Cours Droit Civil Partie II 2023-2024 ESCAE PDF

Summary

This document is an excerpt from a civil law course for the 2023-24 academic year at ESCAE. It introduces the concept of obligations, focusing on contracts and the sources of obligations. The text explains the relation between creditor and debtor.

Full Transcript

INP-HB de Yamoussoukro Année académique 2023-2024 École : ESCAE Classes : TC GAE & TC FCA COURS DE DROIT CIVIL Seconde partie. – LE DROIT DES OBLIGATIONS...

INP-HB de Yamoussoukro Année académique 2023-2024 École : ESCAE Classes : TC GAE & TC FCA COURS DE DROIT CIVIL Seconde partie. – LE DROIT DES OBLIGATIONS Introduction La seconde partie du cours de droit civil sera consacré au droit des obligations. La définition du droit des obligations. Le droit des obligations est l'ensemble des règles juridiques régissant les liens de droit par lesquels les membres de la société sont tenus les uns envers les autres. Il pose les règles par lesquelles une personne peut être obligée envers une autre à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. Le droit des obligations répond à deux questions principales : ― à partir de quand devient-on créancier ou débiteur ? C’est la question des sources des obligations ; et ― quelle est la sanction de l'inexécution d'une obligation ? C’est la question de la responsabilité civile. L'importance du droit des obligations. Le droit des obligations domine tout le Droit car l’obligation est le type même de rapports juridiques pouvant s’établir à l’intérieur d’une société. Le droit privé ayant pour objet les relations entre les individus, il est évident que le mécanisme majeur de ces relations sera constitué par les obligations. L’obligation revêt une importance capitale dans la vie juridique non seulement pour les personnes physiques mais également pour les personnes morales. Comme le souligne le professeur LATH Yedoh, le droit des obligations revêt une importance considérable à la fois pratique et théorique1. L'importance pratique de la matière est évidente, car la théorie des obligations constitue la base de la vie juridique. Par ailleurs, 1 LATH (Y. S.), Introduction générale au droit, Les éditions ABC, Abidjan, 2015. 1 le droit des obligations n'est pas autre chose que la mise en œuvre des rapports économiques entre les hommes. Au plan théorique, ce droit a toujours retenu l'attention des juristes, car il revêt un capital scientifique considérable. Mais, indépendamment de ce droit, les principes du droit des obligations ont envahi tous les domaines du droit, non seulement toutes les branches du droit civil, mais aussi les branches du droit commercial, le droit du travail, et même le droit public (droit administratif...). Les sources des obligations. À la différence du droit de la famille, le droit ivoirien des obligations ne présente pas de spécificité par rapport au droit français ? pour deux raisons : 1° Les droits traditionnels, s'ils n'ignorent pas la notion de contrat, ne l'ont toutefois pas systématisée comme dans les droits occidentaux ; 2° Après l'accession à l'indépendance, le législateur ivoirien n'a pas jugé nécessaire d'adopter une législation spécifique comme il l'a fait en droit de la famille : il a décidé de reconduire le droit français. Cette position qui est celle de la majorité des législateurs africains a été écartée par le législateur sénégalais. La principale source légale du droit des obligations est le Code civil français de 1804 dit « Code Napoléonien », dans son état en vigueur avant 1960, mais ce Code est complété par des lois spéciales. Ces lois, relativement peu nombreuses, ne concernent que certains contrats et non la théorie générale du contrat. Les autres sources du droit des obligations sont la jurisprudence française et la jurisprudence ivoirienne, ainsi que la doctrine. En ce qui concerne le droit français, le législateur a adopté depuis 1960, une multitude de textes dont certains ont conduit à repenser le droit des obligations. Il faut en outre noter qu’une importante réforme du droit français des obligations est intervenue le 10 février 2016. Mais ces nouveaux textes ne sont pas applicables en CI. Annonce du plan. Ce chapitre sera tout d’abord consacré à l’étude des notions d’obligation et de contrat (chapitre 1). Nous analyserons ensuite la principale source des obligations à savoir le contrat (chapitre 2). Nous examinerons pour finir le droit de la responsabilité civile (chapitre 3). 2 CHAPITRE 1. – Les notions d'obligation et de contrat Ce chapitre sera successivement consacré à la notion d’obligation (section 1), pus à celle de contrat (section 2) et enfin à la classification des obligations et des contrats (section 3). Section 1. – La notion d’obligation Parmi les droits susceptibles d’appartenir à un individu, on distingue les droits patrimoniaux2 et les droits extrapatrimoniaux3. C’est parmi les droits patrimoniaux que se situe les obligations encore appelées « droits personnels » ou « droits de créance ». § 1. – La définition de l’obligation Dans le langage courant, le verbe "obliger" signifie directement "contraindre, forcer à ". Est obligé celui qui est contraint de faire quelque chose même s'il ne le veut pas ou ne le veut plus. Quelque chose est obligatoire lorsque l'on ne peut s'y soustraire sans conséquences, et en particulier sans engager sa responsabilité. Exemple : chaque citoyen a l’obligation de payer ses impôts. Étymologiquement, le terme "obligation", qui vient du latin obligare (ligare : lier), contient deux idées : ― dans l'obligation s'exprime la dette du débiteur ; ― figure aussi la créance dont jouit le créancier, à laquelle s'adjoint un pouvoir de contrainte. La contrainte, c’est ce qui permet au créancier en cas d’inexécution par le débiteur de recourir à l’exécution forcée. Pour qu’il y ait par conséquent un véritable rapport d’obligation, il faut qu’on se trouve en présence de ces deux éléments : la dette d’une part, et la contrainte d’autre part. Dans le langage juridique, une obligation est définie plus précisément comme un lien entre deux ou plusieurs personnes, en vertu duquel l'une d'entre elles, le débiteur, est tenue envers une ou plusieurs autres, le ou les créanciers, de faire quelque chose. Exemple 1 : Akissi emprunte 10 000 F CFA à Aya ; Akissi a l’obligation de rembourser à Aya les 10 000 F CFA qu'elle lui a prêtés. Akissi est débiteur envers Aya (elle a une dette envers Aya). En revanche, Aya est son créancier ; elle est titulaire d’une créance envers Akissi. Dans 2 Les droits patrimoniaux sont directement évaluables en argent ; ils constituent un élément de richesse. 3 Les droits extrapatrimoniaux ne sont pas susceptibles d’évaluation pécuniaire, exemple : le droit à l’honneur. 3 l’exemple ici, l’obligation prend sa source dans un contrat de prêt qui a été conclu entre Aya et Akissi. Exemple 2 : un automobiliste renverse un piéton et le blesse grièvement. L'automobiliste a l’obligation de réparer le dommage qu'il a fait subir à cette personne ; lui rembourser les frais médicaux, les sommes qu’elle a perdues en n’allant pas au travail. Dans cet exemple, l'automobiliste est le débiteur et le blessé, son créancier ; mais à la différence de l’exemple précédent, l’obligation n’a pas pris naissance dans un contrat ; elle est née à la suite d’un fait juridique (un accident de la route). Il résulte de ces deux exemples qu’une obligation implique dès lors au moins deux personnes, celui qui doit (le débiteur, tenu d'une dette), et celui à qui l'on doit (le créancier, titulaire d'une créance) et un objet, la prestation due. La prestation constitue pour le créancier une créance et, pour le débiteur, une dette ou une obligation. Le lien d'obligation a ainsi un double aspect : vu du côté passif, l'obligation est appelée dette ; vu du côté actif, on l'appelle créance ; mais il s'agit des deux aspects de la même obligation. La créance confère à son titulaire, le créancier, le pouvoir de contraindre le débiteur à exécuter sa dette. Le créancier peut ainsi exiger du débiteur, l’accomplissement de la prestation due. L’on met ici l’accent sur le lien d’obligation qui unit les deux personnes. Remarque : originairement on appelait obligation la prestation du débiteur, la dette qui s'opposait à la créance, représentant le droit du créancier, mais aujourd'hui, on tend à confondre obligation et droit personnel. L’étude de l’obligation a atteint un tel degré de généralisation qu’il existe une théorie générale de l’obligation, c’est-à-dire un ensemble de règles juridiques qui valent pour toutes les obligations. Dans le droit positif ivoirien, les règles relatives aux obligations figurent dans le Code civil français de 1804 étendu dans les anciens territoires français. À cela, il faut ajouter des textes particuliers comme le décret-loi du 26 juillet 1932 relatif à la propriété foncière. Les dispositions relatives à la théorie générale des obligations figurent au Livre 3 du Code civil dans les titres 3 et 4 intitulés respectivement : « Des contrats ou des obligations conventionnelles en général », art. 1101 à 1349 et « Des engagements qui se forment sans conventions », art. 1370 à 1386. 4 L’existence d’une théorie générale des obligations ne doit pas masquer la variété des obligations. Ceci justifie qu’on s’interroge sur les caractères de l’obligation. § 2. – Les caractères de l’obligation L’obligation est définie comme le lien de droit entre deux personnes, en vertu duquel le débiteur est tenu envers le créancier de faire quelque chose. Il résulte de cette définition que l’obligation a trois caractères : ― c’est est un lien de droit ; ― c’est un lien de droit de nature pécuniaire ; ― c’est un lien de droit entre deux personnes. A. – L’obligation est un lien de droit Cet élément de la définition marque l’appartenance de l’obligation au monde juridique. En d’autres termes, dire que l'obligation est un lien de droit signifie que l'obligation est juridiquement sanctionnée. Le créancier doit pouvoir obtenir, au besoin devant les tribunaux, l'exécution de l'obligation de son débiteur. On qualifie ainsi l’obligation d’obligation juridique. B. – L’obligation est un lien de droit de nature pécuniaire Lien de droit de nature pécuniaire signifie que l’obligation peut être évaluée en argent. Toute obligation peut être ramenée à une valeur pécuniaire. Dans la mesure où l’obligation peut être évaluée en argent, l’obligation est un droit patrimonial, cela signifie qu’elle est un élément du patrimoine de la personne, et elle pourra être transmise avec l’ensemble du patrimoine au décès de cette personne. C. – L’obligation est un lien de droit entre deux personnes Étant un lien de droit entre deux personnes, l’on dit que l’obligation est un droit personnel, droit personnel que l’on oppose au droit réel. Cette opposition est fondamentale et constitue la summa divisio du droit patrimonial. Le droit réel est le pouvoir juridique reconnu par le droit objectif à une personne qui porte directement sur une chose. L’exemple caractéristique du droit réel, c’est le droit de propriété. Au contraire, le droit personnel que l’on appelle également droit de créance, est le pouvoir juridique qu’a une personne d’exiger d’une autre personne, de donner, de faire ou de ne pas faire quelque chose. 