây, l'avait imprudemment prêtée au frère rebelle du sultan Sélim. Ceci donna à Sélim un excellent prétexte pour attaquer la frontière syrienne, adressant en même temps des lettres menaçantes à el Ghoûry. Le vieux Mamelouk réunit toutes les troupes dont il pouvait disposer et courut en Syrie. Il rencontra les envahisseurs dans une plaine près d'Alep nommée Marg Dâbiq. Quoique l'armée mamelouke fut renommée pour sa bravoure, elle manquait de cohésion et de discipline et n'avait pas encore eu l'occasion de constater les effets terrifiants de l'artillerie dont se servaient les Turcs. Mais ce fut la trahison qui amena la déroute définitive des troupes égyptiennes. L'émir Khâirbek, gouverneur d'Alep, qui commandait l'aile gauche de l'armée, avait été acheté secrètement par les Turcs et, au moment critique de la bataille, ordonna la retraite. Ses soldats, en s'enfuyant, entraînèrent avec eux le reste de l'armée et le vieux sultan, cherchant à les arrêter, fut piétiné par les chevaux ; on ne retrouva même pas son corps. 39 Toutes les villes de la Syrie tombèrent alors sans résistance dans les mains de Selim. Afin de montrer son mépris pour la citadelle d'Alep, il en fit ouvrir les portes à un soldat boiteux, armé d'un simple bâton, et suivi d'assez loin par l'armée ottomane. Un certain nombre des émirs fugitifs réussirent à atteindre le Caire où el Ghoûry avait confié la régence au grand daouadâr, l'émir Toumânbay, que quelques historiens disent avoir été son neveu ; d'après d'autres, il aurait été un de ses mamelouks affranchis. La règne de Toumânbay : Ce malheureux prince, qu'il ne faut pas confondre avec le prédécesseur d'el Ghoûry, nommé aussi Toumânbay, paraît avoir été l'un des plus dignes et des plus capables de sa race. Il se montra excellent régent, mettant fin aux exactions et aux cruautés des Mamelouks et manifestant tant de justice et un tel désir de bien faire que le peuple l'aimait en dépit des impôts qu'il était forcé de décréter. Lorsque les émirs vaincus revinrent de la funeste campagne de Syrie et procédèrent à l'élection d'un successeur au malheureux el Ghoûry, Toumânbay fut proclamé sultan à l'unanimité. Il refusa d'abord, mais finit par se laisser persuader que son avénement serait pour le bien public. Il se plaça à la tête d'une armée improvisée et marcha à la rencontre des envahisseurs, qui avaient alors (923 / janvier 1517) atteint el 'Ariche et se rapprochaient du Caire. Malgré la bravoure de leur chef, les Mamelouks furent défaits ; leur artillerie, fournie à Toumânbay par les Vénitiens à un prix fabuleux, était mal manœuvrée par des artilleurs novices et ne servit à rien contre les Turcs plus expérimentés. Toumânbay et quelques fidèles se retirèrent en amont du Nil et Sélim fit son entrée au Caire. Il permit à ses soldats d'abominables excès de violence, de meurtre, de viols et de pillage, et Toumânbay, ayant réuni un certain nombre d'Arabes nomades, reparut et tenta de secourir la malheureuse capitale. Après une série d'engagements, il fut définitivement vaincu dans une bataille près des Pyramides (923 / mars 1517) et, ayant cherché refuge auprès de quelques Bédouins, il fut trahi par eux et livré au sultan ottoman. 40 Sélim le traita d'abord avec courtoisie, le faisant venir tous les jours pour avoir avec lui de longs entretiens sur l'administration du pays. Après une dizaine de jours, ayant appris de son captif tout ce qu'il voulait savoir, il le fit pendre à la porte Zoueila. Quelques historiens disent que Sélim aurait voulu épargner Toumânbay, dont le courage et la dignité l'avaient frappé, mais que le traître Khâirbek avait conseillé son exécution, déclarant que, tant qu'il serait en vie, ses partisans combattraient le régime ottoman. Khâirbek lui-même fut récompensé de sa trahison en étant fait gouverneur ottoman du Caire, maintenant simple capitale d'une des provinces de l'empire de Turquie. Sélim rentra à Constantinople emportant avec lui des quantités incroyables de butin, vaisselle d'or et d'argent, objets d'art, chameaux, mulets, chevaux, esclaves, matériaux précieux tels que des marbres et des boiseries enlevés à des monuments, et même des artisans et des ouvriers réduits en esclavage et destinés à travailler à l'embellissement de Stamboul. Sélim emmena aussi avec lui