Cours 10 - Criminalisation de la non-divulgation du VIH PDF
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Université du Québec à Montréal
Léa Séguin, Ph. D.
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This document discusses the criminalization of the non-disclosure of HIV in Canada. It details the elements of a criminal offense, the prevalence of HIV cases, and possible legal consequences.
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SEX5583 LA CRIMINALISATION DE LA NON- Léa Séguin, Ph. D. DIVULGATION AU VIH/SIDA VIRUS D’IMMUNODÉFI CIENCE HUMAINE (VIH) 2 VIRUS D’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE (VIH) Signes et symptômes 1. Phase de primo-infection: parfois aucun symptôme, parfois symptômes...
SEX5583 LA CRIMINALISATION DE LA NON- Léa Séguin, Ph. D. DIVULGATION AU VIH/SIDA VIRUS D’IMMUNODÉFI CIENCE HUMAINE (VIH) 2 VIRUS D’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE (VIH) Signes et symptômes 1. Phase de primo-infection: parfois aucun symptôme, parfois symptômes de la grippe. Période très contagieuse 2. Phase chronique : diminution progressive des cellules lymphocytes CD4 qui coordonnent la réponse du système immunitaire. Avec ou sans symptômes 3. Phase SIDA: fièvre, perte de poids, fatigue, pneumonie, infections opportunistes, etc. 3 VIRUS D’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE (VIH) Prévalence (INSPQ, 2023) En 2022 au Québec, 422 nouveaux cas déclarés de VIH, dont 72,5% sont des hommes Affecte principalement les personnes originaires de pays où l’infection par le VIH est fortement endémique (46% des nouveaux diagnostics – 34% de tous les nouveaux diagnostics masculins, 77% de tous les nouveaux diagnostics féminins) et les HARSAH (38% des nouveaux diagnostics; 52% de tous nouveaux diagnostics masculins) Traitement/réduction du risque de transmission et de contraction Trithérapie (prise de médicaments antirétroviraux) pour réduire la charge virale et les risques de transmission Prévention de la contraction du VIH : prophylaxie pré-exposition (PrEP)/prophylaxie post- exposition (PPE) Pratiques de réduction de risque: retrait, positions sexuelles (insertif/réceptif) 4 VIRUS D’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE (VIH) https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/3533-infections-transmissibles-sexuellement-2022-projections-2023.pdf ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS D’UNE INFRACTION CRIMINELLE Pour qu’il y ait un crime, on doit démontrer deux éléments : 1) Acte ou omission de faire un acte prohibé par la loi. Il doit s’être passé quelque chose d’interdit par la loi. Élément de l’acte = Actus Reus 2) Intention criminelle, but ou intention frauduleux. Élément de la faute = Mens Rea Sachant consciemment que, intentionnellement, imprudemment, négligemment La couronne doit démontrer hors de tout doute raisonnable qu’une personne a eu l’intention de commettre un acte prohibé CRIMINALISATION DE LA NON-DIVULGATION AU VIH/SIDA (SWIFFEN & FRENCH, 2018) Dans le code criminel canadien, la transmission et la non-divulgation au VIH ne constituent pas en elles-mêmes un crime/délit 68 pays ont des lois spécifiques 33 pays utilisent d’autres articles de lois (dont le Canada) Principalement, l’agression sexuelle (niveau 3 [grave]) Niveau 3 : blesser, mutiler, défigurer, mettre la vie en danger Mais aussi : meurtre, causer des lésions corporelles par négligence criminelle La majorité des cas d’infection surviennent dans un contexte où deux personnes consentantes ignorent leur statut sérologique Dans la criminalisation de la non-divulgation, la personne qui porte plainte n’a pas besoin d’avoir été infectée CONSENTEMENT OBTENU PAR FRAUDE (YOUNG, 2015) FRAUDE : Un accord peut être donné librement, sans contrainte, sans menace et sans force mais toutefois être déclaré invalide (donc non- consentement) ou vicié car la victime ne sait pas véritablement à quoi elle consent La volonté éclairée de la victime est entachée, trompée par une duperie, un