5 Ainsi le créancier d’une somme d’argent n’a pas de droit direct sur celle-ci. Il doit s’adresser à son débiteur pour obtenir un paiement. Si le débiteur refuse de payer, le créancier peut recourir à des procédures d’exécution. Le droit réel peut parfois se présenter comme l’accessoire d’une obligation. On parle de sûreté. On oppose ainsi le créancier chirographaire au créancier privilégié. Le créancier chirographaire est celui qui n’a pris aucune garantie pour assurer l’exécution de sa créance. Section 2. – La notion de contrat Le contrat est un instrument incontournable dans la vie des affaires ou tout court dans la vie de tous les jours. Il fait partie de la famille des actes juridiques. L’acte juridique est une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit. § 1. - La définition du contrat Selon l’article 1101 du Code civil, le contrat est « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à donner, faire ou ne pas faire quelque chose ». Il résulte de cette définition que le contrat comprend deux éléments fondamentaux : il renferme un accord de volontés ; il est ensuite générateur d'obligations. A. – Le contrat est un accord de volontés Les tribunaux l'affirment sans aucune réserve : tout contrat exige le concours de deux ou plusieurs déclarations de volontés, s'exprimant : ― d'un côté, par une offre de contracter ; ― de l'autre, par l'acceptation de cette offre. Peu importe la forme que reçoit l'accord de volontés. Ce peut être un écrit, une conversation téléphonique, un échange de télécopies, une poignée de mains. Il suffit donc d'une offre et d'une acceptation épousant cette offre pour que le contrat soit conclu. À défaut d'accord, il n'y a pas de contrat. En droit français, le contrat est désormais défini à l’art. 1101 nouveau du Code civil comme un accord de volontés, entre deux ou plusieurs personnes, destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. 6 B. - Le contrat est générateur d'obligations Pour qu'il y ait contrat, l'accord des parties doit avoir pour objet de créer des obligations juridiques. Il faut donc que les parties aient eu l'intention de s'obliger par un lien de droit, c'est- à-dire qu'elles aient admis l'éventualité d'être poursuivies devant les tribunaux en cas d'inexécution de leurs obligations. Le trait spécifique du contrat est donc de créer une ou plusieurs obligations. Ce critère permet de distinguer le contrat de la convention et des accords de complaisance. 1 – Contrat et convention Le contrat ne s'assimile pas à la convention, qui est une notion plus large. Le contrat et la convention ont ceci de commun que ce sont tous deux des accords de volontés (donc des actes juridiques bilatéraux). Seulement le contrat est un accord de volontés destiné à créer des obligations, alors que la convention est un accord de volontés destiné à produire un effet de droit quelconque qui peut être de créer des obligations, d’en transférer (exemple : la délégation) ou d’en éteindre (exemple : une remise de dette). Il en résulte que tout contrat est une convention, mais toute convention n’est pas un contrat. Mais la distinction entre contrat et convention est surtout descriptive et très souvent, les deux termes sont fréquemment employés indifféremment. C’est sans doute la raison pour laquelle, dans sa réforme du droit des obligations, le législateur français assimile désormais le contrat à la convention 2 – Contrat et accords de complaisance Le contrat se distingue en outre des conventions non obligatoires. En effet, certains accords de volontés n’obligent pas juridiquement. Il s’agit de simples accords de complaisance. L’on peut en distinguer deux catégories : les accords de courtoisie et les engagements d’honneur. Les accords de courtoisie sont usités par exemple dans les rapports mondains. Dans ce cas, les intéressés n’ont pas voulu établir un rapport juridique qui permette d’exiger l’exécution de l’obligation. Les engagements d’honneur sont des engagements que prennent certaines personnes entre elles, mais elles ne concluent pas un contrat car elles craignent que ceux-là ne soient pas valables. On retrouve ce type d’engagement dans le monde des affaires. En général, on utilise, pour désigner ces engagements d’honneur, le terme de gentleman’s agreement. 7 § 2. – Les principes directeurs du droit des contrats Le contrat est défini comme un accord de volontés générateur d’obligations. Cette définition traduit l’importance de la volonté des parties dans la conclusion du contrat. Cela s’est concrétisé sur le plan juridique par le principe de l’autonomie de la volonté. Mais il ne faudrait pas pour autant conclure à une prédominance excessive du rôle de la volonté dans les relations contractuelles. L’analyse de la vie juridique concilie cet élément subjectif avec des éléments plus objectifs résultant de certaines exigences sociales. On a parlé de restrictions au principe de l’autonomie de la volonté. A. – Le principe de l’autonomie de la volonté L’autonomie de la volonté est une théorie de philosophie juridique suivant laquelle : « la volonté humaine est à elle-même sa propre loi », c’est-à-dire qu’elle se crée sa propre obligation. Si l’homme est obligé par le contrat, c’est parce qu’il l’a voulu. 1 – Les justifications de l’autonomie de la volonté Le principe de l’autonomie de la volonté résulte de l’idéologie libérale du 19e siècle. Les philosophes du 18e et du 19e siècle considéraient la volonté individuelle comme la source unique de toute obligation juridique. Dans le même temps où l’on affirme la primauté de la volonté individuelle, l’idéologie économique de l’époque est que l’échange des richesses atteint son optimum par l’initiative individuelle. C’est le principe économique du laisser-faire, laisser-passer. Pour l’économie libérale, tous les individus sont censés avoir une égale aptitude à exercer une activité conforme à leur volonté. On ne doit donc pas privilégier certaines catégories. Ces différents aspects de l’idéologie libérale vont influencer les techniques du droit des contrats. 2 – Les conséquences de l’autonomie de la volonté L’autonomie de la volonté se manifeste au moment de la formation du contrat puis au niveau des effets du contrat. En ce qui concerne la formation du contrat, tout individu bénéficie d’une liberté contractuelle. Il peut contracter ou non ; il peut choisir la personne du cocontractant ; il peut déterminer les clauses du contrat. 8 Sur le plan des formes, le contrat est normalement formé par le seul échange des consentements, on s’efforce de réduire les formalités qui peuvent entraver les volontés individuelles. Selon le principe du consensualisme, aucune forme n’est exigée pour la validité du contrat. La volonté ne serait plus souveraine si son efficacité était subordonnée à un quelconque formalisme. En ce qui concerne les effets, une fois le contrat formé, il faut suivre la volonté des parties pour régler les litiges éventuels. Le principe de l’autonomie de la volonté a pour corollaire logique l’effet relatif du contrat exprimé par l’art. 1165 du Code civil en vertu duquel « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes. Elles ne peuvent nuire ni profiter aux tiers ». Un autre corollaire du principe de l’autonomie de la volonté est le principe de l’effet obligatoire des contrats (art. 1134 du Code civil) en vertu duquel « les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites ». Cette force obligatoire s’impose au juge, le seul devoir du juge est de rechercher quelle a été la volonté des parties. Les transformations sociales ont remis en cause le principe de l’autonomie de la volonté en apportant de nombreuses restrictions. B. – Les restrictions au principe de l’autonomie de la volonté L’évolution économique, sociale et politique a entraîné le déclin de l’autonomie de la volonté. Par conséquent, les parties ont vu leur pouvoir se restreindre. 1 – Les causes des restrictions De nos jours, les contrats se concluent dans des conditions différentes en raison, d’une part, du rôle croissant de l’État et, d’autre part, de l’apparition de nouveaux pouvoirs privés économiques et sociaux. L’immixtion de l’État dans les relations contractuelles se manifeste dans une double direction. D’une part, l’État entend protéger certaines catégories de contractants, : des textes impératifs vont privilégier certains contractants en raison de l’inégalité des parties. Exemple : dans un contrat conclu entre un professionnel et un profane, celui-ci se trouve dans une position inférieure puisqu’il n’agit pas dans le domaine de sa compétence technique. D’autre part, l’État entend diriger l’économie/ son intervention dans le domaine contractuel se justifie alors par des raisons d’intérêt général. Exemple : la réglementation en matière de crédit ou de concurrence. 9 Par ailleurs, on constate l’apparition des groupements de personnes privées (exemple : les grandes entreprises) qui vont exercer une domination sur certains secteurs économiques. En raison de leur pouvoir de monopôle sur le marché, ils sont en mesure de dicter leurs lois. On comprend alors que l’existence de ces pouvoirs privés économiques supprime les mécanismes économiques et juridiques de l’économie libérale. Ce pouvoir doit être contrôlé. Ceci explique l’intervention économique de l’État qui joue le rôle d’arbitre. 2 – Les manifestations de ces restrictions On assiste à une réduction du rôle des volontés individuelles. L’art. 6 du Code civil dispose que l’on ne peut pas déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs. Exemple : tous les contrats tendant à l’exploitation d’établissements de prostitution sont nuls car ils sont considérés comme contraire aux bonnes mœurs. On constate aussi que le contrat apparaît de moins en moins comme l’expression des volontés individuelles. Contracter, c’est le plus souvent accepter de se mettre dans une situation qui produira des effets de droit. Les obligations résultant d’un contrat sont de plus en plus des obligations types, c’est-à-dire que les obligations d’un contrat déterminé sont uniformisées. Il faut alors s’interroger sur la place du contrat dans le système juridique actuel. Certains auteurs ont même parlé de crise du contrat, de déclin de l’autonomie de la volonté. Mieux vaut parler de transformation du droit des contrats. Le contrat reste toujours le cadre juridique privilégié des relations entre particuliers. Section 3. – La classification des obligations et des contrats On examinera d’abord la classification des obligations et ensuite celle des contrats. § 1. – La classification des obligations Les obligations sont très variées. On ne peut les énumérer mais seulement les classer généralement en fonction de leur source, de leur objet ou de leur force. A. – La classification des obligations d'après leur source On appelle source d'une obligation le facteur qui lui donne naissance. Il s’agira ici de rechercher pourquoi une personne sera obligée d’accomplir une prestation pour une autre. Nous distinguerons les classifications du Code civil (1) et celles de la doctrine (2). 