le Calife abbasside qui avait embrassé la cause turque dès le premier jour. Jusqu'à tout dernièrement, il était considéré comme acquis que ce Calife, une fois prisonnier des Ottomans, avait été accusé par eux, à tort ou à raison, de s'être approprié des biens, jeté en prison, et relâché après avoir signé un acte par lequel il se désistait de son titre en faveur du sultan. Ce récit, qui expliquait comment le Khalifat, détenu pendant sept cents ans par les descendants de l'oncle du Prophète, avait passé aux mains des sultans ottomans, qui viennent seulement à présent d'en être dépossédés, est maintenant controuvé. D'après Sir Thomas Arnold, dans sa remarquable étude sur le Khalifat, publiée, on 1924. Les sultans des Mamelouks Circassiens : Barqoûq. Farag. Seif ed din Barsbây. 3 sultans règnent quelque mois. 41 Gaqmaq. Qaitbây. 5 sultans lui succédèrent pendant une période de cinq ans. Qançouh el Ghoûry. Toumânbay. Les rapports entre les Mamelouka et les Ottomans Ces rapports se caractérisalent au début par la coopération et l’assistance afin d’affronter le péril (danger) portugais surtout après la découverte du cap de Bon-expérance en 1498. L’Égypte avant la conquête Turque avait joué un rôle prépondérant dans In méditerranée orientale et dans l’Islam. Les différents entre l’Empire attoman et l’État mamelouk avaient commencé sous le règne du sultan Qaithay car il a reçu avec beaucoup d’égards le prince Djem vaincu par son frère le sultan Bayazid. Qanswah al-Ghawri inqulet des ambitions de Sélim I avalt répété la faute de Qaithay en consolidant le frère rebelle du sultan Selim I. Ceel donna à Sélim 1 un excellent prétexte pour attaquer la frontière Syrienne, adressant en même temps des lettres menaçante à al Ghawri. L'hostilité entre les Mamelouks et les Ottomans à cause de: 1. La protection fournie aux certains émirs qui s’évadnient de la persécution des sultans Ottomans. 2. L’État Ottoman s’empara de quelques régions situées sur les frontières des 2 états (Mamelouk et Ottoman). 3. L’ambition personnelle du sultan Selim I d’élargir la superficie de son État et de s’emparer de cette région stratégique notamment ce qui avait beaucoup encouragé le sultan Selim de conquérir la Syrie ainsi que l’Égypte. La bataille de Mare Dabey (Août 15161 42 Cette bataille a eu lieu entre les Mamelouks et les Ottomans dans une plaine trouvée au nord de la Syrie. Le vieux mamelouk réunit toutes les troupes et courut en Syrie. II rencontra les Ottomans dans une plaine près d’Alep nommée Marg Dabiq. Malgré la bravoure de l’armée mamelouke elle manquait de Cohésion et de discipline. L’artillerie Turque était très supérieure. De Même, la trahison de vice-sultan d’Alep Hairbak al-Hazindar qui Commandait l’aile gauche de l’armée, avait été acheté secrètement par Les Ottomans et au moment critique de la bataille, ordonna la retraite de soldats, le vieux sukan Qanswah 80 ans ne voulut pas s’enfuir et affronta seul les ottomans mais il fut piétiner par les chevaux et on ne trouva pas même non соrps. Les.conséquences -La défaite toiale et rapide du sultan Qansuwah al-Ghawri -L’assassinat du Qansuwah al-Ghawri après la trahison du vice-sultan d’Alep Khayr bek al. Khazindar. Toutes les villes de la Syrie tombalent alors sans résistance dans les mains de Selim I. La bataille d’al-Raidaniva (janvier 1517) Le sultan Selini I, s’est dirigé vers l’Égypte car elle était in capitale de l’État mamelouk. Tumanbay, le dernier sultan mamelouk était le neveu et le porte- écritoire de Qanswah refuse d’abord d’accéder au trône mais finit d’accepter pour le bien public. Il commande une armée improvisée et marcha à la rencontre des envahisseurs au cours de Janvier 1517. П acheta l’artillerie au Vénitien mais il était mal manœuvré par les artilleurs novices. Après une série d’engagement, il fut définitivement vaincu dans une bataille près des Pyramides au cours de Mars 1517 et ayant refuge auprès de quelques tribus de Bédouins. Il fut trahi par eux et livré au sultan ottoman. Les conséquences: 1. La défaite totale et rapide des Mamelouks. 2. L’entrée triomphale des Ottomans au Caire le 23 janvier 1517. 43 3. La suspension de la tête Tumanbay à la porte de Zawaila 4. La chute du règne des Mamelouks. 