mensonge ou l’omission de certaines informations nécessaires et préalables à un consentement éclairé Pour qu’il y ait fraude, il doit y avoir malhonnêteté, tromperie MISE EN CONTEXTE : LES DONNÉES (HASTINGS ET AL., 2017; MYKHALOVSKIY ET AL., 2020 ; RÉSEAU JURIDIQUE CANADIEN VIH/SIDA, 2019) Au Canada Depuis 1989, près de 200 personnes ont été accusées Majorité des cas en Ontario (54%), 13% au Québec Majorité des poursuites impliquent un rapport sexuel entre partenaires hétérosexuels Augmentation des poursuites entre partenaires masculins 70% des poursuites se concluent par une condamnation Dans 61% des condamnations, il n’y a pas eu transmission du virus 93% des personnes déclarées coupables ont reçu une peine d’incarcération (72% plus de deux ans de prison, peine moyenne de 4 ans et demi) Surreprésentation de personnes racisées au sein des poursuites criminelles Depuis 2012, 48% des personnes accusées sont MISE EN CONTEXTE : des hommes Noirs De ces hommes, les ¾ ne sont pas nés au pays LES DONNÉES Des femmes accusées, 48% sont des femmes (HASTINGS, KAZATCHKINE & MYKHALOVSKIY, 2017; autochtones MYKHALOVSKIY ET AL., 2020 ; Surreprésentation des hommes Noirs qui ne sont RÉSEAU JURIDIQUE CANADIEN pas nés au pays dans les discours médiatiques VIH/SIDA, 2019) au Canada (construction médiatique de l’hypersexualité de l’homme noir, de la dangerosité, de la « menace » qu’ils représentent) GRANDES TENDANCES (HASTINGS ET AL., 2017) Droit criminel est de plus en plus mobilisé contre des personnes vivant avec le VIH qui sont issues de minorités marginalisées Mises en accusation et déclarations de culpabilité dans des affaires où le risque de transmission est négligeable Augmentation des poursuites où il n’y a pas eu de transmission Forte proportion des poursuites se solde par un emprisonnement Longueur de la peine est plus lourde que la moyenne des cas d’agressions sexuelles (24 mois) USAGE DU DROIT PUBLIC (CRIMINEL) COMME RÉPONSE À LA TRANSMISSION DU VIRUS (SWIFFEN ET FRENCH, 2018) Avant 1985 La transmission criminelle de maladies vénériennes (article 289, abrogé en 1985) Article abrogé même si le virus du VIH était connu depuis 1981 Article hautement teinté de jugements moraux : maladies vénériennes comme conséquences d’une sexualité immorale, déshonorable VOIES DE FAITS : AFFAIRE AZIGA (2008) Relations sexuelles avec 13 femmes sans divulguer, 2 d’entre elles sont décédées de cancers liés au VIH Le Mens Rea a été démontré Cour suprême du Canada a statué que les rapports sexuels peuvent représenter un risque important de lésions corporelles Pour qu’il n’y ait pas de risque important : 1) Usage du condom Ou 2) Avoir une charge virale faible Mabior : Homme séropositif (Manitoba) ayant eu des rapports vaginaux avec OCTOBRE 2012 : plusieurs femmes sans divulguer son statut Première instance : coupable de six chefs ARRÊTS MABIOR d’accusation ET D. C. Cour d’appel du Manitoba : quatre chefs d’accusation ont été invalidés car pas de « risque important » (soit condom OU charge virale faible) OCTOBRE 2012 : ARRÊTS MABIOR ET D. C. D. C. : Femme vivant avec le VIH, a eu un seul rapport sexuel avec son ex-conjoint avant divulgation. Relation a ensuite duré pendant 4 ans. L’homme est devenu violent et reconnu coupable d’avoir battu D. C. et son fils. Il porte alors plainte pour non-divulgation Première instance : juge n’a pas cru l’accusée et déclare que ce rapport a eu lieu sans condom. Accusée d’agression sexuelle et agression sexuelle grave Cour d’appel du Québec : verdict invalidé car même si le condom n’a pas été utilisé, la charge virale était indétectable, donc pas de « risque important » DÉCISIONS DE LA COUR SUPRÊME Mabior : des 4 chefs d’accusation invalidés en Cour d’appel du Manitoba, 3 sont rétablis, acquitté pour la dernière plaignante car il n’y avait pas de « possibilité réaliste » de transmission D. C. : Acquittée (faute de bon traitement de la preuve technique quant au port du condom en première instance) OCTOBRE 2012 : ARRÊTS MABIOR ET D.C « Les personnes