10 1 – L’énumération des sources dans le Code civil Le Code civil énumère cinq sources d'obligations : le contrat (art. 1101), le quasi-contrat, le délit, le quasi-délit et la loi (art. 1370). a) Le contrat Le contrat est considéré par les rédacteurs du Code civil comme la source fondamentale des obligations. Il s’analyse comme la façon de créer volontairement un lien juridique d’obligation : les contractants s’engagent de leur propre gré. Les contrats sont multiples et variés. Exemple : le prêt, la vente, le bail, le contrat de travail, le contrat d’assurance, etc. Le droit des obligations étudie plus précisément le droit commun des contrats, c'est-à- dire l'ensemble des règles communes applicables à tous les types de contrat. Les contrats concrets sont ensuite étudiés dans le droit des contrats dits "spéciaux" (appelé parfois le droit des contrats civils et commerciaux) qui détaille les autres règles applicables à chaque contrat précis en plus du droit commun des contrats. b) Le quasi-contrat L’article 1371 du Code civil donne des quasi-contrats la définition suivante : « les quasi- contrats sont les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelques fois un engagement réciproque des deux parties ». Les quasi-contrats, ainsi définis et complétés par la jurisprudence, comprennent trois faits juridiques bien distincts. Ce sont : la gestion d’affaires (Code civil, art. 1372), le paiement de l’indu (Code civil, art. 1376) et l’enrichissement sans cause (origine jurisprudentielle). Un exemple de gestion d’affaires : une personne fait réparer le toit abîmé de la maison de son voisin qui est absent. On dit que la personne a géré l’affaire d’autrui et le voisin à son retour devra sous certaines conditions dédommager le gérant altruiste. On parle de quasi-contrat car la gestion d’affaires ressemble à un contrat comme le mandat sans en être un toutefois. Il est à noter, concernant les quasi-contrats, que si les faits qui sont à leur origine sont voulus par les auteurs, les obligations qui en résultent sont en revanche involontaires. Elles sont imposées par la loi. Ainsi, c'est la loi qui par exemple prescrit la répétition de l'indu à laquelle s'expose celui qui a reçu par erreur ou même sciemment une prestation qui ne lui était pas due (Code civil, art. 11 1376). L’art. 1376 du Code civil prescrit en effet que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ». De même, en matière de gestion d'affaires, les obligations réciproques qui pèsent sur le gérant et le géré ne résultent pas de l'accord de volonté de ces personnes ; elles sont prescrites par la loi (Code civil, art. 1372 à 1375). c) Le délit et le quasi-délit Le délit au sens du droit civil, c’est-à-dire la faute civile (par opposition au délit pénal qui est synonyme d'infraction, et, dans un sens plus précis, vise la catégorie d'infractions intermédiaire entre les contraventions et les crimes), est le fait de causer un dommage à autrui intentionnellement. Par exemple : le fait d’endommager volontairement le bien d’autrui. L'auteur de cet acte sera tenu d'une obligation de réparer ce dommage. D’après l’art. 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige l’auteur du dommage (celui par la faute duquel il est arrivé) à le réparer. Le quasi-délit : il s’agit encore d’un dommage causé à autrui mais ce dommage n’a pas été voulu, il est dû selon l’art. 1383 du Code civil à une imprudence ou négligence. La faute non intentionnelle ou quasi-délictuelle est une source d’obligation. Prévus par les articles 1382 et s. du Code civil, les délits et quasi-délits sont des faits illicites qui, ayant causé un dommage à autrui, obligent son auteur à le réparer. Le droit des délits et des quasi-délits constitue ce que l'on appelle le droit de la responsabilité civile que nous étudierons dans le troisième chapitre de la seconde partie de ce cours. Il y a lieu de préciser que la différence entre le délit et le quasi-délit réside dans le fait que le délit est intentionnel dans sa genèse (on a voulu causer le dommage) alors que le quasi- délit procède d'un fait non intentionnel (on a causé le dommage par imprudence ou par négligence). d) La loi La loi est bien évidemment source d’obligations. La loi fait naître des obligations en dehors de toute volonté et de tout fait imputable à l’obligé. Exemple : les obligations légales qui naissent entre propriétaires voisins, ou l’obligation alimentaire entre parents et enfants, ou encore les obligations du tuteur. L'obligation naît ici non pas de la volonté, mais de la loi. Mais étudier toutes les hypothèses où la loi oblige à faire quelque chose, reviendrait à étudier toutes les branches du droit : le droit 12 civil, le droit du travail, le droit pénal, ou encore le droit administratif contiennent des obligations mises à la charge des particuliers. Les obligations légales seront laissées de côté dans la mesure où elles sont étudiées dans toutes les matières du droit. Tableau récapitulant les sources des obligations d’après le Code civil : La source Description Exemple Le contrat L’obligation contractuelle est une Obligations pour l’acheteur de payer obligation créée par un contrat entre le prix convenu dans le contrat de deux ou plusieurs personnes. Elle est vente. donc acceptée par le débiteur. Le quasi-contrat L’obligation quasi-contractuelle est L’obligation du gérant d’affaires à une obligation qui naît sans la volonté l’égard du maître de l’affaire (Code du débiteur, mais du seul fait qu’il civil, art. 1372) a reçu d’autrui un avantage injustifié. Le délit ou le L’obligation délictuelle ou quasi- L’obligation pour celui dont la faute quasi-délit délictuelle est l’obligation née d’un ou l’imprudence a causé un accident, fait volontaire ou non de l’homme, ou d’indemniser la victime. d’un fait d’une chose, qui a causé un dommage à autrui. La loi L’obligation légale est une obligation L’obligation alimentaire entre imposée au débiteur par la seule proches parents et alliés. volonté du législateur. Source :R. S. BONY, Droit des obligations, 4e éd., Les éditions ABC, Abidjan, 2013. 13 En réalité, le Code civil fait une opposition entre les obligations conventionnelles qui correspondent essentiellement aux contrats et les engagements qui se forment sans conventions et qui regroupent les quatre autres sources prévues. Mais, cette présentation a été critiquée par la doctrine qui a proposé une autre classification. 2 – Les classifications doctrinales L’analyse de la vie juridique fait ressortir qu’on peut être engagé dans des cas non prévus par le Code civil. Il s’agit de situations qui sont apparues avec l’évolution de la société. D’une part, il n’est pas nécessaire d’être à deux pour produire un effet de droit. Il existe de nombreux actes juridiques unilatéraux, c’est-à-dire des manifestations de volonté par lesquelles une personne agissant seule détermine des effets de droit. Exemple : le testament. D’autre part, il existe des actes collectifs qui créent des obligations pour les membres des groupements alors qu’ils ne les ont pas voulues. Exemple : les conventions collectives de travail. Enfin de compte, on constate que les sources des obligations sont très variées : on a le contrat, le quasi-contrat, le délit, le quasi-délit, la loi, l’acte unilatéral et l’acte collectif. En fait, la loi est la source unique et fondamentale de toutes les obligations en ce sens qu’aucune obligation n’existe et ne peut être exécuter que par l’autorité de la loi. Toutes les situations juridiques le sont en vertu de la loi. La doctrine moderne propose alors une classification simplifiée des sources en distinguant l’acte juridique et le fait juridique. L'acte juridique et le fait juridique sont les deux grandes circonstances qui en application de la loi vont faire naître des obligations entre telle ou telle personne déterminée. a) L’acte juridique L’acte juridique est une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit. Les effets de droit peuvent consister en la création de droits et d’obligations voulus par leurs auteurs. Exemple : deux personnes sont d’accord, l’une pour vendre une chose et l’autre pour l’acheter ; de leur rencontre de volontés sur la chose et le prix, naît un contrat (=acte juridique) et il en résulte des effets de droit qui sont ici la création d’obligations : l’acheteur doit payer le prix, le vendeur doit transférer la propriété et livrer la marchandise. 14 L’acte juridique peut être l’œuvre d’une seule personne (c’est alors un acte juridique unilatéral), ou résulter de l’accord de deux ou plusieurs personnes (c’est alors une convention ou un contrat). A la différence du contrat qui suppose toujours un accord de volontés entre deux personnes (ou davantage) (exemple, le contrat de vente), d’autres actes juridiques sont dit unilatéraux parce qu’ils sont l’œuvre d’une seule volonté. Il en va ainsi du testament, qui est la volonté d’une personne de transmettre à sa mort ses biens à ses héritiers. L’acte juridique comprend deux éléments essentiels, souvent confondus. Le premier c’est l’instrumentum, c’est-à-dire l’acte instrumentaire, qui est le document écrit. Il sert à constater et/ou à prouver la manifestation de volonté. Le second élément, c’est le negotium (en latin : affaire), qui constitue la manifestation de la volonté, l’opération juridique elle-même. Il constitue la substance même de l’acte. Et, il peut n’être que verbal. Ainsi, dans l’acte juridique, l’instrumentum constitue le contenant, la forme, et le negotium, le contenu, la substance. Les problèmes essentiels que posent les actes juridiques se ramènent à leur classification et à leur validité. i) La classification des actes juridiques Les actes juridiques sont si nombreux et diversifiés qu’il apparaît nécessaire de les classifier. Et, leurs classifications ne sont pas moins nombreuses. Aussi, se bornera-t-on à ne retenir que les plus courantes, en les regroupant selon qu’elles relèvent de la forme ou du fond. 1° En la forme La forme, lato sensu, englobe autant le document écrit (instrumentum), que les personnes impliquées dans l’opération juridique. L’on peut distinguer ainsi deux catégories d’actes : acte unilatéral et acte bilatéral d’une part et d’autre part acte public et acte privé. ❖ Acte unilatéral et acte bilatéral La distinction entre ces deux types d’actes repose sur le nombre des parties impliquées dans l’opération juridique. Ainsi : L’acte unilatéral est l’acte juridique qui résulte de la volonté d’une seule personne. Il en va ainsi du testament ou de la renonciation à une succession. Il en va de même de la reconnaissance d’un enfant naturel ou du paiement d’une dette. 