5-L’Égypte est devenue une simple préfecture ottomane Silim I avait admiré son courage et il le reçut d’abord aimablement et l’interrogea pendant plusieurs jours sur l’Égypte, son administration et ses ressources, puis quand il fut suffisamment renseigné et poussé par le traitre Khairbek. On raconte que Sélin I avalt beaucoup admiré le caractère de Tumanbay mais Khairbek trouva que tant qu’il serait en vie ses partisans combattralent le régime ottoman. Alors, il le fit pendre à Bab Zuwalla le 23 Avril 1517 à un crochet qui serait encore visible et son corps resta pendant 8 jours exposé au regard du peuple. Khairbek fut récompensé de sa trahison en lul nommant premier gouverneur ottoman du Caire qui est devenue une simple province de l’Empire ottoman. Le calife abbasside al- Montawakel ala Allah III fut jeté en prison et reliché après avoir signé un acte par lequel il se désistait de son titre en faveur du sultan ottoman. Le calife abbasside al-Mutawakil Aala Allah III fut jeté en prison et relâché après avoir signé un acte par lequel il se désistait de son titre en faveur du sultan ottoman. Le titre du calife à l’époque ottomane aurait perdu son importance. Le sultan ottoman cumula les deux postes calife et sultan jusqu’à ce que Mostafa Kamal Ataturk avait complètement annulé le poste du calife le 3 Mars 1124. CC’était la fin des Mamlouks circassiens qui possédaient l’Égypte depuis la fin du XIV siècle et c’était aussi la fin de l’indépendance égyptienne. Sélim 1 restait en Égypte jusqu’à septembre 1517. Pendant son séjour ébaucha le nouveau gouvernement de l’Égypte, laissant une partie de leurs privilèges aux Mamelouks qui restaient le noyau de l’administration. Le sultan avait le droit de nommer un pacha c’est-à- dire le gouverneur ottoman de l’Égypte. En quittant l’Égypte Sélim 1 aurait emmené 1000 chameaux chargés d’or et d’argent sans compter le reste du butin et les riches présents qui l’avaient reçu. Il emmenait aussi des artisans réduits en esclavage et destiner à travailler à l’embellissement de Constantinople. Parmi les prisonniers se trouve le Calife. Quant au dernier calife abbasside après un séjour à Constantinople il fut autorisé à revenir au Caire où il mourut dans l’obscurité vers l’an 1543. La faiblesse de l’État mamelouk 44 1. L’instabilité politique à cause des conflits, des conspirations et des intrigues entre les émirs pour accéder au trône. 2. La faiblesse militaire car l’armée mamelouke possédait des anciens armes ce qui ne conviennent plus avec la nouvelle technique militaire des Ottomans. 3. La décadence économique due à la découverte du Cap de Bon- espérance qui avait privé l’Égypte d’une source financière très vitale 4. La défaite dans la bataille maritime Duw en 1509. Les facteurs de la victoire des Ottomans: 1. La supériorité numérique des Ottomans. 2. La stabilité politique. 3. L’évolution des techniques militaires. 4. La cohésion des Ottomans qui appartenaient à une même race (Béni-Othamn) tandis que l’armée mamelouke se compose principalement des Mamelouks ayant des différentes races. Sultan Remarque ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Saladin ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Safadin ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... 45 ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... El Adel ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... El Kâmel II ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Çâleh al din Ayoub ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Sultan Remarque ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Chagaret al Dourr ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Tourânchâh ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... 46 ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Ezz-ed-Din Aybek ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Qoutouz ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Baibars el bondoqdary ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Sultan Remarque ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Qalaoun ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... Khalil ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... ……………………………………………………........... 47 ……………………………………………………........... ……………………………………?

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