vivant avec le VIH ont l’obligation légale, en vertu du droit criminel, de divulguer leur séropositivité au VIH à leurs partenaires avant d’avoir des rapports sexuels comportant une "possibilité réaliste de transmission au VIH" » (Réseau juridique canadien VIH/sida, 2012, p.1) Sinon, elles peuvent être déclarées coupables d’agression sexuelle grave POSSIBILITÉ RÉALISTE Ce qui ne constitue pas une possibilité réaliste : 1) Pénétration vaginale lorsqu’un condom est utilisé ET (pas OU) 2) Que la charge virale de la personne est faible (inférieure à 1500 copies/ml) ou indétectable (inférieure à 200 copies/ml) « Si les deux conditions ne sont pas présentes, il y a obligation de divulguer son statut sérologique dans le contexte de relations sexuelles. La non- divulgation peut vicier le consentement et représenter une fraude au sens de la loi sur l’agression sexuelle » (Swiffen & French, 2018, p. 560, traduction libre) POSSIBILITÉ RÉALISTE ET INTERVENTION : EN FONCTION DU CONTEXTE JURIDIQUE ACTUEL Si vous conseillez des personnes qui vivent avec le VIH et qui vous demandent si elles sont obligées légalement de divulguer, et comment faire pour éviter les risques de poursuites, vous avez la responsabilité de leur dire : Vous n’avez pas l’obligation légale de divulguer si un condom est utilisé lors d’une relation sexuelle avec pénétration et que votre charge virale est faible ou indétectable Pour éviter les poursuites, éviter les relations sexuelles sans préservatif en l’absence de charge virale faible ou indétectable, même si on suit un traitement AVR Il est préférable de divulguer clairement, explicitement, et de conserver des preuves (écrites) de la divulgation Conserver un registre de charge virale et procéder à un suivi médical régulier Ne tiennent pas compte des défis liés à une maladie lourdement stigmatisée Divulgation peut entraîner rejet, violence, préjudice N’apportent pas de précision sur les rapports oraux et anaux CONSÉQUENCES Créent davantage de freins aux efforts de santé DES ARRÊTS publique et à la divulgation aux professionnels de la santé (les dossiers médicaux peuvent être cités en MABIOR ET D.C preuve) (SWIFFEN & FRENCH, 2018) Ouvrent la porte au chantage, aux menaces de poursuites Ne font pas de distinction entre silence (ne pas divulguer) et mensonge (consentement vicié, fraude) Peut poursuivre même si le Mens Rea n’est pas démontré (intention de faire du mal, de causer un tort) CONSÉQUENCES DES ARRÊTS MABIOR ET D.C (SWIFFEN & FRENCH, 2018) Démontrer une charge virale faible ou indétectable n’est pas chose simple pour tous les segments de la société Pauvreté Éloignement des grands centres urbains Traitements et services de soins ne sont pas facilement accessibles pour tout le monde de manière équitable Rapport de confiance avec le personnel soignant devient plus complexe PASSAGES : LE DROIT CANADIEN EN ÉVOLUTION CONSTANTE Avant octobre 2012 : Risque important Depuis octobre 2012 : Possibilité réaliste de transmission Ce qui ne constitue PAS une possibilité réaliste : 1) Pénétration vaginale lorsqu’un condom est utilisé ET 2) Que la charge virale de la personne est faible ou indétectable (en-dessous de 1500 copies/mL) 2018 : Directive du procureur général fédéral (directive contraignante à l’intention du Service des poursuites pénales) pour diminuer les cas de poursuites 2018 : DIRECTIVE DU PROCUREUR GÉNÉRAL FÉDÉRAL S’applique aux territoires (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut) Deux provinces (Ontario et Colombie-Britannique) ont mis officiellement en application une politique qui limite les possibles poursuites Directive mentionne de : Ne pas intenter de poursuites dans les cas de charge virale indétectable Ne pas utiliser les infractions à caractère sexuel pour criminaliser la non- divulgation Un flou demeure quant aux risques de poursuites DROIT CRIMINEL CANADIEN (SWIFFEN & FRENCH, 2018) 4 grands objectifs du droit criminel canadien 1. La punition (payer pour son crime, incarcération) 2. La réhabilitation 