15 L’acte bilatéral est l’acte juridique qui résulte de l’accord de volontés de deux personnes. Il en va ainsi du contrat conclu entre deux personnes. Il importe, à ce stade, de préciser que l’acte bilatéral se manifeste le plus souvent par le contrat ou (la convention), qui en constitue l’exemple type. Le contrat peut, s’agissant de son objet, revêtir deux formes : être synallagmatique ou unilatéral. D’abord, le contrat synallagmatique est celui qui crée des obligations réciproques à la charge des parties. Il en va ainsi du contrat de vente où le vendeur doit livrer la chose et l’acquéreur payer le prix. Ensuite, le contrat unilatéral est celui qui crée les obligations à la charge de l’une des parties. Il en va ainsi du prêt, qui n’engage que l’emprunteur, ou de la donation. ❖ Acte public et acte privé La distinction entre acte juridique public et acte juridique privé repose, non plus sur le nombre, mais sur la qualité des parties. Ainsi : L’acte public est l’acte juridique qui émane, en principe, des autorités publiques. Il en va ainsi des actes des autorités législatives (lois), judiciaires (décisions de justice, jugements, arrêts) ou administratives (règlements). Dans ce dernier cas, les actes administratifs de l’État et des autres personnes publiques occupent une place importante. L’acte privé est en revanche, l’acte juridique qui émane des personnes privées. Toutefois, les actes des personnes publiques administratives, agissant dans le cadre de la gestion privée, sont également des actes juridiques privés ou actes juridiques de droit privé. 2° Au fond Le fond s’entend du Negotium, c’est-à-dire l’opération juridique conclue. L’on peut ainsi retenir trois types de distinction : acte constitutif et acte déclaratif ; acte entre vifs et acte à cause de mort ; acte à titre gratuit et acte à titre onéreux ❖ Acte constitutif et acte déclaratif La distinction entre les deux types d’actes repose sur la possibilité de modifier ou non une situation juridique donnée. On peut ainsi distinguer en réalité trois types d’actes : L’acte constitutif de droit est l’acte juridique qui crée un droit nouveau, une situation juridique nouvelle, en modifiant la situation antérieure. Il en va du mariage qui crée, pour les deux personnes la situation nouvelle d’époux et d’épouse. 16 L’acte déclaratif de droit ne se borne qu’à reconnaître ou à constater un droit ou une situation juridique préexistante. Il en va ainsi de la reconnaissance de dette. La reconnaissance ne crée pas la dette. Il en va de même de la reconnaissance d’enfant naturel. L’acte translatif de droit est l’acte juridique, qui transmet un droit préexistant d’une personne à une autre. Le droit ne change pas, mais a un nouveau titulaire. Il en va ainsi du contrat de vente par lequel une personne, le vendeur, transmet le droit de propriété (sur un bien) à une autre personne, l’acheteur. ❖ Actes entre vifs et acte à cause de mort La distinction entre les deux types d’actes repose sur le moment de la production de leurs effets juridiques. L’acte entre vifs est celui qui produit ses effets juridiques du vivant des parties. C’est le cas le plus courant. Il en va ainsi du contrat ordinaire, telle la vente. L’acte à cause de mort est celui qui ne produit ses effets juridiques qu’à la mort d’une personne. Le testament en constitue l’exemple type. Il importe de souligner à l’attention des étudiants que l’acte à cause de mort est établi par la personne, non à sa mort, mais de son vivant. Toutefois, il ne déploiera ses effets qu’à sa mort, notamment à la succession du de cujus. Le mot de cujus signifie le défunt. Il est l’abréviation des termes : de cujus successione agitur, c’est-à-dire celui de la succession dont il s’agit. ❖ Acte à titre gratuit et acte à titre onéreux La distinction des deux types d’actes repose sur l’idée de la libéralité ou non, ou encore d’absence ou non de contrepartie. L’acte à titre gratuit est l’acte juridique par lequel une personne accorde à unE autre un droit, un avantage, sans contrepartie de nature pécuniaire. Il en va ainsi de la remise de dettes. Il en va de même de la donation. L’acte à titre onéreux est l’acte juridique par lequel les parties consentent des avantages réciproques. L’idée qui prévaut ici, n’est plus la générosité, mais l’échange, avec la réciprocité des droits et avantages. Il en va ainsi du contrat de vente, dans lequel la chose livrée est la contrepartie du prix payé. 17 ii) La validité des actes juridiques L’acte valide est celui qui existe juridiquement. Il revêt une force obligatoire. Et peut ainsi déployer ses effets de droit. Toutefois, pour que l’acte juridique soit valide, la loi exige certaines conditions, qui sont sanctionnées par la nullité. Les conditions de validité des actes juridiques sont de trois sortes. Certaines sont relatives à l’auteur de l’acte (consentement, capacité), d’autres à sa forme (formalisme requis à peine de nullité) et d’autres encore à son contenu (objet et cause). Ces conditions forment le droit commun des contrats étudié dans le cours de droit des obligations. Pour être valablement formé, le contrat doit respecter des conditions de fond (consentement, capacité, cause et objet) et, parfois, de forme. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, le contrat encourt l’annulation. [Pour une étude détaillée de ces règles, voir infra chapitre 2 – Les conditions de formation et de validité du contrat]. b) Le fait juridique Les faits juridiques se caractérisent par leur multiplicité et leur complexité. Aussi convient- il d’en appréhender la notion générale et d’envisager les catégories qui les comprennent. i) La notion de fait juridique À la différence de l’acte juridique, le fait juridique est un événement auquel le droit attache des effets de droit non voulus par leur auteur. C’est la loi qui attache de tels effets à certaines circonstances qu’elle détermine. Ce qui caractérise le fait juridique, c'est l'effacement total du rôle de la volonté quant aux effets de droit déclenchés par l'événement considéré. Mais peu importe que cet événement lui- même soit volontaire ou non. Pour mieux appréhender les faits juridiques, il convient de les comparer avec les actes juridiques. L’approche comparative amène à poser que les faits juridiques sont générateurs d’effets de droits, mais que ceux-ci ne sont pas voulus par son auteur. ❖ Des faits générateurs d’effets de droits… Tout comme l’acte juridique, le fait juridique, engendre des effets de droits. Les effets de droit peuvent consister en la création de droits et d’obligations. 18 La création de droits ou d’obligations : Ainsi, la naissance d’un enfant engendre les droits de la personnalité et la survenance de sa majorité lui confère la plénitude de la capacité juridique. De même, le préjudice causé à autrui, tel un accident, engendre l’obligation, pour l’auteur du fait, de le réparer. L’extinction, la modification ou la transmission de droits ou d’obligations : Le décès d’une personne est assez illustratif à cet égard. Il met fin à sa personnalité juridique et les droits y afférents. Et, il déclenche l’ouverture de la succession et opère transfert de biens du de cujus à ses héritiers. De même, la force majeure libère le débiteur de l’obligation de réparer, qui pèse sur lui. ❖ … Mais des effets non voulus par leur auteur Le fait juridique se distingue ici de l’acte juridique et marque ainsi sa spécificité. La spécificité du fait juridique procède de ce que, à la différence de l’acte juridique, les effets juridiques, que la loi y attache, ne sont pas voulus, désirés par son auteur. Ces effets se produisent indépendamment de sa volonté. Il en va ainsi que le fait soit involontaire ou volontaire. Le fait involontaire ne pose pas problème. La volonté de l’homme n’y tient aucune place. Le fait juridique se distingue alors de l’acte juridique, qui est posé par son auteur en vue de rechercher l’effet juridique qui y est attaché. Le fait juridique est subi par son auteur qui, a fortiori, en supporte également les conséquences juridiques. Il en va ainsi de la différence entre le contrat de vente (acte conclu par les parties en vue d’obtenir le bien ou la somme correspondante) et la force majeure (fait indépendant de la volonté et irrésistible, entrainant libération des obligations juridiques). Le fait volontaire tout en se rapprochant de l’acte juridique, révèle davantage la différence entre les deux sources de droit. Certes, tout comme l’acte juridique, le fait juridique émane de la volonté de son auteur. Mais, à la différence de l’acte juridique, le fait juridique n’a pas été accompli par son auteur en vue de rechercher les effets juridiques qui y sont attachés. Ainsi, celui qui inflige volontairement des blessures à autrui ou cause volontairement un accident (par désir de nuire) n’en recherche pas les effets juridiques que sont les sanctions civiles (dommages-intérêts) ou pénales. 19 ii) La classification des faits juridiques Les faits juridiques, extrêmement variés, sont classifiés en tenant généralement compte de la volonté humaine. L’on peut ainsi distinguer les faites de la nature des faits de l’homme. L’on distingue également, ce qui revient au même, les faits involontaires des faits volontaires. ❖ Les faits involontaires Les faits involontaires sont ceux qui sont étrangers à la volonté de l’homme. Ils n’en dépendent pas. L’homme ne fait que les subir. On peut y ranger trois catégories de faits se rapportant à l’existence humaine, l’écoulement du temps, et les phénomènes physiques. 1° L’existence humaine est parsemée, jalonnée de faits juridiques. Ceux-ci vont de la conception à la mort en passant par la majorité et à la déficience physique ou mentale. Dans ce dernier cas, on mentionnera à titre d’exemple, la mise à la retraite ou le placement sous tutelle ou curatelle. 2° L’écoulement du temps peut soit engendrer, soit éteindre des droits. L’on peut citer en ce sens, outre la survenance de la majorité, qui emporte la pleine capacité juridique, la prescription. Celle-ci peut être acquisitive ou extinctive. On parle de prescription acquisitive, lorsque l’écoulement du temps, plus précisément l’expiration d’un certain délai, fixé par la loi, provoque l’acquisition d’un droit réel (possession de bonne foi : 10 et 20 ans et possession de mauvaise foi 30 ans : usucapion). Il y a prescription est extinctive, lorsque l’écoulement du délai fixé par la loi emporte la perte d’un droit réel (non usage prolongé) ou d’une action (non exercice). 3° Les faits de la nature physique peuvent également être sources de droits. Il en va particulièrement ainsi de la force majeure qui s’appréhende comme un événement extérieur, imprévisible et irrésistible. C’est le cas d’une tornade, d’un incendie. La force majeure a un effet exonératoire de responsabilité. Elle éteint ainsi l’obligation juridique qui pèse sur le débiteur. ❖ Les faits volontaires À la différence des faits précédents, ceux-ci dépendent de la volonté de l’homme, même si les effets juridiques lui échappent. Les faits volontaires peuvent également créer soit des droits, soit des obligations. 20 ― La création des droits. L’on peut mentionner, à titre illustratif, deux types de faits : la possession et l’apparence. La possession s’entend de la maîtrise de fait qu’une personne, le possesseur, exerce sur une chose corporelle, en se comportant comme le propriétaire. Au bout d’un certain délai (10- 20 ans bonne foi, 30 ans mauvaise foi ; usucapion) le possesseur acquiert la propriété du bien immobilier. Quant au meuble, l’effet translatif de propriété s’opère, se produit instantanément dès la prise de possession, c’est ce qu’exprime la maxime bien connue : « En fait de meubles, la possession vaut titre ». Le Code civil la consacre en son article 2279. L’apparence peut également être génératrice de droits. La croyance erronée en l’existence d’une situation juridique donnée, situation vraisemblable, mais inexacte, peut en effet être source de droits. L’apparence comme fait juridique est clairement consacrée par une maxime. Celle-ci prescrit : error communis facit jus : l’erreur commune fait le droit. ― La création d’obligation. L’on peut retenir là également, à titre d’illustration, deux types de faits juridiques. Les délits et quasi-délits sont des faits dommageables pour autrui, qui créent l’obligation de réparer. Cs faits illicites engagent la responsabilité civile de leurs auteurs, qui sont tenus à réparation (dommages-intérêts). Les quasi-contrats sont également des faits juridiques. Ils se distinguent des précédents à un double niveau : ce sont des faits licites qui créent l’obligation de restituer. B. – La classification des obligations d'après leur objet L'objet de l'obligation désigne ce à quoi le débiteur est tenu à l'égard du créancier. On distinguera la classification du Code civil des classifications doctrinales. 1 – La classification du Code civil Selon l’art. 1101 du Code civil, l’obligation peut comporter trois objets : donner, faire et ne pas faire. a) L’obligation de donner L'obligation de donner ou obligation de dare est celle qui impose au débiteur de transférer la propriété d'une chose (vendue ou échangée) (Code civil, art. 1136 à 1141) ; elle 21 s'opère en principe par le seul effet du consentement. Ce qui importe, ce n'est pas le fait matériel de la livraison ou de la remise du bien, mais l'aspect juridique : le transfert de propriété (dare). Exemple : dans le contrat de vente, le vendeur a l’obligation de transférer à l’acheteur la propriété de la chose vendue. L’obligation de délivrance qui suit le transfert de propriété est, elle, une obligation de faire, même si un lien peut être établi en droit OHADA notamment dans la vente commerciale entre la livraison et le transfert de propriété des marchandises vendues. b) L’obligation de faire L'obligation de faire est celle qui astreint le débiteur à accomplir une prestation positive en faveur du créancier (Code civil, art. 1142 à 1144). Il en va ainsi de l'obligation du vendeur de livrer la marchandise à l'acheteur ; du médecin de soigner le malade ; de l'avocat de défendre son client. c) L’obligation de ne pas faire L'obligation de ne pas faire est une prestation passive, consistant en une abstention (Code civil, art. 1142, 1143 et 1145). Le débiteur s'engage vis-à-vis du créancier à ne pas agir, à ne pas accomplir d'actes. Il en va ainsi de la clause d'exclusivité, par laquelle l'une des parties au contrat s'engage à ne pas accorder d'avantages ou de privilèges identiques à des tiers. Il en va de même de la clause de non-concurrence, par laquelle l'une des parties au contrat s'engage, dans les limites de temps et de lieu, à ne pas exercer d'activité professionnelle susceptible de faire concurrence à l'autre. Fréquente dans les contrats de travail, cette clause reçoit application lorsque le contrat est échu ou résilié ; elle doit être limitée dans le temps et dans l'espace. Remarque : les obligations de faire et de ne pas faire ne sont pas susceptibles d’exécution forcée : leur sanction se résout en dommages et intérêts (Code civil, art. 1142). Quant à l’obligation de donner, elle est susceptible d’exécution forcée. 2 – Les classifications doctrinales La doctrine propose une double classification : obligation de moyens/obligation de résultat et obligation en argent/obligation en nature. 22 a) Obligation de moyens et de résultat Parmi les obligations de faire, la doctrine a distingué l’obligation de résultat de l’obligation de moyen. L'obligation de résultat est celle en vertu de laquelle le débiteur est tenu d'obtenir un résultat précis, bien déterminé. Exemple : Dans le contrat de transport, le transporteur est tenu d’une obligation de résultat, il doit livrer à tel endroit et dans tel délai, en bon état, la marchandise qui lui a été confiée. Au contraire, l'obligation de moyens est celle en vertu de laquelle le débiteur est tenu, non plus d'obtenir un résultat, mais de tout mettre en œuvre pour atteindre celui-ci. L'exemple type est celui du médecin. Il ne s’engage pas à guérir le malade, mais à le soigner en vue de la guérison en mettant en œuvre tous les moyens et toute sa diligence. Il en va de même de l'avocat, qui ne promet pas à son client de gagner le procès, mais de faire de son mieux pour obtenir ce résultat. L’intérêt de la distinction réside dans la condition de mise en œuvre de leur responsabilité. Dans l'obligation de moyens, la responsabilité du débiteur est subordonnée à l'existence d'une faute prouvée par le créancier. Exemple : pour mettre en œuvre la responsabilité du médecin, le malade doit prouver une faute de ce dernier : il ne peut se contenter d’établir l’absence de guérison, puisque l’obligation du praticien ne portait pas sur la guérison, mais seulement sur les moyens d’y parvenir. Dans l’obligation de résultat, la responsabilité du débiteur est engagée si l'obligation reste inexécutée (résultat non obtenu), sauf cas de force majeure. Exemple : dans un contrat de transport, la simple constatation que le voyageur n'est pas arrivé à destination ou que la marchandise n'a pas été livrée ou l'a été, mais en mauvais état suffit à engager la responsabilité du transporteur. Ce dernier reste tenu de l’inexécution, s’il ne parvient pas à établir une cause étrangère (un cas de force majeure) l’exonérant de sa responsabilité. 2 – Obligation en argent et obligation en nature Les obligations en nature sont des prestations en nature fournies par le débiteur. Il en va ainsi du travail à effectuer ; de l'obligation du peintre de faire un tableau. L'on recourt à cette forme d'obligation pour contourner la dépréciation monétaire susceptible d'affecter les droits de créance. 23 Les obligations de sommes d'argent ou obligations monétaires : ce sont également des prestations, mais en argent. Ainsi, l'acheteur est tenu de payer le prix convenu en somme d'argent. Le paiement s'effectue en billet de banque (franc CFA) ou par chèque ou virement (monnaie scripturale). Remarque : les deux formes d'obligations ne s'excluent pas et peuvent coexister ou s'échanger. Ainsi, le secours fourni par le débiteur de l'obligation alimentaire se fait principalement en argent et exceptionnellement en nature. Et, d'une manière générale, les contrats renfermant des obligations en nature (construction, transport) en contrepartie d'obligations de somme d'argent en constituent des exemples. Enfin, la substitution d'obligations est possible. L'exemple type est la dation en paiement (datio in solutum) : le débiteur peut, avec l'accord du créancier, fournir des marchandises à la place d'une somme d'argent. L’intérêt de la distinction. Les obligations de donner, à l’exception de celle de donner de l’argent, de faire ou de ne pas faire sont des obligations en nature. À côté, il y a l’obligation monétaire, obligation par excellence, qui est à la base du crédit. La particularité est que le débiteur d’une obligation de somme d’argent doit être mis en demeure de s’exécuter. De même, des dommages et intérêts moratoires sont dus en cas de défaut d’exécution dans les délais prévus et les saisies sont des voies normales. L’intérêt de la distinction entre les obligations en nature et de somme d’argent tient également à l’existence de deux procédures distinctes à savoir la procédure d’injonction de payer et l’injonction de délivrer et/ou de restituer. C. – La classification des obligations d'après leur force Les obligations varient dans leur intensité. Le lien d'obligation est plus ou moins contraignant selon le type d'obligation. On distinguera à cet égard les obligations juridiques des obligations simplement morales. Entre les deux existent des obligations dites "naturelles". 1 – Les obligations juridiques Dans les obligations juridiques, le lien qui unit le créancier et le débiteur est un lien de droit, ce qui signifie que le créancier peut en réclamer l'exécution forcée devant les tribunaux. Si le débiteur n'exécute pas spontanément ses obligations, les juges pourront le condamner, soit à exécuter de force l'obligation convenue, soit à verser au créancier des dommages et intérêts, 24 c'est-à-dire une somme d'argent destinée à compenser le préjudice qu'il subit du fait du non- respect par le débiteur de ses obligations. 2 – Les obligations morales Les obligations morales sont celles qui relèvent du for intérieur, de la conscience individuelle, et dont l'exécution forcée ne peut être obtenue devant les tribunaux. On emploie alors parfois le terme de "devoir" plutôt que celui d'"obligation" pour marquer l'absence de sanction juridique. L'obligation morale n'a pas de portée juridique, sauf dans quelques cas particuliers : si l'obligation est exécutée, elle est considérée comme parfaitement valable, l'obligation morale se novant, en une obligation civile juridiquement efficace. 3 – Les obligations naturelles Parmi les obligations juridiques, il faut encore opposer l’obligation civile dont le créancier peut exiger l’exécution et l’obligation naturelle dont l’exécution dépend en principe du bon vouloir du débiteur. L’obligation naturelle, comme son nom l’indique, est une obligation, mais elle n’est assortie que d’une exécution volontaire, c’est-à-dire que vous avez le devoir de faire quelque chose, mais si vous ne la faites pas, votre créancier ne pourra pas vous poursuivre en justice. Il peut s'agir tout d'abord d'une obligation morale ayant une consistance particulière et qui peut dès lors accéder au moins partiellement à la vie juridique (exemple : un devoir moral de subvenir aux besoins d'une personne en dehors des cas d'obligation alimentaire prévus par la loi, entre frères et sœurs par exemple), ou au contraire d'une obligation à l'origine juridique mais qui ne l'est plus car elle est éteinte pour une raison ou pour une autre (parce qu'elle est prescrite, ou encore parce qu'elle a été annulée pour une raison purement technique). Le point commun de toutes ces hypothèses est que, si le débiteur n'est pas juridiquement lié, il doit, en conscience, se sentir obligé. L'obligation naturelle n'est pas une obligation juridique si bien que le créancier ne peut en demander l'exécution forcée devant les tribunaux : il ne dispose donc d'aucune action en justice pour réclamer paiement d'une obligation naturelle. Ainsi, la dette une fois prescrite, le créancier ne peut plus poursuivre le débiteur devant les tribunaux pour en obtenir le paiement forcé. Le devoir moral que l'obligation naturelle manifeste peut cependant accéder à la vie juridique dans deux hypothèses. 