3. Protection de la société 4. Dissuasion Avec la criminalisation de la non-divulgation on souhaite Limiter la propagation du virus Protéger la société et stimuler la dissuasion (générale et spécifique) (Adam et al., 2014) CONCEPTION DU SUJET (DE L’INDIVIDU) DANS LE DROIT CRIMINEL (ADAM ET AL., 2014, P. 41, TRADUCTION LIBRE) Une conception du comportement humain qui présuppose que : Les personnes porteuses du VIH peuvent et doivent assumer la responsabilité d’avertir leurs partenaires Les partenaires, une fois avertis, vont agir afin d’éviter les risques d’infections « C'est un modèle de comportement humain qui fonde une bonne partie du droit dans les sociétés libérales et démocratiques: les gens sont conçus comme des êtres autonomes, rationnels, en mesure d’établir et de suivre les clauses contractuelles de manière volontaire dans un contexte d’interaction sexuelle » si tu contractes ITSS c'est de ta faute mais humains ø rationnels --> sexualité = émotionnel LES LIMITES DE Dans le contexte de la criminalisation de la non- divulgation, qu’est-ce qu’on omet de considérer? CETTE CONCEPTION Est-ce que la sexualité humaine est un phénomène DE L’INDIVIDU DANS simple, qui va de soi, où le pouvoir et la LE DROIT CRIMINEL négociation sont faciles, et ce, pour tout le (ADAM ET AL., 2014) monde? CONSÉQUENCES DE LA CRIMINALISATION ET DE L’USAGE DU DROIT CRIMINEL Dans une relation sexuelle consentante, la responsabilité incombe aux deux parties engagées Avec la criminalisation, la responsabilité n’incombe qu’à la personne infectée En ce qui concerne l’agression sexuelle : risque de dénaturer cette catégorie de délit : l'act de l'agression « affaiblit l’intégrité des lois sur les agressions sexuelles comme outils pour lutter contre la violence sexuelle » (Réseau Juridique Canadien VIH/SIDA, 2019, p. 1) CRITIQUES DE LA CRIMINALISATION (BARRÉ-SINOUSSI ET AL., 2018) Le législatif ne tient pas compte des évidences, données scientifiques et avancées récentes L’usage du pénal est teinté du stigmate social et la peur associés au VIH La possibilité de transmission dépend d’une variété de facteurs concomitants Usage du condom Charge virale Comportements adoptés (actes; pénétration vaginale, anale, orale…) Possibilité de transmission classifiée en termes de : faible, négligeable, pas de possibilité déséquilibre de pouvoir Peu d’effets dissuasifs Pas de réhabilitation Peu d’effets à réduire les taux de prévalence et d’incidence DROIT PÉNAL ET Peut porter atteinte à la vie privée TRANSMISSION DU Si recours accru : risque d’engendrer comme effet VIRUS que les gens auront peur de se faire tester/dépister Climat de méfiance entre client.e.s, patient.e.s et professionnels de la santé Tandis que la santé publique encourage le dépistage. Deux logiques incompatibles LOI SUR LA SANTÉ PUBLIQUE Chaque province édicte ses lois sur la santé publique. Ce qu’elles ont toutes en commun : 1. Catégoriser les maladies infectieuses 2. Imposer aux professionnels l’obligation de rapporter les cas de certaines maladies 3. Conférer des pouvoirs afin de protéger la santé du publique Possibilités de mettre en place des mesures coercitives (ordonnances de santé publique) mais tout de même moins stigmatisantes qu’un enfermement et dossier judiciaire (mesures pénales) ex. informer les partenaires qui ont été en contact avec toi SANTÉ PUBLIQUE COMME APPAREIL DE GOUVERNEMENTALITÉ : SANTÉ PUBLIQUE VERSUS LA LOI CRIMINELLE (YOUNG, 2015) La santé publique véhicule des discours et des messages qui se transforment en normes comportementales concernant le safer sex (sécurisexe) (questionner les partenaires sur leur statut sérologique, usage de moyens de protection, avoir certaines pratiques sexuelles en fonction du niveau de risque, etc.). Le tout, dans des visées épidémiologiques de protection de la santé des populations Il en revient à l’individu d’évaluer et gérer le risque L’individu est responsable de son bien-être et de sa santé (en contexte néolibéral) Le pouvoir des normes opère à travers les individus