25 1° Tout d'abord en cas de paiement volontaire, c'est-à-dire d'exécution volontaire par le débiteur, il n'y a pas de répétition (= restitution) possible. Le terme "volontaire" signifie qu'il n'y a eu aucune erreur du solvens (= celui qui a payé, au sens large d'exécuter quelque chose) : celui-ci savait qu'il n'était pas juridiquement tenu, qu'on n'aurait pas pu le poursuivre devant les tribunaux, mais il paye tout de même spontanément, mû par un sentiment de devoir (et non pas par une intention libérale : il n'y a pas donation mais paiement). Ainsi, celui qui paye volontairement une dette prescrite ne pourra ensuite en réclamer la restitution. Il n'y a pas paiement indu et nulle action en répétition de l'indu n'est donc possible. 2° En second lieu, s'il y a engagement de payer sa dette par le débiteur (même purement oral, dès lors que le créancier arrive à en faire la preuve), toujours de façon volontaire et consciente, cet engagement transforme l'obligation naturelle en une obligation juridique qui est donc désormais exécutoire devant les tribunaux. Selon la formule de la Cour de cassation, "l'engagement unilatéral pris en connaissance de cause d'exécuter une obligation naturelle [transforme] celle-ci en obligation civile". Si par exemple deux concubins de longue date se séparent, et que l'un prend l'engagement de verser à l'autre une pension mensuelle, les tribunaux pourront le forcer à payer s'il revient sur sa promesse : celle-ci aura transformé l'obligation naturelle en obligation juridique. De même, un père biologique qui s'engage volontairement à verser à son fils, une somme mensuelle jusqu'à la fin de ses études, a pu vouloir exécuter un devoir de conscience et transformé une obligation naturelle en une obligation civile. Il faut cependant qu'un véritable engagement ait pu être caractérisé. La jurisprudence ivoirienne nous en donne une illustration patente. Une concubine intente une action en recherche de paternité naturelle contre son ex- concubin. Comme preuve de la paternité, elle produit un document dans lequel le concubin parlait de ses enfants et s’engageait à assurer leur existence jusqu’à complète éducation. L’ex- concubin s’exécute pendant un certain temps puis cesse tout paiement. L’action de la concubine fut déclarée irrecevable parce que le délai d’exerce de l’action était prescrit. Cependant, les juges ont accordé une pension alimentaire aux enfants en raison de l’existence d’une obligation naturelle. Les juges ivoiriens admettent donc la thèse de l’obligation naturelle constituant un devoir moral. Mais les juges vont plus loin : l’obligation naturelle, simple devoir moral, n’est 26 pas assortie d’une sanction juridique. Mais lorsque le débiteur prend un engagement et commence à s’exécuter, l’obligation naturelle se transforme en une obligation civile. § 2. – La classification des contrats Le contrat se caractérise par son extrême diversité. La plupart des distinctions faites entre les contrats viennent du droit romain et ont été reprises par le Code civil. Mais ces distinctions sont insuffisantes et ont été complétées par des distinctions modernes. A. – Les classifications traditionnelles Les classifications traditionnelles des contrats sont fondées sur l’objet et le contenu du contrat. Ces classifications sont au nombre de trois et sont prévues par le Code civil. 1 – Contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux a) Le principe de la distinction Le contrat synallagmatique est celui qui fait naître à la charge des parties, des obligations réciproques (Code civil, art. 1102). Exemple : Le contrat de vente engendre pour l’acheteur l’obligation de payer le prix et pour le vendeur l’obligation de livrer la chose vendue. Au contraire, le contrat unilatéral est celui qui ne fait naître d’obligation qu’à la charge d’une des parties (art. 1103 du Code civil). Exemple : dans le contrat de donation, les obligations ne pèsent que sur le donateur. N.B. Le contrat unilatéral ne doit pas être confondu avec l’acte juridique unilatéral dont l’exemple type est le testament. En effet, l’acte juridique unilatéral est l’œuvre d’une seule volonté qui tend à créer des effets de droit sans le concours d’aucune autre volonté. Au contraire, le contrat unilatéral apparaît comme un véritable contrat, c’est-à-dire un acte bilatéral nécessitant le consentement des deux parties concernées, mais qui ne crée d’obligations qu’à la charge d’une seule d’entre elles. Exemple : Le prêt, le dépôt, la donation. b) Les intérêts de la distinction L’intérêt de la distinction entre contrat synallagmatique et contrat unilatéral apparaît à un double point de vue : règles de preuve, règles de fond. 27 ❖ Les règles de preuve L’écrit qui constate un contrat unilatéral peut être rédigé en un seul exemplaire qui sera détenu par le créancier. Il est soumis dans certains cas à la formalité du« bon pour »ou du « Lu et approuvé »prévue par l’article 1326 du Code civil en ces termes : « Le billet ou la promesse sous seing privé par lequel une seule partie s’engage envers l’autre à lui payer une somme d’argent ou une chose appréciable, doit être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit ; ou du moins il faut qu’outre sa signature, il ait écrit de sa main un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose ». Alors que les contrats synallagmatiques sont soumis à la règle du double original de l’article 1325 du Code civil. En effet, en présence d’un contrat synallagmatique, les parties doivent rédiger l’acte qui va leur servir de preuve en autant d’exemplaires originaux qu’il y a de parties à l’acte. ❖ Les règles de fond Pour les contrats synallagmatiques, il existe des règles spéciales en cas d’inexécution, règles qui s’expliquent par l’interdépendance de la réciprocité des obligations. 2 – Contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit a) Le principe de la distinction Le principe de la distinction résulte des articles 1105 et 1106 du Code civil. Le contrat à titre gratuit est celui dans lequel l’une des parties s’engage à procurer à l’autre partie, un avantage sans contrepartie (Code civil, art. 1105). Exemple : la donation, le prêt sans intérêt. Le contrat est à titre onéreux si chacune des parties accomplit sa prestation en échange d’une contrepartie (Code civil, art. 1106). En général, la catégorie des contrats à titre onéreux recouvre la catégorie des contrats synallagmatiques. Exemple : La vente, l’échange, le louage, le contrat de travail, le contrat d’assurance, etc. Mais, il existe des contrats synallagmatiques à titre gratuit. Exemple : la donation avec charge ; je vous donnerai ma maison mais à condition que vous laissiez une chambre inoccupée pour mes parents. 28 b) L’intérêt de la distinction Les contrats à titre gratuit sont soumis à des règles spéciales, tant concernant la capacité et le pouvoir du donateur que s’agissant des règles de forme du contrat, et des règles de fond. Ces règles spéciales visent à préserver les intérêts du disposant ainsi que ceux de sa famille, voire de ses créanciers. Il faut noter aussi que la considération de la personne contractante est importante dans les contrats à titre gratuit, et, il en résulte que l’on peut admettre plus facilement l’erreur sur la personne. Enfin, le droit fiscal taxe plus lourdement les actes à titre gratuit. 3 – Contrats commutatifs et contrats aléatoires a) Le principe de la distinction Parmi les contrats à titre onéreux, le contrat commutatif est celui dans lequel chacune des parties connaît dès la conclusion du contrat l’importance des prestations réciproques (Code civil, art. 1104, alinéa 1er). Exemple : le contrat de vente, le contrat de travail. Le contrat aléatoire est celui dans lequel la prestation de l’une des parties dépend d’un événement incertain que l’on appelle l’aléa (Code civil, art. 1104, alinéa 1 du Code civil). L’aléa peut porter sur l’existence même du contrat. Exemple : dans le contrat d’assurance, la prestation que doit fournir l’assureur à l’assuré n’est pas connue au moment de la conclusion du contrat. Elle dépendra de la réalisation d’un risque incertain appelé « aléa » (exemple : perte d’un bien, incendie, vol, responsabilité civile, risques professionnels, incapacité de travail ou invalidité à la suite d’accidents, maladie, etc.). Le contrat d’assurance a un caractère aléatoire qui constitue son « essence » et qui s’oppose au fait que l’on puisse souscrire un contrat pour un risque déjà réalisé. De plus, il prohibe la garantie du fait intentionnel de l’assuré. L’assurance est un contrat qui repose sur la bonne foi en raison de son caractère aléatoire. L’aléa peut aussi porter sur l’étendue de la prestation. Exemple : Vente d’un immeuble moyennant rente viagère. Je vous vends ma maison au lieu de verser 15 000 000 F/CFA, je préfère que vous me versiez 100 000 F/CFA chaque mois tout le temps que je vivrai : l’aléa affecte ici, l’étendue du contrat. 29 b) L’intérêt de la distinction L’intérêt de cette distinction se résume dans l’adage « l’aléa chasse la lésion ». En effet, les contrats sont normalement rescindables pour cause de lésion (partage, vente d’immeuble) ; ils ne le sont plus lorsqu’ils ont un caractère aléatoire. B. – Les classifications modernes 1 – Contrats nommés et contrats innommés a) Le principe de la distinction Le Code civil fait allusion à cette distinction à l’art. 1107. Le contrat nommé est celui qui est spécialement réglementé par la loi qui en détermine les conditions et les effets. Exemple : le contrat de vente, le contrat d’entreprise, le contrat de travail, etc. Le contrat innommé est celui qui ne fait l’objet d’aucune réglementation particulière. Sont des contrats innommés, tous ceux qui sont imaginés par les parties en dehors des moules offerts par les textes. Exemple : Le contrat de restauration, de lavage de voiture, d’entretien de bâtiment, de coopération interentreprises, etc. b) L’intérêt de la distinction Le régime juridique du contrat nommé est prédéfini par la loi et doit être appliqué en l’absence de dispositions contraires prévues par les contractants. L’intérêt apparaît également au niveau des règles d’interprétation du contrat. En effet, lorsque les parties concluent un contrat nommé, il n’est pas nécessaire qu’elles précisent leur volonté sur tous les points ; il suffit de se référer aux règles spéciales prévues dans le Code civil ou une loi. Exemple : En matière de contrat de vente, il n’est pas utile de préciser les obligations du vendeur et les obligations de l’acheteur. Le contrat innommé est plus difficile à qualifier, et ses effets plus difficiles à déterminer, surtout lorsque les contractants n’ont pas pris le soin de préciser dans le détail toutes les difficultés possibles. 30 2 – Contrats consensuels, contrats solennels et contrats réels a) Le critère de la distinction Le contrat consensuel est celui qui se forme uniquement par le seul accord des parties, c’est-à-dire par le seul échange des consentements ; il n’y a pas de règles particulières à observer. C’est la règle générale que pose le Code civil, mais celui-ci admet, à titre d’exception, l’existence de contrats non-consensuels, ce sont les contrats solennels et les contrats réels. Le contrat solennel est celui dont la validité est subordonnée à l’accomplissement d’une certaine formalité, généralement la rédaction d’un écrit. Cet écrit peut être un acte sous-seing privé (c’est-à-dire un écrit comportant la signature manuscrite des parties) ou un acte authentique (c’est-à-dire un écrit établi par un officier public, s’agissant du contrat l’officier est le notaire, répondant à certaines solennités et dont les affirmations font foi jusqu’à inscription de faux). L’exigence de conclure un contrat en la forme authentique permet à l’autorité publique de contrôler la régularité de l’acte ; mais c’est une formalité coûteuse et c’est la raison pour laquelle les contrats authentiques sont relativement rares. Exemple : La donation entre vifs doit être constatée par un acte notarié sous peine de nullité (art. 26 de la loi relative aux donations entre vifs et au testament). Il y a également un texte fondamental, spécifique au système ivoirien. C’est le décret du 16 avril 1964 qui exige que tous les contrats en matière immobilière soient conclus en la forme authentique. Cette loi est renforcée par une disposition de la loi de finance du 10 mars 1970 prévoyant comme sanction la nullité. Le contrat réel est celui se forme à la suite de la remise du bien. Exemple : le contrat de dépôt, le contrat de prêt. b) L’intérêt de la distinction Ces intérêts apparaissent à trois points de vue. - Sur le terrain de l’existence du contrat : L’existence de certains contrats est subordonnée à la réalisation d’une formalité. - Sur le terrain de la preuve : Dans certains cas, la preuve du contrat ne peut être apportée que par la production d’un écrit. 31 - Sur le terrain de la validité des actes : La validité de certains contrats est subordonnée au respect d’une formalité particulière. Exemple : Les transactions portant sur un bien immobilier ne sont valables que si elles sont passées en la forme authentique ; c’est également le cas pour les donations entre vifs. 3 – Contrats à exécution instantanée et contrats à exécution successive a) Le critère de la distinction Le contrat à exécution instantanée (ou contrat instantané), est celui qui donne naissance à des obligations qui peuvent être exécutées en une seule fois. Exemple : la vente, l’échange. Le contrat à exécution successive (ou contrat successif) est celui qui donne naissance à des obligations dont l’exécution s’étale dans le temps. Exemple : le contrat de travail ; le contrat de bail. b) Les intérêts de la distinction L’intérêt principal de la distinction est que l’annulation ou la résolution du contrat à exécution successive ne peut produire un effet rétroactif à la différence du contrat à exécution instantanée. Cette annulation ou résolution ne pourra concrètement avoir des effets que pour l’avenir. Exemple : On ne peut effacer de façon rétroactive les effets d’un contrat de location en cours d’exécution. Aussi parle-t-on à cet égard de résiliation. 4 – Contrats de gré à gré et contrats d’adhésion Le type traditionnel de contrat est le contrat de gré à gré, c’est-à-dire celui dans lequel l’accord des parties est le résultat d’une discussion entre les deux partenaires également libres. Exemple : Les ventes mobilières sont des contrats de gré à gré. Aujourd’hui, contracter, c’est le plus souvent accepter de se mettre dans une situation qui produira des effets de droit prévus par le contractant le plus puissant. L’élaboration du contrat échappe dans une large mesure à l’un des contractants. Le contrat d’adhésion peut être défini comme l’acceptation d’un contrat type rédigé unilatéralement par l’une des parties et auquel l’autre partie va adhérer sans la possibilité réelle de le modifier. Exemple : un contrat d’abonnement à la CIE, un contrat d’assurance, un contrat de transport, etc. 32 CHAPITRE 2. – Les sources des obligations : le contrat Les actes et les faits juridiques sont les principales sources des obligations. Mais c’est surtout les actes juridiques qui offrent de l’intérêt en raison de la manifestation de volonté qu’ils impliquent. La volonté est l’élément essentiel de l’acte juridique. Le contrat fait partie de la famille des actes juridiques. Il est considéré par les rédacteurs du Code civil comme la source fondamentale des obligations. Ce chapitre sera consacré à l'étude du contrat. Le contrat est, sans doute, le phénomène juridique le plus notable de la période contemporaine. On parle souvent du "contrat" au singulier, mais il n'existe pas un contrat unique, abstrait, qui servirait de modèle et qui pourrait être isolé des autres contrats. Tout contrat est au contraire un contrat "spécial", c'est-à-dire concret, particulier : une vente, un prêt, un contrat de travail, un bail, un mandat, etc. Le droit français a cependant forgé, à partir du Titre III du Livre troisième du Code civil « Des contrats ou des obligations conventionnelles en général » (art. 1101 à 1369), une théorie générale du contrat qui constitue un droit commun des contrats, c'est-à-dire un ensemble de règles applicables à tous les contrats quels qu'ils soient. Chaque contrat est ainsi régi par ce droit commun des contrats, réglementation de base à laquelle s'ajoutent les règles spéciales propres à chaque contrat particulier (droit de la vente, droit du louage, etc.). Nous n'étudierons ici que le droit commun des contrats. Les règles spéciales applicables à chaque contrat concret sont étudiées dans le droit des contrats dits "spéciaux" (appelé parfois le droit des contrats civils et commerciaux). Nous analyserons successivement les règles qui président à la formation, à l’exécution et à l’extinction du contrat. Section 1. –La formation du contrat La formation du contrat requiert la réunion de certaines conditions. Ces conditions sont essentielles pour la validité du contrat (§ 1). Le non-respect de ces conditions entraine l’application de sanctions ( § 2). § 1. –Les conditions de formation et de validité du contrat Il s’agira de procéder ici à une analyse de la structure du contrat ; de rechercher les éléments essentiels que l’on retrouve dans tout contrat. 33 Les articles 1108 et suivants du Code civil définissent les conditions fond exigées pour la formation et la validité du contrat. La formation du contrat est parfois subordonnée au respect d’une certaine forme ou à l’accomplissement d’une certaine formalité. A. – Les conditions de fond Selon l’article 1108 du Code civil, la formation du contrat requiert la réunion de quatre éléments essentiels : ― le consentement des parties (Comment s’oblige-t-on ?) ; ― la capacité de contracter (Qui s’oblige ?) ; ― l’objet du contrat (À quoi s’oblige-t-on ?) ; ― la cause du contrat (Pourquoi s’oblige-t-on ?). 1 – Le consentement L’acte juridique étant fondé sur la volonté, seuls seront engagées, les parties qui l’ont voulu. L’art. 1108 du Code civil fait du consentement l’élément essentiel de la formation du contrat. Le consentement des parties au contrat doit exister et il doit être exempt de vices. a) L’existence du consentement Pour exister, le consentement de chacune des parties au contrat doit être exprimé. Le consentement peut être exprimé sous une forme quelconque (sauf pour les contrats solennels), mais il faut une manifestation de volonté. Toutefois, l’expression de son consentement par chacune des parties ne suffit pas à elle seule pour la formation du contrat. L’accord des volontés exprimées de part et d’autre, l’échange des consentements, c’est-à-dire la rencontre des consentements doit s’opérer nécessairement pour que le consentement existe effectivement, pour que le contrat soit conclu. Mais des difficultés particulières peuvent se présenter pour la conclusion d’un contrat entre personnes absentes (contrat par correspondance). i) L’échange des consentements La conclusion du contrat entre les parties résulte en principe de l’accord des volontés, de l’échange des consentements suivant le principe du consensualisme. L'accord des volontés se réalise lorsque l'offre émise par l'une d'elle est acceptée par l'autre. La conclusion du contrat implique nécessairement une offre suivie d’une acceptation. 34 1° L’offre ou pollicitation Après avoir précisé la notion d’offre, on examinera ses effets. a.1. La notion d’offre a.1.1. La définition de l’offre L’offre ou pollicitation peut être définie comme une manifestation de volonté unilatérale par laquelle une personne fait connaître son intention de contracter et les conditions essentielles du contrat. On peut également la définir comme la proposition ferme de conclure, à des conditions déterminées, un contrat de telle sorte que son acceptation suffit à la formation de celui-ci. Peu importe d’ailleurs la forme sous laquelle se présente cette proposition. En effet, elle peut être expresse (c’est-à-dire écrite, verbale ou gestuelle) ou tacite, elle peut être faite par l’intermédiaire d’annonce ou non. Pour autant, toute proposition de contracter n’est pas nécessairement une offre. L’offre ne peut contribuer à la formation du contrat et engager éventuellement, en tant que telle, la responsabilité de son auteur, qu’à la condition de revêtir certains caractères. En l’absence de ces caractères, la proposition concernée ne serait qu’une simple invitation à entrer en pourparlers ou un appel d’offres. a.1.2. Les caractères de l’offre Les caractères de l’offre, autrement dit ses signes distinctifs que d’aucuns considèrent comme des éléments constitutifs de l’offre sont au nombre de deux. Il s’agit de la précision et de la fermeté. a.1.2.1. La précision de l’offre L’offre s’entend d’une proposition suffisamment précise. Cela ne veut pas dire qu’elle doit nécessairement se présenter sous la forme d’un projet complet de contrat. Mais il est indispensable, qu’elle fixe les éléments essentiels du contrat proposé. Elle devra mentionner, par exemple, dans une vente, la chose vendue et le prix (Code civil, art. 1583). Si d’aventure le prix était stipulé « à débattre », on ne serait plus en présence d’une offre mais plutôt d’un appel d’offres ou d’une invitation à entrer en pourparlers. 