SANTÉ PUBLIQUE COMME APPAREIL DE GOUVERNEMENTALITÉ : SANTÉ PUBLIQUE VERSUS LA LOI CRIMINELLE (YOUNG, 2015) La loi criminelle (agression sexuelle) : s’attend à ce que ce soit la personne infectée seulement qui s’occupe de minimiser les risques. « La loi sur l’agression sexuelle stipule qu’une personne est prédatrice et l’autre victime » (p. 188, traduction libre) Santé publique Loi criminelle le fait de ne pas Le pouvoir opère à travers la Le pouvoir est un rapport de force qui informer qui est criminel subjectivité des individus qui se protège une seule personne. On responsabilisent. Les normes sont de responsabilise la personne porteuse du natures plus sociales. On VIH responsabilise tout le monde SANTÉ PUBLIQUE COMME APPAREIL DE GOUVERNEMENTALITÉ : SANTÉ PUBLIQUE VERSUS LA LOI CRIMINELLE (YOUNG, 2015) La négociation et la confiance est donc unidirectionnelle (la victime met sa confiance en l’accusé). Même si l’on sait que : Les rapports sexuels surviennent souvent entre personnes qui ne se connaissent pas beaucoup et qui peuvent être hésitantes à dévoiler certaines informations personnelles L’ouverture de soi vient avec le développement d’une relation et l’instauration d’une certaine confiance La négociation est un processus de concessions mutuelles Les gens ont des rapports sexuels pour plusieurs raisons, dans divers types de contexte SANTÉ PUBLIQUE COMME APPAREIL DE GOUVERNEMENTALITÉ : SANTÉ PUBLIQUE VERSUS LA LOI CRIMINELLE (YOUNG, 2015) Donc, est-ce que la loi criminelle est le meilleur outil pour gérer la problématique? La personne infectée doit divulguer Même si les contingences dépendent de notre position sociale, du contexte relationnel, des inégalités de pouvoir La gouvernementalité ne rejoint pas tout le monde de la même manière Les normes et attentes (quant au sécurisexe) peuvent diverger en fonction de certaines personnes, de certains groupes, certains contextes Les lois sont rigides et créent des règles « universelles » pour criminaliser un problème complexe qui survient dans des contextes divers CRIMINALISATION DE LA NON-DIVULGATION ET LE STIGMATE (SWIFFEN & FRENCH, 2018) Plus la stigmatisation est forte en ce qui concerne le fait de vivre avec le VIH, plus les gens hésiteront à se faire dépister Mais : La santé publique encourage le dépistage précoce volontaire pour gérer l’infection et réduire la transmission La santé publique souhaite réduire la stigmatisation On oblige la divulgation sous la menace de la loi La santé publique souhaite réduire la stigmatisation, la loi criminelle stigmatise et freine les efforts de la santé publique CRIMINALISATION DE LA NON-DIVULGATION ET LE STIGMATE Facteurs négativement associés au dépistage (Barth et al., 2002; Banikarim et al., 2003; Cunningham et al., 2001; DiCensio et al., 2001; Fortenberry et al., 2002; Goldenberg et al., 2008; Scoular et al., 2001; Shoveller et al. 2007; Shoveller et al., 2009; Tilson et al, 2004; Uuskula, Kangur & McNutt, 2006) Accessibilité géographique et offre de services Services difficilement accessibles géographiquement ↓ Heures d’ouvertures restreintes ↓ Engorgement du service ↓ Stigmatisation associée aux ITSS Peur de se faire reconnaître dans la salle d’attente ↓ Moindre aisance à parler d’ITSS avec un.e professionnel.les de la santé ↓ Peur que les professionnel.les effectuent un bris de confidentialité ↓ Déni des ITSS, peur des ITSS, peur du résultat au dépistage ↓ 36 IMPACTS DE LA CRIMINALISATION DANS LA VIE QUOTIDIENNE DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH (ADAM ET AL., 2014) 122 entretiens auprès de personnes vivant avec le VIH concernant les impacts de la criminalisation sur leur sentiment de sécurité personnelle et leurs relations romantiques et sexuelles Ambiguïtés, tensions, insécurités, incertitudes Sentiments de peur et de vulnérabilité qu'on utilise notre statut contre nous Fardeau de la preuve tombe sur elles (coupables jusqu’à preuve du contraire) Pris dans la rhétorique de « qui a dit quoi à qui, comment et quand », la parole de