35 La précision de l’offre suppose en outre qu’elle soit non équivoque, c’est-à-dire insusceptible d’interprétation contradictoire. Or tel ne serait pas le cas par exemple d’un objet d’art exposé dans la vitrine d’un magasin de vente de vêtements. a.1.2.2. La fermeté de l’offre L’offre s’entend d’une proposition ferme, c’est-à-dire celle qui manifeste l’intention définitive de son auteur de se considérer comme lié en cas d’acceptation. Peu importe d’ailleurs que l’offre soit adressée au public ou à une personne déterminée. Elle produit les mêmes effets pour peu qu’elle soit ferme et précise. Tel est le cas en général des propositions précises de contracter qui ne sont assorties d’aucune réserve, c’est-à-dire d’aucune restriction apportée par le pollicitant, à sa volonté de contracter. Mais il ne faut pas en déduire que toute offre assortie d’une réserve n’en est pas une pour manque de fermeté. En réalité, une distinction doit être opérée entre deux sortes de réserves : ― il y a des réserves qui n’affectent nullement la fermeté de l’offre qu’il renferme. Telles sont les réserves dont la réalisation ne dépend pas de la volonté du pollicitant. Ainsi une offre faite « dans les limites des stocks » ou « dans la limite des places disponibles » reste une offre véritable (réserve objective) ; ― en revanche, d’autres réserves aboutissent à faire dépendre la conclusion du contrat de la seule volonté de l’auteur de la proposition (réserves subjectives). Elles affectent alors la fermeté de l’offre et la disqualifient en une simple invitation à entrer en pourparlers. Il en est ainsi de la réserve d’agrément par laquelle l’auteur d’une proposition de contrat se réserve la liberté d’agréer son cocontractant. La réserve d’agrément est d’ailleurs toujours implicite dans les contrats conclus intuitu personae, c’est-à-dire les contrats où la considération de la personne est déterminante. Ainsi, une proposition d’emploi adressée au public sous-entend nécessairement la possibilité que se réserve le pollicitant de ne contracter qu’avec celui des prétendants qui lui conviendrait. De même une proposition de crédit faite au public par un commerçant implique toujours une réserve d’agrément, le crédit étant à base de confiance. De telles propositions ne seraient en réalité que des invitations à entrer en pourparlers. Elles n’ont donc pas la valeur juridique qui s’attache à une offre véritable. 36 a.2. Les effets de l’offre L’effet principal de l’offre est de permettre la formation du contrat par l’acceptation de son destinataire. Les questions posées par les effets ou la valeur de l’offre ne sont rien d’autres que ceux de sa force obligatoire avant toute acceptation. Deux questions sont à envisager. a.2.1. La révocation de l'offre Il est acquis à cet égard, qu’une offre aussi précise et ferme soit elle ne suffit pas à elle- même à lier son auteur. Il en découle un principe auquel la jurisprudence apporte un tempérament. a.2.1.1. Le principe : La libre révocabilité de l’offre La seule existence de l’offre ne suffit pas à lier son auteur. En effet, l’offre qui n’est en soi qu’un acte juridique unilatéral, n’a pas force obligatoire par elle-même. La conséquence est qu’une offre peut être rétractée par son auteur à tout moment, du moins tant qu’elle n’a pas été acceptée. Mais la règle de la libre révocabilité de l’offre ne vaut véritablement qu’au cas où l’offre n’est pas encore parvenue à son destinataire. En effet, la liberté de révocation qui serait sans restriction risquerait d’être une source de préjudice pour le destinataire. Par exemple au cas où ce dernier aurait eu à engager des frais en relation avec l’offre. Aussi, la jurisprudence a-t- elle apporté un tempérament à la règle de la libre révocabilité de l’offre, sous la forme d’une obligation de maintien de certaines offres. a.2.1.2. L’exception : l’obligation de maintien de certaines offres Dès l’instant où l’offre est connue de son destinataire, la liberté de révocation du pollicitant se trouve plus ou moins restreinte selon que l’offre est assortie d’un délai ou non. L’offre assortie d’un délai Si l’offre est assortie d’un délai, le pollicitant ou son héritier, le cas échéant, est tenu de respecter le délai qui a été fixé de façon soit expresse soit tacite. Par conséquent, le retrait sans motif légitime d’une telle offre engagerait la responsabilité délictuelle de l’offrant, si les conditions de cette responsabilité se trouvent réunies. La réparation du préjudice qui en résulterait pour le destinataire (perte d’une chance ou autre préjudice plus grave) prendra généralement la forme de l’octroi de dommages et intérêts compensatoires. Mais le juge peut très bien choisir d’accorder une réparation en nature 37 consistant à refuser tout retrait indu de l’offre. Dès lors, l’acceptation qui serait intervenue dans le délai imparti entrainerait la conclusion du contrat. En revanche, passé le délai fixé, l’offre tombe d’elle-même. Elle devient caduque, et toute acceptation intervenant par la suite n’aurait aucun effet. L’offre non assortie d’un délai Si l’offre n’est pas assortie d’un délai, elle est, en principe, librement révocable. Mais, en pareille hypothèse, il y a lieu de rechercher si l’offre ne comportait pas un délai raisonnable d’acceptation eu égard aux circonstances de fait. Il a été jugé qu’une offre adressée à une personne déterminée comporte « implicitement un délai raisonnable d’acceptation » (Cass. civ. 3e ch., 10 mai 1972, Bull. civ. III, n° 297, p. 214). On devrait pouvoir en déduire qu’une offre faite au public, sans fixation de délai, est librement révocable. Mais, la Cour de cassation a eu à décider également que « l’offre faite au public lie le pollicitant à l’égard de l’acceptant, dans les mêmes conditions que l’offre faite à une personne déterminée » (Cass. civ. 3e ch., 28 novembre 1968, Bull. civ. III, n° 507, p. 389). Cette décision exclut toute discrimination de principe entre l’offre faite au public et l’offre adressée à une personne déterminée. Mais la question de la valeur juridique de l’offre, de son régime juridique, ne se limite pas au problème de sa révocabilité. Elle touche également à celui de son sort en cas de décès ou d’incapacité de son auteur. a.2.2. La caducité de l'offre On admet en jurisprudence comme en doctrine les deux solutions suivantes : d’une part, l’offre devient caduque au décès de son auteur, si elle n’était pas assortie d’un délai. Dans le cas contraire, l’obligation de respecter le délai fixé s’impose aux héritiers de l’offrant. D’autre part, la survenance de l’incapacité de l’offrant rend également l’offre caduque, puisque celui-ci n’est pas habilité à conclure des contrats de sa propre initiative. b) L’acceptation L’acceptation est l’agrément pur et simple de l’offre. De sorte que toute réponse, même positive, qui tendrait à obtenir une modification des conditions initiales de l’offre n’est pas une acceptation. Si l’acceptation est donnée sous certaines conditions ou avec des réserves, le contrat n’est pas conclu. Il y aura alors seulement refus de l’offre, contre-proposition à laquelle l’offrant initial pourra décider d’adhérer ou non. 38 L’acceptation est donc le « oui » sans nuance ni condition du destinataire d’une offre donnée en réponse à la proposition de contracter dont il a bénéficié. Son effet est de parfaire le contrat projeté, il faut donc que le contenu de l’acceptation soit identique à celui de l’offre. Encore faut-il que l’acceptation tombe sur une offre toujours pendante, c’est-à-dire actuelle. Elle doit être pure et simple, sinon il s'agirait d'une contre-proposition pouvant ouvrir une phase de pourparlers. La forme dans laquelle l’acceptation est donnée importe peu en principe. Elle peut être donnée de façon expresse ou tacite. L’acceptation est souvent expresse en pratique ; cela veut dire qu’elle est donnée par écrit ou de façon verbale voire par simple geste. L’acceptation tacite est celle qui résulte d’un comportement d’où se déduit la volonté de contracter. C’est par exemple le fait de commencer à exécuter le contrat proposé sans avoir répondu préalablement à l’offre. Il faut toutefois se garder de confondre l’acceptation tacite et l’acceptation par le silence. Le problème de l’acceptation par le silence. On ne doit envisager l’hypothèse d’une acceptation par le silence que dans les situations où le destinataire d’une offre n’y a pas répondu de quelque façon que ce soit, ni expressément ni tacitement. La question se pose alors de savoir si de l’attitude entièrement passive du destinataire de l’offre on ne peut pas déduire malgré tout une approbation au contrat proposé. Autrement dit le silence peut-il valoir acceptation ? Le principe. En droit, le silence n'est pas une manifestation de volonté (contrairement à l'adage "qui ne dit mot consent"). Par conséquent, l’acceptation ne résulte pas du silence. Les exceptions. Cependant, il existe des cas où, à titre exceptionnel, le silence vaut acceptation. On parle de silence circonstancié dans trois hypothèses : 1ère hypothèse : lorsque les parties sont en relation d'affaires, si le nouveau contrat proposé par l’une des parties est de la même nature que les précédents, le silence vaut acceptation ; de même, lorsqu’il existe entre les parties des relations antérieures, les contrats successifs arrivés à expiration peuvent être tacitement reconduits ; 2e hypothèse : le silence vaut acceptation pour des contrats conclus entre des parties d’un même milieu professionnel, lorsque les usages propres à ce milieu professionnel confèrent au silence valeur d’acceptation. 3e hypothèse : enfin, le silence équivaut à une acceptation lorsque l’offre est faite dans l’intérêt exclusif du destinataire. En pareil cas, le destinataire est présumé avoir accepté 39 l’offre malgré son silence, étant donné qu’il n’a aucune raison de refuser la convention qui lui est proposée. Ainsi, le silence gardé par une personne à qui est proposée une remise de dette peut raisonnablement être interprété comme constituant une acceptation. Exemple : le propriétaire bailleur écrit à son locataire pour lui faire une remise d’arriérés de loyer. Le locataire ne répond pas. Plusieurs mois après, le propriétaire bailleur réclame les arriérés de loyer. Juridiquement, la remise de dette est un contrat qui nécessite un accord de volontés. La jurisprudence donne gain de cause au locataire, son silence équivaut à une acceptation, car elle estime que celui qui ne veut pas quelque chose de quelqu’un le fait savoir. ii) Le contrat entre absents La conclusion du contrat résulte ordinairement d’un accord des volontés échangées lorsque les parties sont en présence l’une de l’autre. Lorsque le contrat se forme entre absents, par un échange de correspondance, les manifestations de volonté sont exprimées successivement. Par conséquent, elles sont séparées par un certain délai. Cela soulève des difficultés pour la détermination du moment et du lien de conclusion du contrat. Pour répondre à ces difficultés, la doctrine propose deux théories avec des variantes que nous allons d’abord présenter. Nous examinerons ensuite les solutions dégagées par le droit positif. 1° Les solutions doctrinales a.1. La théorie de l’émission Pour les tenants de la théorie de l’émission, le contrat entre absents se forme au moment et au lieu où intervient l’acceptation de

Use Quizgecko on...
Browser
Browser