l’un.e contre l’autre Peur que la menace de poursuite soit utilisée par certain.e.s partenaires Sont ceux et celles qui… CEUX ET CELLES divulguent systématiquement POUR QUI LA négocient ouvertement leur statut sérologique et CRIMINALISATION A préfèrent des partenaires séro-concordants attention aux différentes sortes de considèrent que la divulgation est la chose virus MOINS D’IMPACTS moralement bonne à faire peu importe la loi (ADAM ET AL., 2014, P. 43) n’ont pas de rapports sexuels CRIMINALISATION : CONSÉQUENCES PLUS LOURDES POUR LES FEMMES Les lois ne règlent pas les inégalités de fond liées au genre La violence augmente le risque d’infection et le diagnostic augmente le risque de violence Criminalisation secondaire : on stigmatise une personne déjà stigmatisée La négociation des rapports sexuels n’est pas toujours chose simple (pouvoir) "si tu ne le fais pas personne d'autre va t'aimer" usage de condom externe ne dépend pas de nous CONSÉQUENCES DES LOIS : PLUS LOURDES POUR LES FEMMES (JÜRGENS ET AL., 2009) Pour 3 raisons : 1. Les femmes sont plus enclines à connaitre leur statut sérologique Utilisent plus le système de santé que les hommes 2. Blâme plus sévère quant à leur responsabilité (elles ont introduit le virus dans le couple, la famille, la communauté) et le stigmate est lourd de conséquence 3. Certaines femmes peuvent être poursuivies pour transmission durant l’accouchement ou l’allaitement POURQUOI S’OPPOSER À L’USAGE DU DROIT PÉNAL? (JÜRGENS ET AL., 2009) Place un poids indu sur l’individu pour la prévention de la transmission du VIH La peur des poursuites éloigne des services les populations reconnues comme étant plus vulnérables (usager.ère.s de drogues par injection, personnes travailleuses du sexe, HARSAH) « La recherche démontre que le recours actuel au droit criminel augmente la stigmatisation et la discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH, nuit à des initiatives de santé publique et, au bout du compte, porte atteinte aux droits humains des personnes qui vivent avec le VIH » (Hastings et al., 2017, p. 1) AU LIEU D’UTILISER LA LOI PÉNALE, ALLOCATION DE RESSOURCES DANS DES MESURES QUI FONT UNE DIFFÉRENCE (JÜRGENS ET AL., 2009, P. 169) Universalité et accessibilité de l’information et de la prévention Éducation à la sexualité pour les jeunes Accès aux tests de dépistage Droit aux traitements et accès aux traitements qui réduisent les risques (PPE, PrEP, condoms, matériel d’injection stérile…) Programmes de prévention qui s’attaquent aux sources de vulnérabilités systémiques (violence sur la base du genre, les iniquités de genre, la discrimination, le stigmate associé au virus) Éradication de toutes les lois qui freinent les efforts de prévention et qui frappent plus fort certaines populations plus vulnérables (travail de sexe de rue/de survie, usage de drogues par injection, pratiques entre personnes de même sexe) EXEMPLE DE CAMPAGNE DE SENSIBILISATION DÉSTIGMATISANT LE VIH #WereAllClean 43 RESSOURCES Le site Web de la COCQ-SIDA (organisme québécois) contient plusieurs informations sur l’état de la question : https://www.cocqsida.com/nos-dossiers/droits-et-vih/criminalisation-de-lexposition-au-vih.html Le site Web du Réseau Juridique Canadien VIH/SIDA contient une manne d’informations pertinentes concernant plusieurs sujets en lien avec la sexologie et la sexualité humaine (droits des LGBTQ, droit des femmes, travail du sexe…), avec un onglet spécifique concernant la criminalisation de la non-divulgation au VIH/SIDA : http://www.aidslaw.ca/site/our-work/criminalization/?lang=fr Un feuillet qui donne des informations pratiques et vulgarisées : http://www.aidslaw.ca/site/wp-content/uploads/2014/09/CriminalInfo2014_FRA.pdf Document de travail de la chambre des communes du Canada (2019) : https://www.noscommunes.ca/Content/Committee/421/JUST/Reports/RP10568820/justrp28/justrp28-f.pdf Documentaire Consentement : La non-divulgation du VIH et la loi sur l’agression sexuelle (AIDSLAW, 2015) : https://vimeo.com/142252855